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Aristophane, l'Assemblée des femmes (extrait).

Publié le 07/05/2013

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Aristophane, l'Assemblée des femmes (extrait). Quand les femmes athéniennes, fortes de leurs talents domestiques, décident de s'emparer du pouvoir, c'est pour fonder une constitution reposant sur la communauté des êtres et des biens, et l'exercice de la loi de la priorité pour les plus laides et les plus vieilles. L'organisation de la vie dans cette gynécocratie ne va pas sans dérapages et situations délicates, parfois absurdes, dont Aristophane profite pour pousser à l'extrême du ridicule chacun des principes de la démocratie. Quand le pouvoir change de sexe, la cité est comme une grande maison dont même la maîtresse a la tête à l'envers. L'Assemblée des femmes d'Aristophane (acte II, scène 4) PRAXAGORA, PLUSIEURS FEMMES PREMIÈRE FEMME Il est temps de se mettre en marche ; le héraut, tout à l'heure, quand nous sortions, a crié « Coucou « pour la seconde fois. PRAXAGORA Et moi j'ai veillé toute la nuit à vous attendre ; mais voyons que j'appelle cette voisine en grattant à sa porte. Il ne faut pas que son mari s'en aperçoive. SECONDE FEMME J'ai entendu, en me levant, le frottement de tes doigts, puisque je ne dormais pas. Mon mari, ma très chère -- c'est d'un Salaminien que je suis la conjointe -- m'a harcelée toute la nuit sous les couvertures, et je n'ai pu qu'à l'instant même lui prendre ce manteau que voici. PREMIÈRE FEMME Ah voilà, j'aperçois et Clinarétê et Sostratè qui s'avancent avec Philénétè. PRAXAGORA Voulez-vous vous hâter ? Glycé a juré que la dernière arrivée payerait une amende de trois conges de vin et d'un chénice de pois chiches. PREMIÈRE FEMME Ne vois-tu pas Mélistichè de Smicythion accourant vite dans ses grosses chaussures ? Elle m'a l'air d'être la seule qui soit sortie tout à son aise au su de son mari. DEUXIÈME FEMME Et celle du cabaretier, Gueusistratè, ne la vois-tu pas avec sa torche dans sa main droite ? Et celle de Philodorétos ? Et celle de Chérétadès ? PRAXAGORA Je vois venir d'autres femmes aussi, en foule, ce qu'il y a de mieux dans la cité. TROISIÈME FEMME Moi, ma très chère, j'ai eu bien du mal à m'évader et disparaître, car mon mari a toussé toute la nuit, s'étant gorgé de sardines hier soir. PRAXAGORA Asseyez-vous donc, que je vous demande, puisque je vous vois réunies, si vous avez exécuté toutes les décisions prises aux Scires. QUATRIÈME FEMME Moi, oui. D'abord j'ai les aisselles velues : c'est pire qu'une forêt, comme il était convenu entre nous. Puis, toutes les fois que mon mari se rendait à l'agora, je m'oignais tout mon corps et me chauffais toute la journée debout, en plein soleil. CINQUIÈME FEMME Moi aussi. J'ai d'abord jeté hors de la maison mon rasoir, afin de devenir toute velue et de ne plus ressembler du tout à une femme. PRAXAGORA Et avez-vous vos barbes qu'il était convenu qu'on aurait toutes à la réunion ! QUATRIÈME FEMME Oui, par Hécate, moi j'ai la belle barbe que voici. CINQUIÈME FEMME Et moi, une bien plus belle que celle d'Epicratès. PRAXAGORA Et vous, que dites-vous ? QUATRIÈME FEMME Elles font signe que oui, de la tête. PRAXAGORA Pour le reste certes, je vois que c'est fait. Vous avez des chaussures laconiennes, des bâtons, et les manteaux de vos maris comme nous l'avions dit. SIXIÈME FEMME Pour moi, j'ai dérobé à Lamias ce bâton-ci que j'ai emporté quand il dormait. PRAXAGORA C'est un de ces bâtons sur lesquels il s'appuie pour péter. SIXIÈME FEMME Oui, par Zeus Sauveur, s'il endossait la peau de celui qui voit tout, il serait, comme pas un, capable de mener paître... le bourreau. PRAXAGORA Allons, songeons à arrêter ce qui nous reste à faire, tandis qu'il y a encore des étoiles au ciel. L'Assemblée à laquelle nous nous sommes préparées à nous rendre s'ouvrira dès l'aurore. PREMIÈRE FEMME Oui, par Zeus, aussi faut-il que tu te places au pied de la