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Commentaire: Les femmes dans l'Odyssée d'Homère.

Publié le 01/02/2011

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Devoir maison rendu le 2 décembre : proposition de corrigé Quelles images de la femme proposent les chants V à XIII de L’Odyssée ?       L’Odyssée est une épopée attribuée à un aède, Homère, qui aurait vécu au VIIIème siècle avant Jésus-Christ Elle raconte le retour mouvementé d’Ulysse à Ithaque après la guerre de Troie. Au cours de son périple, il croise de nombreuses figures féminines qu’on peut envisager d’analyser et d’interpréter. Nous verrons d’abord à quel point ces figures féminines sont nombreuses, puissantes, et influentes. Nous montrerons dans un deuxième temps le caractère très ambivalent de ces personnages. Nous nous demanderons enfin si le texte dans son ensemble ne valorise pas le féminin pour en faire un pilier de la civilisation       Les figures féminines sont donc très importantes dans la destinée d’Ulysse. Elles appartiennent à tous les niveaux de la création : sur le chemin du héros en effet, interviennent une déesse de l’Olympe (Athéna), des divinités secondaires (Ino Leucothée), des  nymphes et des magiciennes (Calypso et Circé), des mortelles (Arété, Nausicaa, Pénélope) et des monstres (les Sirènes, Charybde et Scylla). Elles sont peut-être plus nombreuses que les figures masculines ; ce sont elles, en tous les cas, qui marquent le plus cette épopée du retour, dont elles sont d’ailleurs le point de départ (c’est Athéna qui relance le périple d’Ulysse au début du récit cadre) et le point d’arrivée (le retour auprès de Pénélope est la finalité d’Ulysse). Leurs pouvoirs semblent immenses, supérieurs peut-être à celui des figures masculines : Poséidon ne peut empêcher le retour d’Ulysse dès lors qu’Athéna en a convaincu Zeus ; de la même manière si Ulysse ne s’échappe de chez Polyphème, personnage masculin, que par sa seule ruse, il lui faudra l’aide des dieux, d’Hermès en l’occurrence, pour s’échapper des rets de Circé ou de Calypso. Ajoutons enfin que la féminité est très présente comme thème puisqu’au cours de son séjour chez les Cimmériens, Ulysse rencontre les principales figures de l’histoire et de la mythologie grecques.       Ce qui frappe à l’examen de ces figures, c’est qu’elles présentent une image très ambivalente, très contradictoire. Cette ambivalence est présente tout particulièrement chez la nymphe Calypso et la magicienne Circé, qui se montrent d’abord maléfiques pour Ulysse et ses compagnons, puisqu’elles les retiennent longuement, mettant en péril leur identité ou leur mémoire, mais qui, une fois soumises aux dieux, favorisent le retour d’Ulysse avec un zèle assez émouvant (« mon esprit est juste, et dans cette poitrine / l’âme n’est pas de fer, mais de pitié » dit Calypso au chant V, 191).  D’une manière générale, le féminin apparaît tantôt comme extrêmement menaçant, associé à la mort, à « la peur verte », celle que l’on éprouve par exemple devant « les os décomposés dont les chairs se réduisent » gisant à côté des Sirènes (XII, 45), tantôt comme une sorte d’idéal d’humanité (Arété par exemple, « ne manque pas de pensers nobles / et sa bonté apaise les querelles, même entre les hommes » VII, 73). La violence des figures féminines n’a pas le même caractère que la violence masculine : la violence masculine est une force contraire (le poids de la pierre posée devant la grotte de Polyphème, sa force physique, la force des vents indomptés après quel les compagnons ont ouvert l’outre des vents), tandis que la violence exercée par les figures féminines est une force attirante, une captation, une rétention : c’est ainsi qu’Ulysse s’oublie dans les bras de Circé, ou que les sirènes attirent en promettant le savoir absolu. La violence de Charybde et Scylla semble plus archaïque, combinant à la fois une force d’avalement (le gouffre de Charybde « engloutit là dessous l’eau noire »)et une force de capture (Scylla « darde ses six têtes hors de l’antre terrible » ).       Mais par delà cette ambivalence, l’impression qui se dégage à la lecture des chants V à XIII est celle d’une image positive des figures féminines. Cette interprétation intuitive se vérifie peut-être si l’on examine certains éléments objectifs. Nous avons déjà noté que les deux épisodes majeurs, celui du séjour chez Circé et celui du séjour chez Calypso, présentent des figures féminines qui s’adoucissent, et, se soumettant par le « serment majeur », deviennent éminemment positives. D’autre part dans l’épisode du séjour chez les Phéaciens qui représentent une sorte d’utopie positive, les femmes jouent un rôle très important et positif : la reine Arété semble être dépositaire d’une sorte de pouvoir symbolique : c’est d’elle qu’Ulysse obtiendra le retour, c’est elle qu’il implore, c’est devant elle qu’il se soumet. Sa fille Nausicaa présente toutes les grâces, elle est d’une beauté divine, elle est à la fois discrète et courageuse, demandeuse d’amour sans être captatrice, Ulysse la qualifie « d’irréprochable » VII 304). Enfin, si le récit évoque des figures féminines inconséquentes (Aphrodite) ou malveillantes (Clytemnestre), il a pour horizon une figure féminine idéale, Pénélope, qui reste fidèle au passé, au pacte avec Ulysse, et qui maintient à Ithaque la civilisation. Notons enfin que le héros Ulysse semble lui-même faire l’apprentissage, tout au long de son parcours initiatique, d’un certain nombre de valeurs que nous pourrions qualifier de féminines : la mention de ses pleurs, comparés à ceux d’une femme, est un leitmotiv dans l’Odyssée. On a l’impression qu’à l’opposé de ce qui se passe dans l’Iliade, Ulysse ne croit plus aux valeurs guerrières, aux valeurs viriles : cela nous est suggéré de bien des façons, par son refus initial de concourir aux jeux chez les Phéaciens, par le message désenchanté que lui adresse Achille, lui qui avait choisi « la vie brève », la vie des héros (« j’aimerais mieux être sur terre domestique d’un paysan »), et surtout par l’adoption de la ruse et non plus de la force comme arme majeure ; car s’il est encore parfois présenté comme le « fléau des villes », Ulysse dans L’Odyssée, est avant tout « l’inventif », le « polytropos ».  D’ailleurs, quand il envisage de combattre Scylla, Circé lui conseille de renoncer à sa fierté virile et de simplement esquiver la menace qu’elle constitue. Enfin l’identité entre lui et Athéna que la déesse se plait à relever (« nous sommes toi et moi des astucieux », XIII, 297) montre bien qu’Ulysse a, en quelque sorte, sa part de féminin.       Les figures féminines jouent donc un rôle absolument capital dans L’Odyssée, aussi bien dans l’histoire racontée que dans le sens que construit cette œuvre. Elles présentent d’abord des visages assez contradictoires, mais cette contradiction semble se résoudre, se résorber. En effet, le récit semble présenter une sorte de processus, de dialectique au terme de laquelle le féminin et le masculin se tempèrent, se réconcilient, s’unissent, jusque dans la personne d’Ulysse,  au profit de la civilisation. On peut donc peut-être avancer que l’Odyssée dessine un modèle de civilisation dans lequel les valeurs féminines tiennent une place importante, modèle dont Nausicaa donne peut-être la formule : « il n’est rien de meilleur au monde / qu’un homme est une femme dans l’accord de leurs pensées, tenant une maison pour le malheur des ennemis »

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