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Commentaire composé les aventures de Télémaque, Fénelon

Publié le 13/02/2011

Extrait du document

Groupement de textes : la fiction au service du débat d’idées 

Les aventures de Télémaque , Fénelon

Commentaire composé

 

Situation : 

Fénelon( 1651-1715) est considéré aujourd’hui comme un auteur important du 17ème siècle pourtant, il ne s’est jamais considéré comme tel. De vieille noblesse périgourdine, il se consacre avant tout à une carrière ecclésiastique , il deviendra même dans la dernière partie de sa vie évêque de Cambrai. Il est accusé dans les aventures de Télémaque d’avoir fait une satire de la cour de Louis 14. Toutefois, il ne vit pas en retrait du monde. En 1689, Il est nommé précepteur du Duc de Bourgogne, petit fils de Louis 14. Résidant à la cour, il peut observer le roi dans l’exercice de son pouvoir et finalement la fréquentation de ce milieu ainsi que la mission qui lui est dévolue (former un futur roi) vont l’amener à conduire une réflexion dans le domaine politique.

Par rapport à l’oeuvre, dans les aventures de Télémaque, on trouve des éléments se rapportant à une réflexion sur le domaine politique. D’après Fénelon, cette oeuvre sans doute écrite en 1695 n’était pas destinée à être publiée, sa vocation était essentiellement pédagogique. Fénelon se propose d’intégrer son enseignement à un ouvrage plaisant dont le sujet est emprunté à la mythologie, l’oeuvre est rattachée en l’occurrence à l’Odyssée d’Homère

 

Caractérisation : 

Dans l’extrait étudié, Télémaque et son précepteur Mentor sont les auditeurs attentifs du discours d’Adoam, relatif à un pays inconnu : La Bétique. Ce dernier procède à la peinture élogieuse d’un lieu idyllique proche de l’utopie. Cette peinture s’articule sur un discours rapporté en style direct, discours tenu par les habitants de la Bétique. Or ce discours renvoie au réel, à la société dans laquelle vit le lecteur, il se situe dans un rapport d’opposition à l’égard de la première partie du texte et constitue un blâme de la société à laquelle appratient le lecteur. On s’interrogera donc sur l’articulation entre ces deux temps  (description).

 

Problématique : 

En quoi la stratégie argumentative de l’auteur reposant sur la peinture d’un lieu idyllique se révèle - t -elle habile te efficace.

 

Style du texte : Variations stylistiques importantes

l 1 à 15 : Peinture du paysage , on a un style simple , didactique ( ordonné, il est constitué d’un inventaire des éléments constitutifs du paysage, souci du détail, chaque phrase est consacrée à un élément, on a des moments de bilan, de synthèse : “Hymen”...). La syntaxe est simple avec certes des  propositions subordonnées mais exclusivement des relatives. Les phrases sont relativement  courtes et souvent construites selon le rythme binaire (phrase 1) qui peut être renforcé par la figure du parallélisme (hivers/été) --> Choix de la simplicité de l’expression qui suggère l’équilibre, l’harmonie, sérénité, qui règne au sein du lieu : éloge.

Cette simplicité du style est le miroir de la simplicité du lieu et des habitants.

 

Contraste avec la deuxième partie du paragraphe : 

Longueur des phrases. On passe d’une description à une argumentation ( 13-24) avec la présence d’un réseau d’opposition soulignée par l’emploi récurrent des négations (nous et les habitants de la Bétique...). Une syntaxe plus complexe avec des propositions subordonnées relatives qui introduisent de rapports logiques (19-20). Dès lors que les hommes sont évoqués, le style change, il devient plus élaboré. Cela suggère une différence entre l’homme et la nature et l’idée que c’est l’homme qui introduit de la complexité au sein de la nature.

La dimension oratoire du texte  : le destinataire est directement impliqué dans le discours comme s’il était pris à parti et cela notamment à l’aide d’une succession rhétorique ou oratoire qui sont des affirmations, assertions déguisées dont le but est d’impliquer le lecteur.

On a également l’emploi récurrent du rythme ternaire associé à une gradation qui produit un effet d’amplification du discours (34-29-35-dernière phrase)

A l’époque tourmenter = torturer.

 

Les fonctions de l’utopie

La peinture d’une société idéale permet de souligner les caractéristiques de la société réelle dans un système d’opposition.

Le détour par la fiction conduit le lecteur à être actif, c’est lui qui décode le texte pour lire derrière la fiction la référence à la réalité.

La peinture d’un monde idéal a une valeur poétique, de nature à séduire le lecteur, avant d’envisager des questions d’ordre politique--> topos (lieu commun de la littérature) qui remonte à l'Antiquité du locus amoenus (lieu agréable).

