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Dissertation sur Kundera

Publié le 18/09/2010

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kundera

 

"La vérité est que les chefs d'oeuvres du roman contemporain en disent beaucoup plus long sur l'homme et sur la nature, que les graves ouvrages de philosophie, d'histoire et de critique"  disait Zola dans Le Roman Expérimental. En effet, la littérature et en particulier le roman porpose une véritable reflexion sur l'homme et la connaissance de l'âme et de la nature humaine. De même, Milan KUNDERA, dans L'Art du roman, Gallimard, 1986, p163 affirme : "Plus attentivement on lit le roman, plus la réponse devient impossible car, par définition, le roman est l'art ironique ; sa vérité est "cachée", non prononcée, non prononçable. (...) Le roman, à l'instar de Pénélope, défait la nuit la tapisserie que des théologiens, des philosophes, des savants ont ourdie la veille." Dans la première partie de la citation, Kundera pose le problème de la vérité dans le roman. Celle-ci est, selon lui, inaccessible même avec une relecture attentive. Il utilise un effet de gradation et un rythme binaire pour montrer que plus le lecteur lit le roman et tente de le comprendre, plus le sens de l'oeuvre lui échappe. En effet, le roman apporte des questions plus que des réponses. Dans une deuxième partie, il souligne le côté ambigu de la vérité. Il dresse une analogie entre la vérité et une histoire de la mythologie grecque. La nuit, Pénélope -femme d'Ulysse- défait la tapisserie qu'elle a confectionné le jour précédent afin de pouvoir rester fidèle à son mari. En effet, elle devra épouser un autre lorsque sa tapisserie sera terminée. De même, le roman réduit à néant les théories que les théologiens et les philosophes ont établies, et ramène à la lumière du jour, la vérité. Kundera parle d'art ironique. On peut relever deux paradoxes dans la citation. Dans un premier temps, plus la lecture est attentive, plus la réponse est impossible. Or, il est certain que lorsque l'on accorde davantage d'attention à une action, celle ci se relève plus facilement réussie. Pourquoi la réponse n'est elle donc pas accessible ? De plus, Kundera parle de "vérité cachée" mais également "non prononcé". Si il parle de vérité, c'est bien qu'il sait qu'elle existe... Pourquoi est-elle alors non prononcée, non prononçable ? De plus, est elle forcemement cachée et implicite ? Tout d'abord, nous montrerons en quoi le roman est l'art de l'ironie. Puis, nous montrerons que la vérité du roman peut être explicite. Enfin, nous verrons qu'il n'y a pas une vérité objective dans le roman mais plutôt une vision du monde.

 

Kundera qualifie l'art du roman d'art ironique. En effet, le roman interroge, balaye les présupposés, détruit les certitudes et trace un chemin vers la vérité. Mais, en même temps, par son ambiguïté, le roman brouille les pistes et garde sa vérité enfouie, perdue dans l'oeuvre, inatteignable pour le lecteur.

Tout d'abord, le roman permet de dévoiler la vraie vérité par l'ironie. Le roman déchire le rideau des préinterprétations des choses, va à l'intérieur des choses, nous fait perdre la vue pour mieux voir. En effet, le genre romanesque dévelope cet art de l'ironie par la forme et les mots. L'ironie met en évidence les ambiguïtés autant sur l'histoire, les personnages et nous conduit à nous interroger sur la vérité propre au roman et pose le problème de l'interprétabilité. Gargantua de Rabelais est un livre très ambigu. Certains jugent le livre vulgaire alors que d'autres le trouvent fondamentalement humaniste. Mais, quelle est la substantifique moëlle de ce roman ? Au premier regard, nous pouvons avoir l'impression que Rabelais prône une vie hédoniste à la satisfaction maximale des passions, et des désirs. Mais, il suffit d'un minimum d'attention pour se rendre compte que les géants ne sont qu'un prétexte à écrire. Au contraire, à travers ce caractère démesuré et ironique, Rabelais met en garde les lecteurs contre la démesure humaine. L'ironie permet donc à Rabelais de faire passer la vérité au lecteur. Nous pouvons également penser au personnage de Rastignac dans Le Père Goriot de Balzac. En effet, le regard de l'écrivain sur l'arriviste est ambigü. Les propos le concernant sont à la fois élogieux et ironique. Les personnages romanesques montrent alors toute l'ambiguité de l'âme humaine et nous dévoilent la vérité sur la nature humaine. Dans Les Liaisons dangereuses, roman épistolaire, l'utilisation des lettres est ambigüe car on ne sait jamais si elles sont vraies et honnêtes ou bien des objets de manipulation. En effet, les lettres de Valmont et de Merteuil sont des lettres de libertins. Si bien que ces deux personnages tentent d'écrire ce que leurs destinataires veulent entendre. C'est à dire qu'ils ne se dévoilent que très peu. Ils développent des stratégies argumentatives. Si bien que, le lecteur doit aller au delà des mots écrits pour essayer de trouver le véritable enjeu de la lettre.

