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Dissertation : Le politique : pilote ou architecte

Publié le 13/01/2011

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Le Politique : pilote ou architecte ?

 

L’activité politique est celle qui consiste en l’administration d’une Cité, d’une société. Exclusivement humaine, comme le souligne Aristote, elle repose donc déjà sur une valeur, celle de la société. Il en effet impossible de dissocier le politique de cette entité dont il est responsable, à savoir l’association humaine. Etymologiquement le politique, qui vient du grec « politikè » est synonyme d’organisation du pouvoir dans la Cité. Au sens plus large il concerne donc la structure et le fonctionnement (méthodique, théorique et pratique) d'une communauté, d'une société, d'un groupe social. La politique concerne les actions, l’équilibre, le développement interne ou externe de cette société, ses rapports internes et ses rapports à d'autres ensembles. La politique est donc principalement ce qui a trait au collectif, à une somme d'individualités qu’il s’agisse de la contrôler ou de la développer. Ces deux actions différentes relèvent de deux rôles différents, celui du politique comme pilote qui contrôle et celui du politique comme architecte qui développe. Ce sont ici deux activités bien différentes que nous serions tentés d’opposer. Face aux thèses politiques qui se contredisent, celle du Contrat Social et celle de la Cité Parfaite, nous serions en effet dans cet objectif de voir dans l’action du pilote et dans celle de l’architecte, deux façons totalement contradictoires d’administrer la société. Cependant cette contradiction s’atténue au regard d’un but commun, celui d’être garant de la société. Ainsi, si le but est commun, quelle pourrait être la meilleure des politiques, piloter ou proposer un plan comme le ferait l’architecte ? Quels sont les différents apports que ces deux activités proposent pour la société ?

Pour éclairer ces questionnements nous verrons que pilote et architecte se complètent. En effet dans un premier temps le politique pilote en tant qu’il possède un art, est la garant de la sécurité de la société, il répond à un besoin immédiat permettant de sauver l’homme de son état de nature. Puis le pilote ayant posé un point de départ et les bases d’une première association entre les hommes, c’est le politique architecte qui intervient pour offrir, en tant que science, un plan pour atteindre une fin absolue qui dépasse la simple nécessité de sécurité, c'est-à-dire le Bien. Ayant ainsi montrer l’action honorable du politique à travers les métaphores du pilote et de l’architecte, il nous faudra dans un dernier temps révéler les faiblesses du politique, car celui ne peut éviter de s’écarter de la morale au profit d’actions moins honorables.

 

 

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Le politique se donne un but immédiat, celui d’être le garant de la société. Le politique en tant que pilote a pour mission de diriger, d’imposer un itinéraire à prendre pour la sauvegarde immédiate de la société, c'est-à-dire pour sa sécurité. Dans cette optique d’action quelque peu aventureuse, le politique est synonyme de conservation. En ceci il est un art, un savoir faire particulier, une créativité qui offre des moyens de sauvegarde et ne vise pas une fin.

 

Le politique pilote, qu’on le considère comme un individu particulier au pouvoir ou comme l’ensemble des institutions visant à régir un ensemble d’individus, est celui qui doit répondre à un besoin immédiat, un besoin de premier qui est la sécurité et donc la sauvegarde de l’humanité. Il doit assurer l’ordre de la société. Pour Hobbes « l’homme est un loup pour l’homme »  à l’état de nature, donc la fonction premier du politique est d’assurer l’ordre et la sécurité. Contrairement à Aristote qui pense que l’état de société renvoie à une disposition fondamentale de l’être humain, indiquant par là une sociabilité innée, les théoriciens du Contrat Social, voient dans le rassemblement des hommes un soulèvement des tensions, qui développe des conflits si fort qu’on en vient à douter que l’homme soit fait pour vivre en société. Hobbes dénonçait le caractère artificiel des sociétés face aux mécanismes naturels des passions des hommes (le désir, l’orgueil et la peur de mourir) qui entraînent fatalement une guerre incessante entre les hommes. Ce qui est premier dans la nature ce ne sont pas les sociétés mais les affirmations individuelles de puissance, qui ne peuvent que s’opposer les unes aux autres.