Le passage par cette évocation aurait une valeur initiatrice . Il permet au destinataire de prendre de la distance par rapport au monde réel pour mieux le jugerce qui pourrait le rattacher au procédé de l’oeil neuf( les lettres persanes, l’Ingénu, Micromégas). Le lecteur est encouragé à adopter le regard des habitants de la Bétique pour mieux évaluer son monde.

 

Plan détaillé : 

La peinture d’un monde idéal.

Une interrogation dur le monde réel.

La critique de la société contemporaine de l’auteur.

 

La peinture d’un monde idéal

Un lieu de l’ailleurs.

Tout d’abord, l’ailleurs dans l’espace (2 à 4), un monde situé aux frontières du monde connu c’est à dire qui n’est pas situé de façon précise sur un  plan géographique , pas une indication réaliste, en revanche, valeur symbolique qui insiste sur la distance par rapport au monde du lecteur et qui suggère un monde isolé du monde connu. Ce lieu renvoie à l’utopie. Dans l’oeuvre qui est à l’origine de ce genre (Utopia de Thomas More 16ème siècle) , l’utopie est une île coupée du reste du monde , un non lieu.

Un ailleurs dans le temps. Le texte ne donne aucune indication temporelle précise, la description est au présent. Un résent qui tend à immobiliser la durée comme si on avait affaire à un monde en dehors de l’histoire, un monde fondé sur la répétition du même, ce qui est identique, qui est suggéré par les adverbes (toujours et jamais 1-6). Le temps semble immobilisé dans un éternel présent.

 

Conclusion : Les deux caractéristiques insistent sur la rupture entre ce monde et la réalité et en l’occurrence il s’agira bien d’un monde de la fiction, fiction idéalisée.

 

   Un monde qui repose sur une idéalisation de la nature : 

Ce lieu renvoie au locus amoenus, un lieu agréable qui constitue un topos poétique présent dès l’Antiquité. On retrouve un certain nombre d’éléments typiques de ce lieu ( l1 le fleuve, la présence d’un air rafraîchissant, une végétation agréable et abondante l10 et toujours verte l 11). Dans ce lieu les saisons sont neutralisées et la nature prodigue ses bienfaits de façon permanente.

Le texte insiste sur le fait que la nature est particulièrement féconde (pays fertile l1, reprise métaphorique 7-9 : hymen, se donnent la main) renforcé par la mention d’une double moisson dans un effet de surenchère plus des termes qui insistent sur l’abondance ( couverte...12 , plusieurs mines d’or et d’argent ).

Un lieu qui satisfait les sens : 

le sens de la vue essentiellement convoqué à travers les éléments du paysage.

le sens de l’odorat avec la mention des fleurs (jasmins).

le sens du toucher largement convoqué au début du texte avec ce qui renvoie aux vents

l’ouïe avec les animaux.

-> Idéalisation.

 

Conclusion :  Un lieu qui séduit le lecteur, qui parle à son imagination, qui le conduit à se projeter dans un monde idéal. Mais c’est toutefois un monde travaillé par un certain nombre de valeurs qui renvoie par conséquent indirectement à une éthique.

 

   Un lieu qui suggère un système de valeurs : 

Un lieu qui illustre un idéal de modération, idéal remontant à l’Antiquité, qu’on trouve chez Aristote qui, dans ces réflexions politiques , fait l’éloge d’un juste milieu, d’un état qui s’écarte de tout excès quelqu’il soit. La modération est particulièrement illustrée par les vents, soulignée par l’absence d’excès (aquilon) au profit de termes adoucissant (doux, tempéré...). La construction des phrases selon un schéma binaire suggère également cet équilibre intervenant au sein de la nature.

Un lieu qui suggère la supériorité de la nature sur l’homme ( voir construction du premier paragraphe 1-13 , opposition du style entre première et deuxième partie). Différents styles présentent la nature comme une donnée accomplie tandis que l’homme apparait comme problématique, il peut être un facteur de désordre.

Nature= création.

 

Conclusion : En somme le pays de la Bétique apparait comme une création intellectuelle nourrie par certains idéaux de Fénelon (le paysage est artificiel, surtout l’emblème d’un certain nombre de valeurs-> paradoxe : une nature anti-naturelle). le paysage décrit n’est pas seulement destiné à satisfaire les sens et à réjouir l’imagination du lecteur , il est déjà  l’amorce d’une argumentation (implicite au début du texte).

 

Conclusion I.

