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Dossier sur le Diable

Publié le 27/04/2011

Extrait du document

       Selon Anne-Cécile Huprelle, le terme « satan « trouve son origine en hébreu. Il provient du verbe stn qui signifie « celui qui fait obstacle « ou « celui qui s’oppose «. Elle explique que ce terme est avant tout un mot commun utilisé pour parler d’un adversaire. Par la suite, on a recours à un certain élargissement du mot pour cette fois désigner un ange qui aurait pour mission d’épier, voire même d’incriminer les hommes sur terre qui seraient tentés de désobéir à Dieu. Et en dernier lieu, le terme commun satan deviendra l’ « entité « Satan, celui qui a introduit le mal sur Terre. Souvent, le Diable est apparenté au serpent. Son origine est orientale. Un siècle avant notre ère, le Livre de la Sagesse des intellectuels juifs met au jour la liaison entre Satan et le serpent du paradis dans l’épisode où Eve est tentée dans le jardin d’Eden. Ils définissent le serpent comme une émanation de Satan ou bien le personnage de Satan lui-même. A partir de ce moment là, Satan devient le « responsable originel du malheur des hommes «. Anne-Cécile Huprelle développe la symbolique du serpent : « symbole sexuel « dans la religion cananéenne, « symbole de désordre « dans la Genèse. Tout ceci pour montrer que le mal et la transgression sont « extérieurs à Dieu et aux hommes «, mais que cependant, ils font « partie de la création «.  On peut dès lors se demander ce que cache la figure du Diable hormis le mal tout puissant.  Nous allons voir que le Diable, qui incarne le mal absolu, est en revanche bénéfique pour l’homme en étant une figure instructrice (I). Et que si le Diable corrompt les hommes, la femme détient en elle-même le mal et s’avère être une sorte de Diable au féminin peut-être plus cruelle que Satan lui-même (II). Enfin, le Diable évolue au fil du temps en étant remis en cause à partir du XVIIe siècle, puis utilisé en littérature afin de critiquer la société (III).          I) Un Diable pédagogue et mentor    Saint Augustin explique que « Dieu a permis le Mal pour en tirer le Bien «. De ce fait, le pêché fait partie intégrante du monde dans lequel vivent les hommes. Mais ce mal s’avère inoffensif pour les hommes qui ont la « grâce « selon Robert Muchembled. En effet, c’est ce qu’affirme Saint Augustin dans son livre Sermon : « Aboyer, solliciter au mal, tout cela est dans les moyens du Diable ; mais il ne peut mordre que qui veut être mordu «. Le Diable constitue un moyen d’éducation efficace pour l’homme. Il est, comme le dit Muchembled, un « instrument du Créateur (Dieu) pour corriger les péchés et les défauts des mortels «. L’éducation est indissociable de la punition. Les cercles de l’enfer de Dante dans La Divine comédie décrivent très bien les sanctions attribuées aux hommes puisque les gourmands doivent manger des aliments infects, les luxurieux sont condamnés à satisfaire les désirs sexuels des reptiles et des crapauds…  Anne-Cécile Huprelle analyse d’autres sources pédagogiques. Par exemple, croire à l’enfer conduit à l’éducation. En étant «l’ultime punition «, l’enfer puni les pécheurs car ils y seront torturés mais surtout, seront privé de Dieu et de sa justice. La journaliste explique que ce n’est pas uniquement un symbole, ni une image mais qu’il s’agit d’une véritable croyance : « On croit à cet enfer, qu’il soit représenté comme une gueule ouverte, dévorant le corps des damnés, ou comme un lieu exigu où sont entassées des corps nus «. Du fait de cette croyance, les hommes qui sont tentés de transgresser sont ainsi dissuadés. Ceci montre donc que la simple croyance permet de faire peur aux hommes et de ne pas se laisser tenter par le Diable. D’autre part, le pacte avec le Diable est aussi un moyen de punir et par conséquent, d’éducation. Anne-Cécile Huprelle donne une définition de ce pacte : « c’est la damnation éternelle dont le seul remède est la confession ou la protection d’une entité supérieure «. Autrement dit, il s’agit d’une sanction qui peut être levée que si le pécheur avoue et reconnaît sa ou ses fautes commises. Donc le simple fait d’admettre la faute est le signe que le pécheur apprend de ses erreurs. Pour la journaliste, même le bûcher à une valeur pédagogique : « les bûchers ont une fonction pédagogique, celle de fabriquer des coupables pour dissuader les témoins de résister à l’acculturation religieuse «. En fait, jusque dans les années 1520, le but est de rallier les fidèles au dogme de l’Eglise dans les campagnes. Ceci montre qu’il s’agit toujours de décourager l’homme de dévier du droit chemin.  