BEL AMI : CHAPITRE 1

Introduction : Cet extrait constitue l'ouverture du roman de Maupassant, publié en 1885. Guy de Maupassant se rattache au mouvement littéraire du naturalisme dont le chef de file est Zola. Ce passage descriptif dresse le portrait d'un personnage, Georges Duroy. L'auteur plonge immédiatement le lecteur dans l'action, sans référence à des évènements antérieurs. Nous analyserons cet extrait autour de deux axes : l'incipit présentant le héros et l'incipit annonciateur de la thématique du roman.    I – Un incipit présentant le héros :    L'incipit de Bel Ami est centré sur la description du héros, Georges Duroy. Au delà de la description physique, Maupassant évoque l'état d'esprit du personnage, annonçant son ascension future. La première action dans laquelle est décrit le héros est la réception de son argent, somme dérisoire qui va s'amplifier tout au long du roman. La description physique du personnage est amorcée dans le second paragraphe avant d'être complétée dans le dernier, centré sur le visage. Tout de suite est soulignée une forme de beauté avec l'expression « portait beau «, à la ligne 3, ou « regard de joli garçon «, à la ligne 7, mais celle-ci paraît étudiée, avec le complément « par pose «, à la ligne 3, et les verbes indiquant une action sur le physique : « il cambra « et « il frisa «, à la ligne 4. Il est décrit comme un prédateur à l'affût, avec la polysémie du terme « épervier «, à la ligne 8 : « regard rapide et circulaire «, évoquant le rapace et l'expression « s'étendre comme un coup « renvoyant au filet. Discrètement, Maupassant fournit une information biographique avec les compléments « ancien sous-officier « et « d'un geste militaire «, aux lignes 4 et 5. La précision « un de ces regards de joli garçon « évoque un travail de comédien qui adapte son attitude à la situation. Cependant, le « jolie garçon « du deuxième paragraphe est à considérer au regard de « mauvais sujet «, à la fin. Le charisme de Duroy est souligné par le changement de sujet, au 3ème paragraphe : « les femmes avaient levé la tête «. La description de sa marche dans sa descente de la Rue est symbolique de son état d'âme ; les verbes « heurtant «, « poussant « et « battait «, aux lignes 32, 33 et 35, renforcés par l'adverbe « brutalement «, évoquent une forme d'agressivité, de lutte quasi vitale. Maupassant insiste sur l'aspect martial de sa démarche « poitrine bombée «, « descendre de cheval «, « par chic de beau soldat «. La description physique, à la fin de l'extrait, est centrée sur le visage de Duroy et souligne sa duplicité. Ainsi, les détails « blond, châtain vaguement roussi « et « bleus, troués d'une pupille toute petite «, laissent entrevoir, sous un vernis angélique une dimension diabolique.    II – Un incipit annonciateur de la thématique du roman :    Le 3ème paragraphe trace le portrait d'un séducteur, d'un homme à femmes. Il séduit toutes classes confondues : « ouvrières «, « bourgeoises « et quelle que soit la situation matrimoniale « trois petites «, « avec leurs maris «, ou leur âge. Ce paragraphe est annonciateur d'une des thématiques essentielles du roman : ascension sociale par les femmes. Le moment de pause, à la sortir du restaurant, avec « se demandant ce qu'il allait faire «, à la ligne 16, révèle un personnage en devenir, ouvert à l'imprévu, prêt à toute éventualité. Non seulement l'interrogation porte sur l'instant immédiat mais aussi sur le futur proche et le futur lointain. Le narrateur omniscient complète la description du statut social de Duroy avec l'accumulation des calculs de petites sommes : 3 francs 40, 22 sous, 1 franc 20 centime… montrent un personnage vivant dans la précarité et ne disposant pas suffisamment de ressources. L'argent constitue une deuxième thématique essentielle du roman. Le chiasme « deux dîners sans déjeuners, ou deux déjeuners sans dîners «, à la ligne 19, traduit l'impasse dans laquelle se trouve le personnage et la précision « au choix « est ironique car elle souligne au contraire, l'absence de choix. De même, la redondance « grande dépense « et « grand plaisir « attribuée à la simplicité de « collation et bocks « souligne, ironiquement, la situation minable du personnage au début du roman. La gradation du rythme ternaire « les passants, les maisons, la ville entière « traduit l'ambition sans borne du héros que la comparaison finale, rattache à l'univers romanesque.    Conclusion : On a ici une exposition dynamique : la description de Duroy se fait en action. Le lecteur observe le prédateur dans son milieu en butte à tous les obstacles de sa marche sociale. Duroy est présenté au début de son apprentissage comme un personnage désargenté mais plein d'énergie et de désir d'arriver.