Finalement, la peinture d’un lieu idyllique, si elle se pare des prestiges de la poésie , ne semble pour l’auteur un fin en soi. Elle prend place dans un dispositif argumentatif habile. La peinture du paysage porte déjà en elle certaines valeurs défendues par l’auteur. En outre, elle tend à mettre le lecteur à distance du réel afin semble-t-il de modifier son approche de celui-ci  (valeur initiatique de l’espace utopique , idée de décentrement avec le procédé de l’oeil neuf).

 

    Une interrogation sur le monde réel.

L’évocation du peuple de la Bétique

L’application de la vertu de modération

Cette vertu est caractéristique du paysage comme on l’a vu, elle apparait comme une clé de l’éthique du peuple de la Bétique. Dans cette approche le paysage peut apparaitre comme la métaphore du peuple vivant en harmonie avec la nature. Ils s’inscrivent logiquement dans le système de valeur qu’ils suggèrent. Cet idéal de modération est rattaché aux vertus d’humilité et de simplicité des habitants. Tout d’abord, on remarque la récurrence de l’adjectif simple (24) et un effet d’insistance avec la reprise da la notion de simplicité -> redondance.

L’humilité est suggérée par la modération de leur description, ce que traduit leurs activités(20) : bergers ou laboureurs, ce qui suggère qu’il se contentent des biens de la nature sans chercher à exploiter ses ressources, tirer le plus grand profit (référence aux mines d’or et d’argent) et sans chercher à transformer les richesses naturelles. C ‘est pourquoi (20) on a peu d'artisans. Les besoins des habitants sont limités aux besoins élémentaires. on note une forte insistance sur cette notion (16 besoin de l’homme, reprise l.20 véritable nécessité de l’homme -> gradation). Par conséquent, dans leur système de valeurs, les richesses sont définies par la notion d’utilité et non de rareté ou de valeurs marchandes l.14-15) Or en pratiquant cette vertu antique de modération, ils accèdent au bonheur qui fait d’ailleurs écho à la sérénité qui se dégage des lieux (14).

Toutefois, si le peuple semble bien illustrer certaines vertus naturelles, néanmoins, cela ne parait pas aller de soi. A la différence de la nature, la simplicité des habitants constituerait une conquête  ce que suggère l’emploi récurrent des négations et du verbe vouloir(20). On constate l’emploi de négations fortes (14-15 : on a ne daignent pas seulement , 18-19 : aucun commerce, ils n’avaient besoin d’aucune...), emploi de négations restrictives qui mentionnent l’exclusion de certains éléments , tout ce qui relève du superflu (15 : ils n’estiment que ce qui sert, 21 : ils ne veulent souffrir que les arts). Ces négations suggèrent une attitude déterminée, radicale , qui suggère un effort pour se conformer à l’idéal de modération. Cet idéal relève donc d’avantage d’un choix, d’une discipline qui ne serait pas un élan naturel. D’ailleurs, la présence du verbe vouloir(21) manifeste bien de la participation active de la volonté.

 

Conclusion :  En réalité, l’évocation des habitants de la Bétique marque un infléchissement dans le texte. Il ne s’agit plus de décrire un peuple heureux mais de conduire le lecteur à réfléchir sur des choix de société. Ainsi, à partir de la L 13, la description c!de le pas à l'argumentation et le registre devient plus polémique. L'évocation du peuple de la Bétique contient en creux celle du lecteur, elle l’implique.

 

Les habitants de la Bétique : miroir inversé de la société du lecteur.

L’importance des négations à partir de la ligne 13 et la présence du as adversatif ouvre une séquence textuelle qui fait implicitement référence aux autres hommes : les contemporains de Fénelon et au delà, du lecteur en général. Les habitants de la Bétique se définissent par rapport à nous. Le réel est ainsi convoqué implicitement. Ces individus se caractérisent avant tout par leur avidité, leur appétit de richesse qui s’oppose aux véritables nécessités de l’homme (21). L’insistance sur la nature de ces nécessités avec l’adjectif véritable suggère l’idée d’une confusion possible entre ces nécessités et ce qu’il serait des fausses nécessités. Le terme de fausse nécessité se trouve bien l 34 , implicitement l’auteur suggère la présence d’une idéologie subversive qui fait passer pour nécessaire le superflu.

Ils entretiennent des relations commerciales qui impliquent une circulation monétaire (19) -> opposé des habitants de la Bétique.

Le développement de l’artisanat ( Activité qui consiste à transformer les produits de la nature ) caractérise la société du lecteur. Le choix de cette activité est lui aussi révélateur d’une idéologie, il souligne la dimension matérialiste de cette société.

 

Conclusion  : L’éloge des habiatns de la Bétique suggéré à travers un système d’opposition implicite le blâme de la société à laquelle appartient le lecteur.