D’ailleurs, Dieu lui-même peut survenir pour punir les transgressions. C’est ce que l’on voit dans Les Trois Têtes de Camus où un brigand n’est jamais puni car il agit de manière rusé mais un jour, Dieu intervient pour le faire tomber aux mais de la Justice de façon aussi rusée que lui. Le brigand qui avait acheté trois têtes de veaux sont vues comme trois têtes d’hommes. Le brigand est alors jugé et il finit par avouer trois meurtres avec remord. A la fin, les têtes reprennent leur forme initiale. Ce texte peut illustrer l’idée énoncée précédemment, c’est-à-dire que Dieu veut corriger les fautes des hommes de façon juste mais aussi cruelle comme le ferait le Diable dans le sens où on peut y voir un Dieu vengeur. Dès lors, on peut s’intéresser à l’association Dieu-Diable.  Robert Muchembled explique qu’à partir du XVIe siècle, le Diable apparaît de manière plus présente et plus maléfique qu’auparavant. Il s’agit en réalité de renouveler la peur du Diable, de le faire redouter aux hommes qui, jusque là, n’ont vu qu’un « Malin« assez proche de la figure humaine, déformé et parfois grotesque. Muchembled parle d’une véritable « pédagogie de l’angoisse « instaurée par l’Eglise. Désormais, le Diable agit pleinement avec la permission de Dieu pour punir les pécheurs ou pour tenter les hommes. Ainsi, l’image est d’autant plus cruelle et les hommes ne peuvent plus échapper à ces deux puissances souveraines. De même, la culpabilité personnelle de l’homme est plus forte qu’avant du fait de l’alliage entre le Diable et un Dieu aussi terrible. Muchembled dit qu’il s’agit d’une méthode pour obliger l’homme à « fuir le péché multiforme «.  Enfin, « la peur de soi « semble être la clef de l’éducation par le Diable. Il s’agit d’apprendre véritablement aux hommes de craindre le Diable afin de craindre leurs propres passions des années 1550 à 1650. Et les auteurs étudiés en cours illustrent parfaitement ce tournant comme Rosset, Camus et Boaistuau chez lesquels les personnages sont victimes de la Justice de Dieu et du Diable toujours présent dans ces histoires dans le but de punir dans un premier abord mais également d’éduquer pour éloigner les hommes du péché. D’autre part, les Canards (faits divers sanglants) aboutissent à un même objectif car les morales qu’ils évoquent montrent qu’il faut contrôler ses propres passions. Car en étant présentés comme authentiques, les Canards jouent sur les passions du lecteur et montre le chemin à suivre à l’homme qui serait tenté de transgresser. Tout ceci s’inscrit dans une même perspective qui est la pédagogie de l’homme tenté par le Diable par l’intermédiaire de Dieu. D’ailleurs, Robert Muchembled dit que « effrayer pour éduquer « aurait pu être la devise de ce temps.  II) Les Femmes et le Mal    Le lien entre la figure féminine et le Diable apparaît déjà avec l’image de la sorcière. Elle est considérée comme le suppôt du Diable, autrement dit, son complice. Elle est le symbole de la déviation. Elles sont toutes aussi cruelles que la Diable lui-même. Le sabbat des sorcières en témoigne bien puisqu’avant de s’y rendre la nuit du vendredi, elles s’enduisent d’une substance de plantes et de graisse d’enfants morts qui n’ont pas été baptisés et elles mangent les corps des nouveaux nés. Anne-Cécile Huprelle explique que dans le Marteau des Sorcières (sorte de guide pour démasquer les sorcières écrit par Jacques Sprenger et Henry Institoris en 1486), les femmes sont réduites à la « perversion diabolique dans le monde «. Pour les moines aussi, la femme est poussée au vice. Néanmoins, elle explique que la femme n’est pas « le mal absolu « car il existe une perfection féminine et celle qui l’incarne est la Vierge Marie. La conclusion de la journaliste est que ce qui est reproché à la femme est son lien avec la sexualité. Justement, dans le Marteau des Sorcières, il est dit que la femme est « la flèche de Satan « car elle est faible et « luxurieuse «.  Robert Muchembled raconte que le corps est une enveloppe qui contient les humeurs et qu’il faut qu’elles soient équilibrées pour être en pleine santé. Il y avait dès lors une nette différence entre l’homme et la femme. L’homme est « chaud et sec « tandis que la femme est « froide et humide «. Les médecins pensaient que la femme était une créature inachevée, « un mâle incomplet «. De là résulterait la fragilité de la femme et est donc définie en tant que « sexe faible «. De plus, sa cruauté tient du fait qu’elle a le pouvoir de vie et de mort étant une « femme-utérus «. De ce fait, les femmes sont des proies faciles pour le Diable.  