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Choderlos de LACLOS Les Liaisons dangereuses Lecture analytique : Lettre 125 De « la voilà donc vaincue » à « exclusivement à tout autre »

Publié le 16/10/2010

Extrait du document

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I. PRESENTATION 

 

Le libertinage apparaît au siècle des Lumières comme un mode de vie d’émancipation par rapport au poids de la religion et des conventions sociales. Mais Laclos montre que ce libertinage n’est pas un jeu innocent mais un univers de perversion, de trahison et de souffrance. 

 

Les Liaisons dangereuses est un livre paradoxale. C’est en effet un roman épistolaire dans la société libertine. Or l’auteur est un militaire hostile au comportement de la société aristocratique du XVIII°. La force du livre provient alors du jeu perpétuel de miroir entre la guerre et l’amour.   La guerre est l’affaire la plus importante, dans la mesure où elle met en jeu la vie, la mort, la liberté et le pouvoir. Laclos traite l’amour au même rang que la guerre. Au lieu de pousser les sentiments au paroxysme de la passion, il les traite au paroxysme de la froideur, de la duplicité, du  rapport de force et de la stratégie. 

 

Créé au XVIII°, ce roman obtient un succès immédiat et fulgurant jusqu’au XX° siècle : dix réimpressions en deux ans, ce qui est impressionnant pour l’époque,  de nombreuses interprétations littéraires et cinématographiques. 

 

Il s’agit de la lettre 125, rédigée par V à M. Elle constitue l’ouverture de la quatrième partie du roman. Débutant sur un communiqué de victoire, V fait alors le long récit de l’aboutissement de la conquête de la prude présidente, avec un vocabulaire de la campagne militaire. Sa part du contrat avec M est donc accomplie. V est euphorique d’annoncer son succès à sa complice. Cependant, certains sentiments apparaissent à travers le compte rendu. V s’est conduit comme un séducteur, mais a violé la règle initiale de ces jeux libertins : ne jamais tombé amoureux. De quelle manière V en faisant le compte rendu de sa victoire laisse transparaitre ses sentiments ? 

 

C’est ici que résident les dangers de la correspondance épistolière. En se confiant à M dans une lettre, V fait l’aveu de sentiments sincères et revit ses actes, ce qui dédouble le plaisir. Quels sont les caractéristiques et les dangers de la correspondance ? 

 

II. LECTURE 

 

III. ÉTUDE DE DÉTAILS

 

I. L’expression d’une stratégie et d’une victoire 

 

Expression métaphorique su succès amoureux de V sur T > RAPPEL DJ + lettre 4

Stratégie libertine de conquête dune femme qui lui résiste avec VOC guerrier

MAIS domaine des sentiments

 

A. les difficultés rencontrés 

 

Résistance de l’adversaire 

> « Résister, une résistance, défense provocante «  

> Polysémie (= liens entre différents termes) : « prévention, conseil, rapport, stratégie « 

=> Forme militaire

 

Faiblesse de V 

« Maitriser comme un écolier «

 

Risque de dépendance 

« Que je puisse dépendre « > pouvoir renforce le risque

 

=> Limites de sa conquête. 

 

B. Les éléments d’une stratégie

 

Déroulement d’un combat jusqu'à la victoire finale 

> Adversaire 

> Conquérant 

> Détermination pour assurer le succès

> Stratégie : « campagne, savantes manœuvres «

> Victoire : « la voilà donc vaincue, vaincre, triomphe, succès, gloire «

=> Association guerre, conquête féminine, sentiments personnels. 

 

Evocation de la carrière du séducteur à travers la séduction de T 

> « Reléguons cette idée puérile, tant d’autres, la foule des femmes «

> Utilisation de ON = généralisation du propos

 

Regard rétrospectif sur sa vie

> Vie = succession de victoires amoureuses

> Annonce le dénouement tragique. Fatalité et absurdité de son existence. 

RAPPEL DJ. 

 

Relations humaines du libertin

> Conception relations humaines qu’en terme de domination, de compétition, de victoires à remporter sous différents formes. 

Ex. Défi de M qui lui résiste donc intéressant

=> Vie libertine : volonté de s’imposer, de rivaliser. 

 

II. Les sentiments de V 

 

A. L’expression de la fierté

 

Expression de sentiments de réussite > V a mené a bien une conquête difficile => Fierté

 

Elan 

« La voilà donc vaincue qui aurait pu croire qu’elle (…) ! « :

- DONC > exposition victoire et efforts

- VOILA > présentatif

- Point d’exclamation

=> Synthèse du temps passé et des efforts

 

Comparaison avec d’autres conquêtes 

Parallélisme de la conquête de T avec les autres conquêtes : « dans la foule des femmes, ici au contraire, ce n’est donc pas comme les autres aventures «

 

Difficultés de l’entreprise 

« Complète, pénible, savante «

 

Attitude de V 

« Due à moi seul, que je n’ai pas en moi seul «

 

Affectivité

« Plaisir, douce impression, chérit cette façon de voir «

 

B. L’expression d’un charme inconnu

 

Allusions à la surprise

Quelque chose d’étonnant « charme inconnu «. 

