Devoir de Philosophie

Fiche de lecture Fables, Livre VII, La Fontaine

Publié le 16/01/2011

Extrait du document

lecture

Support : Fables. La Fontaine. Collection Les Classiques de poche n°1198. Edition Le Livre de Poche. Septembre 2010.

 

Présentation de l’auteur :

Jean de La Fontaine, écrivain (poète, dramaturge, librettiste, romancier, moraliste) est né en 1621 à Château-Thierry et est mort en 1695 à Paris (on trouve sur lui un cilice lors de sa toilette mortuaire). On sait très peu de chose sur son instruction de jeune homme. Il a étudié au collège de Château-Thierry puis entré à l’Oratoire, à Paris en 1641. Dès 1642, il quitte l’Oratoire (la lecture de l’Astrée, roman pastorale qui retrace les amours de la bergère Astrée et du berger Céladon ; une des sources majeures de la préciosité d’Honoré d’Urfé, l’aurait-elle emportée sur l’étude de la théologie), puis étudie le droit à Paris (il est diplômé avocat au Parlement de Paris en 1649) aux côtés de son ami Maucroix, de Furetière, Charpentier, Cassandre, Tallemant. Il fréquente la petite académie de la « Table Ronde «, les « Palatins « se réunissant chez Pellisson (homme de lettres et secrétaire de Foucquet). La Fontaine épouse Marie Héricart qui n’a que quatorze ans et demi en novembre 1647. L’oncle de celle-ci, Jacques Jannart, substitut du procureur général au Parlement l’introduira auprès de Foucquet. En 1652, La Fontaine achète une charge de maître des eaux et forêts à Château-Thierry, puis celle de son père ; mais il n’est pas très intéressé par ces activités. En 1652, il achève d’imprimer de l’Eunuque, comédie à Paris. A partir de 1657, il entre en relation avec Foucquet, guidé par Jannart et Pellisson, il présente en 1658 son Adonis. A début de l’année 1659, le surintendant lui confie le soin de composer un ouvrage à la gloire de Vaux-le-Vicomte ; au cours de cette année commence l’époque  de la « pension poétique « lisant le poète à son Mécène (de cette période date probablement la comédie Clymène). En 1661, Foucquet est arrêté à Nantes, La Fontaine lui restera fidèle dont témoigneront l’élégie Aux Nymphes de Vaux, parue anonymement en mars 1662 ; et l’Ode au Roi que La Fontaine soumettra à Foucquet emprisonné en janvier 1663. Fin août 1663, La Fontaine accompagne Jannart, le substitut de Foucquet alors envoyé en exil à Limoges, il écrit les six lettres de la Relation d’un voyage de Paris en Limousin (l’administration de Louis XIV le surveille de près). En juillet 1664, de retour à Paris, La Fontaine entre dans la maison de la duchesse douairière d’Orléans, et reçoit son brevet de gentilhomme. Jusqu’en 1672, il sera gentilhomme servent au palais du Luxembourg (La Fontaine voit son anoblissement assuré. Il parvient de plus en plus, à se faire connaître dans le monde littéraire). Entre 1665 et 1666, il achève d’imprimer des Contes et Nouvelles en vers (qui comprend huit autres contes en janvier 1665), de la Deuxième partie des Contes et Nouvelles en vers (recueil contenant treize nouveaux contes en janvier 1666, un dernier recueil sera publié en janvier 1671 Contes et nouvelles en vers de M. de la Fontaine. Troisième partie). En 1668, Fables choisies mises en vers par M. de la Fontaine est publiée en mars 1668 qui a eu un immense succès (contenant 124 fables réparties en  six livres). En 1669, La Fontaine publie Les Amours de Psyché et de Cupidon, un roman à la forme inédite ; car il mêle prose, vers, récit mythologique et conversations littéraires (suivi d’une version remaniée de l’Adonis). En 1672, il  est confronté à quelques soucis financiers, car la Duchesse d’Orléans décède (en janvier 1672) ; c’est Mme de La Sablière qui le prend sous sa protection. En 1674, l’un de ses recueils Nouveaux Contes de Monsieur de La Fontaine (plus licencieux que les précédents) est interdit à la vente par La Reynie, lieutenant-général de police. Entre 1678 et 1679, il publie en quatre tomes, une nouvelle édition des Fables choisies mies en vers (le troisième tome daté de 1678, comporte deux nouveaux livres, numérotés I et II, correspondant aux livres VII et VIII des éditions modernes. Le quatrième tome daté de 1679, trois nouveaux livres, numérotés II, IV, et V, correspondant aux livres IX, X, et IX des éditions modernes). En 1684, il est élu à l’Académie Français (succession de Colbert), au terme d’une séance houleuse ; mais le lendemain, le roi fait obstacle à cette élection. A la suite de l’élection « tout d’une voix « de Boileau, son historiographe, le roi accepte que celle de La Fontaine, jusque là suspendue, soit considérée comme « consommée «. En février 1693, La Fontaine (très malade à cette époque) s’adressant à l’abbé Pouget (confesseur de l’écrivain), vicaire de Saint-Roch, abjure ses Contes devant une députation de l’Académie et « un grand nombre de personnes de qualité et de gens d’esprit « (mais les registres de l’institution ne portent pas trace ; de plus, le Père Pouget aurait mené la conversion de La Fontaine lors de sa maladie). En juin, La Fontaine achève d’imprimer du Recueil de vers choisis (qui contient plusieurs œuvres de La Fontaine dont « Le Juge,arbitre, l’Hospitalier et le Solitaire «) ; puis en septembre de cette même année, il termine de publier Fables choisies par M. de La Fontaine.

