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Corpus l'huitre et les plaideurs

Publié le 27/02/2008

Extrait du document

    Le corpus que nous allons étudier est composé de trois apologues* qui abordent tous le thème de la querelle judiciaire. Les deux premiers textes sont des fables : la première est écrite par un auteur anonyme, elle est  intitulée « Le Prud’homme qui sauva son compère » et fut publiée au XIII° s ; la seconde, « L’Huître et les plaideurs », fut publiée par La Fontaine dans son recueil Fables  en 1678. Le dernier texte est un extrait du chapitre 6 du conte philosophique* Zadig, publié par Voltaire en 1747.

(problématique) Nous allons voir comment ces trois textes dressent une satire de la justice.

Tout d’abord, ces trois apologues dénoncent clairement la cupidité parfois impliquée dans les procédures judiciaires.

De plus, la manière dont la justice est rendue est également critiquée dans ces trois textes.

Enfin, l’absurdité de chacune des procédures est mise en valeur.

 

   En effet, chacun des trois textes présente une critique de la cupidité : dans la fable « Le Prud’homme qui sauva son compère » et dans l’extrait de Zadig, ce sont les plaignants qui présentent ce défaut majeur, alors que chez La Fontaine, c’est le juge qui en est atteint. Ainsi,  dans la première fable, c’est un homme sauvé par un pêcheur qui porte plainte contre son sauveur, sous prétexte qu’il a eu un œil crevé : sa seule motivation est pécuniaire. On peut le constater à partir du moment où on lui propose de remettre sa vie en jeu afin d’obtenir réclamation et qu’il décline cette offre en déclarant : « il ne saurait l’accepter pour tout l’or du monde »(l.20). S’il refuse et qu’il retire sa plainte, c’est bien parce qu’il estimait que sa situation ne méritait pas de dédommagement. Dans l’extrait de Zadig, c’est l’aîné des deux fils qui est cupide, car il a construit un tombeau pour son père, dans l’unique but de récupérer les trente mille pièces d’or promis au fils le plus aimant. Ainsi, lorsqu’on lui annonce la fausse nouvelle de la guérison de son père, son unique réaction est de se préoccuper de l’argent dépensé : « mais voilà un tombeau qui m’a coûté bien cher ! » (l.18). Il trahit donc son hypocrisie et sa cupidité et se retrouve privé de cet héritage. Dans la fable de La Fontaine, c’est le juge qui est coupable de cupidité puisqu’il vole le bien des plaignants. Ainsi, c’est lui qui avale l’huître que se disputaient les deux hommes : « Perrin, fort gravement, ouvre l’Huître, et la gruge » (v.17). C’est donc la justice même qui est cupide, car elle soutire les biens des plaignants, sans qu’ils en aient un quelconque bénéfice.

(transition) La satire de la justice s’exprime donc par la critique de la cupidité des intervenants du procès, mais également par la critique du déroulement de la procédure.

   Assurément, chacun des textes critique la façon dont la justice est appliquée : soit elle a recours à des subterfuges pour rendre un verdict, soit elle fait intervenir des juges incompétents ou peu scrupuleux. Ainsi, dans la fable « Le prud’homme qui sauva son compère » et dans l’extrait de Zadig, les juges ne peuvent exercer la justice sans avoir recours à un stratagème abracadabrantesque. Dans la première fable, les juges sont incapables de rendre la justice seuls, ils ont besoin qu’un bouffon leur suggère une solution : « les juges demeuraient perplexes, hésitant à trancher l’affaire, quand un bouffon qui était là leur dit : « […] qu’on le remette dans la mer, là où le grappin l’a frappé et s’il arrive à s’en tirer, l’autre devra l’indemniser » (l.16-18). Le bouffon suggère une idée absurde, mais les juges acceptent le procédé et la justice en est discréditée. Le pêcheur a gain de cause uniquement grâce à un bouffon. Dans  Zadig, le juge éponyme* rend également la justice grâce à une ruse ; il fait croire aux deux fils que leur père est vivant : « Votre père n’est point mort, il est guéri de sa dernière maladie, il revient à Babylone » (l.18). Ainsi, la justice n’est pas rendue de manière logique, mais par le recours à un stratagème ; cependant, Zadig montre ainsi qu’il est un juge sage, comme le roi Salomon, ce qui n’est pas le cas de tous.

En effet, le déroulement de la justice est également critiqué par  le fait que les juges sont montrés comme des individus incompétents, parfois malhonnêtes. Dans la première fable d’auteur anonyme, les juges sont incapables de formuler un verdict : « les juges demeuraient perplexes, hésitant à trancher l’affaire » (l.16). De même, dans la fable de La Fontaine, ce sont les capacités du juge qui sont critiquées, car il s’avère être malhonnête : « vous verrez que Perrin tire l’argent à lui, /et ne laisse aux plaideurs que le sac et les quilles » (v.25-26).

(transition) La justice est donc sévèrement critiquée à travers le déroulement de sa procédure et l’incapacité de ses juges, mais elle est également tournée en dérision à travers l’absurdité de l’objet des procès.

     En effet, l’objet de chaque procédure présente dans ces textes est absurde, car il ne devrait pas dépendre d’une cour de justice. Ainsi, dans la première fable, l’objet du procès est ridicule, car le plaignant a eu la vie sauve grâce à la personne qu’il attaque en justice ; il ne devrait donc pas y avoir de procès. C’est d’ailleurs ce que dit la morale du texte : « Sauvez du gibet un larron qui vient  de commettre un méfait, jamais il ne vous aimera et bien plus, il vous haïra »(l.22-23). De même,  dans la fable de La Fontaine et l’extrait de Zadig, l’objet de la procédure est absurde, car se battre pour une huître ou juger l’amour d’un père au tribunal, cela est ridicule dans les deux cas. Ainsi, chez La Fontaine, les deux plaideurs ont une attitude grotesque : « A l’égard de la dent il fallut contester » (l.4). Alors que chez Voltaire, c’est l’idée même de pouvoir déterminer le plus aimant des deux fils qui est ridicule, car ce n’est pas l’une des attributions de la justice.

 

(conclusion) Ces trois apologues ont en commun de dresser une satire de la justice, en dénonçant la cupidité des intervenants au procès, en ridiculisant les procédures judiciaires et en critiquant le caractère dérisoire des procès.

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