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Charles PLISNIER Roman-fleuve et nouvelle

Publié le 15/01/2018

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La comparaison du roman et de la nouvelle est un des thèmes traditionnels de la pensée critique. Bourget, dans ses Nouvelles Pages de critique et de doctrine avait proposé la distinction suivante : « La matière de l'un et de l'autre est trop différente. Celle de la nouvelle est un épisode, celle du roman une suite d'épisodes. Cet épisode que la nouvelle se propose de peindre, elle le détache, elle l'isole. Ces épisodes, dont la suite fait l'objet du roman, il les agglutine, il les relie. TI procède par développement, la nouvelle par concentration ( . . . ) . Elle est un solo. Le roman est une symphonie ». La distinction, établie par Plisnier, se réfère surtout à l'expression de la temporalité : la nouvelle occupe un instant, le roman suggère le lent écoulement d'une durée.

« ANTHOLOGIE e n plus à ado pter la forme du roman-fleuve , œuvre où l'on prend les héros à leur source, à leur naissance, pour les condu ire jusq u'à leur fin de vie, ju squ'à leur mort.

Je ne crois pas qu'un seul auteur de roman- fleuve, -ni Ro main Rolland, ni Roger Martin du Gard, ni Georges Duhamel, ni Jules Romains, pour ne citer que les plus grands, -ait eu jamais l'idée qu'un récit en deu x, cinq, dix ou vingt- cinq volumes occupât a priori , dans la hiérarchie romanesque, une place supérieure à celle qu'occupe telle nouvelle de cinq uante pages .

Mais ayant à dével opper certains thèmes, à em brasser certain complexe soc ial, à mon trer dans leur mouvement certains personnages dont les destinées paraissent inséparables , ils se son t trouvés contraints de donner à leur déma rche créatrice une ampleur except ionnelle.

C' est qu'avant tout, un problème se pose au rom ancier : le pro blème de la durée.

Certaines évolutions psychiques sont comma ndées par la dur ée.

Le sentiment du temps qui passe, le fait vécu dont la consomma tion n' est qu' app arente et qui continue , alors même qu'on le croit oublié, à en gendrer des drames : il fau t rendre compte de cela.

Ce qui n'est possible qu'en remon tant le temps pas à pas, geste par geste, lueur par lueur, c'est-à- dire en ajou tant les années aux années, les pages aux pages .

Certaines destinées au contraire semblent se décider brusquement, à la faveur d'un fait extérieur ou intérie ur.

Si telle chose advient, on se trou ve devant une crise, doma ine électif de la nouvel le.

Et pour la dire, il s'agit de conter avec rigueur un événement, un jour, une nuit.

Les person­ nages n'y app araissent poin t dans le cycle entier de leur vie, mais en fonc tion d'u n fait qui met au jour leurs puissances latentes, bonnes ou mauvai ses.

S'i l est questi on de leurs origines, de leur passé, c'est uniquement dans la mes ure où ils permettent d'expli quer la ma nière dont ils vont réagir dans les circonst ances spéciales où ils se trouvent placés.

L'éc lairage même, épandu sur ces pages , ce n'est pas au soleil de tou s les jours qu'il ressemble, ainsi qu'i l siérait dans un vrai roman, mais à la lueur de ces proj ecteurs dont on fait usage au cinéma pour isoler une scène ou la détacher.

Le roman en géné ral -et singul ièremen t le ro man-fleuve -est la forme de récit dans laquelle la dur ée, se sub stituant à la Moira antique, est le prem ier souci du créateur.

La nouvelle est la forme de récit qui permet au créateur de saisir un drame au moment même où il atteint son point culmi nant.

On trouve dans l'un, le sen timent d'une évoluti on; dans l'autre , le senti ment d'un aboutissement, d'un parox ysme.

Il est parfait ement vain de se demand er si l'u n de ces deux genres est supérieur à l'autre .

Sa ns dou te ceux que l'histoire littéraire met au rang des grands créateurs son t ceu x qui ont su rend re com pte du temps et des lar ges complexes humains, -un Balzac, un Tolstoï, un Sten dhal, un Proust.

Mais certaines nouvelles de Gogol, de Pou chkine ou de Maup assant ouvrent sur l'âme huma ine des perspectives infinies.

Roman, papiers d'un romancier, Grasset, 1954, pp.

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