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damment de l'impression du présent.

Publié le 23/10/2012

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damment de l'impression du présent. L'animal est tout à fait incapable de liberté. La nécessité est le domaine de la nature ; la liberté, celui de la grâce. Ainsi, comme nous l'avons vu, cette suppression de la Volonté par elle-même procède de la connaissance ; toute connaissance d'ailleurs, toute lumière est en soi indépendante du libre arbitre : il en résulte que cette négation du vouloir, cette prise de possession de la liberté ne peut être réalisée de force, ni de propos délibéré ; elle émane simplement du rapport intime de la connaissance avec la volonté dans l'homme, par conséquent elle se produit subitement et comme par un choc venu du dehors. C'est pour cela que l'Église l'a appelée un effet de la grâce ; mais de même que, selon l'Église, la grâce ne peut rien sans notre coopération, de même aussi l'effet du calmant tient en dernière analyse à un acte de libre volonté. L'opération de la grâce change et convertit de fond en comble la nature entière de l'homme : désormais il dédaigne ce qu'il désirait si ardemment jusque-là ; c'est vraiment un homme nouveau qui se substitue à l'ancien : c'est pour cela que l'Église appelle cet effet de la grâce la régénération. Ce qu'elle appelle l'homme naturel, auquel elle refuse toute faculté de bien faire, c'est justement le vouloir-vivre, ce vouloir-vivre qu'il s'agit d'anéantir quand on veut se délivrer d'une existence comme celle d'ici-bas. Car derrière notre existence se cache quelque chose de tout différent, mais que nous ne pouvons atteindre qu'à condition de secouer le joug de la vie ordinaire. (Monde, I, 421-23.) 2. LA MORALE N'EST PAS DANS L'ACTE, MAIS DANS L'ÊTRE. NÉCESSITÉ D'UNE « TRANSFORMATION RADICALE « Les anciens, les stoïciens notamment, et avec eux les -éripatéticiens et les académiciens, s'efforçaient vainement ie démontrer que la vertu suffit pour rendre la vie heureuse ; l'expérience proclamait hautement le contraire... Mais la sérieuse et profonde solution du problème se trouve dans la doctrine chrétienne que les oeuvres ne justifient pas... La plus grande faute de l'homme, c'est d'être né, selon l'expression du poète Calderon qui, à la lumière du christianisme, allait plus au fond des choses que tous ces sages. Cette culpabilité que l'homme apporte au monde dès sa naissance ne peut paraître absurde qu'à celui qui le tient pour sorti à l'instant même du néant et créé par une main étrangère. A la suite de cette faute, qui doit procéder de la volonté, l'homme reste, à juste titre, malgré toutes les vertus qu'il a pratiquées, en proie aux douleurs physiques et morales, il n'est donc pas heureux. C'est une conséquence de la justice éternelle, dont j'ai parlé au § 63 du premier volume. Saint Paul (Rom., III, 21 et suiv.), saint Augustin et Luther enseignent que les oeuvres ne justifient pas, que nous sommes pécheurs par essence et que nous le restons : le fondement dernier de cette doctrine, c'est que operari sequitur esse, et qu'alors, pour agir comme nous le devrions, il nous faudrait être ce que nous devrions être. Mais alors nous n'aurions pas besoin d'une rédemption qui nous rachetât de notre état actuel, telle que non seulement le christianisme, mais encore le brahmanisme et le bouddhisme (sous le nom que les Anglais traduisent par final emancipation), nous en représentent comme le but suprême : c'est-à-dire que nous n'aurions pas besoin de revêtir une forme tout autre, opposée même à notre forme actuelle. Mais puisque nous sommes ce que nous devrions ne pas être, nous sommes obligés de faire 'ce que nous devrions ne pas faire. De là pour nous la nécessité d'une transformation complète de notre esprit et de notre être, c'est-à-dire d'une régénération, à la suite de laquelle a lieu la rédemption. La faute peut bien résider dans l'action, dans l'operari ; mais la racine n'en est pas moins au fond de notre essentia et existentia, principe nécessaire de l'operari, comme je l'ai montré dans le mémoire sur La liberté de la volonté. Il s'ensuit que notre unique et véritable péché est proprement le péché originel... L'essence intime et l'esprit du christianisme sont identiques à ceux du brahmanisme et du bouddhisme : tous ils enseignent que la race humaine est chargée d'une lourde culpabilité par le fait même de son existence ; la différence du christianisme d'avec les antiques doctrines religieuses sur ce point est qu'il procède par intermédiaire et par détour, en faisant naître la faute, non pas directement de l'existence même, mais d'une action accomplie par le premier couple humain. La loi, au sens biblique, exige toujours que nous changions notre façon d'agir, tandis que notre nature demeurerait invariable. Mais il y a là une impossibilité ; aussi saint Paul dit-il que nul n'est justifié devant la loi : seule, à la suite de l'action de la grâce qui produit un homme nouveau et suppriMe le vieil homme, c'est-à-dire qui opère dans notre esprit une transformation radicale, la renaissance en Jésus-Christ pourrait nous transporter de l'état d'attachement au péché dans celui de liberté et de rédemption. C'est le mythe chrétien, en ce qui concerne la morale. (Monde, III, 415-17.)

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