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Exposé Les Revenants, Ibsen

Publié le 18/10/2010

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ibsen

 

Ibsen est un dramaturge norvégien du 19ème siècle. Ses principaux critiques caractérisent son théâtre en quatre phases principales dont le romantisme, le drame social, psychologique et le théâtre dit autobiographique.  Ibsen, bien que d’origine norvégienne, décide alors de vivre en Europe où il n’hésitera pas à dénoncer la société de son pays d’origine à travers ses écrits, notamment la célèbre pièce de théâtre Les Revenants.

Le passage que nous allons étudier suit l’incipit où l’on nous présente la domestique de Mme Alving Régine, son père Engstrand et le pasteur Manders. Cet extrait nous fait désormais découvrir le personnage de Mme Alving(…); un long dialogue s’instaure entre cette dernière et le pasteur Manders venu exclusivement pour l’inauguration de l’asile du chambellan Alving.

Nous pouvons donc nous demander en quoi ce passage d’apparence purement instructif nous amène à une dénonciation des conventions et de l’hypocrisie à laquelle se prête la société norvégienne.

Le retour d’Oswald, l’inauguration de l’asile du chambellan ainsi que les débauches auxquelles se prêtent Engstrand feront l’objet d’une première partie. Puis, nous tenterons d’observer l’ambigüité que dégage la relation entre Mme Alving et le pasteur Manders. Enfin, nous verrons comment ce dialogue et plus particulièrement le personnage du pasteur invite le lecteur à supposer une éventuelle critique  des conventions, de la morale, des règles et de la tradition.

 

Ainsi, différents évènements sont évoqués à travers le dialogue entre les deux personnages. « La fête de demain « mentionné page 14 par le pasteur fait à nouveau référence à l’inauguration de l’asile du chambellan Alving dont il était déjà question durant la confrontation entre Régine et Engstrand et pour laquelle il est spécialement venu comme l’indique la citation « me voici comme promis «.  De plus, on remarque que le pasteur Manders ôte ses fonctions religieuses pour devenir le conseiller et l’administrateur de l’asile. En effet, il est porteur des actes officiels ; Mme Alving se décharge donc en quelque sorte des problèmes matériels sur le pasteur comme le montre les expressions « faites comme vous l’entendez «, « faites moi le plaisir de les garder « page 16. Le dialogue nous renseigne également sur l’incendie déclaré dans l’atelier du menuisier Engstrand. On peut supposer que « les copeaux « ayant pris feu symbolisent une éventuelle dégénérescence des proches et de la famille Alving. Effectivement, l’image du feu montre que les différents évènements et projets vont progressivement partir en fumée.

« Le retour d’Oswald « est également cité par les deux personnages. On peut noter qu’Oswald demeure le centre des conversations entre les protagonistes bien qu’il ne soit pas encore apparu sur scène ; en effet, Mme Alving souligne qu’il « se repose « de son voyage. On apprend aussi qu’elle ne l’a pas vu « depuis prés de deux ans « et qu’ « il lui a promis de passer tout l’hiver avec elle «. Joie et gaieté sont également exprimées à travers les phrases exclamatives « Quel bonheur pour moi ! «, « Mon grand, mon fils bien-aimé ! Son cœur est tout à sa mère «. Néanmoins, on observe un certain amour démesuré de la mère envers son fils qui entraîne une certaine ironie de la part du pasteur à travers la phrase «  ce serait trop triste, si la séparation et l’influence de l’art relâchaient des liens aussi naturels… « En effet, le lecteur sait que Mme Alving n’a pas été présente pour son fils ; au contraire elle a préféré soumettre son éducation en l’envoyant à l’étranger. Les points de suspensions reflètent ainsi cette idée.

Enfin, une discussion se construit autour d’Engstrand : Mme Alving met en avant son alcoolisme et son incompétence à travers les citations « si imprudent « et « tant qu’il n’a pas bu « page 19. Au contraire, une défense est entreprise par le pasteur à qui Engstrand a assuré de mener une vie des plus irréprochables. On peut donc souligner la naïveté de Manders. Effectivement, le lecteur ne peut se laisser influencer ; le passage précédemment nous renseigne sur la « sacrée noce « d’Engstrand, terme que le menuisier a lui-même employé lors de la discussion avec sa fille Régine. Mme Alving s’oppose également à devoir laisser partir cette dernière auprès de son père qu’elle n’identifie pas comme tel ; c’est ce que l’on remarque à travers l’expression « un père comme celui-là ! «. Le lecteur peut éventuellement se demander pourquoi ce sujet lui porte tant à cœur, alors que Régine n’est qu’une simple domestique parmi tant d’autres. Ce sujet permet ainsi une sorte de retournement de situation : Mme Alving a pris de l’autorité et donne même des ordres au pasteur « plus un mot de tout cela « page 19 et nous amène à considérer les liens véritables qu’entretiennent les deux personnages.

