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Le récit exemplaire est un texte narratif destiné

Publié le 03/11/2015

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Le récit exemplaire est un texte narratif destiné à illustrer un propos théorique, pratiqué par de nombreux auteurs soucieux de convaincre leurs lecteurs en recourant à cette forme littéraire plaisante et efficace, le récit exemplaire procure au lecteur le plaisir de réfléchir à partir d’une histoire (la fable, le conte, l’histoire tragique,…) plutôt que de lire un austère traité de morale ou de philosophie. Cependant, « Dans l’univers du récit exemplaire, les lecteurs rebelles n’existent pas » selon S.Suleiman. Et il est vrai que le récit exemplaire se distingue des autres genres littéraires grâce à une histoire riche en péripéties ayant pour but de persuader le lecteur, et faisant adhérer celui-ci à une morale en découlant. De ce fait, on peut se demander si le récit exemplaire est réellement efficace pour convaincre et transmettre une leçon au lecteur. Nous verrons alors dans un premier temps comment le récit exemplaire séduit le lecteur par son contenu, dans un second temps nous verrons que le récit exemplaire est parfois ambiguë et possède des limites, enfin, dans un troisième temps nous verrons les autres moyens qui existent pour transmettre une leçon. En effet, le récit exemplaire séduit son lectorat puisque celui-ci est d’abord un récit plaisant qui de par sa brièveté le rend plus clair, plus vivant, plus dynamique. C’est pourquoi, le récit exemplaire, très souvent allégorique, repose une structure simple qui met en jeux des personnages avec des intentions et des caractères immédiatement identifiables par le lecteur. Cependant, il existe une multitude de personnage de natures différentes auxquelles le lecteur va être confronté. Les animaux ou les végétaux surtout utilisés dans les fables incarnent des types sociaux ou psychologiques choisis, La Fontaine, par exemple, se sert du chêne pour représenter le mégalomane ou du renard pour cibler les hypocrites, les flatteurs et mettre en garde contre leurs agissements, Esope dans sa fable Le renard qui n’avait jamais vu de lion montre que l’accoutumance adoucit même les choses effrayantes (le lion). Il existe aussi des personnages magiques, surtout issue des contes, ce sont en générale des personnages manichéens comme la fée et la sorcière. Les objets peuvent eux aussi être utilisés devenant alors symboliques, voir même délivrant une leçon, comme l’aune de boudin dans Les Souhaits Ridicules de Charles Perrault qui renvoie aux goûts rustiques du peuple. Les hommes sont aussi utilisés, quoique généralement peu développés, par exemple dans le genre de l’histoire tragique, un personnage peut seulement être caractérisé par sa profession, sa condition sociale, voir seulement un trait de caractère. Nous pouvons aussi noter que le cadre spatio-temporel est le plus souvent inventé et renvoie le lecteur à un temps qui n’a jamais existé, confortant encore le plaisir que peut ressentir le lecteur « Il était une fois ». C’est pourquoi, selon le type de récit exemplaire les personnages sont plus ou moins vraisemblables. Mais, ils ont tous des attributs propres aux hommes ordinaires, c’est en cela que le lecteur va pouvoir s’identifier et réfléchir. De même le récit exemplaire, par ses procédés, permet de garder le lecteur en haleine. En effet, nous pouvons suivre l’évolution positive ou négative d’une situation, d’un personnage vers la compréhension du monde ou de lui-même. C’est ce que l’on appelle des récits initiatiques, quel que soit le personnage, il découvre, déjoue des pièges, réfléchit et redresse des situations injustes : Le Petit Poucet de Charles Perrault, le plus faible de la fratrie va trouver le moyen de sauver ses frères et leur faire retrouver le chemin de la maison grâce à sa débrouillardise. De plus, le récit exemplaire est volontiers humoristique ou ironique, les fables de La Fontaine recourent fréquemment à l’humour, à la satire, ainsi dans l’Ours et l’Amateur des jardins, un ours voyant son ami jardinier endormi assailli par des mouches décide de l’aider en se saisissant d’une grosse pierre, qui tue les mouches …et le dormeur, illustrant plaisamment la morale du conteur : « Rien n’est si dangereux qu’un ignorant ami ». Cependant il existe aussi des récits exemplaires tout aussi attrayants mais beaucoup moins amusants tel que les histoires