Mais, l'ambiguïté du roman réside également dans la forme. Le romancier utilise des codes de lecture, soit, mais les détourne, les utilise à sa manière. Le lecteur doit donc faire la part des choses pour trouver le vrai message de l'auteur. Dans Gargantua, de Rabelais, l'héroïsation de Frère Jean des Entommeurs est ambigüe. En effet, Frère Jean est un héros paradoxal. Comme dans les épopées, ou chansons de gestes, il accomplit les mêmes actions que les héros mais il y a un jeu sur les valeurs. Il renie la noblesse des chevaliers au combat. En effet, il rompt avec les codes d'honneurs et codes chevaleresques : il tue un ennemi qui lui demande grâce. Il décide d'égorger les ennemis à terre: on assiste à la boucherie la plus basse. La dégradation de Frère Jean est constante. Son image est odieuse : il effectue un crime contre l'humanité. Il est difficile de s'assimiler, de s'identifier à Frère Jean. Pourtant, on ressent une sympathie envers lui. Cela vient du langage, des jeux de mots, et de la parodie. Pour Rabelais, la guerre est une véritable boucherie, mais l'épopée la rend héroïque. Ici, il y a la revendication que la guerre n'est pas un geste noble, au contraire, c'est une boucherie. L'intention parodique permet de tirer de cette acte horrible une notion humaniste. L'ironie consiste ici à conduire vers un message humaniste. De même, il y eu un problème de compréhension pour Madame Bovary de Flaubert, qui s’adressait à un public bourgeois. Son objectif était de montrer la bêtise humaine, il utilisait donc le discours indirect libre. Mais ce fut interprété comme des marques d’immoralité de la part de l’auteur, il ne modérait pas la joie de l’adultère par exemple. Or Flaubert se veut impersonnel, ce sont les propos des personnages eux-mêmes qui montrent leur propre bêtise.

Le roman est ironique car son interprétation pousse à des interrogations sur les personnages, sur l'histoire mais ne donne pas de solution toute faite au lecteur. Au contraire, le roman vise à interroger son lecteur pour le pousser à réfléchir non seulement sur l'oeuvre elle même mais aussi sur lui même, et sur l'âme humaine et l'existence en général. En effet, à cause des ambiguïtés, il y a un problème  d'interprétabilité... Mais cette ironie ne peut que nous entraîner vers un certain sceptisisme. En effet, dans La Princesse de Clèves, plus on lit l'ouvrage, plus la réalité semble fuyante. Les nons-dits parsèment le roman et nous criblent de doutes. En effet, toute l'ironie de l'oeuvre porte sur la suggestion. Lors de la première apparition de Mlle de Chartres -qui deviendra La Princesse de Clèves -, elle est accompagnée par sa mère.  Le lien qui les unit semble très fort. La mère apprend à la jeune fille à devenir vertueuse. En effet, à la mort de son mari, elle s'est retirée de la cour, emmenant sa fille avec elle, lui enseignant les méfaits de l'amour et de la galenterie. Pourtant cette mère qui semble si parfaite, le semble beaucoup moins lors de sa mort. En effet, lorsqu'elle est sur son lit de mort, sa fille vient la voir. Mais, au lieu de montrer son amour à sa fille, elle la crible de reproches et de conseils pour l'avenir. Et derrière ces conseils, se cache beaucoup d'égoïsme. En effet, elle ne veut pas que sa réputation change après sa mort à cause des actes potentiellement peu vertueux de sa fille. Ces intentions sont elles vraiment vertueuses? Cet épisode pousse le lecteur à de nombreuses questions qui ne sont pas résolues. Le roman est donc porteur de multiples questions qui ne cessent de s'ajouter les unes aux autres et qui poussent le lecteur à remettre en question ces lectures précédentes. C'est pour cela que le roman est ironique : dès que l'on croit trouver la vérité, une autre question se pose et réfute notre interprétation précédente. On lit, et on relit, de façon de plus en plus attentive, de plus en plus concentré. La complexité du roman surgit, inévitable, grandissante et l'on s'enfonce dans cette complexité comme dans un océan sans fin.    