 

Présentation de l’œuvre :

Apologue : (grec apologos, récit fictif) court récit en prose ou en vers, souvent présenté sous forme allégorique et comportant un enseignement ou une morale.

Les Fables de La Fontaine sont publiés en trois temps : en 1668, les livres I à VI ont été publiés ; ensuite entre 1678 et 1679, les livres VII et XI ont été édités ; et en 1694,  le livre XII e été imprimé.

La Fable nous vient de l’Antiquité grec. Elle a été promue par Esope (VIème siècle av. J.-C.), Phèdre (Ier siècle av. J.-C.), Arranus (IIIème-IVème siècle av. J.-C.), Pilpay (indien) dont s’en inspire La Fontine.

La Fable est un court récit en vers ou en prose dans lesquels peuvent figurer des animaux accompagnés d’une moralité. L’histoire fictive permet de délivrer un enseignement.

La Fontaine est un moraliste, c’est quelqu’un qui cherche à réfléchir, à gouverner sur notre vie (« Le Loup et le Chien « : jusqu’à quel point doit on sacrifier sa liberté pour avoir un certain confort dans le choix professionnel).

Cet auteur classique propose une moralité, une réflexion qui est universelle. La moralité dans une Fable peut-$être soit implicite, soit explicite ; et elle est soit au début, soit à la fin (elle peut être détachée de la Fable, du récit).

Dans chaque œuvre des Classiques, il y a une nature, les auteurs sont pessimistes (les hommes sont ce qu’ils sont) à la différence des auteurs des Lumières qui pensent qu’on peut améliorer les hommes et la société. Les Classiques sont des auteurs modestes qui s’inspirent des Anciens : La Fontaine écrit « mon imitation n’est pas un esclavage « (en faisant référence aux « Animaux malades de la peste «). On constate une opposition entre les auteurs des Lumières qui écrivent pour changer le monde (littérature engagé) et La Fontaine qui veut plaire et instruire (comme Molière). Les Classiques n’écrivent pas pour militer mais plaire et instruire.

La Fontaine rénove le genre de la Fable (dès le Moyen Age, les Fables sont oubliées en Orient) : -il donne une priorité au récit.

-elle est écrite en vers « libres «.

-elle est animée par un souci pédagogique didactique.

-elle imite les Anciens (surtout dans le livre I).

Certaines de ses Fables dont on ne présente plus les plus renommées, qui ont laissé des adages tels que : - « La raison du plus fort est toujours la meilleur «.

  - « Si ce n’est pas toi, c’est donc ton frère «.

  - « On a souvent besoin d’un plus petit que soi «.

  - « Un tiens vaut, ce dit-on, mieux que deux tu l’auras «.

Les dix-huit Fables qui composent le livre VII proposent soit une réflexion sur la société, soit une réflexion sur la manière dont chacun d’entre nous vit sa vie en mettant en scène des traits caractéristiques humains.

