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Balzac, la femme de 30 ans

Publié le 11/01/2011

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BALZAC, La femme de trente ans, 1831     Balzac, 1789 1850. Première publication de l’oeuvre en 1831, remaniée en 1834. Une série de tableaux détachés, qui nous montre différents moments de la vie d’une femme. On peut mettre ce roman avec Le Lys dans la vallée, car ces deux romans sont des scènes de la vie de province. Des similitudes de situation entre les deux romans, deux femmes de 30 ans qui sacrifient leur amour à leur vertu et surtout à leurs enfants. Mais Julie, l'héroïne de la femme de trente ans a un enfant adultérin et sera punie. Mariage très mal vu par Balzac, «une prostitution légale«. Le mariage échec dans les deux cas, avec le «mari nul« . Les deux romans se passent en Tourenne, et des patronymes aussi car les noms des personnages reviennent. On trouve ici Balzac en quelque sorte comme le père du bovarysme (Mme Bovary 1857). Le titre original de Mme Bovary était Moeurs de Province. De nombreuses ellipses, des différences de ton, on a l’impression d’un roman un peu fait de bric et de broc, et on peut se demander parfois si les noms désignent deux personnages différents. Ici, un texte un peu à part, c’est l’ouverture de la 4eme partie, donc la dernière, Le doigt de Dieu. Le roman alterne espace parisien et espace provençal, et cette 4eme partie s’ouvre sur une vue de Paris, donc on a la un regard qui embrasse toute la ville. Ce n’est pas une description balzacienne habituelle. Il y a d’habitude toujours une description qui sert à insérer le personnage, alors qu’ici cette description est en quelque sorte «scandaleuse«, car elle est complètement coupée d’un contexte, elle fait comme une unité. Elle ouvre la dernière partie où il va se passer une scène horrible. Un enfant qui s’appelle Hélène, qui a huit ans, et Charles, l’enfant adultérin. Dans la scène terrible, Hélène pousse dans l’eau de la Bièvre le petit Charles six ans, qui meurt noyé. Mais pour l’instant on a cette description qui a l’air de se suffire à elle même et ne semble pas insérée dans un récit.   Barrière d’Italie = barrière qui servait à éviter la contrebande «le mur murant Paris rend Paris murmurant« . Mur assez mal vu par les Parisiens, moyen de récupérer des taxes. La Bièvre est une rivière, complètement souterraine aujourd’hui (dans le quartier des Gobelins), mais que l’on voyait à l’époque de Balzac. Elle s’est appelée ensuite rivière des Gobelins. Le faubourg Saint-Marceau, quartier assez populaire, on a des habitations à l’époque éloignées du mouvement central de la ville. C’est une extrémité de la ville. Le Panthéon, au coeur du quartier latin, dans le 5 ème. Lieu où repose les grands hommes qui ont fait la France. Le Val-de-Grâce, ancienne église devenu hôpital militaire après la Révolution. Des échos entre le dôme du panthéon et celui du Val-de-Grâce, deux formes qui se font écho. L’Observatoire, bâtiment plutôt du 17 ème siècle, il est rapproché ici des Invalides, là par des jeux de lumière (toit vitré de l’Observatoire, l’élégante lanterne des Invalides). Les Invalides = aussi hôpital militaire, lié à Napoléon, son corps a été transféré en 1861 aux Invalides. Saint-Sulpice, bâtiment ancien, qui a énormément grandi, et sa grande hauteur l’avait désigné pour recevoir un télégraphe aérien. Le canal Saint-Martin, canal de 4km et demi, de petit gabarit, qui communique avec la Seine. Les Greniers d’abondance, construits par Napoléon pour éviter les famines. Belleville, quartier populaire, commune créée en 1789, annexée à Paris par la suite. La Pitié, hôpital, chef lieu de l’hôpital général. Le cimetière de l’Est = le Père Lachaise, situé dans le XXe.   