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David-Léguillon Léa Groupe 1 TD Social Séance 7

Publié le 06/10/2019

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David-Léguillon Léa Groupe 1 TD Social Séance 7 : Exécution du contrat de travail (4) : Perturbations du contrat de travail Commentaire d’arrêt Par une décision rendue en date du 3 mai 2018, la Cour de cassation clarifie sa jurisprudence sur la délimitation des compétences respectives du Conseil de Prud’hommes et du Tribunal des affaires de sécurité sociale en matière d’inaptitude professionnelle d’un salarié victime d’un accident du travail. En l’espèce, un salarié engagé en février 2001 par un artisan comme couvreur a été victime, le 8 avril 2005, d’un accident du travail. La juridiction de sécurité sociale a dit que cet accident était dû à la faute inexcusable de l’employeur et a déterminé les préjudices subis par le salarié. Le 23 octobre 2013, le salarié a fait l’objet d’un licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement, après application de la procédure. Après son licenciement pour inaptitude, le salarié a saisi la juridiction prud’homale pour faire reconnaître que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse du fait de la violation par l’employeur de son obligation de sécurité. Ce salarié voulait ainsi obtenir l’indemnisation du préjudice consécutif à la rupture. La Cour d’appel de Caen a débouté le salarié au motif que sa demande tendait à la réparation d’un préjudice né de l’accident du travail. Le salarié a donc décidé de se pourvoir en cassation. La question qui se posait alors, dans l’arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 3 mai 2018, était de savoir si la juridiction prud’homale peut se prononcer sur le caractère réel et sérieux d’un licenciement pour inaptitude, lorsque le salarié invoque un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité. Donnant satisfaction au salarié, la Cour de cassation a répondu par la positive et a décidé de casser et annuler l’arrêt de la Cour d’appel de Caen, sur le fondement des articles L.1411-1 du Code du travail, ensemble les articles L.451-1 et L.142-1 du Code de la sécurité sociale, en ce qu’elle rejetait la demande en paiement d’un indemnité en réparation du préjudice subi du fait de la rupture du contrat de travail. La haute juridiction constate alors que la Cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, elle relève qu’il s’agit bien d’un manquement préalable de l’employeur qui a donné lieu à l’inaptitude du requérant de telle sorte que le licenciement prononcé en raison de cette même inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Ainsi, la Cour de cassation souligne que la juridiction prud’homale demeure seule compétente pour statuer sur le bien-fondé de la rupture du contrat de travail d’un salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, et dès lors que le salarié sollicite des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, soit la réparation du préjudice consécutif à la rupture de son contrat de travail, le juge prud’homal est bien compétent. En revanche, il revient au Tribunal des affaires de sécurité sociale de se prononcer sur l’indemnisation de ou des préjudices découlant d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ou encore sur le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité en lien avec la pathologie du salarié. Par cet arrêt du 3 mai 2018, la chambre sociale de la Cour de cassation, au visa des articles L.1411-1 du Code du travail et ensembles L.451-1 et L.142-1 du Code de la sécurité sociale, a clarifié sa position quant à la réparation du licenciement sans cause réelle et sérieuse pour inaptitude et la compétence rationae materiae exclusive du Conseil de Prud’hommes ainsi que l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement pour inaptitude précédé d’un manquement de l’employeur. Ainsi, cela a permis de clarifié le partage de compétence entre le juge prud’homal et le Tribunal des affaires de sécurité sociale concernant l’indemnisation du salarié (I), mais pas seulement, car cet arrêt est aussi un apport majeur concernant les conséquences d’un manquement de l’employeur à ses obligations sur le licenciement du salarié (II). I. Un partage clair de compétence entre le juge prud’homal et le Tribunal des affaires de sécurité sociale concernant l’indemnisation du salarié Avant cet arrêt du 3 mai 2018, la Cour de cassation avait déjà tenté de délimiter les compétences entre le juge prud’homal et le Tribunal des affaires de sécurité sociale cependant sa solution manquait de clarté en pratique et avait donc donné lieu à des décisions divergentes de la part des juges du fond (A). Par cet arrêt de 2018, la Cour de cassation est revenue sur sa solution afin de la clarifier ; ainsi, elle a délimité de manière claire les compétences entre le juge prud’homal et le tribunal des affaires de sécurité sociale en