Cogito cartesien

Ainsi après avoir repris tout ce qui a été vu dans la première méditation et après avoir déduit ce qui manquait à son doute, son aspect nécessairement provisoire, Descartes en récolte tout naturellement les fruits: le cogito. Comment cela s’opère-t-il exactement ?       Comment sortir du doute ? Toute affirmation relative à un monde extérieur est douteuse, parce que ce que je tiens pour réel n’est peut-être que l’objet d’un rêve; toute proposition mathématique est douteuse, parce qu’il est possible qu’un Dieu, ou un mauvais génie, exerce sa puissance à dessein de me tromper, même sur les vérités les plus élémentaires de l’arithmétique et de la géométrie. Faut-il, comme le faisait Pyrrhon, rejeter toute prétention de construire un savoir ? Si tel était le cas, le doute méthodique ne se distinguerait finalement guère du doute sceptique. Or, Descartes le dit quelques lignes avant ce passage, son entreprise est comparable à la demande d’Archimède: l’édification d’une science est au philosophe ce que fut au physicien le dessein de déplacer le globe terrestre; et comme celui-ci ne demandait qu’un point fixe, celui-là n’a besoin que d’une seule proposition qui résiste au doute, qui ne cède pas sous les attaques les plus hyperboliques. Si le projet de l’Ancien n’était qu’une fiction destinée à mettre en valeur le principe du levier, celui du Moderne, destiné à mettre en valeur la force de la méthode, est bien autre chose qu’une fiction. Ce texte découvre au lecteur le point fixe cartésien                                                                 L’erreur d’interprétation de ce texte consisterait à croire que le cogito découle naturellement de ce doute. Le doute, je le rappelle, est radical, donc même le fait que moi-même j’existe, et même le fait que je sois là en train de penser à ce que je crois être en train de penser, doit être mis en doute, si on suit bien la logique de Descartes, sa radicalité. C’est justement la difficulté que soulève ce passage, et qu’il résout finalement:   Il y a ici trois concepts majeurs qui sont à mettre en relation pour expliquer ce passage: Tout d’abord la radicalité du doute est ici reprise: même Dieu ne fournit aucune garantie. Distinction ténue et complexe – c’est-à-dire problématique – entre Dieu et le dieu trompeur. Le trompeur est-il Dieu? A lire les premières lignes de ce paragraphe il semble que oui. A lire la fin du paragraphe il semble que ce «trompeur« ne soit qu’un pur objet méthodologique: un outil pour la pensée= «un je ne sais quel trompeur« Descartes utilise ici volontairement une formule qui marque clairement que peu importe qui est ce trompeur, l’essentiel tient en ceci que je n’ai pas de certitude : je peux tout supposer, y compris un dieu trompeur, car rien ne vient me prouver que je n’ai pas tort de ne pas le supposer et parce qu’en tout état de cause je sais que l’opinion, la sensation et même la raison ont déjà pu me tromper, si bien que je peux supposer que je suis trompé en permanence. Première approche du SUJET cartésien, de la notion d’individualité comme première certitude : Moi donc à tout le moins ne suis-je pas quelque chose ?Réponse négative à cette question : j’ai déjà nié que je n’ai aucun corps ni aucun sens.Seulement je doute et si je suis trompé peu m’importe car en tant que tel j’existe nécessairement. Conséquence philosophique on a là une première distinction entre l’âme et le corps : je ne suis pas en tant que corps, car je peux nier l’existence de mon corps et de mes sens, mais l’existence de moi-même comme quelque chose qui pense, comme conscience, cela je ne peux pas le nier. Plus encore : pour me penser moi-même avec certitude, pour révéler mon essence je dois faire abstraction de tout ce qui relève de mon corps :   la phrase du début de cette méditation est déjà en partie expliquée ici De la nature de l’esprit humain ; et qu’il est plus aisé à connaître que le corps.