Résumé des idées de chacun sur le texte   Foisonnement qu’on a du mal à organiser. Plusieurs regards qui se superposent, avec ces tâches de peinture, cette dimension picturale, on est vraiment sur les tâches de couleur, et parfois une description onirique. On a plutôt le regard du peintre, qui côtoie celui de l’historien des moeurs ( «les misères du faubourg Saint Marceau«). On retrouve Balzac dans la pauvreté, une ville un peu inquiétante, un quartier qui n’a rien d’extraordinaire, et qui va s’intégrer, par ses couleurs, par ses formes, dans la description. Balzac comme archéologue de paris, impression un peu touristique, un côté visite guidée «sur votre droite«, «vous voyez devant vous«, «une perspective digne de ravir l’artiste ou le voyageur le plus blasé«... Un énonciateur qui est avec nous et nous montre les lieux, à travers une focalisation interne dédoublée en quelque sorte. L’énonciateur de manière un peu autoritaire emporte le lecteur et l’amène à voir «son« Paris. Une description peu réaliste, beaucoup de métaphores et de comparaisons. On a cette impression que l’humain est complètement absent, mais il réapparait en fait à travers la personnification des monuments et lieux décrits. A chaque fois que l’inquiétude gagne le texte, on rejoint la description positive, voire «guide du routard«. Il y a une rupture à la fin du texte avec le «cependant«.     Reprise et compléments   Un texte qu’il a écrit pour un autre bouquin, qu’il a exporté, un peu un morceau autonome, ce qui explique peut être son unité.   Le fait marquant c’est l’idée de complexité. Penser à mobiliser les outils de lecture de la description -> voir où se place le regard, regarder les marques locatives, ce qui est décrit, quel Paris, quelle est la fonction de la description, explicative, ornementale, symbolique, argumentative... Là au premier abord on a l’impression d’une description qui se développe un peu de façon autonome, qui n’a pas l’air de mener à un drame. Donc on a pas ici la véritable scène de présentation de Balzac, qui introduit le récit et les personnages. Une page qui parait sans motivation dans l’économie du récit. Mais si la description s’impose c’est qu’il y a quelque chose de précieux qui doit se dire. Deux images de la ville qui se superposent, un unique observateur, mais derrière cet unique observateur se découvre 2 regards différents, qui correspondent à deux visions du monde, l’une poétique et l’autre réaliste. C’est cela qui rend le texte intéressant. Quand la première vision s’impose, la description devient picturale, c’est l’artiste qui voit Paris, le temps est comme aboli et le registre sensible prédomine. Quand la seconde vision intervient, la description se fait moraliste, c’est l’historien des moeurs qui interprète la société, l’histoire est là. Ce partage n’est pas simple car on a vraiment du mal à différencier les deux regards, car la composition mêle les deux. Description qui fonctionne par contrastes, avec le beau rattrapé par les misères et la souffrance. Sur la progression, on peut voir un premier mouvement, de la ligne 1 à la ligne 11, avec d’abord l’observation par le point de vue de l’observateur, sa vision de premier plan, puis le regard s’éloigne progressivement. A partir de la ligne 11 jusqu’à la ligne 37 une description qui est panoramique, puisque ça embrasse tout Paris, et description approfondie depuis ce point de vue, ordonnée du proche au lointain, du 1er plan au dernier plan. Le texte se clôt sur une énigme, énigme d’une ville dans la ville qu’on ne voit pas et qui échappe au regard. Il y a un «vous« qui apostrophe le lecteur, une façon de l’impliquer, donc il y a fort à parier que la description ne sera pas si neutre que cela. C’est aussi une façon de vanter la description, sur des critères esthétiques, qui apparaissent comme une justification de la description, et de l’insérer. Il n’y a pas de marques temporelles, c’est étonnant pour Balzac. Un flou temporel, mais auquel s’associe une précision biographique. Le temps est un présent d’énonciation, mais au départ on a l’impression d’un présent de vérité générale. Un narrateur personnage de son récit. Il y a le désir de fixer une image, désir qui se manifeste dans le choix des témoins pour accréditer l’image: l’artiste et le voyageur. Le voyageur est