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En Quoi L'Apologue Est-il Une Forme Argumentative Efficace ?

Publié le 18/09/2010

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apologue

 

Pour de convaincre et persuader, les auteurs, utilisent différents moyens. Il existe en effet beaucoup de méthodes différentes pour y parvenir. Nous allons plus précisément nous pencher sur l’apologue. L’apologue est très ancien et a permis, de tout temps, de défendre une ou plusieurs thèses. Il remonte à la transmission orale des vérités sacrées. Les mythes et les histoires religieuses l’ont ainsi fondé. Du point de vue étymologique, « Apo « signifie le détournement et « Logos « le discours. L’apologue indique un discours qui a été détourné. En bref, c’est un récit court et plaisant porteur d’un message ou d’une morale. C’est donc un sous genre argumentatif qui englobe plusieurs catégories de textes et de récits comme le mythe, la fable, le conte philosophique, l’utopie et la contre utopie ou encore la parabole sacrée. En quoi l’apologue est il une forme d’argumentation efficace ? Plus généralement, on peut se demander comment les textes littéraires constituent ils une argumentation efficace. Après avoir montré que dans l’apologue, l’art du récit et son coté plaisant est apprécié, nous verront comment l’auteur s’y prend pour séduire le lecteur et lui inculquer ses valeurs.

 

      Tout d’abord, L’art du récit a permis à l’apologue d’être de tout temps apprécié. On trouve généralement six formes d’apologues. Issus de la tradition orale, le mythe n’est pas argumentatif à l’origine, bien qu’il soit porteur d’une signification symbolique très forte. Certains philosophes donnent une portée argumentative au mythe (Cf. Platon, le Mythe de la caverne). Les fables, dès l’antiquité, mettent en scène des animaux pour représenter les humains. Les recueils de fables représentent une véritable comédie humaine, peignant avec humour les caractères, donnant des leçons aux puissants, amenant le lecteur à réfléchir, et à tirer une morale de la fable. La Fontaine c’est inspiré d’Esope pour son recueil de fables. Par ailleurs le conte philosophique est souvent riche d’un enseignement implicite ou explicite qui s’exprime à travers les mésaventures du héros. Par exemple le conte philosophique de Candide de Voltaire raconte la formation du personnage, naïf et innocent qui est confronté à la découverte d’un monde brutal et dur, ce qui permet à l’auteur de dénoncer les abus, l’oppression l’injustice, etc. Les utopies (Cf. Thomas Moore, ou « l’eldorado « dans Candide de Voltaire) et les contres utopies (Cf. 1984 ou The Island),  sont aussi des apologues. Elles présentent un lieu qui n’existe pas découvert le plus souvent par hasard. Dans lesquels l’auteur met en place des organisations sociales et politiques différentes de celles du monde dans lequel il vit. L’auteur renverse notre perception du monde, provoque la rêverie, et suscite la réflexion sur ce que notre société pourrait être. C’est un idéal qui n’a aucune chance de s’incarner, mais il invite à réfléchir. La parabole sacrée est un récit allégorique, qui permet de dispenser un enseignement religieux et moral, comme, par exemple, « le fils prodigue « extrait des Evangiles. On observe une diversité typologique importante d’apologue mais celui-ci présente une composition narrative simple.

En effet, il respecte généralement un schéma narratif classique. La situation initiale plante le décor en nous présentant les personnages qui, souvent, sont sans trop de personnalité. C’est le cas dans Candide ou Cunégonde est « fraiche «,  « grasse « et « appétissante « et semble être apparentée à un bonbon ou un objet de convoitise. Les péripéties et les obstacles nous maintiennent en haleine. Elles sont indispensables à l’auteur qui peut, à travers celle-ci, dénoncer à tour de bras et illustrer leur thèse. C’est ainsi le cas au chapitre six de Candide, pendant « l’autodafé «, ou Candide commence à remettre en cause l’enseignement de son maître Pangloss qui disparait puisqu’il est pendu. Il a déjà connu les horreurs de la guerre, « la fessée militaire «, la misère, un naufrage et un autodafé mais doit encore continuer l’aventure car il reste à Voltaire pleins de sujets à dénoncer. La situation finale est consacrée à la morale qui peut se trouver sous deux formes : Cette partie du récit didactique apporte toujours un enseignement, une leçon de vie, qu'elle soit explicite ou implicite. De façon explicite, l'apologue articule un récit puis sa morale, celle-ci venant déchiffrer ou illustrer celui-ci. C’est le cas dans la fable l’âne portant des reliques de La Fontaine ou la morale fait la satire des magistrats. « D’un magistrat ignorant, C’est la robe qu’on salue «. Mais l’apologue peut aussi rester sans explication : au lecteur alors de suppléer cette absence comme c’est le cas dans le corbeau et le renard. L'apologue doit donc instruire, faire réfléchir le lecteur et modifier ses comportements ou ses opinions sur le monde dans lequel il vit. En général la morale se veut d'avantage à une mise en garde ou à une incitation à la réflexion. Disons que la simplicité narrative de l’apologue n’est pas contradictoire avec son récit bref et charmant.

