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car le fait de ne pas être content de son état, de vivre pressé de nombreux soucis et au milieu de besoins sinon satisfaits pourrait devenir aisément une grande tentation d'enfreindre ses devoirs.

Publié le 22/10/2012

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car le fait de ne pas être content de son état, de vivre pressé de nombreux soucis et au milieu de besoins sinon satisfaits pourrait devenir aisément une grande tentation d'enfreindre ses devoirs. Mais ici encore, sans regarder au devoir, tous les hommes ont déjà d'eux-mêmes l'inclination au bonheur la plus puissante et la plus intime, parce que précisément dans cette idée du bonheur toutes les inclinations s'unissent en un total. Seulement le précepte qui commande de se rendre heureux a souvent un tel caractère qu'il porte un grand préjudice à quelques inclinations, et que pourtant l'homme ne peut se faire un concept défini et sûr de cette somme de satisfaction à donner à toutes qu'il nomme le bonheur. Aussi n'y a-t-il pas lieu d'être surpris qu'une inclination unique, déterminée quant à ce qu'elle promet et quant à l'époque où elle peut être satisfaite, puisse l'emporter sur une idée flottante, qu'un goutteux, par exemple, puisse mieux aimer savourer ce qui est de son goût, quitte à souffrir ensuite, parce que, selon son calcul, au moins dans cette circonstance, il ne s'est pas, par l'espérance peut-être trompeuse d'un bonheur qui doit se trouver dans la santé, privé de la jouissance du moment présent. Mais, dans ce cas également, si la tendance universelle au bonheur ne déterminait pas sa volonté, si la santé pour lui du moins n'était pas une chose qu'il fût si nécessaire de faire entrer dans ses calculs, ce qui restait encore ici, comme dans tous les autres cas, c'est une loi, une loi qui commande de travailler à son bonheur, non par inclination, mais par devoir, et c'est par là seulement que sa conduite possède une véritable valeur morale. Ainsi doivent être sans aucun doute également compris les passages de l'Écriture où il est ordonné d'aimer son prochain, même son ennemi. Car l'amour comme inclination ne peut pas se commander; mais faire le bien précisément par devoir, alors qu'il n'y a pas d'inclination pour nous y pousser, et même qu'une aversion naturelle et invincible s'y oppose, c'est là un amour pratique et non pathologique, qui réside dans la volonté, et non dans le penchant de la sensibilité, dans des principes de l'action, et non dans une compassion amollissante; or, cet amour est le seul qui puisse être commandé./ (Fondements de la métaphysique des moeurs, p. 94-99.) Puisque la valeur d'une action accomplie par devoir est indépendante du résultat obtenu, elle ne peut dépendre que de la maxime même de l'action, c'est-à-dire du respect de la loi morale. 35. La loi morale. Voici la seconde proposition : une action accomplie par devoir tire sa valeur morale non pas du but qui doit être atteint par elle, mais de la maxime d'après laquelle elle est décidée ; elle ne dépend donc pas de la réalité de l'objet de l'action, mais uniquement du principe du vouloir d'après lequel l'action est produite sans égard à aucun des objets de la faculté de désirer. Que les buts que nous pouvons avoir dans nos actions, que les effets qui en résultent, considérés comme fins et mobiles de la volonté, ne puissent communiquer à ces actions aucune valeur absolue, aucune valeur morale, cela est évident par ce qui précède. Où donc peut résider cette valeur, si elle ne doit pas se trouver dans la volonté considérée dans le rapport qu'elle a avec les effets attendus de ces actions? Elle ne peut être nulle part ailleurs que dans le principe de la volonté, abstraction faite des fins qui peuvent être réalisées par une telle action; en fait, la volonté placée juste au milieu entre son principe a priori, qui est formel, et son mobile a posteriori, qui est matériel, est comme à la bifurcation de deux routes; et puisqu'il faut pourtant qu'elle soit déterminée par quelque chose, elle devra être déterminée par le principe formel du vouloir en général, du moment qu'une action a lieu par devoir : car alors tout principe matériel lui est enlevé. Quant à la troisième proposition, conséquence des deux précédentes, je l'exprimerais ainsi : le devoir est la nécessité d'accomplir une action par respect pour la loi. Pour l'objet conçu comme effet de l'action que je me propose, je peux bien sans doute avoir de l'inclination, mais jamais du respect, précisément parce que c'est simplement un effet, et non l'activité d'une volonté. De même, je ne peux avoir de respect pour une inclination en général, qu'elle soit mienne ou d'un autre; je peux tout au plus l'approuver dans le premier cas, dans le second cas aller parfois jusqu'à l'aimer, c'est-à-dire la considérer comme favorable à mon intérêt propre. Il n'y a que ce qui est lié à ma volonté uniquement comme principe et jamais comme effet, ce qui ne sert pas à mon inclination, mais qui la domine, ce qui du moins empêche entièrement qu'on en tienne compte dans la décision, par suite la simple loi pour elle-même, qui puisse être un objet de respect et par conséquent être un commandement. Or, si une action accomplie par devoir doit exclure complètement l'influence de l'inclination et avec elle tout objet de la volonté, il ne reste rien pour la volonté qui puisse la déterminer, si ce n'est objectivement la loi et subjectivement un pur respect pour cette loi pratique, par suite la maxime (1) d'obéir à cette loi, même au préjudice de toutes mes inclinations. Ainsi la valeur morale de l'action ne réside pas dans l'effet qu'on en attend, ni non plus dans quelque principe de l'action qui a besoin d'emprunter son mobile à cet effet attendu. Car tous ces effets (contentement de son état, et même contribution au bonheur d'autrui) pourraient être aussi bien produits par d'autres causes; il n'était donc pas besoin pour cela de la volonté d'un être raisonnable. Et cependant, c'est dans cette volonté seule que le souverain bien, le bien inconditionné, peut se rencontrer. C'est pourquoi se représenter la loi en elle-même, ce qui à coup sûr n'a lieu que dans un être raisonnable, et faire de cette représentation, non de l'effet attendu, le principe déterminant de la volonté, cela seul peut constituer ce bien si excellent que nous qualifions de moral, présent déjà dans la personne même qui agit selon cette idée, mais qu'il n'y a pas lieu d'attendre seulement de l'effet de son action. NOTE DE KANT (I) On entend par maxime le principe subjectif du vouloir; le principe objectif (c'est-à-dire le principe qui servirait aussi subjectivement de principe pratique à tous les êtres raisonnables, si la raison avait plein pouvoir sur la faculté de désirer) est la loi pratique. (Fondements de la métaphysique des moeurs, p. 99-102.) L'action morale ne tirant pas sa valeur du but poursuivi, l'obéissance à la loi doit être indépendante du contenu de la loi, dont il ne reste plus alors que la forme universelle. Tel est le formalisme kantien. 36. L'universalité de la maxime. Mais quelle peut donc bien être cette loi dont la représentation, sans même avoir égard à l'effet qu'on en attend, doit déterminer