Ce sont les tromperies des femmes qui angoissent les hommes dans la vie conjugale. Muchembled dit que le célibat constitue un péché. Mais le problème qui se pose est que la femme est « nécessaire au salut de l’homme « mais que de son côté, le mariage aboutit à un véritable enfer à cause de la « nature maléfique de la femme «.  Dans une critique de Roger Perron sur le livre de Jean Cournut Pourquoi les hommes ont peur des femmes, on peut relever les causes de cette angoisse : « Les hommes ont peur des femmes parce que, face à cette sexualité redoutée énorme, […], ils craignent de ne pouvoir jamais les satisfaire, sauf à s’épuiser au point d’en mourir... à tout le moins ont-ils peur que, insatisfaites, elles ne se vengent « ; « On pense bien sûr à la façon dont l’Église traitait les possédées du Diable, toujours accusées de se livrer sous son influence à des pratiques sexuelles abominables et de perdre par là l’homme vertueux «. Ceci illustre bien les propos de Robert Muchembled et d’Anne-Cécile Huprelle qui convergent vers la même idée qui est que la femme est redoutée car elle est corrompue par le Diable et est ainsi poussée au vice à travers la sexualité. Anne-Cécile Huprelle dit que la femme est un « objet de passion «, « la maîtresse du vice «. Pour revenir aux sorcières, elle met en lumière les théories de la démonologie selon lesquelles, les sorcières s’accouplent avec les démons mais sans plaisir. L’unique but de cet acte est de « contaminer les hommes par le fruit de cette union «.  En définitive, la femme en étant plus fragile et plus imparfaite que l’homme, est plus encline à être la proie du Diable. Le Diable amoureux de Cazotte peut se référer à cette idée car le Diable se déguise en une femme qui sera nommée Biondetta. Et il prend cette forme (qui n’est pas anodine) pour corrompre l’homme par la plus maléfique des créatures selon les démonologues et les croyances de l’époque. De ce point de vue, la femme est considérée comme la meilleure figure du Diable pour atteindre l’homme et le faire basculer dans le péché.    Il s’agit d’une imagerie parisienne de 1835. Elle montre bien que la femme est la proie facile du Diable. En effet, il y a six images et une seule est consacrée à l’homme (la troisième image avec le Diable derrière le miroir).  L’histoire de la marquise de Ganges, par exemple, montre que cette dernière finit, d’une manière ou d’une autre, par succomber. En effet, elle est d’abord dans l’obligation de boire un poison mais elle parvient à ne pas le finir, puis elle échappe à une balle de justesse mais finit par mourir dix-neuf jours après avoir tout raconté à la Justice. Dans les Histoires tragiques de notre temps de Rosset, on a une longue description de la beauté et de la grâce de la Marquise de Ganges. Ceci rejoint l’idée de la « femme flèche de Satan « qui signifie que la femme est peut être une « créature faible et crédule «, mais qu’elle est « tellement luxurieuse « : pour preuve, son attrait pour les toilettes coquettes « (Anne Cécile Huprelle).  Muchembled développe l’idée selon laquelle la femme est immonde tout comme le diable du point de vue du sens de l’odorat : « l’odeur bascula du coté de la femme naturellement malodorante et du diable horriblement puant «. Il est expliqué que les flux naturels de la femme sont les causes de ses mauvaises odeurs. Mais plus largement, cela revient à la nature même de la femme qui, rappelons-le, est froide et humide contrairement à l’homme qui est chaud et sec. La femme contaminerait donc les choses les « plus pures «. La puanteur de la femme est reliée à celle du Diable et des sorcières qui sont liés à la mort, aux cadavres et à la putréfaction de ces derniers qui produisent une mauvaise odeur. Le sabbat des sorcières relève également de cette connotation péjorative de dégoût de la femme car le rituel est de se recouvrir de graisses d’enfants morts comme dit précédemment. Pour illustrer ce propos dans l’un des textes étudiés, on peut citer l’Histoire prodigieuse d’un gentilhomme auquel le diable s’est apparu et avec lequel il a conversé sous le corps d’une femme morte , où l’odeur du cadavre est mentionné à la fin et la pureté des hommes : « les gens sont toujours en danger de faire la même rencontre que ce Gentilhomme ; et afin de les ramener à la voix de la pureté qui est l’une des principales clés […] purgés de tous ces sales et déshonnêtes plaisirs « (ceux qui émanent des femmes).    