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Candide chapitre 6

Publié le 30/06/2011

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Explication de Candide, « Ce qui leur arriva à Surinam, et comment candide fit connaissance avec Martin » Introduction : Cet extrait dénonce l’inhumanité de l’esclavage et tente de susciter la révolte des européens devant les sévices infligés aux esclaves. Voltaire condamne une pratique attentatoire1 à la dignité de l’être humain. Conjointement, il apporte une nouvelle preuve pour étayer son argumentation contre les doctrinaires2 de l’optimisme. I/ Une tentative pour éveiller la conscience de l’homme 1°) Le constat de la cruauté Le ton dépouillé utilisé par le narrateur souligne l’étendue de l’horreur suscité par le spectacle. Em premier lieu, la prostration du personnage : « un nègre étendu par terre » semble suggérer l’immobilité de la mort. De plus, les précisions relatives aux vêtements qui précèdent les indications portant sur l’apparence physique : « N’ayant plus que le moitié de son habit » manifeste une sorte de déshumanisation. De plus, l’homologie établie entre le vêtement et le corps : « il manquait à ce pauvre homme la jambe gauche et la main droite » prend la neutralité du constat, aucun commentaire apitoyé du narrateur ne vient médiatiser la vision proposée au lecteur, qui se trouve en conséquence confronté à l’horreur dans toute sa brutalité. 2°) L’état de servitude Le rapport de soumission est fortement marqué avec la présence du mot maître et les sonorités du nom qui lui est prêté : Venderdendur. De plus, l’expression : « le fameux négociant » en apparence valorisante puisqu’elle semble suggérer la notoriété tend à légaliser sa conduite. Le maître est un notable de la servitude et non pas un négrier clandestin. Le discours prêté à l’esclave est emprunt du même dépouillement qui caractérisait l’attitude du narrateur. Les parallélismes de construction et les reprises lexicales évoquent une pratique mécanique qui dénonce implicitement l’inhumanité des sanctions. Les verbes concrets comportent une charge de violence. Le présent itératif associé à l’emploi du pronom « on » tend à généraliser la sanction. L’absence de pathétique ne fait que renforcer la cruauté des hommes, dans le mesure où ceux-ci se révèlent plus destructeur que la machine. En outre, l’expression : « c’est l’usage » ainsi que la constatation neutre : « Je me suis trouvé dans les deux cas » indiquent une résignation destinée à soulever l’indignation des européens. En effet, la présentation schématique de la situation en amplifie la barbarie. La simplicité de la conclusion : « C’est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe » constitue un réquisitoire sans appel contre la violence de l’esclavage orchestrée par la double énonciation. Le pronom « vous » s’oppose avec brutalité au pronom « nous » utilisé par l’esclave pour désigner ses congénères, comme s’il établissait un clivage entre les deux espèces distinctes. Cette opposition est accentuée par la précision : « en 1 Qui porte atteinte ou préjudice. 2 Qui caractérise un individu imbu de théories et généralement étroit d’esprit. Europe » . L’absence de plainte souligne l’abomination de la situation. C’est pour l’agrément des européens que les esclaves sont mutilés. II/ L’entreprise de libération par la parole L’auteur délaisse le récit pour proposer un dialogue qui va permettre au personnage d’évoluer. En outre, l’emploi de la première personne confère une grande intensité à l’échange. 1°) Un échange authentique On remarque les efforts de Candide pour marquer sa sympathie envers l’esclave, comme l’indique l’expression « mon ami ». De plus, la précision « en hollandais » révèle la volonté de respecter la langue du pays. Enfin, le jugement de valeur : « dans l’état horrible où je te vois » manifeste une compassion sincère envers le nègre qui est perçu comme une personne à part entière. A l’inverse, on note que le nègre marque sa déférence envers le blanc, comme en témoigne sa réponse : « Oui monsieur ». De plus, sa réponse : « J’attends mon maître » fournit une indication qui renseigne immédiatmeent