tragiques, si nous prenons l’exemple de L’envie Fraternelle, histoire provenant de l’œuvre intitulée Les occurrences remarquables, de Jean Pierre Camus. Eugende personnage principal de cette fiction va devoir lutter contre la trahison inattendue de son frère aîné et tout cela n’aboutira qu’à un entassement de morts, l’intégralité des personnages perdront la vie. Le récit exemplaire a donc une portée persuasive assez complète et efficace puisque saisi par la fiction, le lecteur va chercher la visée, le but de l’auteur. Usant très souvent d’images (comparaisons, métaphores, hyperboles, allégories, …) le récit exemplaire a pour but de faire réfléchir, c’est pourquoi la clarté du récit exemplaire permet de motiver le lecteur à poursuivre sa lecture. En effet, la brièveté de celui-ci ne souffre pas de grande complexité, le nombre de personnage est souvent restreint, et l’intrigue offre le plus souvent le minimum de prolongement et de rebondissement, ce qui permet de dégager un schéma narratif typique au récit exemplaire, la mise en scène de personnages, un nœud, et son dénouement. En cela et comme dit précédemment le lecteur s’efforce de découvrir de manière plus ou moins imagée le message que veut délivrer l’auteur et, participe à la compréhension du sens que lui soumet le récit exemplaire. Dépeignant la société, le récit exemplaire a pour but de montrer les défauts de l’homme et les abus auxquels leur condition les conduit, en les invitant à se corriger le plus souvent par le biais d’une morale. Ainsi Dans la fable La cigale et la fourmi, de Jean de La Fontaine, l’intelligence et le labeur de la fourmi a permis à celle-ci d’économiser en pensant à l’avenir, comparée à la cigale rêveuse, chanteuse qui se retrouve dépourvue de tout. Ici, la morale montre bien que le travail est fondamental et qu’il faut être prévoyant. Ce genre de morale permet à l’homme de développer une réflexion personnelle, montrant alors le pouvoir didactique qu’a le récit exemplaire sur son lecteur. Grâce à cette littérature plus ou moins fantaisiste en apparence, l’auteur peut diffuser des idées qui, exprimées ouvertement, auraient été censurées, permettant alors de toucher n’importe quel sujet, notamment la condition humaine. Ainsi certains auteurs n’hésiteront pas à dénoncer des injustices sociales, à critiquer la religion voir même la politique en place, par exemple La Fontaine, à travers le personnage du lion, roi des animaux, n’hésite pas à critiquer le pouvoir politique de Louis XIV. Parfois drôle, parfois inquiétant, le récit exemplaire est un genre à visée argumentative fondé sur la persuasion, qui met en situation le plus souvent une morale et se préserve donc d’une trop grande abstraction et peut ainsi prétendre à une audience universelle. Cette qualité explique par exemple le choix de genres enfantins comme la fable pour La Fontaine ou Esope et le conte pour Perrault. Le Petit Chaperon Rouge, met ainsi en scène de la manière la plus concrète qui soit l’avertissement bien souvent donné aux jeunes filles par leurs parents, de ne pas faire confiance aux inconnus. Mais aussi, des fictions plus funestes comme les histoires tragiques, qui toucheront un public beaucoup plus mature. On voit ainsi que le récit exemplaire peut enseigner une véritable sagesse, et proposer non seulement des conseils mais des maximes de conduite accessibles à tous. La Parabole des dix vierges est issue de l'évangile selon Matthieu en image l'appel de Jésus-Christ à suivre les principes de la miséricorde, et de la charité pour atteindre le royaume divin, plutôt que l'enfer, le récit exemplaire transmet donc des valeurs universelles accessibles à tous. Divertissant et instructif, le récit exemplaire critique, propose, pose des questions et apporte des réponses. Il fait appel à l’imagination, la sensibilité, l’émotion et surtout à la réflexion. Tous sont didactiques et couvrent tous les domaines : moral, politique, social, religieux… Le récit exemplaire a donc toutes les qualités pour séduire le public le plus large. Cependant, l’articulation du récit à la morale y est délicate, et là réside sans doute son point faible que cette articulation manque de perfection, et le texte devient obscur. Mais le récit exemplaire ne séduit pas toujours son lectorat, la fable, comme le conte, semblent revêtir un aspect peu sérieux, plutôt léger voir au contraire, pour l’histoire tragique, un aspect hyperbolique de violence et d’horreur. Ces