Il faut donc le recours à un artifice : l’invention de l’Etat politique, comme appareil supérieur de contraintes garantissant la sécurité et la paix parmi les hommes dans le cadre de société réglée. Une société sans ordre est une société vouée à sa perte, l’état doit résoudre la violence car les désirs humains sont sans limite : « Il apparaît clairement par là qu’aussi longtemps que les hommes vivent sans un pouvoir commun qui les tient en respect, ils sont dans cette condition qui se nomme guerre, et cette guerre est la guerre de chacun contre chacun » Hobbes. La paix entre les hommes ne peut être obtenue que si tout le monde se soumet à une autorité qui contraint les hommes à ne plus attenter à la vie d’autrui. L'État naît d'une insuffisance, l'incapacité de la société civile à se réguler elle même. Ni la famille, ni la cité, déchirées entre l'efficacité et le sens, passionnées pour ainsi dire, ne peuvent effectuer cette régulation.

L'État, par contre, ne laisse pas agir la société vers la pure et simple efficacité et d'autre part ne laisse pas s'installer l'intégrisme qui serait ruineux pour la liberté des individus. Le sens de l'action d'un État, sa signification et son orientation, c'est le maintien, la coexistence de la communauté historique et de la lutte contre la pénurie. A l'État, et à l'État seul, il appartient  de décider, de choisir, de vouloir universellement. Le pilote est l’individu à qui l’on confit le rôle de conduire les hommes, la sécurité de ces derniers est entre ses mains, le politique pilote est ce moyen, et non une fin, pour sauvegarder dans l’immédiat la société. En ce sens voyons en quoi cette sécurité nécessite une autorité et donc par là un art de gouverner.  

 

 

La métaphore que nous utilisons, celle du pilote, nous impose de considérer le politique comme un centre de décisions qui s’imposent aux individus. Le pilote est le seul qui décide lorsqu’il conduit, c’est lui qui prend les décisions, il a le pouvoir.  Dans tous les cas l'État exerce le pouvoir, en choisissant, en décidant. On est loin de la pensée commune qui n'est qu'une opinion et qui voudrait nous persuader que la politique n'est qu'une chambre d'enregistrement de décisions qui ne lui appartiennent plus. Il y a une autorité mais avec toujours l’idée de sauvegarde. Le contrat, le pacte social qui permet la société implique une égalité de droit. Il existait, dans l’état de nature, une égalité devant la mort parce que le plus fort pouvait toujours être tué par le plus faible. Il subsiste dans l’organisation sociale une égalité des sujets devant la souveraineté. Nous sommes en présence d’un pouvoir fort mais devant lequel les individus sont égaux. Ils sont sujets en tant qu’ils doivent obéissance au pouvoir. Le passage de l’état de nature à la société se présente comme le remplacement d’une crainte par une autre. Dans l’état de nature l’homme craint son semblable, dans la vie en société, l’individu craint un pouvoir fort qui garantit sa sécurité mais qui lui demande une obéissance quasi absolue. 

Le politique pilote agit selon les circonstances présentes, il est influencé par des obstacles qui, dans l’optique d’un besoin premier sont souvent des obstacles liés aux passions humaines et qui peuvent se présenter à lui, il doit donc être capable de les contourner en urgence. C’est en ce sens que l’on peut dire que la loi, stimulant de l’obéissance, est aventureuse. Le politique pilote ne crée pas des lois pour une fin absolue, mais pour répondre à des besoins premiers. On voit souvent des lois devenir obsolètes avec le temps car elles ont été déposées dans une situation bien précise et perdent de leur efficacité avec le temps. Le politique en tant que pilote est donc une créativité immédiate, un art de gouverner. L’exercice de la fonction politique ne peut se fonder sur un principe immuable dans la mesure où le Prince se doit d’après Machiavel d’avoir un seul objectif qui est celui de dominer le peuple. Il ne doit s’embarrasser des lois comme sauvegarde du peuple, mais au contraire les contourner pour imposer sa force.