réservant, en la matière, une compétence exclusive au Conseil de Prud’hommes (B). Page 1 sur 4 David-Léguillon Léa Groupe 1 TD Social A) Un manque de clarté dans la position de la Cour de cassation avant cet arrêt du 3 mai 2018 Selon les articles L.451-1 et L.142-1 du Code de la sécurité sociale, lorsqu’un salarié est victime d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle, l’action en réparation de son préjudice est, en principe, de la compétence exclusive du Tribunal des affaires de sécurité sociale. Toutefois, dans certaines situations, cette exclusivité n’était pas si évidente et certains employeur s’engouffraient dans cette faille pour soulever l’incompétence du Conseil de Prud’hommes au profit du Tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) lorsque le salarié, victime d’un accident du travail, agissait en réparation et indemnisation de son préjudice devant le Conseil de Prud’hommes. Dans un arrêt du 29 mai 2013, la Cour de cassation avait déjà amorcé sa jurisprudence en précisant que « si les juridictions de sécurité sociale sont compétentes concernant l’indemnisation du préjudice résultant d’un accident du travail, qu’il soit ou non la conséquence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, la juridiction prud’homale l’est en revanche concernant l’indemnisation du préjudice résultant de la rupture du contrat de travail ». Cette jurisprudence avancée en 2013 et affirmée le 3 mai 2018 contraint ainsi le demandeur à un exercice subtil dans la rédaction de son dispositif sollicitant la condamnation de l’employeur. Un salarié souhaitant être indemnisé de son préjudice né d’un accident du travail, doit ainsi formuler sa demande d’indemnisation devant le TASS. En revanche, en ce qui concerne le salarié qui engage une action judiciaire visant à réparer le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité ou l’absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement, force était déjà de constater que seul était, et est toujours, compétent le Conseil de Prud’hommes (Cass. soc., 29 mai 2013 n°11-20.074). Malgré cette précision, quelques difficultés d’application demeuraient car il n’existait pas de délimitation parfaitement claire de ce partage de compétence. C’est désormais le cas grâce à cet arrêt du 3 mai 2018 mais aussi grâce à un autre arrêt rendu le même jour. B) Sur la compétence exclusive réservée au juge prud’homal quant au préjudice lié à la rupture abusive du contrat de travail Dans les espèces des deux arrêts rendus en date du 3 mai 2018, il s’agissait de salariés victimes d’accidents du travail ayant été licenciés pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Le premier salarié demandait la réparation de son préjudice consécutif à la rupture du contrat de travail, considérant que son licenciement pour inaptitude était dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison de la violation par l’employeur de son obligation de sécurité. La Cour d’appel de Caen avait refusé d’examiner sa demander, estimant qu’elle tendait à la réparation d’un préjudice né d’un accident du travail. Le second salarié demandait, quant à lui, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, au motif que par son manquement à l’obligation de sécurité, son employeur était à l’origine de son licenciement pour inaptitude. Le Cour d’appel d’Agen a considéré que le juge prud’homal était compétent pour statuer sur la demande du salarié. Afin de mettre fin à ces divergences et éviter une certaine insécurité juridique, la chambre sociale de la Cour de cassation a tout d’abord réaffirmé sa position en rappelant que « l’indemnisation des dommages résultant d’un accident du travail, qu’il soit ou non la conséquence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, relève du Tribunal des affaires de sécurité sociale ». La solution n’est pas nouvelle mais a l’avantage, en l’espèce, de bénéficier d’une publicité étendue. La Cour de cassation ajoute en revanche que « la juridiction prud’homale est seule compétente pour statuer sur le bien-fondé de la rupture du contrat de travail et pour allouer, le cas échéant, une indemnisation au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ». La Cour de cassation a ainsi reformulé de façon claire et explicite le principe dégagé de la jurisprudence du 29 mai 2013. En définitive, la répartition des compétences entre le Conseil de Prud’hommes et le Tribunal des affaires de sécurité sociale est désormais plus nette et précise : dès lors que l’indemnisation sollicité par le salarié est liée à la rupture du contrat de travail, le Conseil de Prud’hommes est compétent, y compris si pour allouer cette indemnisation, le juge prud’homal doit apprécier le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité. S’agissant des autres chefs d’indemnisation (en lien avec la pathologie du requérant), la juridiction de sécurité sociale retrouve une compétence exclusive sous réserve que le salarié