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D'où Vient Selon Vous L'attrait Des Nouvelles De Maupassant?

Publié le 06/12/2010

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Né le 5 août 1850 au château de Miromesnil, Guy de Maupassant, spécialisé dans l'art du récit bref, fut l'auteur de force nouvelles au cours de sa courte carrière littéraire d'une dizaine d'années.  Parmi ses oeuvres les plus connues, figurent «Boule de Suif« (1880), «La Serre« (1883), «Coco« (1884), «Le Protecteur« (1884), «La Parure« (1884), «La Chevelure« (1884) et «Le Crime au père Boniface« (1884).  Nous pouvons nous demander d'où vient l'attrait qu'exercent les nouvelles de ce grand écrivain, largement reconnu pour son talent.  Plusieurs questions se présentent alors à nous.  Dans quelle mesure la diversité des récits de Maupassant fournit-elle une explication satisfaisante de cet intérêt?  Quelle est l'importance de son art dans tout cela?  Finalement, quelle part d'explication les considérations philosophiques indirectes - et parfois même involontaires - de l'auteur, occupent-elles? 

 

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     Maupassant, homme réaliste et pessimiste, a écrit une panoplie de nouvelles des plus diverses, des plus contradictoires, passant d'un extrême à un autre à l'exemple de la vie.  Récits ambivalents, parfois opposés, les dichotomies abondent.  C'est donc ce réalisme, calqué sur l'incohérence du monde, qui est à la source de la surprenante diversité de ses oeuvres. 

 

 

     Souvent cruels, les récits de Maupassant témoignent d'un pessimisme profond en la nature de l'homme.  Dans «Coco«, c'est un goujat de quinze ans, Zidore, qui fait subir de multiples vexations cruelles à Coco, un vieux cheval qui ne lui semble plus bon à rien.  C'est l'acharnement d'un homme animal contre une bête humaine.  L'animal est successivement roué de coups, lapidé et privé de nourriture.  Cruauté suprême, la mort de la pauvre bête abandonnée profite à l'émergence d'une vie nouvelle: «Et les hommes enfouirent le cheval juste à la place où il était mort de faim.  Et l'herbe poussa drue, verdoyante, vigoureuse, nourrie par le pauvre corps.« 

 

     Pessimisme en la nature de l'homme, oui, mais également en la vie, comme en témoigne «La Parure« où un simple bijou fait la catastrophe de deux existences: celles de M. et de Mme Loisel.  En effet, après avoir perdu une rivière de diamants que lui avait prêtée une amie, Mathilde convient avec son époux de la remplacer par une autre.  Devant emprunter une forte somme, le couple connaîtra l'horrible vie des nécessiteux pour finalement apprendre, dix ans plus tard, lorsque Mathilde racontera la vérité à son amie, que le collier perdu était... un faux de faible valeur! 

 

 

     Bien que le réalisme face à la cruauté du monde occupe une place de choix dans les nouvelles de Maupassant, il n'en occupe pas la totalité.  Au contraire, ses nouvelles nous font parfois sourire, voire rire.  Ainsi en est-il, dans «Le Crime au père Boniface«, de la naïveté du facteur, qui prit les gémissements entendus dans la maison du percepteur, M. Chapatis, pour l'accomplissement d'un crime plutôt que de penser que celui-ci faisait peut-être l'amour avec sa femme.  Nous pourrions en dire autant de la petite mésaventure de Jean Marin, conseiller d'État qui, dans «Le Protecteur«, recommanda l'abbé Ceinture à ses collègues sans même le connaître, et qui apprit, par la suite, en lisant les journaux, que l'homme en question était accusé d'avoir conspiré contre le gouvernement.  Maupassant n'hésite pas davantage devant la grivoiserie lorsque, dans «La Serre«, M. Lerebour retrouve le désir sexuel, après avoir assisté aux ébats de Céleste, sa bonne, et de son amoureux dans la serre. 

 

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     Nous avons donc pu constater, de façon sommaire, la réelle diversité des nouvelles de Maupassant, parfois horribles, parfois gaies, au gré de l'auteur toujours en fuite devant son mal. Bien sûr, cette diversité ne pourrait à elle seule expliquer l'intérêt porté aux nouvelles de Maupassant.  Aussi, l'art de ce dernier semble y être pour beaucoup.  Le climat de vérité que l'auteur donne à ses nouvelles, sa manière de présenter les sujets et la force de ses dénouements sont en effet importants. 

 

 

     Le climat de vérité peut s'établir de différentes façons.  Par exemple, lors du portrait de l'armée française, au début de «Boule de Suif«, Maupassant donne une impression de réalisme grâce à la description qu'il fait des soldats vaincus («barbe longue et sale«, «accablés«, «éreintés«), aux mots désignant avec précision la troupe («artilleurs«, «fantassins«, «francs-tireurs«) et même grâce aux expressions argotiques qu'il utilise («moblots«, «lignards«, «culottes rouges«). 