 

Résumé/Morales :

     1. Avertissement :

Cet avertissement date de 1678, soit dix ans après la publication des Fables choisies mises en vers par M. de La Fontaine de 1668 (il avait alors cinquante-cinq ans). La Fontaine à un souci de variété, il souhaite « donner à la plupart de celles-ci un air et un tour plus différent de celui qu [‘il a] donné aux premières, tant à cause de la différence des sujets, que pour remplir de plus de variété [son] ouvrage «. De plus, il s’est inspiré (« traits familiers «) « avec assez d’abondance [...] des inventions d’Esope « « qui convenaient bien mieux « à ses deux parties. Mais il ne veut pas « tomber en répétition : car le nombre de ces traits n’est pas infini «. C’est pourquoi il est allé chercher « d’autres enrichissements «, étendre davantage « les circonstances de ces récits « (rendre plus vrai). Il indique au lecteur « où [il] a puisé ces derniers sujets «, il le fait « par reconnaissance « (modestie de La Fontaine) : il en doit une grande partie à Pilpay, sage Indien «. Par ailleurs, il montre sa contemplation pour : « son livre [qui] a été traduit en toutes langues «, sa sagesse dont « les gens du pays [qui] le croient fort ancien et original à l’égard d’Esope, si ce n’est pas Esope lui-même sous le nom du sage Locman « (origine mythique de la Fable de la part de La Fontaine) ; il remercie « les quelques autres[qui lui ont] fourni des sujets heureux (amusants) «. Il montre une fois de plus sa modestie de « mettre en ces deux parties toutes la diversités dont [il] était capable « et il a fait un Errata qui est un « léger remède pour un défaut considérable « pour « les quelques fautes dans l’impression «. Enfin, cet avertissement qui propose un changement de perspective (il met l’accent sur la séduction narrative de l’apologue qui serait influencé par l’esthétique du conte et par la découverte des Fables indiennes) lui permet d’avertir son lecteur (il ne doit pas s’étonner) qu’il diversifie ses sources et qu’il renouvelle l’apologue ésopique.

 

     2. A Madame de Montespan

Mme de Montespan a été la maîtresse du roi Louis XIV à partir de 1668. C’est elle qui a donné le projet d’une Histoire en médailles des principaux événements du règne de cet illustre monarque. Elle a confié le soin de cette entreprise à des Gens de Lettre qui se sont rassemblés chez Racine. C’est à ce moment-là que né l’Académie des Inscriptions et Belles- Lettres. Elle a exercé auprès des artistes et des écrivains, un mécénat dont a profité La Fontaine. Cette dédicace signale la tonalité plus mondaine de ce second recueil. Il commence par rappeler que « l’Apologie est don qui vient des Immortels « et qu’elle nous est parvenue par les « autels « grâce au « Sage « qui en a « [fait] un bel art inventé « (c’est quelque chose de si divin car on en trouve jusques dans les plus anciens livres de la Bible). Ensuite, il montre à quel point la Fable peut livrer un enseignement en « rend [ant] l’âme attentive ou [en la] [captivant] ; [tout] en nous attachant à des récits qui mènent à son gré les cœurs et les esprits «. Ensuite il fait une éloge trop direct à Mme de Montespan (le goût délicat de cette dernière eût sans doute été plus flattée d’une louange plus directe) qui « [lui permet de] franchir les ans dans cet ouvrage « grâce à « ses paroles et regards, [dont] tout est charme chez [elle] « (tout ce que dit La Fontaine est top commun) ; de plus il doit la partager avec « un plus grand maître que [lui] « (Louis XIV). Il ne cesse de remercier sa « Muse «, son « Olympe « qui ira protéger jusqu’à « [son] dernier ouvrage « grâce à son mécène qui « sert [de] rempart et d’abri [pour] le livre favori [et qui pourra ainsi le faire vivre à travers les âges] «, il lui dit que ses vers « attendent tout leur prix «, elles ne peuvent être estimés qu’à la seule « jug [e]) de tout l’ « univers « (La Fontaine est très confiant). Enfin, il termine en espérant que « ces vers [procurent] le bonheur de [lui] plaire « et si jamais c’est le cas il construira « des temples que pour [elle] « pour la remercier de tout son travail.