ait été victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. Page 2 sur 4 David-Léguillon Léa Groupe 1 TD Social II. Un apport majeur sur les conséquences d’un manquement de l’employeur à ses obligations sur le licenciement du salarié Après avoir clarifié les choses quant au partage de compétence entre le juge prud’homal et le tribunal des affaires de sécurité sociale, la Cour de cassation a par sa décision du 3 mai 2018 affirmé de manière claire et précise qu’un licenciement pour inaptitude résultant d’un manquement préalable de l’employeur à ses obligations est dépourvu de cause réelle et sérieuse (A). Par la large publication prévue pour ses décisions ressort alors une volonté des juges d’établir un principe général en la matière (B). A) Le manquement préalable de l’employeur constitutif d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse : une affirmation claire et distincte Cet arrêt du 3 mai 2018 présente un deuxième intérêt qui est sans nul doute l’affirmation par la Cour de cassation de ce « qu’est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu’il est démontré que l’inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l’employeur qui l’a provoquée ». Ce manquement n’est pas limité par la Cour de cassation à une oblation particulière de l’employeur, et c’est là que l’on trouve tout l’intérêt de cet arrêt. La solution ne s’embarrasse pas de conditions restrictives ; la Cour précisant même que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse lorsqu’il a été démontré que l’inaptitude était consécutive « à un manquement préalable de l’employeur ». Les deux arrêts du 3 mai 2018 ont bénéficié de la plus large publicité possible, ces prêts sont des arrêts dit « 4 étoiles ». On peut en déduire que la Cour de cassation a pensé chaque mot de sa solution et soupesé les conséquences de sa solution. « Un manquement » signifie n’importe quel manquement de l’employeur qui a provoqué l’inaptitude. Si la Cour avait souhaité une solution différente, elle aurait précisé le manquement visé. Ainsi, il peut s’agir de toutes les obligations mises à la charge de l’employeur telles que l’obligation de sécurité, de formation ou de loyauté dès lors que leur manquement à provoqué l’inaptitude du salarié. Cette solution avait là encore état déjà amorcée par la Cour de cassation, qui avait notamment considéré dans arrêt du 26 septembre 2012 « qu’un licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement était dénué de cause réelle et sérieuse, l’inaptitude faisant suite à des manquements de l’employeur à son obligation de sécurité » (Cass. soc., 26 septembre 2012 n°1-14.742). Néanmoins, c’est la première fois que les juges énoncent un principe général de manière aussi claire. B) Sur la volonté des juges d’établir un principe général en la matière Ici, il n’est plus question de circonscrire la solution aux manquements de l’employeur à son « obligation de sécurité ». La Cour de cassation a sciemment étendu sa solution à tout manquement préalable de l’employeur. Par ailleurs, la formulation générale de la Cour de cassation permet de considérer que cette solution concerne aussi bien une inaptitude d’origine professionnelle, qu’une inaptitude d’origine nonprofessionnelle. Enfin, la très large publication prévue pour ces arrêts démontre, sans conteste, la volonté des juges d’établir un principe général en la matière. Au demeurant, dans sa note explicative jointe aux arrêts du 3 mai 2018, la Cour de cassation explique que cette solution doit être reliée au principe selon lequel il incombe aux juges du fond de rechercher, au-delà des énonciations de la lettre de licenciement, la véritable cause de ce licenciement (article 12 du Code de procédure civil et Cass. soc., 10 avril 1996 n°93-41.755). Cependant, une nuance figure dans cette même note explicative. Celle-ci souligne que l’indemnisation du salarié victime est circonscrite aux seules conséquences de la rupture abusive ou illicite du contrat de travail ; ainsi, le salarié ne peut obtenir des dommages et intérêts au titre de la perte de son emploi ou de ses droits à la retraite, ces derniers étant déjà octroyés par le Tribunal des affaires de sécurité sociale en application des dispositions relatives à l’indemnisation des préjudices résultant d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. Ce sont donc bien les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui sont visés. Page 3 sur 4 David-Léguillon Léa Groupe 1 TD Social En résumé, comme le souligne la Cour de cassation dans sa note explicative, « l’indemnisation allouée par la juridiction prud’homale est donc circonscrite aux conséquences de la rupture abusive ou illicite du contrat de travail ». Ces décisions renforcent ainsi la jurisprudence existante en la matière et affirment qu’il incombe aux juges du fond de rechercher la véritable cause du licenciement. Page 4 sur 4

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