tribune, face aux prytanes. SEPTIÈME FEMME Voyez donc par Zeus ce que j'ai apporté pour carder en attendant que l'Assemblée soit au complet. PRAXAGORA Au complet ? Malheureuse... SEPTIÈME FEMME Oui, par Artémis, oui. N'entendrai-je pas tout aussi bien en cardant ? Et mes petits sont nus. PRAXAGORA Voyez un peu, carder ! Quand il ne faudrait rien montrer de notre corps aux spectateurs ! Ne nous en arriverait-il pas de belles si, dans l'Assemblée au complet, quelqu'une, en sautant par-dessus les banquettes, soulevait sa robe et laissait voir son... Phormisios ? Mais si nous prenons place les premières on ne s'apercevra pas que nous nous sommes affublées de ces manteaux. Et quand nous aurons déployé les barbes que nous attacherons, qui ne nous prendrait pas, là-bas, pour des hommes, en nous voyant ? Agyrrhios portait bien la barbe de Pronomos sans qu'on s'en doutât. Il était pourtant femme auparavant. Et maintenant, vois-tu, il occupe les plus hautes dignités dans la cité. Aussi, ma parole, par le jour qui approche, osons, par un tel trait d'audace, essayer de mettre la main sur les affaires de la cité pour lui faire aussi un peu de bien. Car, présentement, nous n'avançons ni à la voile, ni à la rame. SEPTIÈME FEMME Et comment une assemblée de femmes avec des sentiments féminins haranguera-t-elle la masse ? PRAXAGORA De la manière la plus habile, tu peux dire. On dit que les petits jeunes gens qui se font le plus travailler sont aussi les plus habiles parleurs ; or nous avons cette ressource-là par bonheur. SEPTIÈME FEMME Je ne sais pas ; c'est une mauvaise chose que l'inexpérience. C'est précisément pour cela que nous nous sommes rassemblées ici, afin de nous exercer d'avance à répéter ce que nous devons dire là-bas. Ne pourrais-tu pas te dépêcher d'attacher ta barbe toi, et toutes celles qui sont déjà exercées à parler ? HUITIÈME FEMME Mais, ma chère, laquelle de nous ne sait pas parler ? PRAXAGORA Allons, toi, attache ta barbe et sois vite un homme. Moi, je dépose ces couronnes pour mettre la mienne moi aussi, avec vous, pour le cas où je jugerais à propos de parler. SECONDE FEMME Ici, ma très douce Praxagora ; regarde, malheureuse, comme cela paraît ridicule. PRAXAGORA Comment ridicule ? SECONDE FEMME C'est comme si l'on avait mis des barbes à des seiches grillées. PRAXAGORA Purificateur, fais le tour avec la belette ; rangez-vous sur le devant. Ariphradès, cesse ton babil. Ôte-toi de devant et assieds-toi. Qui demande la parole ? HUITIÈME FEMME Moi. PRAXAGORA Mets-toi la couronne alors, et bonne chance. HUITIÈME FEMME Voilà. PRAXAGORA Tu peux parler. HUITIÈME FEMME Et dois-je parler avant de boire ? PRAXAGORA Voyez-moi ça... boire ! HUITIÈME FEMME Qu'avais-je donc besoin, ma chère, de mettre une couronne ? PRAXAGORA Va-t'en d'ici, tu nous aurais joué le même tour là-bas. HUITIÈME FEMME Eh quoi ? Ne boivent-ils pas, eux, même à l'Assemblée ? PRAXAGORA Voyez-vous ça... Pour toi, oui, ils boivent. HUITIÈME FEMME Oui, par Artémis, et qui plus est, du pur. Ce qu'il y a de sûr, c'est que tous leurs décrets, pour ceux qui réfléchissent à tout ce qu'ils ont fait, portent la marque de la démence... comme les actes des gens ivres. En outre, par Zeus, ils font des libations. Ou alors pourquoi feraient-ils tant de prières si le vin n'y figurait pas ? De plus, ils s'injurient comme des gens qui ont bu tout leur saoul, et des archers traînent alors celui qui, pris de boisson, se tient mal. PRAXAGORA Toi, va-t'en t'asseoir, tu n'es bonne à rien. Source : Aristophane, l'Assemblée des femmes, in Théâtre complet, volume 2, trad. par M.-J. Alfonsi, Paris, Garnier-Flammarion, 1966. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.
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« CINQUIÈME FEMME Et moi, une bien plus belle que celle d’Epicratès. PRAXAGORA Et vous, que dites-vous ? QUATRIÈME FEMME Elles font signe que oui, de la tête. PRAXAGORA Pour le reste certes, je vois que c’est fait.