Diable battu par une femme de Jacob Binck (1528).  Cette image illustre donc les angoisses de l’homme face à la femme. « Elle enjoint aux maris craintifs d’empêcher leur maléfique épouse de mettre le monde à l’envers en niant leur autorité «. Ce qui est craint, ce sont les humeurs déséquilibrées des femmes (fait référence à la théorie des humeurs mentionnée précédemment).  III) Le Diable comme figure de la société    On constate une grande évolution à partir des années 1600. En 1682, la sorcellerie n’est plus un crime. Cependant, le Diable reste un personnage culturel et le symbole du mal.  C’est dans la littérature que le Diable s’inscrit dans le rôle de la figure de la société. Il est le « révélateur « au XVIIIe siècle et jusqu’au XXe siècle. En réalité, il créé moins la terreur qu’auparavant. Voltaire pense que les hommes ne naissent pas « endiablés et damnés «, que la possession est en fait une simulation ou une maladie mentale. Tout ne serait qu’une imagination. Il est vu comme une véritable « supercherie « de l’Eglise. C’est ce que tente de mettre en lumière Balthazar Bekker (qui a vécu au XVIIe siècle) dans son livre Le Monde Enchanté. Pour lui, il s’agit bel et bien d’une simple contagion parce que pendant la période des sorcières, c’est le phénomène de « juge « qui faisait culpabiliser les hommes accusés et ainsi, conduisait à stigmatiser la société. Les philosophes des Lumières aussi se mêlent de la figure du Diable. Pour eux, il est le symbole par excellence de la manipulation de la religion qui profitait de la naïveté de la société. De même, face aux cas de possession, les scientifiques démontrent qu’elle est mieux résolue en étant traitée comme une maladie semblable aux autres.  Illustration du Diable Boiteux de Lesage (1707). Ici, le Diable (à droite) comme dit précédemment, n’est plus terrifiant. D’abord, son aspect physique a changé (il est plus humain). La figure du Diable y est plus rusée plutôt qu’horrible et sanglant. Et ce n’est pas anodin si on le surnomme « l’esprit Malin « car c’est la ruse qui est mise en avant et non plus la monstruosité. Le Diable est véritablement mit au service de la satire sociale.  Le Diable s’installe dans la littérature pour voir le monde tel qu’il est et pointer du doigt les défauts de la société.  Dans Le Diable amoureux de Cazotte, on peut observer aisément le changement de la figure du Diable. Tout d’abord, Don Alvare, le personnage principal, invoque le Diable dans la grotte de Portici. Donc c’est l’home qui appelle le Diable tandis que dans les œuvres précédentes, c’est le Diable qui vient corrompre l’homme. Puis, les métamorphoses du Diable sont très différentes de celles dont on a l’habitude. Ici, il ne se métamorphose pas en un serpent mais en une tête de chameau, puis en épagneul (un chien) et enfin en une femme qui sera appelée Biondetta. On peut remarquer que les deux premières figures du Diable sont des animaux domestiques. Ainsi, peut-être qu’il s’agit de montrer l’infériorité du Diable face à l’homme puisque d’une part, le Diable transformé en femme tombera amoureux d’Alvare (la figure de la femme développée dans la deuxième partie du devoir tombe à l’eau) et d’autre part, Alvare ordonne au Diable de le servir. Enfin, la fin de l’histoire converge dans le même sens car le Diable reprend sa forme première et disparaît laissant ainsi Alvare dans le doute : est-ce réel (possession du Diable) ou est-ce son imagination ? De ce fait, l’hypothèse de l’imagination rejoint l’idée que la figure du Diable est une pure fiction construite de toute pièce par l’Eglise comme le démontrent Voltaire, Bekker et les philosophes des Lumières. Ainsi, peut-être que Lesage a voulu dénoncer cette supercherie en mettant le Diable au centre du doute à la fois chez le personnage Alvare et chez le lecteur.  