différentes perspectives du récit exemplaire engageront peu la capacité du lecteur à raisonner. En effet, la fable et le conte renvoient à un univers enfantin, merveilleux, peu crédible et ne semblent pas engager la réflexion. De ce fait, la fiction développée dans ses types de récit exemplaire endort l’esprit critique car l’histoire s’adresse à l’imaginaire, des personnages à figure bestiale, féérique, un cadre spatio-temporel peu développé, beaucoup de choses échappent au lecteur. Cet absence de réalisme ne favorise pas l’esprit critique, le lecteur n’arrive pas à s’identifier face à ces situations inconnues, alors, il n’est pas conduit à réfléchir sur le monde qui l’entoure mais plutôt à s’évader du réel. La fiction capte alors les émotions et s’adresse à l’affectivité du lecteur, sans exiger de lui une démarche réfléchie et constructive, elle agit comme un charme et un sortilège. Reprenons l’exemple de L’envie Fraternelle de Jean Pierre Camus, tous les personnages meurs, c’est donc un récit sanglant qui recherche l’adhésion affective du lecteur, les détails macabres ajoutent même un côté scandaleux, afin de saisir le lecteur. Ce n’est donc pas tant l’esprit critique qui a été sollicité chez l’homme, mais sa capacité à s’émouvoir. Le plaisir du récit remplace alors la réflexion, et de ce fait, la morale est effacée au profit de la fiction, et le texte passe à côté de sa visée, ne remplissant pas son rôle didactique. C’est pourquoi, dans le récit exemplaire, la fiction argumentative s’impose et impose au lecteur une idée, dont la démarche n’est pas forcément raisonnée. Donc, le lecteur n’a guère le choix, il adhère à la morale, telle que la propose l’auteur, tant la démarche persuasive du récit l’a conduit à se ranger de son côté. Enfin, si nous prenons l’exemple de la fable, l’auteur n’hésite pas à schématiser et simplifier les personnages, le lion devient l’incarnation du pouvoir abusif, le loup symbolise la cruauté. Cette schématisation parfois simplificatrice et réductrice n’encourage guère le lecteur à réfléchir par lui-même et le récit perd son caractère instructif. De plus, le récit exemplaire recourt au fond à une vérité cachée, parfois provisoire, que le lecteur doit découvrir. La morale n’en est pas nécessairement explicite, elle peut être diffuse dans le récit, ou être séparée de ce dernier, demandant alors au lecteur de chercher le lien de l’une à l’autre. Le Chêne et le Roseau, de La Fontaine ne présente pas de morale explicite, le chêne, puissant et imposant protecteur égocentrique se voit déraciné par le vent, sans avoir pour autant plié. De son côté, le roseau est resté debout, mais avec habileté, en courbant la tête. Dans cette fable, c’est au lecteur de conclure, nous pourrions dire que « La loi du plus fort n’est pas toujours la meilleure ». De plus, Il peut arriver que la morale paraisse incomplète, contradictoire ou en décalage avec le récit. Dans Peau d’Ane de Charles Perrault, le lecteur est invité à ne pas accorder de crédit qu’à l’apparence, mais ce ne sont pas les traits d’esprit de Peau d’Ane qui sont loués dans une bonne partie du récit, mais bien sa plastique parfaite. Donc dans ce conte, la morale inclue dans le récit et la morale explicitée à la fin s’opposent. C’est pourquoi certaines morales resteront ambiguës, voir, ne seront pas morale du tout si elles sont mal interprétées. Si nous reprenons l’exemple de La Cigale et la Fourmi, de La Fontaine, si le lecteur ne comprend pas correctement la morale expliquée précédemment, celui-ci peut comprendre que la dureté et l’avarice entraine la réussite sociale et personnelle, ce qui est totalement en contradiction avec le message qu’a voulu faire passer l’auteur. En plus de cela, le récit exemplaire toucher un large public, enfant comme adulte c’est pourquoi il se doit d’être exemplaire. Le récit exemplaire est donc un genre à magner avec précaution puisqu’il peut aussi se révéler vite glissant et passer complètement à côté de la visée souhaitée. Enfin, le récit exemplaire entraine le lecteur dans un univers qui lui est propre. Plus ou moins vraisemblable selon son type, certains seront assez proches du réel, d’autre complètement fictif. En cela, le lecteur peut très bien ne pas adhérer à cet univers et décrocher complètement du récit, la parole donnée aux animaux d’une fable ou l’apparition du merveilleux d’un conte arrêtera certainement plus d’un lecteur. De plus, certains sous-entendus réalisés par