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Dissertation poésie lyrisme

Publié le 09/12/2012

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Éléments de correction pour la dissertation sur le lyrisme poétique. On associe souvent poésie et lyrisme. La poésie consiste-t-elle seulement pour les poètes à exprimer leurs sentiments personnels ? Vous répondrez à cette question en utilisant les textes du corpus, mais aussi des exemples empruntés aux oeuvres étudiées en classe ou lues personnellement. Analyse du sujet ? objet d'étude = la poésie Forme littéraire particulière, mode d'expression spécifique ? s'interroger sur ses particularités et en quoi elles peuvent être liées au lyrisme. - par ses thèmes ? - par le jeu des images ? - par sa musicalité ? ? lyrisme - étymologiquement rattaché à la « lyre « : dans l'antiquité, textes destinés à être chantés ou déclamés avec un accompagnement musical - sens littéraire moderne : registre littéraire centré sur l'expression des sentiments personnels de l'individu cf. dictionnaire Robert : se dit en particulier de la poésie qui exprime des émotions, des sentiments intimes, au moyen de rythmes, d'images propres à communiquer au lecteur l'émotion du poète - attention à ne pas réduire le lyrisme au lyrisme amoureux ! toute la gamme des sentiments personnels est concernée ! « La poésie lyrique est l'expression des sentiments personnels du poète traduits en des rythmes analogues à la nature de son émotion ; vifs et rapides comme la joie, languissants comme la tristesse, ardents comme la passion «, F. Brunetière, Évolution de la poésie lyrique en France au dix-neuvième siècle, T. I, 1894. ? Formulation de la question : - question fermée invitant à répondre oui ou non ? vers un plan dialectique - « seulement « : invite à s'interroger sur les autres fonctions possibles de la poésie ? Problématique : elle était pour ainsi dire donnée par le sujet lui-même... Reformulation possible : ? La poésie consiste-t-elle uniquement pour le poète à exprimer ses sentiments personnels, où a -t-elle aussi d'autres fonctions qui dépassent l'expression du « moi « ? Une poésie sans lyrisme est-elle possible ? D'où plan possible : Introduction La poésie est un genre à part, extrêmement codifié, qui met l'accent sur la musicalité du texte, dont sont prioritairement exploitées toutes les ressources rythmiques et sonores. La poésie antique ne reposait d'ailleurs pas sur des rimes, mais sur les rythmes, et était destinée à être déclamée avec un accompagnement musical. C'est l'étymologie du terme « lyrique «, dérivé de « lyre «. La poésie étant souvent centrée sur l'expression du moi intime et des émotions, le lyrisme en est venu par extension à désigner un registre litté raire centré sur l'expression des sentiments personnels. Au XIXe siècle, le critique F. Brunetière, faisant le lien entre musicalité et expression personnelle, définit ainsi la poésie lyrique comme « l'expression des sentiments personnels du poète traduits en des rythmes analogues à la nature de son émotion «. Mais la poésie consiste-t-elle uniquement pour le poète à exprimer ses sentiments personnels, où a-t-elle aussi d'autres fonctions qui dépassent l'expression du « moi « ? Une poésie sans lyrisme est-elle possible ? Nous verrons tout d'abord que la poésie, de part sa musicalité, est effectivement le lieu privilégié de l'expression des sentiments personnels, avant d'évoquer dans un second temps ses autres fonctions possibles. Mais même lorsque le poète semble laisser de côté son moi intime, ne part-il pas néanmoins de son expérience personnelle, et ce type de poésie ne relève-t-il pas également d'une forme de lyrisme ? 