un peu un topos du roman du XIX, preuve du réalisme. Il sert à accréditer la vision, il participe du pacte réaliste, dans le sens où ce qui est écrit est vérifiable. Ce regard de l’observateur qui est le double de l’historien des moeurs, analyse, interprète, c’est un herméneute. La description va se placer d’abord sous le signe de la beauté, et il y a une ballade. On s’attend à une vision euphorique alors que ce n’est en fait pas seulement ça. Partie sud de Paris, situation qui offre une position de maitrise, un point de vue en surplomb, qui permet une prise de possession du réel, point de vue idéal pour voir les monuments qui sont au nord. Et ensuite la description s’organise selon un regard panoramique. Il commence de gauche à droite, d’ouest en est. Il est en position de tout voir mais il choisit son angle de vue. Des éléments réalistes, mais aussi des éléments qui introduisent ce regard poétique. Deux catégories de descriptions, les éléments de la nature, et après le monde moderne, qui marque de son empreinte la nature («eaux brunes«). On a à la fois ville et campagne, le moderne et le rural qui se fondent l’un dans l’autre. Une interpénétration. Des déictiques spatiaux qui organisent la vision et donnent l’impression qu’on est en train de voir le paysage, «sur le versant opposé«, «à gauche«... Au fur et à mesure que l’on progresse dans le texte, les contrastes se font de plus en plus vifs. «les jouissances de la vue«, vision euphorique, qui ensuite amène la misère. On passe à un espace de la construction, étouffant (ligne 11). C’est comme si le regard change, il s’enfonce et devient celui de l’observateur, de l’historien des moeurs, qui va sous les toits et analyse la position de l’homme en dessous. Baudelaire écrit ceci sur Balzac qui regardait un tableau «il contemple une maisonnette et dit, que c’est beau, mais que font ils dans cette cabane, de quoi vivent-ils, est ce que la récolte a été bonne...« Mais il a plus de pudeur qu’Hugo par exemple, il affirme des choses que l’on sait déjà. On a un regard panoramique avec un discours qui reste en surplomb. Le regard repart de l’avant, et ainsi est chassée la vision, «la magnifique coupole du panthéon«. C’est le Paris monumental et glorieux qui remplace le Paris misérable. Un regard d’esthète qui désigne Paris comme espace de la comédie humaine, «l’amphithéâtre«. Une vision qui se poétise d’une légère poétisation, mélancolique, orgueilleusement, qui va rapidement introduire l’idée de la souffrance. Le  Panthéon, glorieux, mais cimetière. Le texte procède toujours par un retour à la méprise. Les phrases commencent par une note heureuse et échouent «le jour passe en produisant d’inexplicables fantaisies, apparait comme un spectre noir et décharné«. Une structure fractale dans l’ensemble du texte, une mise en abime un peu dans la composition. A chaque fois que la description progresse, elle se laisse gagner par une forme de terreur, et ensuite on revient au positif. A chaque fois un decrescendo de la rêverie. Une lamentation sur le temps. Idée que l’écriture est aussi une épopée. Un point de vue en surplomb qui tient à distance les choses, et idéalise l’espace. Rythme ternaire ligne 33. Le réel est vu avec un regard d’esthète, la beauté et l’abondance sont ici partout. L’entrelacs se démêle avec ce dernier plan qui était une fausse conclusion. Une ville indéfinie, qui échappe à la perception et à la conscience. Quelque chose qui est une agonie continuelle, on est dans la désorientation qui est le signe du désarroi. Connotation brute, «la souffrance et la mort«.On a donc une chute dans tous les sens du terme, de haut en bas. On avait pas de perceptions auditives avant cette fin. Comparaison de Paris avec l’océan récurrente, qui rappelle la devise de Paris «Il flotte mais ne sombre pas«. Cet océan et son mouvement perpétuel comme une menace, un grondement qui pose une présence à la fois irrécusable et obscure, «je suis là«, et le lecteur est interpellé.

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