Le roman est donc un genre ironique par essence. Une grande oeuvre nous interroge sans nous enfermer dans une réponse. Au moment où le sens des mots semble nous parvenir, ils nous échappe, inévitablement. Si le roman dévoile une certaine vérité, il dévoile dans la complexité, il dévoile dans le double-sens et nous sommes perdus par les vérités multiples qui semblent se contredire. Le roman par son ironie ne nous offre aucune réponse concrète. Pourtant, il déchire le rideau des présupposés, des pré-interpréations que l'on a pu avoir la veille. Il montre l'inexpliquable. La réponse est dans la forme, dans les mots, mais elle n'est pas prononçable. Elle n'est pas prononçable car tremblante de vérité, elle cachée par la forme. Le roman est un art de la feinte, du double sens. Mais, le roman est-il toujours ironique cachant la vérité ? La vérité ne peut elle pas être explicite ? L'auteur ne donne t-il pas des pistes d'interprétations ? A qui sait bien lire les codes littéraires, la vérité n'est elle pas facilement accessible ?

 

Tout d'abord, il est certain que le roman est un genre complexe. Mais une oeuvre est porteuse non seulement d'une histoire mais aussi d'une vérité propre.  Il ne faut pas oublier qu’un écrivain écrit toujours pour être lu. Il ne cherche pas alors à perdre le lecteur, mais au contraire à lui faire passer un message. C’est le fameux lecteur modèle dont parle Umberto Eco. Tout lecteur, qu’il soit averti ou débutant, reconnait ces marques d’encodage qu’utilise l’auteur. Celui-ci adopte un certain nombre de codes que le lecteur va reconnaître. En effet, le texte est produit par un auteur et correspond à un projet d'écriture, à une vision du monde, à un mode de pensée. L'auteur peut donc affirmer quel est son point de vue au cours de son ouvrage. En effet, les romanciers donnent souvent des indications sur leurs oeuvres, dans un prologue ou une préface. Rabelais, par exemple, parle de l'interpréabilité de Gargantua dans le prologue. Dans une première partie, il évoque l'essence du livre. Il commence par expliquer que le livre est dédié à des « buveurs très illustres . Puis, il met en garde contre une mauvaise interprétation en expliquant que son livre est différent d’un commun livre comique, qu'il possède un message. En faisant référence à République de Platon, il montre que le lecteur doit se comporter comme un chien. L’os est repoussant, mais le chien agit de telle sorte d’aller au delà des apparences. Le lecteur doit donc par une lecture assidue et réfléchie retrouver la vérité. Il met en garde contre une mauvaise interprétation du livre. Cette mise en garde est donc une indication à la lecture, à trouver "la substantifique moëlle". Rabelais ne laisse pas ces lecteurs démunis face à l'oeuvre. Au contraire, il leur donne un moyen de guider leur lecture. Parfois, le projet de lecture est clairement énoncé. On peut penser, par exemple, aux ouvrages réalistes et naturalistes tel que La Comédie Humaine de Balzac. Dans ces préfaces, il donne ces intentions d'écriture. De même Zola, dans la préface de L'Assomoir explique son projet d'écriture est sociologique. Il écrira aussi un ouvrage Le Roman Expérimental où il explique la démarche naturaliste. En effet, il souhaite étudier les faits sociaux à la manière des scientifiques. En 23 romans, il raconte l'histoire d'une famille sous le second empire en mettant en évidence les tares héréditaires.