1 I. La poésie est le lieu privilégié de l'expression des sentiments personnels a) Une musicalité propice à l'expression des sentiments personnels et au partage - La poésie est un genre à part, qui met en oeuvre des procédés particuliers, insistant notamment sur la musicalité grâce à la versification et aux jeux sur les sonorités. Ex. : expression du sentiment amoureux dans le cadre formel strict du sonnet, depuis Pétrarque et Ronsard jusqu'à Verlaine (et même dans certains poèmes modernes !) - Un genre codifié, où le locuteur, même quand il dit « je «, reste plus ou moins anonyme et s'abrite derrière le texte ? favorise une certaine pudeur ex. des poèmes d'Eluard ou Aragon adressées aux femmes qu'ils ont aimées. ? La codification du genre et la musicalité propre à la poésie peuvent rendre plus facile l'expression, parfois difficile, des sentiments personnels. b) Une gamme variée de sentiments positifs ou négatifs Même si l'expression du sentiment amoureux est très présent dans la poésie, le lyrisme concerne également tout une gamme des sentiments personnels variés, heureux comme malheureux. ? Lyrisme de l'amitié cf. sonnet de Musset dédié à Victor Hugo (A M. V. H., 1843), et se présentant comme un éloge de l'amitié ? Lyrisme de la fuite du temps et de la mort (? registre élégiaque, qui fait partie à part entière du lyrisme) Ex. - Lamartine, « Le lac «, Méditations poétiques, 1820 - genre de la complainte qui traverse les âges (cf. Rutebeuf au XIIIe siècle, Villon au XVe siècle, Laforgue au XIXe siècle)... ? L'expression d'un rapport personnel au monde ex. poèmes du spleen dans Les Fleurs du mal (1857) de Baudelaire, où le poète exprime son rapport conflictuel au monde, son mal-être, et son aspiration à l'ailleurs, à s'évader dans les « paradis artificiels « ou à partir pour un voyage « anywhere out of the world «..... (choisir le poème que vous connaissez le mieux !) II. Mais elle peut aussi avoir d'autres fonctions qui semblent s'écarter de l'expression des sentiments personnels a) La poésie comme pur jeu esthétique ou technique ? Certains poètes se sont élevés contre l'expression des sentiments personnels : - Le mouvement du Parnasse et la théorie de « l'Art pour l'Art « cf. Leconte de l'Isle qui, en réaction aux épanchements romantiques, prône l'impersonnalité et le refus du lyrisme personnel pour privilégier au contraire le travail technique sur l'expression des sentiments - jeux formels des poètes de l'OuLiPo - cas des calligrammes où prime la dimension visuelle du texte (cf. en particulier les calligrammes d'Apollinaires) b) La poésie de célébration La poésie peut aussi servir à rendre hommage, à célébrer les grands et les héros : cf. poésie épique (Iliade et Odyssée, d'Homère ; Chanson de Roland ) qui a pour but de chanter la gloire, de louer les héros (imaginaires ou historiques) c) La poésie à fonction didactique Dès l'antiquité, certains textes poétiques sont consacrés à l'instruction, ont une fonction didactique affichée : cf. Les travaux et les jours d'Hésiode, Les Géorgiques de Virgile, L'Art d'aimer d'Ovide.... Voir aussi les Fables de la Fontaine, écrites ad usum delphini et dédiées successivement au Dauphin, fils de Louis XIV, puis au Duc de Bourgogne, fils du Dauphin, pour leur enseignement. d) La poésie « scientifique « Enfin, la poésie peut aussi être consacrée à l'expression de théories scientifiques : cf. le De Rerum Natura de Lucrèce, qui expose poétiquement la physique d'Epicure (théorie du vide et des atomes) ; Voir aussi son pastiche moderne de Raymond Queneau, un des maîtres de l'OuLiPo, dans sa Petite Cosmogonie portative (1950). Ce long poème en alexandrins se présente comme une histoire parodique du monde depuis ses 2 origines jusqu'à nos jours, et fait poétiquement état des nouvelles connaissances scientifiques acquises dans la première moitié du XXe siècle. Néanmoins, même lorsqu'il semble s'effacer de l'énonciation et laisser de côté ses sentiments personnels pour se concentrer sur l'art poétique lui-même ou sur le sujet