Machiavel, parle d’une ruse nécessaire, il existe un art, un savoir faire, un mélange d’intuitions, de calculs et d’illusions pour conserver son autorité sur les hommes qui sont « ingrats, volubiles, simulateurs et dissimulateurs, ennemis du danger, avides de gains ». Même la Cité de Platon, domaine de la science politique comme nous le verrons, bien que visant une perfection, présente des arguments fantaisistes pour faire accepter aux membres de la Cité leurs fonctions. C’est un trompe l’œil, qui relève de l’art de berner, plus que de la raison. Le politique en tant que pilote, est donc une activité qui vise avant tout à diriger, à imposer un chemin à prendre. Le pilote est celui qui mène la barque, qui décide de la direction à prendre. Il s’agit donc d’une certaine autorité. Le but du politique en tant qu’art de piloter est de créer une société harmonieuse au moyen de la séduction. Il y a donc un double effet qui se crée sur l’individu gouverné. Comme à un pilote il est soumis aux décisions du politique, mais il lui donne également sa confiance car c’est lui qui est garant de sa survie, et c’est lui qui sait piloter.

 

 

 

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Toute organisation sociale suppose donc un ordre, mais les sociétés humaines ne sont pas comparables aux sociétés animales. Les hommes ne sont pas menés par l’instinct. L’ordre est nécessaire mais son instauration n’est qu’un point de départ  et nullement une finalité. Il est la condition initiale qui permet de réaliser d’autre buts : le bien commun, le bonheur individuel et collectif. Le politique devient alors architecte, car il pose, tout en laissant la liberté aux hommes d’agir seuls, les bases, les fondations de la société. Le politique est vu comme un guide et non comme un dirigeant. Il offre une structure de développement pour l’individu.

 

N’est pas architecte qui veut. Cette activité nécessite un certain savoir, une maîtrise de compétences afin que la fin recherchée soit la plus parfaite possible. Ainsi considérer le politique comme architecte c’est prendre en compte la nécessité d’un savoir, qui ne permet pas d’agir immédiatement comme le ferai le pilote, mais de préparer grâce à des matériaux spécifiques, la conception et la construction d’une politique idéale, c'est-à-dire d’un Etat conforme à un idéal de justice et de raison. Ce sont les propos de Platon qui, dans La République, propose d’administrer une Cité en tenant compte de la diversité des individus qui la composent pour parvenir à un fonctionnement parfait. Dans cette optique le seul politique architecte possible doit être le philosophe, car cela demande une qualification, une partie rationnelle que seuls les philosophes possèdent selon Platon.

Le politique en tant que science, c'est-à-dire un type de savoir universel car il s’oppose à l’opinion, une certitude acquise dans l’expérience, est bien l’expression de cette idée d’architecte qui possède un savoir absolu, idéal pour atteindre la perfection. Pour Socrate, gouverner la Cité est une fonction très utile qui doit être soumise à un certain formalisme. Ainsi, savoir gouverner suppose deux choses : donner l'exemple concernant l'observation des lois de la Cité, sous peine d'avoir de mauvais citoyens à diriger, et au-delà, posséder la science du gouvernement. Rarement innée, cette vertu (pour Socrate, la Vertu est la science du bien et du mal) s'apprend ; si bien que pour Socrate, la Politique apparaît comme une véritable science.

L’architecte est un savant qui possède des connaissances et attend de voir ses idées se concrétiser. Il propose un plan de construction, le politique en tant que science de diriger les affaires publiques propose également un plan pour fabriquer une Cité parfaite. Il se base sur des idéaux. Le Cité juste de Platon demande une politique où existe la bonne hiérarchie entre trois vertus : la sagesse, c'est-à-dire la raison éclairée et dirigeante, le courage grâce auquel l’Etat peut se défendre et combattre et la tempérance, c'est-à-dire la maîtrise du désordre et des désirs. Le politique juste, celui que nous appelons architecte est donc celui où la raison commande. 