      Le succès de l’apologue est le récit bref et plaisant. En effet, les péripéties surprenantes de l’histoire pour ne pas ennuyer le lecteur et le recours au merveilleux pour frapper son imagination, lui plaisent. Le lecteur n’en est jamais lassé car l’apologue élimine les détails superflus. De plus le récit est accessible à tous de part sa simplicité et sa forme imagée. Par exemple les fables de La Fontaine peuvent être racontées à des enfants car il y a personnification des animaux. « Je me sers d'animaux pour instruire les hommes «, écrivait La Fontaine. Grâce au caractère qu'il attribue à chaque animal, il laisse deviner ce qui il met en cause. Si l’apologue nous plait c’est qu’il regroupe, sous diverses formes, des récits brefs et plaisants mais c’est aussi car l’auteur nous séduit.

 

La séduction du lecteur dans un apologue est bon moyen pour convaincre et faire passer un message. Pour nous séduire l’auteur a recours à l’humour par ironie. L’ironie par antiphrase est très utilisée dans les contes philosophiques et consiste à dire exactement le contraire de ce que l'on veut faire comprendre. Par exemple, dans Candide au chapitre VI durant l’autodafé : "Les sages du pays n'avaient pas trouvé un moyen plus efficace pour prévenir une ruine totale que de donner un bel autodafé". Ici le rire est incongru même si Voltaire utilise un ton léger sur un sujet grave. Voltaire tourne en ridicule la pratique de l’autodafé et de l’inquisition et le lecteur, choqué, doit adhérer au message de L’auteur. Par Ailleurs, toujours dans Candide, au chapitre III, l’épisode de la guerre montre bien l’ironie par décalage. "Rien n'était si beau, si leste [...] en enfer". Il y a un décalage entre la tonalité admirative, le lexique élogieux et la référence finale. Faussement admiratif, Voltaire souligne l'horreur de la guerre en mettant en relief le décalage entre l'apparence et la réalité. Par ailleurs le faux rapport logique est aussi au service de la dénonciation. La logique est soulignée par un lien qui établit, une relation de cause à effet. Mais les notions rapprochées de cette façon n'ont, en réalité, aucun lien de ce type. Dans le chapitre premier de Candide, la puissance du châtelain n'a rien à voir avec le fait  que « son château [ait] une porte et des fenêtres «!

Le lecteur s’identifie aux personnages principaux. Ce procédé permet à l’auteur de faire réfléchir son lecteur ou de l’interpeller. En s’identifiant aux animaux dans les fables, qui représentent des travers  humains, le lecteur peut culpabiliser. Par exemple dans la fable le Corbeau et le Renard, de La Fontaine le lecteur s’identifie dans un premier temps au renard qui est rusé et qui triomphe mais dans un second temps il en tire une leçon de la plus basse flatterie. De même, dans la fable le Lion et le Moucheron, il se comparera au moucheron qui gagne un combat déloyal contre le Lion puis se remettra en question.

 

      En conclusion, L’apologue est depuis très longtemps une forme d’argumentation qui paraît toujours aussi efficace. Son efficacité est dû, avant tout parce que le récit bref, imagé et accessible, nous plaît. C’est parce qu’il nous plait que l’apologue peut nous convaincre et nous persuader. Morale implicite ou explicite, le lecteur l’attribue à sa situation à laquelle les apologues ont l’habitude de dénoncer les mœurs de toute époque. L’apologue a une portée générale, universelle et même intemporelle et c’est pour cela qu’on peut se demander quelles seront les prochaines formes d’apologues modernes.

 

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