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Choisit-on d'être celui que l'on est ?

Publié le 12/09/2006

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Ce sujet pose le problème de la responsabilité de l’homme dans ce qu’il est, dans son être le plus profond. En effet, l’être d’un homme en particulier est-il déterminé par différentes causes qui lui sont extérieures, ou au contraire par ses désirs et sa volonté ? Nous étudierons dans une première partie les différentes causes qui conditionnent l’être, indépendamment de sa volonté. Certains, nous le verrons dans notre deuxième partie, refusent ce déterminisme et prétendent à une liberté absolue. Finalement, nous nous intéresserons à l’existentialisme de Sartre, qui montre que l’essence de chaque homme est en vérité définie par les actes, les engagements et les choix qu’il a effectué tout au long de sa vie. Le culte de la beauté et de l’apparence qui règne actuellement nous le rappelle sans cesse, chaque individu possède des caractères qui lui sont propres et auxquels il ne peut pas changer grand-chose. Le récent développement de la science nous a permis de prouver et d’expliquer la grande responsabilité des gènes dans les caractéristiques de chacun. Ainsi, une grande partie de notre nature est elle déterminée lors de notre naissance, de manière arbitraire et irrémédiable. Une idéologie dérivée de ces études scientifiques, la sociobiologie, considère même notre essence comme le résultat exclusif de notre patrimoine génétique. Elle justifie donc la domination de certaines classes et définit les inégalités sociales comme naturelles et légitimes, les hommes possédant à la naissance un patrimoine génétique. La théorie du déterminisme religieux, prônée par Saint Augustin, considère également l’essence d’un homme comme une chose prédéterminée, mais par un pouvoir divin. D’autres formes de déterminisme expliquent qu’une part importante de l’être est conditionnée par des causes différentes : Freud propose une théorie selon laquelle il est constitué par ses multiples identifications à autrui dans sa petite enfance ; il est dépendant d’autrui dans son être le plus profond, qui n’est que la conséquence d’une causalité inconsciente. Un sociologue, Pierre Bourdieu, explique, à travers l’analyse du système éducatif, la prépondérance de la naissance et du contexte social dans la détermination de l’homme. Platon, dont la pensée est à l’origine de toute la philosophie occidentale, a émis quant à lui une théorie selon laquelle chaque homme possède en lui une « âme «, qui lui est donnée dès sa naissance, et qui ne peut être changée durant sa vie. Il existe trois types d’âmes, de valeurs inégales, qui définiront les désirs et les valeurs d’un homme tout au long de sa vie : il ne peut lutter contre et une éducation contraire aux aspirations de son âme n’aurait que des effets néfastes. Dans un registre différent, le Marquis de Sade, dans La Nouvelle Justine, justifie les pratiques socialement déviantes de certains par le caractère inné des goûts et des aspirations de chacun : « Il n’est aucun goût, quelque bizarre, quelque criminel même qu’on puisse le supposer, qui ne soit le résultat de la sorte d’organisation que nous avons reçue de la nature. « La notion de déterminisme, étudiée pour la première fois par Spinoza au 17ème siècle, a donc inspiré différentes théories, qui laissent à l’homme un choix très limité dans son accomplissement : en effet, elles s’appliquent toutes à souligner les différentes causes qui le déterminent, et qui échappent totalement à sa volonté. Face à ces théories déterministes frustrantes pour l’homme qui ne serait pas maître de décider de ce qu’il est, certains mouvements libertaires extrêmes ont défendu une autodétermination totale de l’homme, pour qui il suffirait de le désirer pour pouvoir choisir ce qu’il est. C’est le cas de Jerry Rubin, un activiste américain des années 1960, qui explique dans Do It la nécessité pour chaque homme de tenter de réaliser ses désirs et ses rêves même les plus fous, pour tirer le meilleur de lui-même. Pour lui, la seule chose qui empêche les hommes de choisir ce qu’ils veulent devenir est le capitalisme et les institutions traditionnelles en place. Certains slogans de Mai 68 illustrent bien cette idéologie : « Jouissez sans entraves «, « Soyez réalistes, demandez l’impossible « ou encore « Je prends mes désirs pour des réalités, car je crois en la réalité de mes désirs «. Ces mouvements contestataires reflètent donc le désir de l’homme d’échapper à toutes les contraintes qui le détermine, en critiquant et en tentant de détruire le système en place. On peut retrouver cette illusion d’autodétermination totale de l’homme dans l’individualisme forcené de nos sociétés actuelles. Un des exemples de cette idéologie sont les nouvelles psychothérapies de développement personnel, très en vogue aux États-Unis, qui prêchent la toute puissance de la volonté dans l’accomplissement de soi. Ces deux types d’idéologies, diamétralement opposées, expriment donc un choix soit total soit impossible de l’homme, mais la question du choix de l’homme dans son être dépasse ces deux extrêmes. Jean-Paul Sartre, et à travers lui tout le mouvement existentialiste, admet le fait que l’homme soit en « situation «, c'est-à-dire qu’il possède un corps défini, un passé, et rencontre des obstacles à son accomplissement ; cependant, il explique qu’il est par nature totalement libre et sans but prédéterminé. En effet, contrairement aux autres objets matériels, à qui on peut attribuer une essence, un rôle bien précis, dès lors qu’on peut les concevoir, l’homme ne possède pas d’essence arrêtée tout au long de sa vie : il « existe d'abord, se rencontre, surgit dans le monde, et se définit après «. Ce sera donc seulement à la fin de sa vie que l’on pourra juger de l’essence d’un homme, en considérant ses actes et ses engagements. « L’existence précède l’essence «, et par conséquent l’homme n’est donc « rien d’autre que ce qu’il fait « : il est libre de choisir son essence, de par ses décisions, ses choix moraux. Après des siècles de débats sur cette question, Sartre a donc réussi à dépasser l’opposition, en prenant en compte tant les causes qui déterminent l’homme que ses aspirations et ses désirs. En la mettant au centre de son œuvre, il est donc parvenu à dépasser cette question, et grâce à ses engagement, à faire de sa vie l’incarnation de sa philosophie. Cette question qui se pose à l’homme tout au long de sa vie, engendre donc une réponse complexe et délicate. En effet, celle-ci a son intérêt sur le plan philosophique, mais prend toute son importance dans ses conséquences, puisqu’elle implique également un choix moral et éthique de la part de l’homme, et est donc au cœur des enjeux sociaux et politiques d’aujourd’hui.

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