Si le Diable perd peu à peu de son authenticité, la figure terrifiante refait surface dans les œuvres plus récentes du XIXe siècle. Prenons pour exemple le roman de Mary Shelley, Frankenstein (étudié l’an dernier). En effet, il s’agit de la création de toute pièce, à partir de restes de cadavres, d’un monstre par le docteur Frankenstein. L’homme essaie de fabriquer la vie sans avoir besoin de la femme (renvoie à la deuxième partie de ce devoir). Puis, la créature créée à des couleurs qui évoquent la mort : « yeux transparents «, « peau jaune «… C’est un corps morcelé. De ce fait, on peut établir une relation entre le créateur qui serait comparé à Dieu et le monstre comparé au Diable. Le Diable est très présent dans cette œuvre. Pendant le Moyen Age, le rire provient du Diable et tout ce qui est difforme est démoniaque. Dans le roman, beaucoup de passages sont attribués au Diable : « Au travers le silence de la nuit, un rire éclatant et démoniaque me répondit «. Dans sa modernité, le roman de Mary Shelley est une critique de la société. Par exemple, le récit reflète les sociétés holistes où l’individu est moins important que la communauté car une fois que Frankenstein a créé le monstre, il le délaisse. Frankenstein est aussi la figure du prolétariat. Le monstre de Frankenstein sert à représenter les peurs de la société. En effet, Mary Shelley décrit la peur, elle va chercher à faire raisonner le lecteur avec toutes les descriptions sur les ossements, les orages… Elle met en place une atmosphère angoissante, d’autant plus que le récit est écrit au présent pour faire entrer le lecteur dans l’histoire. Enfin, le monstre n’apparaît que dans l’esprit et l’imaginaire de son créateur. Cela renvoie à l’imaginaire que le diable suscite dans le Diable Amoureux par exemple (la fin soulève le doute de la véracité des faits comme chez Mary Shelley), mais aussi à la fiction du Diable soulevée par Voltaire, Bekker et les Philosophes des Lumières. Ainsi, Frankenstein réunit beaucoup de motifs du Diable qui ont été développés au cours du devoir : le diable monstrueux, l’angoisse de la femme (création de la vie sans la femme) et les femmes du roman meurent toutes à la fin. La façon même de la mort des femmes est propice à la peur de la sexualité car par exemple, Elisabeth meurt le soir de la nuit de noces. Ainsi, Frankenstein est la figure de la société répressive de la sexualité, il dénonce aussi la société holiste et la figure du travailleur. Autant d’éléments qui montrent la mise en scène de la satire sociale à travers la figure du démon : Frankenstein. Pour finir, l’odeur malodorante des femmes est aussi reprise surtout dans les adaptations cinématographiques de Frankenstein car au moment de la création du monstre, on voit le liquide amniotique (qui est produit par la femme) et qui suscite le dégoût. Et l’odeur est aussi présente dès le début du roman avec la putréfaction des corps des cadavres à partir desquels le docteur fabrique son monstre.    Pour conclure, la figure effrayante du Diable à une sorte de mission à accomplir auprès des hommes de la société. Le Diable doit éduquer celui-ci. C’est ce que Rosset exprime dans l’une de ses préfaces des Histoires Tragiques de notre temps : « faire apparaître les défauts pour que les hommes les corrigent «. L’homme peut être dissuadé de transgresser par la croyance en l’enfer qui lui fait peur et ainsi fait jouer les passions. La reconnaissance de ses fautes est aussi un moyen qui conduit à éduquer le pécheur selon Anne-Cécile Huprelle. Muchembled parle ainsi de la « pédagogie de l’angoisse « liée à l’action du Diable avec la permission de Dieu. Le Diable est alors encore plus craint du fait de cette association de deux puissances supérieures pour rendre justice. La peur de soi-même et de ses propres passions contribue aussi à contrôler les hommes et ainsi les détourner du péché.  La femme est aussi corrompue par le Diable. Pire, elle est la proie par excellence de Satan du fait de sa fragilité mais aussi paradoxalement du fait de sa nature car elle-même corrompt l’homme de ses désirs charnels. Le Diable Amoureux de Cazotte en rend bien compte (ruse du Diable au travers de Biondetta).  Enfin, le Diable perd peu à peu de sa figure terrifiante mais il devient l’instrument de la satire sociale dans la littérature. L’histoire du Diable Boiteux de Lesage illustre ce changement radical. Ainsi, il devient une figure biforme car il est toujours associé au mal, il fait donc toujours peur, mais il est dédramatisé. Et l’exemple de Frankenstein montre le retour de la figure diabolique mais dans le but de critiquer la société.    Bibliographie :  • Diable ! de Robert Muchembled, édition seuil Arte édition  • Une Histoire du Diable XIIe-XXe siècle de Robert Muchembled, édition Seuil  • Le Diable d’Anne-Cécile Huprelle, édition Plon  • Revue de Perron sur Pourquoi les hommes ont peur des femmes ? de Jean Cournut, 2003  • Frankenstein, de Mary Shelley, édition Flammarion   