 

     3. Les Animaux Malades de la Peste :

Cette Fable est presque l’histoire de toute la société humaine. C’est une réflexion moraliste, pessimiste sur la justice telle qu’elle est pratiquée à la Cour Il s’est inspiré de l’Antiquité grec (Sophocle Œdipe Roi, Thucydide Guerre du Péloponnèse. Un jour (long de 14 vers), « pour punir les crimes de terre «, le « ciel en sa fureur « invente la Peste (cérémonie orchestré, l’arrivée de la peste est ralentit par les allitérations en [r] roulement de tambour de « terreur «, « fureur «, c’est un début grave, tragique). Pour survivre face à « cette infortune «, le Lion tient un conseil et décide que « le plus coupable d’entre [eux] se sacrifie aux traits du céleste courroux « pour qu’il puisse « obtenir la guérison commune «. Le Lion commence « sans indulgence « (il s’accuse humblement pour donner l’exemple : on croit qu’on à pardonner un roi doux, bon ; mais on se rend compte que ce roi est hypocrite. Il montre qu’il est le plus fort car il a « dévoré force moutons « et « le berger « (3 courtes syllabes disposé en plein milieu de la page) : plus personne n’ose s’attaque à lui, c’est un roi imprévisible et un tyran sanguinaire. Au début, on pense qu’il est proche de ses sujets mais c’est tout l’inverse). Puis le renard, par sa fourberie, flatte le roi « vos scrupules font trop de délicatesse « de cette manière il prend parti pour le lion et ne fait pas part de ses fautes (c’est un stratagème habile, les hommes se croient supérieurs aux animaux mais le lion est le roi des animaux). Puis on s’en passe des autres puissants dont « on n’osa approfondir du Tigre, ni de l’Ours, ni des autres puissances [...] jusqu’aux simples mâtins « (La Fontaine va vite, il ironise les autres puissances, cela favorise l’amorce de la moralité : les dés sont truqués. On sait qu’à la fin on ne doit pas s’attaquer aux puissants). Enfin vient le tour de l’Ane qui n’a rien compris aux règles du jeu et qui s’accuse de « diablerie « pour avoir manger l’herbe d’autrui. A la fin, un loup « quelque peu clerc « donne son verdict et montre l’âne comme le bouc émissaire. C’est un dénouement rapide, la scène de l’exécution de l’âne est coupée, on passe vite. La moralité est pessimiste, fataliste et au futur « serez « montre que ce sera toujours comme ça. Le monde ne peut pas changer : le lion, le loup, le renard seront toujours les mêmes. La Fable est importante par sa place et est inscrite dans le thème de la satire social.

 

     4. Le Mal Marié :

La Fontaine s’inspire ici d’une Fable d’Esope « Le mari et la femme acariâtre « dont la morale est : « C’est ainsi que souvent les petites choses font connaître les grandes, et les choses visibles, les choses cachés «. Un mari décide que « dès demain «, il partira chercher une femme, mais il ne voit que « des divorces « qui est devenu une coutume chez lui. E puis un beau jour, il « ne put trouver un autre parti, que de renvoyer son épouse, querelleuse, avare et jalouse « dont rien le lui plaisait. « On se levait trop tard, on se couchait trop tôt «, les valets n’arrivent pas à suivre le rythme et « l’époux était à bout «. Alors, à la fin, il la renvoie « à la campagne chez ses parents « qui « gardent les dindons «. Puis « au bout de quelque temps «, le mari qui l’a crut adoucie, la reprend et sa femme comprend qu’elle aurait du être beaucoup plus attentionné (elle n’arrête pas de se faire du souci pour le troupeau et elle s’attirait « la haine «) pour pouvoir vivre avec son mari.