 

 

L'action de l'État vise à rendre le bonheur possible, sans pour cela le déterminer, lui donner un contenu particulier. Parce qu'il interdit de définir universellement le bonheur, il devient le garant de la liberté. Ce faisant, il fait place à la particularité des individus, à leurs protestations, à leur volonté de choisir les fins de l'action et d'ajuster à ces fins des moyens. Alors même quand il effectue le choix de la raison c'est l'individu qui se détermine librement. Le politique permet donc d’offrir les éléments essentiels pour l’homme, pour son développement.

Mais contrairement au pilote, le politique architecte n’impose pas une conduite à prendre, il propose, il se montre comme un guide, tout en laissant une liberté. Une fois l’ordre instauré le pouvoir politique doit laisser aux particuliers la liberté de conduire leurs affaires selon leurs intérêts. « La fin dernière de l’état n’est pas la domination […] au contraire c’est pour libérer l’individu de la crainte, pour qu’il vive autant que possible en sécurité, c’est à dire conserve, aussi bien qu’il se pourra, sans dommage pour autrui, son droit naturel d’exister et d’agir » Spinoza.

Une fois que le politique pilote a assuré la sécurité première et nécessaire, c’est le politique architecte qui vient proposer des matériaux pour le bon fonctionnement de la cité, et le matériau de base est la justice. L’état n’est qu’une entité abstraite, il incarne et défend certaines valeurs. Une fois l’ordre instauré, le sens de toute action politique est de permettre aux individus de vivre en bonne intelligence afin de réaliser leurs aspirations. Cela n’est possible que si la justice règne. Les lois de l’architecte, contrairement à celle du pilote, sont des lois à qui l’on donne un rôle sur la durée. Elles ne sont pas éphémères, elles sont nécessaires pour atteindre la fin absolue.

 

Ainsi le politique architecte, contrairement au pilote, en tant que science c'est-à-dire ce qui traite de l’universel, vise une fin elle aussi universelle et absolue, le Bonheur. Ces matériaux qu’offre le politique permettent dans l’optique idéale du politique d’atteindre le Bien Commun. « Les hommes doivent nécessairement établir des lois et vivre selon des lois […] la première vérité difficile à connaître est, en effet que l’art politique véritable ne doit pas se soucier du bien particulier mais du bien général, car le bien particulier déchire les cités et que bien commun et bien particulier gagnent tous les deux à ce que le premier, plutôt que le second, soit solidement assuré. » Platon. Ici Platon relève deux idées importantes, l’une montrant donc la nécessité des lois comme garantie du développement des hommes et l’autre insistant sur la visée du bien collectif.

Ce bien collectif, permettra par la suite le bien individuel. On peut concevoir le bien du sujet comme étant intrinsèquement lié à sa participation au bien collectif, parce que l’organisation politique permet une amélioration de l’homme, par l’éducation par exemple. La réalisation du bien du sujet ne procède pas par celle de son bien particulier, mais par celle du bien général, qui, lorsqu’il est excellemment accompli, garantit la meilleure vie possible au sujet qui est concerné par lui. Ainsi à l’image de l’architecte qui dessine des plans pour la construction d’un bâtiment en choisissant les meilleures options, le politique comme encadrement de la société offre la voie à suivre.

 

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            Considérer le politique comme un pilote ou un architecte, nous amène à survoler dans son intégralité la définition du politique. D’abord un art de gouverner, il devient une science, un savoir sûr et donc la garantie pour l’individu de se développer pleinement, avec de but commun aux deux caractères de cette activité à savoir garantir la société. Cependant nous sommes obligés de remettre en cause cette perfection apparente de la politique. En effet en tant moyen d’organiser la vie collective, elle repose nécessairement sur des valeurs mais l’échec est bien présent, car se détournant d’abord d’une morale en tant que pilote, elle échoue ensuite, en tant qu’architecte, dans sa recherche du Bonheur.