« Anne-Cécile Huprelle analyse d'autres sources pédagogiques.

Par exemple, croire à l'enfer conduit à l'éducation.

Enétant «l'ultime punition », l'enfer puni les pécheurs car ils y seront torturés mais surtout, seront privé de Dieu et desa justice.

La journaliste explique que ce n'est pas uniquement un symbole, ni une image mais qu'il s'agit d'unevéritable croyance : « On croit à cet enfer, qu'il soit représenté comme une gueule ouverte, dévorant le corps desdamnés, ou comme un lieu exigu où sont entassées des corps nus ».

Du fait de cette croyance, les hommes quisont tentés de transgresser sont ainsi dissuadés.

Ceci montre donc que la simple croyance permet de faire peur auxhommes et de ne pas se laisser tenter par le Diable.

D'autre part, le pacte avec le Diable est aussi un moyen depunir et par conséquent, d'éducation.

Anne-Cécile Huprelle donne une définition de ce pacte : « c'est la damnationéternelle dont le seul remède est la confession ou la protection d'une entité supérieure ».

Autrement dit, il s'agitd'une sanction qui peut être levée que si le pécheur avoue et reconnaît sa ou ses fautes commises.

Donc le simplefait d'admettre la faute est le signe que le pécheur apprend de ses erreurs.

Pour la journaliste, même le bûcher àune valeur pédagogique : « les bûchers ont une fonction pédagogique, celle de fabriquer des coupables pourdissuader les témoins de résister à l'acculturation religieuse ».

En fait, jusque dans les années 1520, le but est derallier les fidèles au dogme de l'Eglise dans les campagnes.

Ceci montre qu'il s'agit toujours de décourager l'hommede dévier du droit chemin.D'ailleurs, Dieu lui-même peut survenir pour punir les transgressions.

C'est ce que l'on voit dans Les Trois Têtes deCamus où un brigand n'est jamais puni car il agit de manière rusé mais un jour, Dieu intervient pour le faire tomberaux mais de la Justice de façon aussi rusée que lui.

Le brigand qui avait acheté trois têtes de veaux sont vuescomme trois têtes d'hommes.

Le brigand est alors jugé et il finit par avouer trois meurtres avec remord.

A la fin, lestêtes reprennent leur forme initiale.

Ce texte peut illustrer l'idée énoncée précédemment, c'est-à-dire que Dieu veutcorriger les fautes des hommes de façon juste mais aussi cruelle comme le ferait le Diable dans le sens où on peut yvoir un Dieu vengeur.

Dès lors, on peut s'intéresser à l'association Dieu-Diable.Robert Muchembled explique qu'à partir du XVIe siècle, le Diable apparaît de manière plus présente et plus maléfiquequ'auparavant.

Il s'agit en réalité de renouveler la peur du Diable, de le faire redouter aux hommes qui, jusque là,n'ont vu qu'un « Malin» assez proche de la figure humaine, déformé et parfois grotesque.

Muchembled parle d'unevéritable « pédagogie de l'angoisse » instaurée par l'Eglise.

Désormais, le Diable agit pleinement avec la permissionde Dieu pour punir les pécheurs ou pour tenter les hommes.

Ainsi, l'image est d'autant plus cruelle et les hommes nepeuvent plus échapper à ces deux puissances souveraines.

De même, la culpabilité personnelle de l'homme est plusforte qu'avant du fait de l'alliage entre le Diable et un Dieu aussi terrible.

