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COLLECTIVISATION AGRAIRE FORCÉE (URSS)

Publié le 22/02/2012

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Bien plus que la révolution russe, la collectivisation forcée des campagnes, lancée, à la fin de 1929, par la direction stalinienne, constitua, pour la masse de la population soviétique, composée alors à plus de 80 % de paysans, une rupture fondamentale et dramatique. Pour Staline, la collectivisation doit régler définitivement la question du financement de l'industrialisation, donc de la « modernisation » du pays : elle doit casser les lois du marché, permettre de prélever autoritairement, à des prix dérisoires, une part toujours croissante de la production de la paysannerie, regroupée en exploitations « coopératives » (kolkhozes) ou en exploitations d'État (sovkhozes). En quelques années, cet objectif est effectivement atteint, mais à quel prix ! La collectivisation forcée débouche sur une « exploitation militaro-féodale » (Nicolas Boukharine) de la paysannerie et sur une formidable régression, qu'illustre la famine de 1932-1933, conséquence prévisible de la politique prédatrice menée par l'État. La collectivisation forcée constitue aussi une étape décisive dans la mise en place de pratiques répressives à grande échelle. Elle va, en effet, de pair avec la « dékoulakisation » : en trois ans (1930-1932), 500 000 familles paysannes (plus de deux millions de personnes) étiquetées « koulaks », jugées comme « socialement étrangères » à la nouvelle société kolkhozienne, sont déportées vers les régions inhospitalières de la Sibérie, du Kazakhstan et du Grand Nord. L'hécatombe de la Grande Famine. Collectivisation et dékoulakisation suscitent d'âpres résistances : pour la seule année 1930, on compte près de 14 000 émeutes, soulèvements, manifestations paysannes. Progressivement, l'État accroît les prélèvements sur la récolte des exploitations collectives. Entre les kolkhoziens, décidés à user de tous les stratagèmes pour conserver une partie de leur récolte, et les autorités soucieuses de remplir à tout prix le « plan de collecte », le conflit devient permanent. La conséquence ultime de ce cycle prélèvement-résistance-répression est une terrible famine, totalement passée sous silence, qui fait, principalement en Ukraine, dans le Caucase du Nord et au Kazakhstan, près de six millions de victimes (1932-1933). En cinq ans, 95 % des foyers paysans sont collectivisés. Seule concession, après la famine de 1932-1933 : l'octroi, à chaque famille kolkhozienne, d'un minuscule lopin (0,25 ha), qui assure sa survie, tout en la détournant durablement du travail collectif. Globalement, toutefois, le cheptel diminue de 45 % en cinq ans, et la production céréalière de 15 %. Plus grave encore : à la formidable violence exercée contre eux, les paysans répondent en travaillant le moins possible sur une terre qui ne leur appartient plus. L'État se trouve ainsi contraint de prendre la responsabilité d'un nombre croissant d'activités, aggravant le caractère bureaucratique et policier du régime. L'agriculture soviétique ne se relèvera jamais du séisme de 1930. Nicolas WERTH

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