 

 

Le politique devrait être pour tous et cela dans une visée morale. En effet faire de la politique, un exercice dépendant à la fois de l’art et de la science qui devrait viser la moralité, c’est humaniser cet exercice. Mais nous avons vu dans le cas du pilote ou de l’architecte que, le politique qui se vise avant tout à être garant de la société, le fait souvent par des moyens peu honorables. La sécurité première est permise par le pouvoir, et le bien commun oblige le mensonge. Il faut éradiquer ce mensonge présent dans la position de Platon, être au service des membres de la société et non de son propre pouvoir. Pourtant il s’agit pour le politique de se dévouer au service de l’humain. Le politique devrait tenter d’éliminer les intérêts personnels au profit de l’intérêt général, la seule légitimité de son exercice provient des connaissances et des savoir-faire des individus et non d’une transmission fermée du pouvoir ou d’une prise de pouvoir par l’autorité. Le propre de l’homme est la raison, chacun est également doté d’un sens moral, ainsi la politique est accessible à tous et non réservée à une élite dotée d’une certaine habilité (le pilote) ou dotée d’un certain savoir (architecte).

Or avec Machiavel, l’on voit que l’intérêt n’est plus porté sur la société mais sur le politique, le Prince qui a le pouvoir et veut le conserver : « Un prince qui veut se maintenir doit donc apprendre à n'être pas toujours bon, pour être tel que les circonstances et l'intérêt de sa conservation pourront l'exiger ». Machiavel, Le Prince, chapitre XV. Rappelons que, selon Machiavel, l'action politique, pour réussir exige que l'on tienne compte des conditions dans lesquelles s'exerce l'action et en particulier de la morale et des mœurs. Il s'agit simplement, non pas de les suivre, mais de ne pas les heurter de front. Il suffit de paraître vertueux, d'avoir l'air de l'être. Jusque dans le vice il convient de rendre hommage à la vertu. Qu’il s’agisse du politique comme art ou comme science il apparaît dans les deux cas, que cette activité relève du calcul et de données rationnelles, mais cette considération néglige une part pourtant importante, le libre-arbitre de chacun qui doit nécessairement être considéré comme une inconnue.

Pour Aristote, l'homme est fait pour vivre en communauté politique. Pour lui, la Cité est voulu par la nature et est donc inhérente à tout groupe humain, selon le principe que l'homme est un animal politique. Donc tout individu est déjà politique or dire du politique qu’il est soit un pilote soit un architecte c’est justifier un exercice réservé à un petit nombre possédant un savoir-faire, ou évacuer la question de l’inconnu. Que ce soit dans l’Etat de Machiavel ou dans la Cité idéale de Platon, on conclue à la formation d’un Etat dont les membres n’ont aucun droit de regard sur leurs gouvernants. Le politique connaît ici son principal échec, celui de s’écarter d’une valeur morale pourtant nécessaire et qu’il est lui-même censé favoriser dans son but de sauvegarder l’humanité.

 

 

L’échec du politique qu’il soit pilote ou architecte tient également dans le fait qu’il s’oppose à la nature de l’homme. Kant qualifie d’insociable sociabilité cette nature conflictuelle de l’homme dans sa relation à la société. Kant se sert d’une métaphore empruntée à la physique de Newton. L’univers se meut dans un équilibre entre force d’attraction et de répulsion. Les hommes d’un côté sont attirés les uns pas les autres, et ils portent en eux une sociabilité, mais il porte aussi en lui une tendance inverse, un penchant à se séparer, « il trouve en même temps en lui-même l’insociabilité qui fait qu’il veut tout régler à sa guise et il s’attend surtout à provoquer une opposition des autres ». La tendance à l’insociabilité est par contre inscrite dans l’égoïsme, car on ne s’oppose aux autres, que parce que l’on considère seulement ses intérêts propres avant les intérêts de tous. L'homme en société, voit dans les autres hommes une limite à son pouvoir, une gène, une entrave. Les passions des hommes le placent dans une contradiction : d’un côté ils cherchent une reconnaissance vis-à-vis des autres, une considération et d’un autre côté, les passions referment chaque individu sur ses intérêts propres. Une association entre les hommes, celle que vise le pilote politique, est donc impossible, il ne peut pas diriger les hommes en espérant que ceux-ci suivront, car c’est aller contre leurs passions, et donc contre leur nature. Le politique apparaît donc comme un artifice dans ce sens où il se monte contre la nature humaine.

