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Charles d'Orléan, Rondeau 38

Publié le 26/03/2011

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Charles d’Orléans, rondeau 38

Intro

Utilisant une structure poétique née de la musique associée à la danse « la ronde », Charles d’Orléans s’interroge à partir du thème de la Mélancolie sur un registre lyrique. Le rondeau est constitué de 3 strophes octosyllabiques : deux quatrains suivis d’un sizain, construits sur deux rimes. Comment par cette forme fixe l’auteur parvient–il à passer de l’expérience personnelle à une leçon générale en utilisant une structure bâtie sur un refrain ? Pour répondre à cette question, nous nous proposons deux axes d’approche. Le premier consisterait à étudier l’utilisation du refrain dans l’ambiguïté du discours. Le deuxième axe pourrait nous inviter à voir comment le champ lexical permet d’affiner la définition de la mélancolie.

 

Développement

I.                   L’utilisation du refrain dans l’ambiguïté du discours

La présence du refrain

Le refrain présente le sujet par la répétition du mot « mélancolie », thème central personnel (rappeler l’étymologie) ; par ailleurs la formulation par une question directe donne une dimension rhétorique à l’énoncé qui invite l’auditoire ou le lecteur non seulement au questionnement personnel, mais aussi le convie à recevoir différentes réponses. Ainsi le lecteur est-il directement impliqué par le pronom « vous », en reprise à la rime sous la forme d’insistance ; le lecteur s’interroge après une exclamative qui prend la dimension d’un cri personnel au sens de « que la mort me prenne » que l’on pourrait aussi rendre aujourd’hui par l’expression tragique « hélas » ; la parataxe met davantage en valeur l’émotion que le sens ; cri, cette interjection est aussi d’une certaine manière une apostrophe au lecteur.  D’ailleurs le pronom « vous » engage le lecteur dans l’ambiguïté de la situation puisque le pronom est sans référent précédant ; « Vous » peut aussi bien à première lecture désigner le public mentionné à la strophe 3 par l’expression « toutes et tous » qu’il renvoie grammaticalement au groupe nominal « Mon cœur » au vers 3 , construction par reprise, sorte d’apostrophe dans cette phrase. Par l’ambiguïté de la formulation , le poète propose tout autant un discours intérieur qu’une parole à partager. Ce double discours , à la fois sorte de discours à soi-même et parole pour les autres nous rappelle la douloureuse expérience de cet auteur exilé pendant 25 ans, qui écrit  pour s’exprimer dans une forme d’isolement et qui écrit aussi pour faire entendre une parole. La dimension lyrique est dans cette honnêteté de l’expression d’une expérience personnelle toujours implicite ici.

 

II.                Comment l e champ lexical et l’utilisation du mot « mélancolie » affinent-ils la définition possible du terme dans ce poème ?

Charles d’Orléans utilise la rime pour développer une allégorie. D’abord personnifiée par le nom commun « dame » dans la tradition de la poésie courtoise, la « mélancolie » prend une dimension allégorique grâce à l’emploi de la majuscule. Dans l’expression symbolique, l’auteur y associe la « folie » et la colère (« Courroux »).

 

La strophe 2 propose une autre image métaphorique héritée de l’art guerrier (« battu », « escrimie ») ; la métaphore filée, la mise en valeur du verbe « porte » en rejet suggèrent par connotation l’idée d’une blessure associée à la violence du combat.

 

La strophe 3 reprend cette idée de violence avec le nom commun « coup » employé en écho au mot « courroux » de la strophe 1. L’idée est renforcée par le verbe « heurt » ;  la mélancolie est donc un état de violence dont le poète sort épuisé comme il serait vaincu dans un acte guerrier.

Cette poésie reste bien dans la tradition courtoise : lutte d’un chevalier vaincu par sa dame , ici la Mélancolie, s’il ne s’en éloigne.

 

Conclusion 

 le poème est à la fois une exhortation pour soi-même et un conseil donné aux autres : conseil pour soi à la strophe 1, aux autres à la strophe 3 avec rappel en exemple de sa propre expérience avec la répétition du pronom « je » ; le poème a donc une valeur morale et didactique. Autant qu’expression personnelle, cette parole appelle à un partage sous une forme rhétorique qui met au centre la volonté de persuasion pour dire : évitez de vous enfermer dans un état d’amertume dont vous ne sauriez vous libérer. Pour répondre à la question posée «  Comment par cette forme fixe l’auteur parvient–il à passer de l’expérience personnelle à une leçon générale en utilisant uns structure bâtie sur un refrain ? », nous pouvons résumer ainsi notre pensée : l’auteur exploite le principe du refrain pour relancer à chaque fois le discours autour du thème central, qu’il entretient à chaque fois dans  une l’alternance savante entre l’emploi des pronoms « je » et « vous ». Enfin la simplicité du vocabulaire et la familiarité de ton due à l’emploi de l’octosyllabe créent un rapport de proximité entre le poète et l’auditoire ou le lecteur. Cette intimité rend la leçon légère dans ce divertissement de cour.

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