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Baudelaire, Paysage

Publié le 11/09/2006

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Introduction A plusieurs reprises, dans Les Fleurs du Mal, Baudelaire définit sa démarche poétique et ses sources d’inspiration. Dans ce poème « Paysage «, qui est le premier de la section « Tableaux Parisiens «, il fait une déclaration d’intention : à la 1ère personne, il présente le contexte de la création poétique, la ville et les thèmes de son inspiration. Il apparait aussi qu’il passe de la déclaration à la réalisation. Tout en précisant comment le réel se métamorphose, et en le montrant, il fait comprendre la nécessité de la solitude et de l’isolement. Le poème est construit en deux strophes inégales d’alexandrins, et se présente comme un art poétique définissant l’inspiration et la démarche poétique tout en les mettant en œuvre. I. Le poète dans la ville : les lieux, les gens et l’époque Le poème, qui s'ouvre sur la présentation des lieux de composition, comporte de nombreuses indications faisant référence a un contexte historiquement identifiable, celui de la ville au siècle des révolutions. • Les lieux : sous des formes et avec des connotations diverses, les lieux sont exprimés dans le texte. La localisation au prés du ciel (v. 2) est précisée dans un ancrage plus nettement social par le mot mansarde (v. 5), qui renvoie à la condition matérielle de l'artiste, pauvre et logé sous les toits. Le lieu d’observation permet de saisir d'autres endroits, qui sont eux-mêmes représentatifs. Ainsi les termes qui entrent dans l'énumération des vers 6, 7, 8 évoquent le monde du travail, atelier, le monde industrie, à travers la métonymie des tuyaux, qui renvoient aux usines, et les clochers qui évoquent les édifices religieux. Les références à la fenêtre, déjà suggérée par la position du poète, Les deux mains au menton (v. 5), est reprise dans le texte à travers l'allusion aux portières et aux volets (v. 1l5), ainsi qu'à la vitre (v. 21). Maison, lieux, et édifices renvoient à un contexte urbain, qui englobe aussi bien l'habitation du poète que le spectacle des constructions environnantes. • Les activités : le texte fait également référence à la vocation de certains de ces lieux et a certaines activités auxquelles le poète semble attentif. Sensible à la présence d'un contexte largement ouvert, celui du ciel, le poète est attiré aussi par les activités terrestres perceptibles visuellement et auditivement. L'atelier évoque ainsi une activité bourdonnante soulignée par les deux relatives qui chante et qui bavarde. Le choix des termes tuyaux et mats suggère le déplacement, le commerce, la fabrication. Dans un ordre d'idées différent, l'évocation du vers 10, la lampe à la fenêtre évoque la vie quotidienne d'anonymes, tout un monde secret et peut-être banal, mais inspirateur par son caractère anonyme et ses richesses insoupçonnées. Enfin, l'indication des saisons fait penser aux métamorphoses de la ville, aux différences d'activités perceptibles à l'extérieur, tandis que le mot Emeute (v. 21) renvoie à l'agitation politique et sociale, aux révolutions, aux manifestations de protestation qui se développent dans le contexte urbain. Et même s’il s’agit d’y échapper, la référence souligne leur existence, sous forme allégorique (majuscule du mot) Le poème dans ses deux parties est parcouru par des références à un contexte tangible, présenté à travers des localisations, des activités et des évènements. Dominé par les 1ers mots du texte « je veux «, ce contexte doit être considéré comme essentiel. C’est là où se trouve le poète, c’est ce qu’il voit et c’est ce qui constitue la matière de son inspiration. II. La métamorphose Cette inspiration urbaine, cependant, est dès sa représentation soumise à une métamorphose poétique. Le poète fait des choix et exprime de manière imagée ce qu’il recent du monde qui l’environne, et ce qu’il rejette. Les analogies : La présentation des éléments qui entourent le poète fait intervenir différentes figures d’analogie qui donnent une vision transformée des choses. Ainsi le son des cloches se transforme en musique, et les bruits du monde industriels en bavardages et en chants ; le choix des termes « hymnes «, « chante «, « bavarde «, mis en relief par le rythme lent pour le vers 4, plus chaotique au vers 6, montre le passage du son brut à son embellissement. Les perceptions auditives sont modifiées dans un sens musical. Les perceptions visuelles aussi montrent un monde qui est présenté sous une forme métaphorique. L’image des « mats de la cité « fait de la ville un gigantesque nef et connote le voyage, la découverte. La métaphore fait naitre un univers idéalisé, om se confondent ce qui appartient à la ville, à la mer, à des mondes différents, réunis de manière poétique et imaginaire. Un univers magique : les métamorphoses mettent en jeu l’imagination du poète. La perception agréable qu’il a de son environnement le conduit à en faire une présentation magique. Le mot « enchantement « résume les images à la fois brouillées et déroutantes qui ouvrent la seconde strophe de poème. Une série de termes appartenant au champ lexical de la lumière souligne la charme magique du crépuscule urbain : brumes, étoile, azur, lampe, firmament, lune. Cette ville de lumière et de mouvement est présentée à travers la sensibilité du poète, comme le rappelle le constat « il est doux « Les réalisations de l’imaginaire : le poète envisage aussi le point d’aboutissement de son observation de la ville. L’ « enchantement « annoncé prend en quelque sorte forme dans les vers 15 à 20, par l’évocation de l’univers rêvé. « féériques palais, horizons bleuâtres, jardins, eau, albâtre « soulignent que la perception de la ville a donné naissance à la matérialisation du rêve, ou a été remplacé par des constructions nées du rêve et de l’imagination. Le contexte inspirateur subit aussi une métamorphose qui le fait passer du réel, immédiatement perceptible et trivial à des représentations chargées de connotations nouvelles. III. La démarche du poète D’emblée, le « je « est mis en situation de création. Le poète exprime son intention et met en pratique son projet. Les références littéraires : celui qui parle se place dès le début du texte en situation de créateur, dans le domaine poétique : « composer «, « églogue «, rappelant le travail de composition du genre antique. Les termes « évoquer «, « penser «, « pupitre « rappelle le travaille poétique et connotent presque l’effort scolaire. Le poète est donc un créateur qui travaille à des compositions qui demandent effort et temps. Un observateur qui sait écouter : plusieurs verbes expriment l’idée que le poète sait regarder et écouter « écouter «, « je verrai «, « voir « soulignent l’importance des perceptions visuelles et auditives. Le poète semble donc être le témoin de la vie de sa cité, pour en saisir l’originalité et reconstruire peu à peu ce que lui offre le réel. Un magicien proche de l’astrologue : la comparaison avec l’astrologue confère au poète un statut original. Comme l’astrologue il est capable de déchiffrer les signes. Sa position élevée lui confère aussi une position particulière. Le voisinage des « clochers « rappelle qu’il n’est pas éloigné de la divinité. C’est peut être pour cela qu’il revendique la solitude, le non-engagement politique qu’il exprime à travers l’allégorie « l’Emeute «. le poète reste sourd aux bruits de la cité, pris par sa création. Cet enchanteur sait transformer le réel en magie, faisant de l’hiver un printemps, métamorphosant les saisons, les sons, les images. Les derniers vers du texte définissent cette capacité d’invention qui fait intervenir à la fois le « cœur « et l’esprit « mes pensers «.

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