Notre grand tourment dans l'existence vient de ce que nous sommes éternellement seuls, et tous nos efforts, tous nos actes ne tendent qu'à fuir cette solitude. G. de Maupassant

  La solitude est un état d’isolement souvent considéré de manière angoissante. Sort réservé aux prisonniers et aux exilés depuis plusieurs siècles, le mot a depuis revêti un caractère de souffrance et de malheur. « Notre grand tourment dans l’existence vient de ce que nous sommes éternellement seuls, et tous nos efforts, tous nos actes ne tendent qu’à fuir cette solitude « assurait Maupassant au dix-neuvième siècle. Pourquoi a-t-il dit cela et avait-il raison ?

    Le peu de contact avec autrui est souvent associé à l’ennui, et la marginalisation qui en découle à la tristesse. La solitude n’est donc empreinte que de négatif. Pourtant, ce n’est pas toujours généralisable. Loin du fait où la solitude rime avec morosité et abattement, certains hommes préfèrent et recherchent la solitude : les ermites ou les philosophes par exemple. Ils y trouvent la méditation et le calme dont ils ont besoin. Un homme au même titre qu’il est fait pour réfléchir, est fait pour vivre en société. La question est donc : peut-il vivre heureux en solitaire ? Maupassant pense que non mais il ne s’agit là que de son opinion personnelle. Cette citation n’est donc pas applicable à chaque individu et peut être à l’origine d’un choix et non de la fatalité comme le sous-entend Maupassant.

Plus précisément, Maupassant insinue dans sa citation que l’être humain est naturellement solitaire, et que cette situation fait endurer à ce dernier une vive souffrance morale proche de la torture. Là aussi, ce n’est qu’un point de vue sur la solitude. Henrik Ibsen, dramaturge norvégien, ne partageait pas celui de l’auteur car selon lui « L'homme le plus fort du monde est celui qui est le plus seul. « Il faut savoir, pour comprendre la citation dissertée, qu’elle est tirée d’un texte, la Solitude, publié en 1884 par l’auteur. Tintée de pessimisme, elle traduit chez Maupassant une certaine aversion pour l’homme en général et pour la société de son époque. Il convient donc là de s’interroger si le jugement de Maupassant est vraiment objectif.

Pour remédier à cette solitude, l’homme serait en recherche permanente de compagnie. Selon les psychologues actuels, un individu aurait inexorablement besoin d’une reconnaissance sociale pour acquérir une bonne estime de soi. « Homme, si tu es quelqu'un, va te promener seul, converse avec toi-même et ne te cache pas dans un chœur « disait déjà pourtant Epictète, philosophe au premier siècle. L’individu recherche donc la compagnie car il ressent le besoin de voir sa valeur personnelle reconnue, or selon Epictète et d’autres encore, agir de cette manière ne serait que se dissimuler dans la foule, sans montrer sa valeur propre. La différence entre la vision d’Epictète et celle de Maupassant est sans aucun doute liée aux époques respectives pendant lesquelles ils ont vécus. A l’époque de Maupassant, la reconnaissance sociale était plus importante à obtenir pour un homme, il est donc plus facilement compréhensible que Maupassant ait tenu de tels propos.

La citation peut aussi relever d’une dimension plus affective. Les hommes auraient besoin de se sentir non plus seulement reconnus mais là véritablement aimés pour pouvoir échapper à leur sentiment de solitude. Selon Charles-Auguste Lavoie, cette tentative d’échappatoire serait vaine car « l’amour n’est pas aussi important qu’on le dit. L’individu est seul, il doit l’accepter. Ce n’est pas l’amour qui le guérira de sa solitude. « Maupassant lui-même par ses mots « tous nos efforts, tous nos actes « exprime une certaine fatalité, un objectif d’échappatoire impossible.

Maupassant associe également peut-être cette fuite dont il parle à de la peur. « La solitude effraie une âme de vingt ans « disait déjà Molière au dix-septième siècle. La solitude, l’isolement profond, peut paraître très angoissant or la solitude est déjà constamment présente chez l’homme car il ne peut compter que sur lui-même pour avancer dans sa vie.

    En conclusion, nous pouvons dire que Maupassant a un point de vue très personnel.

Selon lui, tous les hommes sont des solitaires par nature qui cherchent avant tout et par tous les moyens possibles à échapper à cet état d’isolement. Sa vision peut être remise en cause si l’on considère qu’il est possible d’être solitaire et heureux de cette situation mais acceptée si l’on considère qu’un homme est fait pour vivre en société. L’auteur est néanmoins peut-être trop subjectif car il y a une certaine exagération lorsqu’il affirme que la solitude est le plus gros problème de l’homme malgré que ce soit éventuellement l’époque de ces derniers siècles et celle de l’auteur qui en est la cause. Enfin, la citation de Maupassant laisse paraître un certain fatalisme qui se vérifie dans la vie réelle car l’homme moderne est toujours en quelque sorte solitaire, livré à lui-même.

La fuite est une solution mais elle ne résoudra jamais un problème et ne fera à la place que retarder son dénouement.