 

     5. Le Rat qui s’est Retiré du Monde :

La Fontaine aurait inventé cette Fable pour faire la satire du clergé régulier, qui en 1675, avait refusé de participer au financement de la guerre d’Hollande. L’apologue se rattacherait par là à la tradition anticléricale, bien représenté au Moyen Age et au XVIème siècle. La Charité doit permettre d’aider le personnes les plus démunis de pouvoir vivre, c’est ce que doit faire un bon chrétien (la charité chrétienne : aider son prochain). « Les levantins « disent qu’un certain Rat qui est las des soucis de son peuple s’exile « loin du tracas, [sa] solitude était profonde « (la solitude est un vaste fromage). « En peu de jours «, il travaille « tant de pieds et de dents « qu’il trouve du fromage et au fond de « l’ermitage le vivre et le couvert « que voulait-il d’autre ? Il devient « gros et gras « et « Dieu « travaille à ses biens (allusion à la richesse de ceux qui ont renoncé aux biens du siècle) « à ceux qui font vœux des siens «. Un jour, « des députés du peuple rat « s’en vont trouver « quelque aumône légère « en terre étrangère pour « chercher quelque secours contre le peuple chat « (et aussi pour y subsister) car Ratapolis est bloquée. On évacue la ville et on demande aux habitants « de partir sans argent «. Les rats, sûrs d’eux pendent que les secours vont arriver « dans quatre ou cinq jours « mais le Rat Solitaire ne s’intéresse plus  aux « choses d’ici-bas  [qui] ne le regard [e] plus « (cela montre son égoïsme, et la dureté monacale, cachés sous l’air de la sainteté). C’est après avoir parlé du « Ciel « que le « nouveau saint ferm [e] sa porte « à ces pauvres gens. Le moine «  est toujours charitable «.

 

     6. Le Héron et La Fille :

La Fontaine essaie de conduire notre mode de vie et représente une société prétentieuse, il veut un idéal d’humilité, de modestie pour le Héron. Pour la Fille, il donne à réfléchir sur le temps qui fuit. « Le Héron « (ce n’est pas n’importe quel animal pris au hasard) « sur ses longs pieds « (« patte « on oublie l’animal), « au long bec «, emmanché « d’un long cou « montre le caractère présomptueux, hautain du héron (dont tout ramène à sa longueur). Un jour, le héron flâne, se promène au bord d’une « rivière «. Il montre un lèse majesté « l’oiseau n’avait qu’à prendre « de plus il montre une facilité à dédaigner la « commère carpe «, « le brochet «. Tout une sonorité en voyelle nasale (« oin «, « an «, « un «, « in «, « on « sature le texte) donne un côté musicale qui s’achève sur le « limaçon «. Les trois questions rhétoriques lui donne un caractère prétentieux du héron. Le Héron veut que la nature soit à son service et ne montre que des mets à sa majesté «. L’univers arcadien, stable est cassé par la cacophonie du Héron qui se parle à lui-même (deux questions nominales). A la fin, le Héron devra se contenter que d’un « limaçon «. Le Héron et la Fille sont écrits sur le même modèle (mise en place d’un décor, récit, dénouement), une « certaine fille un peut trop fière « pensait pouvoir trouver un mari. Elle se voit à la fin épouser un « malotru « à cause du temps qui fuit et qui « change « durant tout le temps passé en « solitude « : elle s’aperçoit « des ruines d’une maison « (le temps est irritable), elle sait qu’elle ne pourra pas « échapper au temps cet insigne larron « et son miroir le dit de trouver un mari avant qu’il ne soit trop tard et elle épouse un « malotru «.

 

     7. Les Souhaits :

Dans le pays du « Mogol «, des « follets « qui travaillent comme valets. Puis un beau jour alors q’un follet trop près du « Gange «

 

V. 11. Peuple ami du démon. . . .C'est-à-dire, ami de cet esprit, de ce follet.

V. 43. Les grands seigneurs leur empruntèrent. Comme La Fontaine glisse cette circonstance avec une apparente naïveté !

V.49... Trésor, fuyez : et toi, déesse, Mère du bon esprit..... On voit que La Fontaine parle ici d'abondance de cœur. C'est ce sentiment qui anime ici son style, et lui inspire cette invocation.

V. 53. Avec elle ils rentrent en grâce. Ne dirait-on pas que c'est une souveraine à la clémence de laquelle il faut recourir, quand on a fait l'imprudence de la quitter pour la fortune ?