La vérité peut également, sans être clairement énoncée, être dévoilée peu à peu dans la continuité du roman. Le roman n'est pas enfermé dans un projet de lecture, dans une seule théorie. Cependant, les nombreuses lectures, les théories différentes sur un roman peuvent nous permettre d'atteindre une certaine vérité sur l'ouvrage. Par exemple, le livre La Princesse de Clèves de Madame de Lafayette est sujet à de nombreuses interprétations et théories. Pour certains, la fin de la princesse de Clèves est un triomphe. En effet, elle se rend compte que la seule vérité  est celle de Dieu par rapport aux vanités humaines. Pour d'autres, cette fin est un échec car la jeune femme n'a pas réussit à vivre sa passion au grand jour. Aucune critique ni analyse ne prétend livrer la seule interprétation. Le texte est toujours au-delà des interprétations, il leur échappera à toutes. Le texte littéraire est celui qui les remettra toujours en question. Au lieu de cacher la vérité, ces nombreuses lectures nous donnent des clefs de compréhension de l'oeuvre. Soit, La Princesse de Clèves est un livre qui ne cesse de surprendre. Est il un livre brûlant et sensuel? Un livre précieux ? Un livre moraliste ? Le lecteur se pose ces questions. Mais si il lit attentivement le livre, si il se renseigne sur les thèses qui parlent de l'ouvrage, si il se montre curieux vis à vis de l'oeuvre, il ne trouvera peut être pas toute la vérité mais sans approchera inévitablement.  

Tout roman comporte une substantifique moëlle. Le roman, par son ambiguïté, dévoile des vérités. C'est ensuite au lecteur de faire la part des choses mais il est souvent guidé par des indices propres au livre pour pouvoir trouver la vérité. Par ailleurs, le roman est il toujours porteur d'une vérité ? L'objectif du roman se restreint-il à donner une vérité ? Le lecteur ne cherche t-il pas autre chose dans la lecture d'un roman ?

 

En effet, peut on réellement parler de vérité objective dans le roman ? Le lecteur pourra t-il, par l'intermédiaire du roman, comprendre la vérité ? Il semble qu'un roman transmet plutôt la vision de l'auteur sur le monde - même si l'auteur souhaite être objectif comme Zola dans son entreprise sociologique -. En effet, un roman n'est pas seulement une entreprise de la raison qui souhaite donner une vérité. Chaque roman est une vision différente de l'homme, du monde et de l'existence. Le lecteur peut certainement percer la vérité du roman mais un roman ne donnera jamais une vérité objective. Un roman n'est, en effet, pas simplement une représentation de la réalité mais une vision de celle ci. Il mêle fiction et réel, le fond et la forme. Il ne transmet pas la réalité du monde, ni une vérité objective mais la vision subjective de l'auteur vis à vis du sujet d'écriture. Et, une lecture assidue et attentive peut permettre au lecteur de comprendre cette vision sensible des choses propre à l'auteur. 

Reprenons l'exemple de Gargantua. Alors que ce roman est ironique, et plein d'ambiguïtés ; la lecture est tout de même plaisante et divertissante. Rabelais fait énormément rire par le décalage de l'histoire, par la démesure, par des accumulations excessives ou par l'utilisation des propos grossiers. Ainsi, Rabelais souhaite faire rire son lecteur, et par le rire le ramener vers le bas, l'instruire. Le roman ne se contente pas d'apporter des questions, et des interrogations. Il amène aussi le lecteur au divertissement pour pouvoir mieux le faire réfléchir. D'ailleurs, certains romans d'aujourd'hui semblent remplir seulement ce rôle de divertissement, sans aucune ambiguïté, sans questionnements véritables. On peut penser par exemple à Harry Potter ou Da Vinci Code qui remportent énormément de succès. En effet, ces romans semblent formatés pour plaire aux lecteurs. Ils accumulent les épisodes, jouant sur un principe de supsens. 

