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Commentaire Dirigé Mme Bovary

Publié le 26/03/2011

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bovary

QUESTION D’OBSERVATION

Rodolphe, à travers sa lettre, cherche à toucher les sentiments d’Emma, à travers divers procédés.

Il utilise d’emblée des interrogations rhétoriques qui visent à toucher sa destinataire, en établissant un dialogue fictif avec elle : « Savez-vous l’abîme où je vous aurais entraînée ? » (l.6)

Ces interrogations s’accompagnent d’exclamations, d’interjections, qui visent à renforcer l’expression de l’émotion face à la séparation annoncée « Ah ! malheureux  que nous sommes ! » ((l.8), et à des phrases suspensives montrant sa difficulté à poursuivre son discours.

Par des apostrophes, « pauvre ange », « Emma », »adorable femme que vous êtes », qui invoquent sa destinataire, ou les réunit tous deux « Malheureux que nous sommes », il recrée une intimité avec elle.

Grâce aux  champs lexicaux associés du destin, de la fatalité ( « atroce douleur », « abîme » « sort des choses humaines » »fatalité « ) et de l’amour, de la passion (« « ardeur, « exaltation délicieuse »), il joue du registre tragique pour inspirer à sa destinataire terreur et pitié pour eux deux.

Les impératifs accentuent la supplication : « croyez-moi », « oubliez-moi », « soyez toujours bonne »…, comme la particule vocative « ô »(« ô mon Dieu ») : il mime la souffrance , feinte pour lui, anticipant celle d’Emma, pour que, trouvant son expression dans cette lettre, elle en oublie les raisons justifiées, ou non, de la rupture.

Enfin, Rodolphe joue sur les rythmes des phrases, rompant les développements d’arguments par de brèves phrases qui exaltent le malheur, et par des anaphores : anaphore de « pourquoi » dans une série d’interrogations aux lignes 19-20, anaphore de « moi » aux lignes 32, 33, où il feint d’être l’amant qui souffre. Il alterne le jeu des pronoms personnels , passant du « vous », au « nous », au « moi », pour se poser lui aussi en victime de cet amour malheureux aux yeux d’Emma, et lui inspirer de la peine.

INTERPRETATION

Rodolphe, à travers sa lettre, veut développer à destination d’Emma la thèse selon laquelle ils doivent se séparer, rompre leur relation amoureuse. Les passages de narration et de discours rapporté-discours indirect, indirect libre et monologue intérieur-qui interrompent le discours de la lettre elle-même juxtaposent aux paroles destinées à Emma les pensées réelles de l’amant et montrent toute la fausseté du discours.

Rodolphe développe plusieurs arguments qui justifient la séparation. Des lignes 14 à 19, il avance l’idée que toute passion diminue , et qu’avec la baisse de cet amour, Emma aurait regretté cet adultère. Par l’emploi du registre tragique et du champ lexical de la fatalité , « sort des choses humaines », « fatalité », il insiste sur le fait que cet amour est condamné à s’éteindre. Ainsi, le deuxième argument développé par Rodolphe est que leur histoire ne s’accorde pas à la bienséance sociale, qu’Emma n’a pas suffisamment considérée. Le danger qu’elle se trouve à être ainsi jugée est ramené par Rodolphe à lui-même, qui ne veut pas en être responsable, et qui ne peut la traiter avec légèreté. Les qualités mêmes d’Emma l’obligent à cette séparation. «  Ah, si vous eussiez été une de ces femmes au cœur frivole, j’aurais pu, par égoïsme, tenter une expérience alors sans danger pour vous ». Cet argument amène le dernier, la cruauté du monde qui n’aurait pas laissé les amants en paix, argument renforcé par la gradation de la ligne 32 : «  Il vous aurait fallu subir les questions indiscrètes, la calomnie, le dédain, l’outrage peut-être. »(l.31-32)

                La structure du raisonnement mené par Rodolphe est complexe. Chaque paragraphe suit un mouvement particulier. Des lignes 14 à 20, le raisonnement s’appuie sur une concession : « Je ne vous oublierai pas , mais… » : Rodolphe commence par évoquer l’amour qu’il éprouve pour Emma avant de lui montrer son extinction inévitable. Dans le mouvement suivant, il se fait par analogie, Emma étant comparée aux femmes frivoles, alors que dans le dernier mouvement, il est inductif : il part d’une vérité générale , la cruauté du monde, pour évoquer leur situation particulière. Il est intéressant de noter que tout le raisonnement est bâti sur des causes extérieures :la fatalité, la bienséance, la cruauté du monde, mais jamais  sur la responsabilité propre de l’amant qui s’en va.

                Les passages qui interrompent la lettre dans le roman mettent en valeur la pensée de l’auteur au moment  où il l’écrit, et la fausseté des arguments mis en avant. Il ne s’agit que d’œuvre de style, de rhétorique, « Voilà un mot qui fait toujours de l’effet, se dit-il « (l.21). La lettre est saturée d’expressions littéraires, d’hyperboles, de clichés, qui s’accordent au caractère romantique et exalté d’Emma Bovary, l’art de la persuasion masquant les arguments spécieux, et se fondant sur une connaissance cynique de la personnalité de la destinataire.

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