Vous avez des chaussures laconiennes, des bâtons, et les manteaux de vos maris comme nous l’avions dit. SIXIÈME FEMME Pour moi, j’ai dérobé à Lamias ce bâton-ci que j’ai emporté quand il dormait. PRAXAGORA C’est un de ces bâtons sur lesquels il s’appuie pour péter. SIXIÈME FEMME Oui, par Zeus Sauveur, s’il endossait la peau de celui qui voit tout, il serait, comme pas un, capable de mener paître… le bourreau. PRAXAGORA Allons, songeons à arrêter ce qui nous reste à faire, tandis qu’il y a encore des étoiles au ciel.

L’Assemblée à laquelle nous nous sommes préparées à nous rendre s’ouvrira dès l’aurore. PREMIÈRE FEMME Oui, par Zeus, aussi faut-il que tu te places au pied de la tribune, face aux prytanes. SEPTIÈME FEMME Voyez donc par Zeus ce que j’ai apporté pour carder en attendant que l’Assemblée soit au complet. PRAXAGORA Au complet ? Malheureuse… SEPTIÈME FEMME Oui, par Artémis, oui.

N’entendrai-je pas tout aussi bien en cardant ? Et mes petits sont nus. PRAXAGORA Voyez un peu, carder ! Quand il ne faudrait rien montrer de notre corps aux spectateurs ! Ne nous en arriverait-il pas de belles si, dans l’Assemblée au complet, quelqu’une, en sautant par-dessus les banquettes, soulevait sa robe et laissait voir son… Phormisios ? Mais si nous prenons place les premières on ne s’apercevra pas que nous nous sommes affublées de ces manteaux.

Et quand nous aurons déployé les barbes que nous attacherons, qui ne nous prendrait pas, là-bas, pour des hommes, en nous voyant ? Agyrrhios portait bien la barbe de Pronomos sans qu’on s’en doutât.

Il était pourtant femme auparavant.

Et maintenant, vois-tu, il occupe les plus hautes dignités dans la cité.

Aussi, ma parole, par le jour qui approche, osons, par un tel trait d’audace, essayer de mettre la main sur les affaires de la cité pour lui faire aussi un peu de bien.

Car, présentement, nous n’avançons ni à la voile, ni à la rame. SEPTIÈME FEMME Et comment une assemblée de femmes avec des sentiments féminins haranguera-t-elle la masse ? PRAXAGORA De la manière la plus habile, tu peux dire.

On dit que les petits jeunes gens qui se font le plus travailler sont aussi les plus habiles parleurs ; or nous avons cette ressource-là par bonheur. SEPTIÈME FEMME Je ne sais pas ; c’est une mauvaise chose que l’inexpérience.

C’est précisément pour cela que nous nous sommes rassemblées ici, afin de nous exercer d’avance à répéter ce que nous devons dire là-bas.

Ne pourrais-tu pas te dépêcher d’attacher ta barbe toi, et toutes celles qui sont déjà exercées à parler ? HUITIÈME FEMME Mais, ma chère, laquelle de nous ne sait pas parler ? PRAXAGORA. »

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