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Baudouin, l'impossibilité morale de régner

Publié le 22/02/2012

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morale
4 avril 1990 - En décidant de ne pas signer, pour des raisons morales, le projet de loi voté récemment par une majorité de députés belges sur la dépénalisation de l'avortement, le roi Baudouin a créé une situation juridique et constitutionnelle exceptionnelle en Belgique. Le gouvernement a, en conséquence, trouvé une formule qui, dans le cadre de la Constitution, permet tout à la fois au souverain de ne pas aller à l'encontre de ses convictions et aux institutions démocratiques de fonctionner normalement. Le conseil des ministres, réuni exceptionnellement dans la nuit du 3 au 4 avril, a ainsi décidé de constater, sur la base de l'article 82 de la Constitution, l' " impossibilité de régner " du roi. Ainsi, le projet de loi pourra entrer en vigueur, mais sans la signature royale, comme cela est obligatoire normalement. Pendant cette période, les ministres réunis en conseil exerceront donc tous les pouvoirs constitutionnels dévolus au roi Baudouin, qui sont en fait essentiellement formels. Pendant un jour et demi, le souverain sera mis " entre parenthèses " et la Belgique vivra trente-six heures dans un régime républicain. Si cette décision du roi ne va donc pas entraver le fonctionnement du système, elle n'en pose pas moins un certain nombre de questions importantes. En effet, l'article 82 de la Constitution constatant l'impossibilité de régner du souverain a été utilisé une seule fois dans l'histoire de la Belgique et au cours de circonstances dramatiques : le 28 mai 1940, les ministres belges réfugiés en France avaient jugé que le roi Léopold III, resté en Belgique, se trouvait prisonnier des Allemands, et de ce fait ne pouvait exercer ses attributions. Les spécialistes belges de droit constitutionnel estiment que le souverain a créé un précédent important en faisant appel à la notion d' " impossibilité morale " de régner. Jusqu'à présent en effet, l'article 82 de la Constitution ne semblait prévoir qu'une incapacité physique ( maladie, démence) ou matérielle ( prisonnier...) du souverain. Le gouvernement-composé de sociaux-chrétiens, de socialistes et de fédéralistes flamands-ayant consulté l'opposition libérale sur les décisions à prendre, il ne semble donc pas que les partis politiques se servent de cet " incident " pour ouvrir un débat de fond. JOSE-ALAIN FRALON Le Monde du 5 avril 1990

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