 

     La précision du temps et du lieu contribue aussi au climat de vérité.  Par exemple, dans «Boule de Suif«, lors du premier départ de la diligence, ces informations sont très bien précisées: il est quatre heures et demie du matin, un mardi, et la diligence se trouve dans la cour de l'Hôtel de Normandie, à Rouen.  Cela crée un sentiment de vérité. 

 

     Finalement, un dernier moyen qu'utilise Maupassant pour augmenter le réalisme consiste tout simplement à fonder la psychologie des personnages sur des individus qui ont réellement existé et à fonder les événements du récit sur des faits véritables.  Ainsi, dans «La Chevelure«, Maupassant s'est directement inspiré du procès du sergent Bertrand, un nécrophile de vingt-cinq ans lors de sa condamnation en 1849, qui dépeçait les cadavres pour parvenir à la jouissance sexuelle.  Si nous revenons à «Boule de Suif«, nous remarquons que la guerre dont il est fait mention a réellement eu lieu (guerre franco-allemande de 1870-1871).  Certains personnages ont également déjà existé: Carré-Lamadon était Pouyer-Quertier (1820-1892), Cornudet était Charles Cordhomme et Boule de Suif était Adrienne-Annonciade Legay (1841-1892). 

 

     Tous ces moyens de créer une atmosphère de vérité chez le lecteur capte son intérêt.  La nouvelle lui semble plus concrète, et il s'y intéresse généralement davantage. 

 

 

     Par ailleurs, la manière de présenter le sujet est également très important pour capter l'attention du lecteur.  Un sujet frappant, avec plusieurs situations de crise, est l'idéal.  Par exemple, dans «Boule de Suif«, le chantage de la prostituée pour qu'elle consente à satisfaire les caprices sexuels de l'officier prussien et la prise en otages des autres voyageurs constituent une situation de crise importante.  La cohabitation étroite et forcée des voyageurs malgré leurs préjugés de classe en est une autre. 

 

 

     Le dénouement d'une nouvelle est un autre aspect de l'art littéraire qui peut fournir une explication intéressante à l'attrait que le récit exerce sur nous.  Souvent, il est éprouvant, cruel et déstabilisant, comme dans «Boule de Suif« où, après avoir partagé ses provisions avec les autres voyageurs qui avaient faim, après s'être livrée à l'officier allemand contre son gré, par altruisme, pour permettre aux autres de repartir au Havre, Boule de Suif est rejetée comme un vulgaire rebut qui a bien servi.  Parfois, aussi, le dénouement est surprenant et drôle, comme dans «Le Crime au père Boniface« où nous apprenons la véritable nature des gémissements entendus par le facteur. 

 

 

     L'art littéraire de Maupassant a donc une grande influence sur l'intérêt du lecteur.  C'est par son art que l'auteur le captive, l'émerveille. 

 

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     Des nouvelles de Maupassant, nous pouvons généralement tirer des enseignements.  En effet, à travers ses oeuvres, il critique la société, sa bêtise, sa cruauté et sa perversité.  Mais dans son esprit, il n'y a aucun espoir en un monde meilleur.  Aussi, les considérations philosophiques retirées de la lecture des nouvelles de Maupassant sont surtout le fruit du travail du lecteur même, et non pas de l'auteur qui était fort pessimiste.  C'est en ce sens que nous pouvons parler d'enseignements indirects ou involontaires de la part de l'auteur.  Mais le germe de la réflexion se trouve dans ses oeuvres, et il contribue ainsi à l'attrait que nous éprouvons pour celles-ci.  Par exemple, dans «Le Protecteur«, Maupassant critique l'ascension professionnelle par les bonnes relations plutôt que par la compétence.  Dans «Boule de Suif«, l'auteur critique les bourgeois pervertis par les intérêts financiers, le démocrate bavard, mais lâche, de même que les religieuses agissant contre les Principes si fortement prônés.  Finalement, dans «Coco«, Maupassant critique l'exclusion des vieillards, «attachés« à leur «piquet« et abandonnés comme le pauvre cheval - si humain - devenu vieux. 

 

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     Plusieurs raisons peuvent donc être évoquées pour expliquer l'attrait des nouvelles de Maupassant: la diversité de ses récits, le climat de vérité qui y règne, sa manière de présenter des sujets frappants, la variété de ses dénouements et les enseignements que nous pouvons en retirer. En fait, nous pourrions qualifier Maupassant de grand maître de la nouvelle: un homme qui, malgré son dépérissement croissant, a su publier un grand nombre de chefs-d'oeuvre, mérite encore davantage ce titre.

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