« 75 La loi morale Puisque la valeur d'une action accomplie par devoir est indépen­ dante du résultat obtenu, elle ne peut dépendre que de la maxime même de l'action, c'est-à-dire du respect de la loi morale.

35.

La loi morale.

Voici la seconde proposition :une action accomplie par devoir tire sa valeur morale non pas du but qui doit être atteint par elle, mais de la maxime d'après laquelle elle est décidée; elle ne dépend donc pas de la réalité de l'objet de l'action, mais uniquement du principe du vouloir d'après lequel l'action est produite sans égard à aucun des objets de la faculté de désirer.

Que les buts que nous pouvons avoir dans nos actions, que les effets qui en résultent, considérés comme fins et mobiles de la volonté, ne puissent com­ muniquer à ces actions aucune valeur absolue, aucune valeur morale, cela est évident par ce qui précède.

Où donc peut résider cette valeur, si elle ne doit pas se trouver dans la volonté consi­ dérée dans le rapport qu'elle a avec les effets attendus de ces ac­ tions? Elle ne peut être nulle part ailleurs que dans le principe de la volonté, abstraction faite des fins qui peuvent être réalisées par une telle action; en fait, la volonté placée juste au milieu entre son principe a priori, qui est formel, et son mobile a posteriori, qui est matériel, est comme à la bifurcation de deux routes; et puisqu'il faut pourtant qu'elle soit déterminée par quelque chose, elle devra être déterminée par le principe formel du vouloir en général, du moment qu'une action a lieu par devoir : car alors tout principe matériel lui est enlevé.

Quant à la troisième proposition, conséquence des deux précé­ dentes, je 1 'exprimerais ainsi : le devoir est la nécessité d'accomplir une action par respect pour/a loi.

Pour l'objet conçu comme effet de l'action que je me propose, je peux bien sans doute avoir de l'inclination, mais ;amais du respect, précisément parce que c'est simplement un effet, et non l'activité d'une volonté.

De même, je ne peux avoir de respect pour une inclination en général, qu'elle soit mienne ou d'un autre; je peux tout au plus l'approuver dans le premier cas, dans le second cas aller parfois jusqu'à l'aimer, c'est-à-dire la considérer comme favorable à mon intérêt propre.

Il n'y a que ce qui est lié à ma volonté uniquement comme principe et jamais comme effet, ce qui ne sert pas à mon inclina­ tion, mais qui la domine, ce qui du moins empêche entièrement. »

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