 

Conclusion II.

le recours à l’utopie est ainsi le support didactique d’une réflexion sur le réel. La fiction s’insère dans un dispositif argumentatif habile qui use de la distance pour mieux impliquer une comparaison entre le monde de la fiction et la réalité or celle -ci tourne au détriment de sa société . le texte acquière dès lors une dimension critique.

 

    La critique de la société contemporaine du lecteur.

1.La mise en scène de la critique.

Le recours au discours direct qui marque un contraste avec ce qui précède et qui va conférer au texte une force persuasive manifeste notamment parce que se trouvent indirectement impliqués le locuteur et le destinataire. On peut noter toutefois que l’identité au locuteur reste indéterminée=; On a affaire à une voix collective (27-28 : ils répondent en ces termes). Le destinataire quant à lui n’est pas directement mentionné, il n’y a pas de recours à la deuxième personne, c’est un texte à la troisième personne. Ce sont ces peuples (28) auxquels le lecteur va toutefois s’identifier. Le dispositif énonciatif constitue peut être une manière d’atténuer la brutalité de l’attaque (le lecteur est impliqué mais pas pris à parti, agressé).

Le registre oratoire lié au discours direct qui consiste à mettre en valeur le propos à l'aide d’un certain nombre de procédés : 

recours récurrent au rythme ternaire et à la gradation -> amplification du discours.

recours aux questions rhétoriques ( voir comment elles fonctionnent ? : une manière d’affirmer un certain nombre d'assertions impliquant le destinataire).

L’effet de rupture par rapport à la première partie  (sur le plan des registres, du contenu) -> idéal/ réalité, peuple de la Bétique = image du lecteur.

-> Effet de chute : contraste avec le réel qui met en valeur le discours du deuxième paragraphe.

 

Conclusion :  Une mise en scène particulièrement habile dans le sens où la variation formelle (on passe de la description au discours direct) est porteuse de sens. La parole directe révèle ici les véritables enjeux du texte. En réalité cette réponse des habitants de la Bétique vient fermer, conclure le questionnement qui appairait à la fin du paragraphe.

 

Une critique virulente du luxe.

Une critique qui s’appuie sur un raisonnement. On peut observer la construction de ce paragraphe : 

L 25 à 27 : L’évocation de la société réelle qui constitue le sujet sur lequel porte le discours = présentation du thème, ce qui est souligné. La dimension très élaborée de cette société avec une référence à différents arts (architecture, mobilier, art de fabriquer des étoffes, le tissage, l’art culinaire et la musique ) ->  une énumération qui suggère la notion de plaisir à la différence de celle de nécessité , les arts permettent de satisfaire tous les sens. Le procédé de l’accumulation suggère néanmoins une forme d’excès. On peut noter l’ambiguité liée à l’emploi de certains verbes dont les connotations sont positives (26-27 : délicieux, exquis, verbe charmer). On a finalement une présentation ambiguë du sujet. Le thème est présenté, on a l’énoncé de la thèse l 28 (peuples bien malheureux) puis on a l’énoncé des arguments. L’argumentation repose sur le luxe est corrupteur . D’une part parce qu’il va créer une rupture entre plusieurs parties de la population (30) ce qui va créer deux classes. L’unité du peuple telle qu’elle apparait en Bétique n’existe plus, s’introduit d'inégalités avec les classes.

Le luxe va engendrer la violence et les conflits (30-31). Il aboutit à la servitude, ce qui apparait explicitement (esclave/ dépendre-> servitude).

Le raisonnement se conclu par une phrase qui dénonce l’erreur de cette population  avec fausse nécessité et Fénelon met en évidence un système qui est contraire au bonheur, qui implique la négation de ce bonheur.

Le raisonnement vu s’appuie sur tout un système d’opposition qui dévalorise la société du lecteur. Au début de la locution adverbiale “au contraire” (34),  qui après toute la série des questions oratoires, sont désignés les vices des hommes (35). La jalousie est reprise par noir, envie, ambition, avarice  : connotations négatives qui s’opposent à des personnages simples renvoyants aux habitants de  la Bétique. L’opposition entre vice et vertu, entre liberté et servitude (l34 libres) entre le malheur (28) et le bonheur des habitants de la Bétique et enfin entre la vérité et l’illusion des fausses nécessités (37) met en évidence un paradoxe. En croyant accroître son plaisir, l’homme tombe finalement dans la servitude. L’acquisition de biens et de richesses est présentée comme une fuite en avant que rien ne peut jamais satisfaire et qui hôte à l’homme toute possibilité de quiétude. 

 

Conclusion générale : 

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