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Article de presse: David Lange, apôtre perdu en politique

Publié le 22/02/2012

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7 août 1989 -   David Lange affectionne le coup d'éclat. Il en a même fait un art en politique. Enfant terrible d'une Nouvelle-Zélande ombrageuse, il n'a pas craint d'aller dire leur fait à de grandes puissances comme la France et les Etats-Unis. Peu versé dans l'idéologie, il croit surtout, avec la conviction tranquille d'un adepte de l'Eglise méthodiste, en quelques vérités simples sur lesquelles il ne transige pas. Ronald Reagan, lors de la crise de l'ANZUS, puis François Mitterrand et Jacques Chirac, dans l'affaire du Rainbow-Warrior, se sont heurtés à un interlocuteur teigneux, coriace, psalmodiant imperturbablement de grands principes, tandis qu'on le menaçait d'une batterie de mesures de rétorsion.    Né il y a quarante-sept ans dans la banlieue d'Auckland, David Lange, aîné d'une famille de quatre enfants, est très tôt marqué par l'enseignement reçu à l'Eglise méthodiste. Les questions sociales l'attirent. C'est donc tout naturellement que, son diplôme de droit en poche, il se tourne vers une carrière d'avocat spécialisé dans la défense des déshérités et des exclus. Il rentre en politique en 1977 au sein du Parti travailliste, à l'époque dans l'opposition. Ses compétences juridiques sont mises à profit par la direction du parti qui, un an plus tard, lui confie la tâche de porte-parole pour les affaires de justice. C'est le début d'une brillante carrière. En 1983, il est propulsé à la tête du mouvement travailliste. Et il accède, en juillet 1984, après l'échec du Parti conservateur de Sir Robert Muldoon, à la charge de premier ministre. Il est le plus jeune chef de gouvernement depuis le début du siècle.    La Nouvelle-Zélande va alors se trouver tirée d'un long sommeil par ce jeune hussard conduisant des réformes au pas de charge tout en slalomant entre les factions travaillistes. A l'aile gauche, il offre sur un plateau une politique étrangère de rêve : pacifisme, anti-américanisme, campagnes antinucléaires. A l'aile droite, il concède une politique économique ultralibérale dont le maître d'oeuvre sera son ministre des finances d'alors, Roger Douglas-qui déréglemente à tour de bras et taille dans les dépenses sociales. Ce savant dosage lui a pleinement réussi, puisque les travaillistes sont réélus en 1987. Mais la contradiction se révèle vite insupportable.    Estimant que Roger Douglas va beaucoup trop loin dans ses potions thatchériennes, David Lange freine des quatre fers, plaide pour une réhabilitation des anciennes politiques sociales et exclut du cabinet, en décembre 1988, son ancien compère devenu rival.    Ce nouveau coup de barre à gauche ne suffit pourtant pas à enrayer l'érosion de sa cote de popularité, qui chute, en deux ans, de 70 % à 11 %, tandis que se développe la fronde des parlementaires du parti, favorables à un retour aux affaires de Roger Douglas. Avec le superbe détachement qui sied si bien à son personnage d'apôtre perdu dans la politique, David Lange décide alors de jeter l'éponge, arguant de problèmes de santé-il a été opéré du coeur l'an dernier,-sûr qu'il ne lui déplaira pas de retrouver, dans son pavillon d'Auckland, sa famille, qui ne l'avait pas suivi dans la capitale, Wellington. On dit qu'il était las de cuisiner ses spaghettis tout seul. FREDERIC BOBIN Le Monde du 8 août 1989

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