de son texte, le poète n'en reste-t-il pas toujours bien présent ? Le texte poétique n'est-il pas toujours lié à une prise de position personnelle ? Peut-on vraiment séparer poésie et lyrisme ? III. Le lyrisme poétique au service de l'engagement et de l'expression d'idéaux personnels a) Dans la poésie satirique, le poète s'inspire de son expérience personnelle pour exprimer une critique tout en défendant son propre idéal Ronsard dénonçant les guerres de religion et appelant à la réconciliation nationale dans les vers de son Discours des misères de ce temps (1562). Du Bellay partant de son expérience des différentes cours européennes (notamment la cour de Rome), et dénonçant dans le sonnet CL des Regrets les grimaces et l'hypocrisie des « vieux singes de cour « qu'il a eu l'occasion de côtoyer... Les Châtiments, de Victor Hugo, recueil de poèmes satiriques écrits suite au coup d'état du 2 décembre 1851, où le poète exprime avec force son antipathie pour celui qu'il appellera narquoisement « Napoléon le petit «. b) Il peut aussi exprimer dans ses vers son engagement politique Senghor, dans ses Chants d'ombres, chante son amour pour une « femme noire «, mais ce faisant il milite pour la reconnaissance de l'identité culturelle africaine. Sa poésie se fait alors polémique, et relève du domaine de la poésie engagée, soutenant un but humain à valeur universelle. De même, dans les « Épitres à la princesse « (Ethiopiques) adressées à la marquise Joséphine Daniel de Betteville, ce poète chantre de la négritude affirme de façon lyrique sa volonté de vouloir faire vibrer « à l'unisson « le « pays de sel « et « pays de neige « représentant respectivement la civilisation africaine et la civilisation européenne. ? L'oeuvre de Senghor peut ainsi se lire comme l'expression poétique du combat politique qui fut celui de toute la vie de l'auteur. c) Un lyrisme de la révolte qui part de l'expérience personnelle du poète et s'élargit à l'universel La fonction argumentative de la poésie est la plupart du temps liée à une prise de position personnelle : elle a donc pour source le lyrisme du poète, même si sa portée argumentative se révèle d'ordre plus général. De nombreux poètes sont ainsi partis de leur expérience personnelle de la guerre pour appeler l'ensemble des hommes au pacifisme. ex. « Ce coeur qui haïssait la guerre « de Desnos ; « Barbara « de Prévert ; « Le dormeur du val « de Rimbeau ; « Le déserteur « de Boris Vian... Poème « Liberté « de Paul Eluard Dans une interview, revenant sur les circonstances originell es de rédaction de son poème, Eluard précisait que « Liberté «, initialement intitulé « Une seule pensée «, était à l'origine destiné à « la femme *qu'il+ aimait «. Mais celle ci, explique-t-il, s'est finalement confondue avec l'idéal plus général de « li berté «, de « libération «. Il y a donc un élargissement du lyrisme amoureux, depuis l'expression de l'amour envers la femme aimée jusqu'à la défense d'idéaux universels. Conclusion : En poésie, rares sont les textes véritablement dépourvus de lyrisme. Même si la poésie n'est pas uniquement centrée sur l'expression de sentiments personnels tels que l'amour, la tristesse ou la nostalgie, la sensibilité du poète dans son rapport au monde, aux hommes, et aux grandes causes de l'humanité, affleure la plupart d u temps au travers du texte. C'est le cas en particulier des poèmes engagés, qui, même s'ils ont une portée universelle, partent le plus souvent de l'expérience personnelle du poète. N'est-il pas d'ailleurs à craindre qu'une oeuvre poétique dépourvue de lyrisme, et toute centrée sur la prouesse technique, ne parvienne pas à toucher le lecteur, et tombe ainsi irrémédiablement dans l'oubli ? Le partage des sentiments est-il une condition nécessaire à la postérité littéraire ? 3

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