Pour conclure cette dernière partie, si le roman peut transmettre la "vérité cachée" énoncée par Kundera, c'est une vérité subjective. Car même si l'auteur souhaite avoir une vue objective sur le monde, il sera forcément influencé par sa propre vision des choses. De plus, certains romans n'ont même pas le souci d'établir une véritable réflexion sur l'homme et l'existence mais plutôt la prétention de divertir. 

 

En conclusion, le roman est bien l'art de l'ironie. Il ramène sans cesse le lecteur à des questionnements sur l'histoire, mais aussi sur l'existence humaine, sur le monde. Le roman ne donne jamais une vérité de façon concrète. Celle ci est bien "cachée" derrière la forme, derrière l'histoire, derrière les personnages. Le roman ne nous enferme pas dans une réponse, il nous ouvre à plusieures réponses. De plus, l'auteur invite le lecteur à trouver la vérité. Il lui donne des codes, voir des informations sur son projet d'écriture, dans sa préface, par exemple. Si le roman est un art ironique, il s'adresse aussi à des lecteurs, et tente donc de leurs faire comprendre sa "substantifique moëlle" même si celle ci est dure à découvrir. Une lecture assidue et attentive peux, à l'inverse de ce qu'affirme Kundera, permettre de découvrir certains indices de lecture et nous mettre sur le chemin de la vérité. Cependant, tout les romans ne comportent pas cette vérité. Le but de certains peuvent être tout autre : le rire, le suspens... De plus, le romancier a t-il réellement la prétention de nous délivrer une vérité transcendante, objective ? Il semblerait que, au contraire, il nous propose une certaine vision des choses, une réflexion sur l'homme et le monde. Cette réflexion est enrichie par l'ironie du roman puisqu'elle pousse à un certain raisonnement dialectique, nous proposant diverses réponses. Le roman, en nous proposant une vision du monde, nous propose un chemin vers la vérité.

 

kundera

« véritable boucherie, mais l'épopée la rend héroïque.

Ici,\ il y a la revendication que la guerre n'est pas un geste noble, au contraire, c'est une boucherie.

L'intention parodique permet de tirer\ de cette acte horrible une notion humaniste. L'ironie consiste ici à conduire vers un message humaniste.

De mêm\ e, il y eu un problème de compréhension pour Madame Bovary de Flaubert, qui s’adressait à un public bourgeois.

\ Son objectif était de montrer la bêtise humaine, il utilisait donc le discours indirect libre.

Mais ce fut interprété \ comme des marques d’immoralité de la part de l’auteur, il ne modérait pas la joie de l’adultère par exemple.

Or Flaube\ rt se veut impersonnel, ce sont les propos des personnages eux-mêmes qui montrent leur propre bêtise.

Le roman est ironique car son interprétation pousse à des interrog\ ations sur les personnages, sur l'histoire mais ne donne pas de solution toute faite au lecteur.

Au contraire, le roman vis\ e à interroger son lecteur pour le pousser à réfléchir non seulement sur l'oeuvre elle même mais aussi sur l\ ui même, et sur l'âme humaine et l'existence en général.

En effet, à cause des ambiguïtés, il y a un prob\ lème d'interprétabilité...

Mais cette ironie ne peut que nous entraîner vers un certain sceptisisme.

En effet, dans La Princesse de\ Clèves, plus on lit l'ouvrage, plus la réalité semble fuyante.

Les nons-dits parsèment le roman et nous criblent de \ doutes.

En effet, toute l'ironie de l'oeuvre porte sur la suggestion.

Lors de la première apparition de Mlle de Chartres\ -qui deviendra La Princesse de Clèves -, elle est accompagnée par sa mère.

Le lien qui les unit semble très fort.

La mère apprend à la jeu\ ne fille à devenir vertueuse.

En effet, à la mort de son mari, elle s'est retirée de \ la cour, emmenant sa fille avec elle, lui enseignant les méfaits de l'amour et de la galenterie.

Pourtant cette mère qui se\ mble si parfaite, le semble beaucoup moins lors de sa mort.

En effet, lorsqu'elle est sur son lit de mort, sa fille vient l\ a voir.

Mais, au lieu de montrer son amour à sa fille, elle la crible de reproches et de conseils pour l'avenir.