les auteurs pourraient être en totale contradiction avec les convictions du lecteur, la morale de la Belle au Bois Dormant , de Charles Perrault est l’une des plus représentatives d’un humour discret entretenu par l’auteur, « On ne trouve plus de femelle, Qui dormît si tranquillement », cette partie de la morale fait allusion à l’empressement de la femme à se trouver un amant de bonne condition. On s’aperçoit d’ailleurs que les femmes sont une cible privilégiée par Perrault, que ce soit dans ses récits, ou dans ses moralités. Dans cet exemple, l’humour grinçant utilisé envers la gente féminine peut rebuter le lecteur. Pour aller plus loin, le récit exemplaire reflète l’idéologie de son temps et certains propagent des idées conservatrices, caricaturales ou choquantes, la morale satirique de La Belle au Bois Dormant envers les femmes en est une illustration frappante puisque le lecteur peut être amené à ne pas adhérer à la visée du récit exemplaire parce que celui-ci le considère comme étant trop provocateur, dépassé ou obsolète. De plus, la violence est un sujet assez redondant dans le récit exemplaire, les histoires tragiques en sont le parfait exemple. L’histoire X du recueil les Histoires mémorables et tragiques de nostre temps, de François de Rosset conte l’histoire d’un démon qui apparaît sous les traits d’une demoiselle. Ce démonte profite de sa transformation pour séduire plusieurs hommes, s’en suit un rapport charnelle entre eux tous et la fiction se termine sur la mort brutale, et inexpliquée de tous ces hommes. De même, les contes possèdent aussi leur part de violence,dans La Barbe bleue, de Charles Perrault, la Barbe bleue doit partir en voyage. Il confie à sa jeune femme un trousseau de clefs ouvrant toutes les portes du château, mais il y a une petite pièce où elle ne doit entrer sous aucun prétexte. Curieuse, elle pénètre cependant dans la pièce interdite et y découvre tous les corps des précédentes épouses, accrochés au mur. Effrayée, elle laisse tomber la clef, qui se tache de sang. Ces histoires accessibles à tout l’éventail de lecteurs que touche le récit exemplaire (enfants, adultes) peut aller jusqu’à heurter la sensibilité du lecteur qui s’interdira dans relire ou d’en faire lire. Donc par ses péripéties choquantes, le récit exemplaire peut perdre tout son côté plaisant et didactique et donc par extension, perdre toute crédibilité face à son lecteur. Ainsi le récit exemplaire, en raison de sa structure très souvent allégorique et du décodage dont il doit faire l’objet, se révèle moins simple et parfois moins clair qu’il n’y paraissait, en cela, il ne se heurte à des limites et ne réussit pas à séduire son lecteur. C’est pourquoi certains autres genres littéraires peuvent être tout aussi efficaces, voire plus. Malgré ses avantages, le récit exemplaire n’est pas nécessairement la forme d’argumentation la plus claire et la plus efficace. Tout dépend en réalité de la teneur de la vérité dont on souhaite instruire le lecteur. Le récit exemplaire ne peut démontrer n’importe quoi, et certaines vérités trouveront mieux à s’exprimer dans d’autres genres argumentatifs comme le dialogue. Le dialogue permet en effet d’opposer deux points de vue distincts, ce que le récit exemplaire fait plus difficilement, et conserve un caractère vivant grâce à l’incarnation par des personnages de ces points de vue. C’est pourquoi le théâtre est une excellente tribune pour diffuser ses idées. En effet, dans Dom Juan, Molière oppose Sganarelle qui incarne le croyant, le superstitieux, donc en quelque sorte le peule, à Don juan vivant dans le plaisir, s’opposant aux contraintes, aux règles sociales, religieuses et ignorant volontairement autrui. On peut donc voir Sganarelle comme un contrepoint, une antithèse de Don juan pourtant les personnages ont besoin l'un de l'autre, en particulier Don Juan réclame la présence de Sganarelle, il en a besoin pour échapper au monologue, comme confident, complice et témoin. Si Sganarelle éclaire le personnage de Don Juan, de manière paradoxale, Don Juan éclaire également celui de Sganarelle. Ainsi le dialogue permet de confronter des points de vue opposés ou divergents qu’une progression permet en général de concilier, tandis que le récit exemplaire n’illustre comme la maxime qu’une vérité statique et monologique. Le roman peut aussi avoir valeur de récit exemplaire avec plus de finesse et de profondeur psychologique. Si nous prenons l’exemple de