Si le politique s’oppose à la nature de l’homme, ce dernier ne peut, par définition, pas s’épanouir dans une société qui n’est pas un produit naturel. Le politique présente alors cet autre danger celui aliénation du sujet à son propre bien : la relation du sujet à l’instance politique peut aussi se comprendre comme une dépendance qui présente le danger de devenir aliénante. Si cette aliénation a lieu, l’inclusion du sujet dans une structure politique représente une menace pour la réalisation de son propre bien : le politique ne garantit donc pas nécessairement la réalisation du bien du sujet.  

De même de l’ordre peut naître la peur. L’ordre que la politique impose par n’importe quel moyen, y compris les plus immoraux se retourne contre lui-même en générant une nouvelle violence. Toute tyrannie contient et nourrit le germe de sa propre destruction.

 

 

Nous avons mis en valeur un lien entre le politique pilote et le politique architecte, que nous pourrions caractériser de chronologique en ce sens que ce lien va dans l’élaboration logique de la société. D’abord la réunion des hommes, leur commandement pour leur survie et par la suite l’encadrement des ces hommes pour leur épanouissement. Le parallèle entre la définition même du politique et cette élaboration chronologique est donc possible. Si le politique est ce qui touche aux affaires de la Cité, L’Etat pilote serait celui qui s’attache aux affaires, multiples et éphémères et l’architecte serait le responsable de la Cité achevée, idéale. L’élaboration (les affaires) de la société est suivie par l’achèvement de celle-ci (la Cité). L’on met donc en évidence ici la pleine responsabilité du politique dans la sauvegarde de l’humanité, et l’on voit également quels choix sont faits par ceux qui pratiquent cette activité. Se poser comme dirigeant ou se poser comme arbitre ? Si la vie collective est la valeur du politique, il apparaît rapidement que ce dernier dérive vers le calcul, la stratégie, abandonnant toute morale. Or avec cette idée de responsabilité, à partir du moment où le politique se réapproprie son pouvoir et l'exerce pleinement, en choisissant, en décidant, on peut penser qu'une politique qui échoue n'a pas d'excuses.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

I)                   Le politique pilote : un art de gouverner pour la survie immédiate de l’homme

 

A)    Le politique répond au besoin premier : l’ordre

 

1)      « L’homme est un loup pour l’homme »

2)      La nécessité d’une structure

3)      Le politique pilote : responsable

 

B)    Le politique : un art, celui de gouverner

 

1)      L’autorité du politique

2)      Une activité aventureuse

3)      L’art de la séduction

 

II)                Le politique architecte : une science qui vise une fin

 

A)    Le politique comme science de la construction

 

1)      L’activité politique : une spécialisation ?

2)      Socrate : gouverner est une science

3)      Le politique architecte possède des idéaux

 

B)    Le politique architecte ne dirige pas, il propose

 

1)      Idée principale : le politique garant de la liberté

2)      Le politique un guide et non un dominant

3)      Comme l’architecte, le politique propose des matériaux de construction

 

C)    Une fin absolue, le Bien Commun

 

1)      Le Bien Collectif avant tout

2)      Permet ensuite le bien particulier

 

III)             L’échec du politique dans la nécessité de la morale

 

A)    L’intérêt commun dénigré

 

1)      Le politique devrait être l’affaire de tous

2)      Premier échec : l’intérêt du Prince passe avant celui de la société

3)      Deuxième échec : le politique réservé à un petit nombre

 

 

B)    Le politique ne permet pas finalement le bien commun

 

1)      « L’insociable sociabilité » : échec d’une entente entre les hommes

2)      Le politique : aliénation du sujet

3)      Le politique se détruit lui même 

 

 

 

 

 

 

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