 

De ce fait, on note une ambigüité quant à la Relation entre le pasteur Manders et Mme Alving. Tout d’abord, les premiers échanges entre ces deux protagonistes laissent apparaitre une certaine distance et réserve qui seront très vite étouffées pour laisser place à une proximité et une familiarité appuyée : Mme Alving passe de « monsieur le pasteur « à « cher pasteur « et « mon cher pasteur « pour désigner son invité. De plus, la citation « vous le savez « ainsi que les adverbes tels que « toujours «, « décidément « et « scrupuleusement « donne au lecteur l’impression qu’ils se connaissent déjà bien ce qui présuppose qu’ils ont plus d’affinités que le prétend une simple relation pasteur et confidente.

Outre cela, cette proximité est à nouveau mise à nu par la proposition de Mme Alving au pasteur de coucher chez elle. Cette dernière tente par ailleurs de dissiper toute ambigüité et par là en établit une à travers la citation « Il me semble pourtant que deux bons vieux comme nous… «. L’importance de la ponctuation et plus particulièrement la présence des points de suspension permet de comprendre la relation ancienne entre les deux personnages. 

De plus, l’art du non-dit illustre également cette proximité. En effet, le texte procède essentiellement par allusions, phrases inachevées, laissées en suspens et par ailleurs mimant l’oralité quotidienne. Les propos ambigus et non expliqués ne peuvent donc pas toujours permettre au lecteur de comprendre de quoi il est question mais permettent au contraire de révéler l’entente parfaite entre les deux personnages. Ils savent de quoi ils parlent sans même que l’objet de la conversation ait été précédemment mentionné comme le signalent les différentes phrases « croyez-vous sérieusement que la plupart… ? « page 15, « oui mais cela n’empêche pas… «, « J’en connais certains qui se scandaliseraient peut-être si… « Page 17 et « j’en sais plus que tout autre à ce sujet «. 

 

L’art du non-dit permet également à Ibsen de pouvoir établir implicitement la critique de la morale, des conventions, des règles et de la tradition qui peuvent faire naître l’angoisse et la peur et non la joie et l’épanouissement. Avant tout, les propos discréditant les lectures de Mme Alving que conteste le pasteur dénoncent un certain bien pensé chrétien. Ce mépris apparait ouvertement envers ces livres comme le montre les expressions « des ouvrages de cette espèce « et « cela « page 15.  Selon les dires du pasteur Manders, ces lectures peuvent choquer les mœurs de la société et aller à l’encontre de la morale religieuse ; c’est pour cela qu’il appuie l’idée de ne pas parler de ce qu’on lit et plus généralement de ce que l’on ressent. Cela clos par ailleurs immédiatement la conversation. C’est justement là un des aspects de la vie bourgeoise qui impose le silence à des idéaux tout à fait différents de ceux que constituent l’ordre, la tranquillité et la stabilité et qui désire préserver les apparences.

De plus, le pasteur apparait de façon ridicule puisqu’il blâme ces livres sans même les avoir lus ; il s’appuie sur des opinions qui ne sont pas siennes comme l’indique la phrase « vous n’imaginez pas que je passe mon temps à examiner de tels ouvrages ? «

On note de nouveau l’absurdité des préceptes moraux que prône la religion avec la question de l’assurance à prendre ou non. A travers les conseils du pasteur, on comprend immédiatement que dans les pays de culture protestante, et par ailleurs en Norvège, prendre une assurance peut correspondre à un manque de confiance dans la Providence divine, c'est-à-dire en Dieu. On observe donc un ensemble de préjugés religieux que l’on conserve ici malgré soi, ce qui apparait fortement avec la décision finale de ne pas prendre d’assurance pour l’asile. Ces impératifs religieux, de devoirs et d’ordre sont donc les vestiges de l’éducation et de la société. Mme Alving est ainsi contrainte à refuser certaines volontés afin de ne pas être mal perçue par les « gens bien pensants « issus d’une éventuelle hiérarchie importante et influente ce que nous montre les propos du pasteur « nous n’avons nul droit de scandaliser l’opinion « page 18.

 

En conclusion, cet extrait s’est montré informatif de part l’énonciation des différents événements mais aussi des liens tissés entre le pasteur et Mme Alving, bien qu’une dénonciation de la bourgeoisie et de la religion soient envisagées. Cette critique est symbolisée dans cette pièce de théâtre Les Revenants par le personnage du pasteur Manders. 

Henrik Ibsen dans les pièces qui suivent Les revenants c'est-à-dire des Soutiens de la Société  en 1877 jusqu’à Quand nous nous réveillerons d’entre les morts en 1899, introduit toujours le même milieu social c'est-à-dire la société bourgeoise puisque les conditions de vie de ses personnages sont solides et bien établies. Malgré ceci, ils vivent dans un monde menaçant et menacé car à cette époque a lieu beaucoup de réformes donc les valeurs de l’époque ne sont plus stables. Le mouvement ébranle l’existence des individus et menace l’ordre social existant.

 

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