La Princesse de Clèves, de Madame de La Fayette, ce roman est considéré comme le premier roman d'analyse psychologique. En effet, il se consacre essentiellement à l'exploration des sentiments des personnages (ceux de la Princesse de Clèves, de son mari et du duc de Nemours), des sentiments d'amour, de vertu, de désir, de renoncement. L'amour est omniprésent dans le roman. En effet, tous les personnages sont amoureux ou courtisés. La vision qui s'en dégage est celle de la Préciosité : l'amour conduit inévitablement à la souffrance même s'il peut contenir du bonheur. La jalousie apparaît ici comme une des horreurs de la passion, une marque de folie. Le roman, contrairement au récit exemplaire, permet de faire partager les émotions et la sensibilité des personnages au lecteur, alors que le récit exemplaire émouvra par le récit, le contexte fictif. Le roman sera alors beaucoup plus expressif, impressif et transmettra ses leçons par le biais d’émotions fortes. De plus, les auteurs ont rattaché à la réalité ces personnages sortis de leur imagination, pour leur donner plus de force auprès du lecteur. Ils ont donc cherché à atténuer les frontières entre leur invention et la réalité contrairement au récit exemplaire qui conserve une fiction avec peu de réalisme. Le traité et l’essai ont quant à eux pour point commun de permettre le développement d’une argumentation longue, complexe, dont le récit exemplaire serait bien incapable. Bien qu’ils puissent paraître plus ennuyeux, ces genres traitent un sujet de façon beaucoup plus approfondie. Le traité de manière canonique et rigoureuse, l’essai de manière plus subjective et selon une méthodologie plus libre, recourent à une argumentation qui peut sembler infiniment plus rigoureuse et convaincante que le récit exemplaire, qui ne repose en dernière analyse que sur un raisonnement analogique, sur une comparaison entre récit et morale. Jean de La Bruyère est célèbre pour son œuvre unique, Les Caractères ou les Mœurs de ce siècle. Cet ouvrage, constitué d’un ensemble de brèves pièces littéraires, compose une chronique essentielle de l’esprit du XVIIIe siècle. C’est un écrivain moraliste, c’est pourquoi cet essai brosse une critique qui fait le blâme des hommes corrompus par leurs vices. La Bruyère dénonce donc les vices de la société. Il porte un regard de moraliste sur le monde et utilise le registre didactique afin de persuader le lecteur de la vanité de la Cour. Comme le récit exemplaire, La Bruyère veut associer le plaire et l'instruire : « on ne doit parler, on ne doit écrire que pour l'instruction; et s'il arrive que l'on plaise, il ne faut pas néanmoins s'en repentir, si cela sert à insinuer et à faire recevoir les vérités qui doivent instruire. ». Mais à la grande différence de l’essai, le récit exemplaire, genre simplificateur, serait bien en peine de rendre compte d’une vérité si fuyante et si variable. Pour conclure, l'efficacité du récit exemplaire tient au fait qu'il implique un double niveau de lecture, qui correspond à sa double fonction : divertir et instruire. A un premier niveau de lecture, le récit exemplaire propose une histoire généralement simple, ordinaire avec des personnages représentatifs d'une société ou d’une mentalité. Un second niveau de lecture doit amener le lecteur à interroger son sens, à en dégager la valeur symbolique et les enseignements qui peuvent en être déduits. De ce fait, Le récit exemplaire par sa diversité et sa souplesse se prête donc bien à la diffusion des idées, opinions et réflexions de toutes natures et peut donc se vanter de pouvoir persuader son lectorat afin de le rallier à une morale. Le récit est court, captivant et va à l’essentiel. Ainsi les indéniables qualités du récit exemplaire que sont sa clarté, son caractère concret et universel, ne doivent pas faire oublier l’effort d’interprétation qu’il exige de son lecteur, ni les limites qu’il impose. La fiction et les registres fantaisistes nuisent à l’identification, à la réflexion et parfois brouille même la morale qui est mal comprise par le lecteur. Mais encore faut-il que le lecteur soit réceptif à l’univers que propose le récit exemplaire. C’est pourquoi une représentation théâtrale, un essai ou un roman lèveraient mieux les doutes et toucheraient une assemblée plus nombreuse. Cependant l’argumentation et l’approfondissement de ces genres demanderaient plus d’efforts au lecteur.

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