Muchembled dit qu'il s'agit d'une méthodepour obliger l'homme à « fuir le péché multiforme ».Enfin, « la peur de soi » semble être la clef de l'éducation par le Diable.

Il s'agit d'apprendre véritablement auxhommes de craindre le Diable afin de craindre leurs propres passions des années 1550 à 1650.

Et les auteurs étudiésen cours illustrent parfaitement ce tournant comme Rosset, Camus et Boaistuau chez lesquels les personnages sontvictimes de la Justice de Dieu et du Diable toujours présent dans ces histoires dans le but de punir dans un premierabord mais également d'éduquer pour éloigner les hommes du péché.

D'autre part, les Canards (faits diverssanglants) aboutissent à un même objectif car les morales qu'ils évoquent montrent qu'il faut contrôler ses proprespassions.

Car en étant présentés comme authentiques, les Canards jouent sur les passions du lecteur et montre lechemin à suivre à l'homme qui serait tenté de transgresser.

Tout ceci s'inscrit dans une même perspective qui est lapédagogie de l'homme tenté par le Diable par l'intermédiaire de Dieu.

D'ailleurs, Robert Muchembled dit que « effrayerpour éduquer » aurait pu être la devise de ce temps.II) Les Femmes et le Mal Le lien entre la figure féminine et le Diable apparaît déjà avec l'image de la sorcière.

Elle est considérée comme lesuppôt du Diable, autrement dit, son complice.

Elle est le symbole de la déviation.

Elles sont toutes aussi cruellesque la Diable lui-même.

Le sabbat des sorcières en témoigne bien puisqu'avant de s'y rendre la nuit du vendredi,elles s'enduisent d'une substance de plantes et de graisse d'enfants morts qui n'ont pas été baptisés et ellesmangent les corps des nouveaux nés.

Anne-Cécile Huprelle explique que dans le Marteau des Sorcières (sorte deguide pour démasquer les sorcières écrit par Jacques Sprenger et Henry Institoris en 1486), les femmes sontréduites à la « perversion diabolique dans le monde ».

Pour les moines aussi, la femme est poussée au vice.Néanmoins, elle explique que la femme n'est pas « le mal absolu » car il existe une perfection féminine et celle quil'incarne est la Vierge Marie.

La conclusion de la journaliste est que ce qui est reproché à la femme est son lien avecla sexualité.

Justement, dans le Marteau des Sorcières, il est dit que la femme est « la flèche de Satan » car elle estfaible et « luxurieuse ».Robert Muchembled raconte que le corps est une enveloppe qui contient les humeurs et qu'il faut qu'elles soientéquilibrées pour être en pleine santé.

Il y avait dès lors une nette différence entre l'homme et la femme.

L'hommeest « chaud et sec » tandis que la femme est « froide et humide ».

Les médecins pensaient que la femme était unecréature inachevée, « un mâle incomplet ».

De là résulterait la fragilité de la femme et est donc définie en tant que« sexe faible ».

De plus, sa cruauté tient du fait qu'elle a le pouvoir de vie et de mort étant une « femme-utérus ».De ce fait, les femmes sont des proies faciles pour le Diable.Ce sont les tromperies des femmes qui angoissent les hommes dans la vie conjugale.

Muchembled dit que le célibatconstitue un péché.

Mais le problème qui se pose est que la femme est « nécessaire au salut de l'homme » mais quede son côté, le mariage aboutit à un véritable enfer à cause de la « nature maléfique de la femme ».Dans une critique de Roger Perron sur le livre de Jean Cournut Pourquoi les hommes ont peur des femmes, on peutrelever les causes de cette angoisse : « Les hommes ont peur des femmes parce que, face à cette sexualitéredoutée énorme, […], ils craignent de ne pouvoir jamais les satisfaire, sauf à s'épuiser au point d'en mourir...

à toutle moins ont-ils peur que, insatisfaites, elles ne se vengent » ; « On pense bien sûr à la façon dont l'Église traitaitles possédées du Diable, toujours accusées de se livrer sous son influence à des pratiques sexuelles abominables etde perdre par là l'homme vertueux ».

Ceci illustre bien les propos de Robert Muchembled et d'Anne-Cécile Huprellequi convergent vers la même idée qui est que la femme est redoutée car elle est corrompue par le Diable et est ainsi. »

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