Bush contre les narcos
Publié le 27/02/2008
Extrait du document

Cinq heures de tête à tête dans la Maison des hôtes illustres, au milieu d'une base navale située à l'entrée de la baie de Carthagène, ont abouti à une déclaration détaillant les mesures prises par les trois pays producteurs de cocaïne et par leur principal client, les Etats-Unis, pour mettre fin au trafic. Les planteurs de feuilles de coca, les fabricants de poudre blanche, les trafiquants et laveurs de narcodollars et les " parrains " de la Mafia savent théoriquement comment désormais ils seront traités.
Ce dont les présidents andins se réjouissent le plus, c'est d'avoir amené les Etats-Unis à reconnaître que la lutte contre la drogue passe par la réduction de la demande, qu'ils sont donc les premiers impliqués et qu'il faut abandonner une vision purement répressive de la question. Toute la première partie du " document de Carthagène " a trait en effet aux conséquences économiques et sociales de la guerre contre le trafic. Le principe est admis par les Américains que la feuille de coca est une source de devises et d'emplois, qu'en supprimer la culture sans rien apporter en échange provoquerait l'effondrement des économies du Pérou et de la Bolivie.
Il existe dans ces deux pays des programmes visant à remplacer les plantations de coca par d'autres produits, mais, outre qu'ils sont chichement subventionnés par les Etats-Unis, ils sont sans résultats.
Pourquoi ? " Parce que la solution ne consiste pas à remplacer mécaniquement une culture par une autre, répond Paz Zamora, mais à substituer à une économie de la coca une autre économie, à la fois saine, efficace et compétitive. " Autrement dit, la méthode consistait jusqu'à présent à proposer aux paysans de remplacer volontairement ces plantations par d'autres cultures mais comme celles-ci rapportent beaucoup moins que la feuille " sacrée ", les paysans ne se laissaient pas convaincre. L'autre solution, c'était l'éradication forcée. " Une méthode odieuse, impopulaire, dit Alan Garcia. Là où elle a été appliquée au Pérou, nous avons livré les paysans à la misère et à la subversion. " Donc les Quatre sont convenus qu'il fallait opérer, non pas localement mais de façon globale, en attaquant le problème sur plusieurs fronts : par le développement de l'agriculture d'exportations et par de nouveaux investissements. Les Etats-Unis sont évidemment sollicités.
George Bush s'engage à demander au Congrès des rallonges budgétaires pour les quatre prochaines années afin de compenser les sacrifices demandés aux pays andins. Mais la déclaration précise qu'il appartient aussi aux organismes multilatéraux de financer cet effort de reconversion.
Autre point délicat : le temps forcément long qui s'écoulerait entre l'éradication de la coca et l'implantation d'une " nouvelle économie ". Là encore, pour éviter des bouleversements facilement imaginables dans des pays aussi pauvres que le Pérou et la Bolivie, les Etats-Unis prennent des engagements précis. Ils promettent de financer des " plans sociaux d'urgence ", de " satisfaire les besoins en devises " des pays privés de narcodollars, notamment en ouvrant davantage le marché américain à leurs exportations.
Les sceptiques ne manquent pas de remarquer que la déclaration ne contenant guère de chiffres, elle risque de se réduire à un catalogue de bonnes intentions.
Au chapitre de la répression, les quatre pays confirment leur intention de coopérer dans le contrôle des ventes d'armes et des composants chimiques sur la fabrication de la cocaïne. Ils se disent prêts à faire travailler ensemble leur armée, leur police et leurs services secrets, et à s'entraider pour empêcher le blanchiment de l'argent " sale ".
Mais ce que le document ne dit guère, ou seulement de façon très vague, c'est comment la " réduction de la demande " -présentée comme une priorité-sera assurée. Le programme des Quatre vise essentiellement les pays andins et ne précise pas ce qui sera fait aux Etats-Unis. A Bogota, on dit volontiers que la Colombie paie en vies humaines le prix d'une guerre qui devrait surtout être livrée dans les grandes villes américaines, et qu'elle ne l'est pas, ou pas assez.
CHARLES VANHECKE Le Monde du 17 février 1990
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