Etonnement marqué par les questions : « serait.. « les formes interrogatives rendent comptent de l’étonnement du protagoniste. Nous constatons que ce trouble est plus tenace et préoccupant car Valmont y revient plusieurs fois 

 

Double objectif de la lettre 

V cherche dans cette lettre à voir clair en lui = analyse psychologique

Il se remémore ces moments de bonheur

12 13 conditionnels et négations fortes témoignent d’un état d’incertitude : « non, il faut «

Il s’agit d’une manière de revenir sans cesse aux mêmes préoccupations comme s’il déculpabilisait d’éprouver un tel trouble 

 

Faiblesse de Valmont

« moments de pulsion « > s’adonne plus aux plaisirs 

 

Ambiguïté des propos et sentiments 

Dans les termes qu’il emploie : il dénigre le charme de T mais le décrit sans cesse

Ambiguïté également en ce qui concerne son bonheur : celui d’avoir réussi son pari, celui d’avoir vaincu T, celui de le raconter à M « trop plein de bonheur «

! 8 « ce n’est pas celui de l’amour «> Il nie explicitement qu’il éprouve un certain sentiment amoureux

Cependant, il avoue de ce fait avoir ressenti quelque chose qu’il n’a pu contrôler

V éprouve de manière naïve et spontanée un sentiment qu’il s’était interdit : il semble en effet être tombé amoureux de sa proie

 

Enthousiasme de Valmont

Il s’agit d’un enthousiasme heureux exprimé par l’affirmation « oui, mon amie «

Les questions que se posent V semblent tout à fait étrange de la part de ce séducteur accompli et plein d’expériences

 

Une arme à double tranchant

M peut renoncer à prononcer la victoire dans la mesure où V n’a pas respecté les règles du libertinage qui leurs sont communes

Cette lettre révèle les faiblesses de V, ce qui peut se retourner contre lui, notamment être à la merci de la perversité de sa rivale M 

 

III. Fonction et danger de la correspondance 

 

Cette lettre peut trahir celui qui l’écrit. Elle révèle par son contenu la faiblesse de V : c’est-à-dire le sentiment amoureux qu’il « prouve malgré lui. 

 

A. Le message immédiatement perceptible

 

Message de la victoire 

Lettre a pour but d’informer M de la victoire du libertin et qu’il a ainsi respecté son contrat. 

> « La voilà vaincue, elle est à moi « : délicatesse des propos de V qui atténue la chose mais exprime néanmoins une victoire certaine sur T

Enumération des causes d 23 à 27 « prévention défavorable, timidité naturelle, attachement à a vertu « : adjectifs ou subordonnées relatives accentuent la difficulté de l’entreprise pour soumettre T à son désir

 

Une Conquête unique

V compare T avec ses autres conquêtes : elle constitue l’aboutissement à une victoire complète

 

Renversement de situation

Comme s’il prenait conscience d’avoir trop épanché ses sentiments, le séducteur tente d’atténuer ses propos : « il n’est pas surprenant « 

 

B. Les aveux de V 

 

Faiblesse et vulnérabilité du libertin

Cette lettre laisse transparaître les sentiments véritables de V ce qui le met dans une position de faiblesse. Il s’agit d’un bulletin de victoire qui se transforme en réalité en une illustration de la faiblesse de V. Il n’est plus le séducteur insensible qui fait de ses conquêtes des objets. 

 

Une provocation

En révélant ses sentiments, V provoque M qui risque d’être jalouse de T, de concevoir de la colère.

 

« Cassus Belli «

Ce pari pourrait-t-il se transformer en une guerre entre les deux complices ? 

En effet, si V est réellement tombé amoureux de T, la récompense du pari (M comme amante) n’a plus de prix. Or aucun des deux partis ne doit tomber amoureux

V rompt de ce fait le pacte des libertins dans la mesure où cette lettre constitue son aveu implicite de son amour pour T, que M va très bien interpréter

 

Les dangers de la correspondance épistolaire

Cet aveu implicite de V ne peut être perçu par la M que comme un échec : d’où le problème de l’interprétation à distance. 

L’auteur ne peut en aucun cas expliquer ou atténuer ses propres propos. V se laisse donc aller à des confidences sincères tandis que cette confiance s’inscrit exclusivement dans le contexte libertin. 

 

Vulnérabilité de Valmont

La vulnérabilité de V vient de sa spontanéité et sa sincérité. Il est heureux et déroge à l’une des règles du libertinage : ne jamais laisser apparaître ses véritables sentiments + Refus de l’amour 

 

IV. Conclusion

 

Au regard de cette étude, nous constatons qu’il s’agit d’une lettre déterminante à la fois pour l’avancée dramatique et psychologique de l’intrigue. 

En effet, Valmont dévoile pour la première fois ses véritables sentiments sans aucun artifice. C’est pourquoi il déroge à l’une des règles du libertinage qui consiste à ne jamais dévoiler ses sentiments. 

De plus, cette lettre s’apparente à un bulletin de victoire dans lequel V décrit avec enthousiasme et fierté son exploit de libertin. Mais son trop fort enthousiasme ne va pas tromper sa confidente la Vicomtesse de Merteuil. Celle-ci tout comme le lecteur décèlent derrière cette description la présence d’un sentiment amoureux éprouvé par V pour la présidente de T. 

Ainsi, le lecteur attend avec une curiosité enivrante la réaction de la marquise : le pari du couple libertin n’est en effet plus respectable.

 

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