sur la situation sociale de l’esclave. Enfin, on remarque que celle-ci est littérale et donc décalée. L’esclave n’imagine pas qu’il puisse être considéré comme une personne. De plus, ce dernier se cantonne dans le « nous » pour manifester son appartenance à une communauté souffrante et se démarquer de l’espèce des maîtres, représentée par le « vous », particulièrement accusateur dans la phrase : « C’est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe ». L’allitération en /v/ : « vêtement » ; « travaillon » vient orchestrer cette accusation. Le constat sommaire : « Je me suis trouvé dans les deux cas. » constitue un réquisitoire contre l’inhumanité des européens. 2°) La transformation de l’esclave A°) Le constat Cependant, l’’accusation acquiert une portée différente avec la référence à la mère : « Lorsque ma mère me vendit dix écus patagons ». En effet, le nègre devient moins la victime du racisme que celui d’une oppression généralisée qui inclut ses propres parents. En effet, le verbe « vendre » rappelle le terme « pris » et indique que l’esclave n’est pas considéré comme un être humain mais qu’il sert e monnaie d’échange, y compris dans sa famille. B°) Un effet de lucidité L’esclave analyse la décision des parents qui semble moins les complices indignes des négriers que les victimes de leur dénouement, comme l’indique la précision : « dix écus patagons » qui semble représenter pour eux une « fortune ». De plus, leur représentation naïve : « bénit nos fétiches » en font des proies faciles et des êtres dociles qui vouent une excessive considération au seigneur blanc : « Tu as l’honneur d’être esclave de nos seigneurs les blancs ». l’esclave analyse avec subtilité la misère et la crédulité des peuples simples. C°) Le développement de l’esprit critique Celui-ci est introduit par le jeu de mots sur l’emploi du terme « fortune ». En effet, il s’agit d’une remarque ironique puisque l’esclave ne lui attribue pas le même sens que sa mère. En conséquence, l’esclave parvient à se désolidariser du discours parental. Il dénonce l’hypocrisie du discours religieux, faussement égalitaire et acuménique 3 : « Nous sommes tous enfants d’Adam, 3 Qui rassemble. blancs et noirs. » Le scepticisme affiché : « si ces prêcheurs disent vrai » marque l’éveil de la conscience. Enfin, certains termes : « généalogiste » ; « prêcheur » ; « cousin issu de germain » manifeste une certaine pratique de la spéculation intellectuelle. L’auteur prête sa réflexion à son personnage, qui peut s’émanciper dans une démarche argumentative. Celle-ci s’énonce selon un syllogisme : « Or, vous m’avouerez qu’on ne peut pas en user avec ses parents d’une manière plus horrible ». C’est la première fois que l’esclave parvient à proférer une critique directe à l’encontre des esclavagistes, comme l’indique l’emploi de l’adjectif « horrible ». On remarque que l’esclave utilise le même adjectif que Candide, de sorte que le décalage initial a disparu. L’emploi indique qu’une rencontre véritable fructueuse a pu s’établir entre deux personnes profondément différentes. Conclusion : Ce texte est capital dans l’économie du contre, puisque parallèlement à l’émancipation de l’esclave, qui sort de sa torpeur et de sa résignation, Candide remet en cause les principes de l’éducation qui lui ont été inculqué. Pour la première fois, il semble déceler clairement que celle-ci ne correspond pas à la réalité, comme l’indique sa déclaration à la question de Cacambo : « Qu’est-ce que l’optimisme ? » ; « C’est la rage de soutenir que tout est bien quand on est mal ». On remarque une antithèse entre les « bien » « mal » qui souligne l’opposition entre un discours général qui se trouve démenti par une perception personnelle : « on est mal ». Ce désaccord manifeste que Candide accède aux sentiments d’une existence propre. La rencontre entre les deux personnes devient donc capitale et exemplaire de sorte que le possessif « son nègre » n’indique pas l’appropriation ou la possession mais la fraternité. La rencontre constitue donc un rituel initiatique qui va permettre à chacun d’accéder à une maturité.

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