Et derr\ ière ces conseils, se cache beaucoup d'égoïsme.

En effet, elle ne veut pas que sa réputation change après sa mort à\ cause des actes potentiellement peu vertueux de sa fille.

Ces intentions sont elles vraiment vertueuses? Cet épisode pou\ sse le lecteur à de nombreuses questions qui ne sont pas résolues.

Le roman est donc porteur de multiples questions q\ ui ne cessent de s'ajouter les unes aux autres et qui poussent le lecteur à remettre en question ces lectures précé\ dentes.

C'est pour cela que le roman est ironique : dès que l'on croit trouver la vérité, une autre question se pose et ré\ fute notre interprétation précédente.

On lit, et on relit, de façon de plus en plus attentive, de plus en plus concentré.

La \ complexité du roman surgit, inévitable, grandissante et l'on s'enfonce dans cette complexité comme dans un océan sans f\ in.

Le roman est donc un genre ironique par essence.

Une grande oeuvre nous \ interroge sans nous enfermer dans une réponse.

Au moment où le sens des mots semble nous parvenir, ils n\ ous échappe, inévitablement.

Si le roman dévoile une certaine vérité, il dévoile dans la complexité\ , il dévoile dans le double-sens et nous sommes perdus par les vérités multiples qui semblent se contredire.

Le roman par son\ ironie ne nous offre aucune réponse concrète. Pourtant, il déchire le rideau des présupposés, des pré-inte\ rpréations que l'on a pu avoir la veille.

Il montre l'inexpliquable.

La réponse est dans la forme, dans les mots, mais el\ le n'est pas prononçable.

Elle n'est pas prononçable car tremblante de vérité, elle cachée par la for\ me.

Le roman est un art de la feinte, du double sens.

Mais, le roman est-il toujours ironique cachant la vérité ? La vérité\ ne peut elle pas être explicite ? L'auteur ne donne t-il pas des pistes d'interprétations ? A qui sait bien lire les codes lit\ téraires, la vérité n'est elle pas facilement accessible ? Tout d'abord, il est certain que le roman est un genre complexe.

Mais un\ e oeuvre est porteuse non seulement d'une histoire mais aussi d'une vérité propre.

Il ne faut pas oublier qu’un écrivain écrit toujours pour êt\ re lu.

Il ne cherche pas alors à perdre le lecteur, mais au contraire à lui faire passe\ r un message.

C’est le fameux lecteur modèle dont parle Umberto Eco.

Tout lecteur, qu’il soit averti ou débutant, re\ connait ces marques d’encodage qu’utilise l’auteur. Celui-ci adopte un certain nombre de codes que le lecteur va reconnaî\ tre.

En effet, le texte est produit par un auteur et correspond à un projet d'écriture, à une vision du monde, à\ un mode de pensée.

L'auteur peut donc affirmer quel est son point de vue au cours de son ouvrage.

En effet, les romanciers d\ onnent souvent des indications sur leurs oeuvres, dans un prologue ou une préface.

Rabelais, par exemple, parl\ e de l'interpréabilité de Gargantua dans le prologue.

Dans une première partie, il évoque l'essence du livre.

\ Il commence par expliquer que le livre est dédié à des « buveurs très illustres .

Puis, il met en garde contre une ma\ uvaise interprétation en expliquant que son livre est différent d’un commun livre comique, qu'il possède un message.

\ En faisant référence à République de Platon, il montre que le lecteur doit se comporter comme un chien.

L’os est repo\ ussant, mais le chien agit de telle sorte d’aller au delà des apparences.

Le lecteur doit donc par une lecture assidue \ et réfléchie retrouver la vérité.

Il met en garde contre une mauvaise interprétation du livre.

Cette mise en garde est \ donc une indication à la lecture, à trouver "la substantifique moëlle".

Rabelais ne laisse pas ces lecteurs démuni\ s face à l'oeuvre.

Au contraire, il leur donne un moyen de guider leur lecture.

Parfois, le projet de lecture est claireme\ nt énoncé.

On peut penser, par exemple, aux ouvrages réalistes et naturalistes tel que La Comédie Humaine de B\ alzac.

Dans ces préfaces, il donne ces intentions. »

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