V. 58. Le follet en rit avec eux. La Fontaine, au commencement de cette fable, a établi que le follet était l'ami de ces bonnes gens, et s'intéressait véritablement à eux. Cependant le follet n'a aucun regret qu'ils aient perdu cette abondance tant désirée. Il en est au contraire fort aise, parce qu'il voit qu'ils seront plus heureux dans la médiocrité. Peut-on rendre la morale plus aimable et plus naturelle ?

 

***

(1) Il est au Mogol, Le Mogol, royaume voisin de la Perse et des Indes, est une de ces riches contrées de l'Asie que le génie des Orientaux a peuplées d'Esprits aériens, substances chimériques diversifiées entre elles sous les noms de Péris, de Ginhs ou Gnomes : espèces de fées ou enchanteurs, ou esprits follets. Ces derniers, destinés à des emplois subalternes, sont bien caractérisés par ce qu'en dit La Fontaine.

(2) Les Zéphyrs, peuple ami du Démons zéphyrs, vents doux, favorables aux plantes et aux fruits. Leurs représentations sont partout, dans les conversations comme dans les monuments. Démons, Génies, Larves, tous noms sont synonymes dans le langage mythologique, et jusques dans le vocabulaire de Platon, de Maxime de Tyr, de Plutarque et d'Apulée. On connaît les traités composés par ces deux derniers sur le génie de Socrate, ou génie inspirateur de ce philosophe.

(3) Au fond de la Norvège. Pays très - froid, au nord de l'Europe.

4) Et d'Indou qu'il était, on vous le fait Lappon. C'est-à-dire, que d'habitant des rives du Gange, dont l'Inde est arrosée, il devient habitant des glaces voisines de la Laponie, un des pays les pins septentrionaux de notre hémisphère.

(5) Avant que de partir, l'Esprit dit a ses hâtés. C'est ici que commence la fable. Il y a bien plus de simplicité et d'intérêt dans l'exposition de l'apologue original du quatorzième siècle. « Un vilain ayant été pendant plusieurs jours occupé à guetter un Follet qui, depuis quelque temps, rodait autour de sa maison, vient enfin à bout de l'attraper. Pour racheter sa liberté, l'Esprit compose avec son homme,' et lui commande de former, trois souhaits qu'il se charge d'accomplir«.

(6) Cette chevance. Nous avons déjà rencontré ce vieux mot dans la fable de l'Avare qui a perdu son trésor (Liv. IV. fab. 20)« Gilles d'Aurigny, dans son Tuteur d'Amour :

Bon Chevalier, courageux aux alarmes.. . Abandonna terres, biens et chevance.

C'était un diminutif de ckevissanee, qu'on lit au Codicile de Jean de Meun:

Dieu a donné aux miens honneur et chevissance.

(7) Les grands Seigneurs leur empruntèrent. «Comme il glisse cette circonstance avec une apparente naïveté ! « (Champfort. )

(8) Trésors, fuyez ; et toi, Déesse, Mère du bon Esprit. On voit bien que La Fontaine parle ici d'abondance de cœur. Horace n'a pas chanté les charmes de la médiocrité avec plus de grâces, et surtout avec plus de candeur.

V. 28. Fut parent de Caligula. La note de Coste, qui est an bas de la page, n'explique rien. Caligula était non seulement cruel, mais bizarre et capricieux ; et on ne savait souvent comment échapper à sa férocité. En voici un exemple. Sa sœur Druse étant morte, il la mit au1 rang des déesses. Il fit mourir ceux qui la pleuraient, et ceux qui ne la pleuraient pas : les premiers, parce qu'ils pleuraient une déesse ; les autres, parce qu'ils étaient contents de sa mort. C'est à ce trait et à quelques autres de la même espèce que La Fontaine fait allusion en parlant du lion de cette fable. C'est ce qui n'est point indiqué par la note de Coste.

 

***

(1) Sa majesté Lionne, etc. Le Lion est le roi né des animaux. Que le génie développe ce germe fécond : Majesté est l'attribut et le protocole des rois. Sa majesté Lionne Royauté suppose des sujets; et le mode de leur convocation en général, quel est-il? Il manda donc par députés Ses vassaux de toute nature, Envoyant de tout les côtés  Une circulaire écriture Avec son sceau, Veut-on particulariser cette assemblée ? Elle devient cour plénière, avec ses pompeuses ouvertures, avec ses jeux, ses tours de Fagotin, c'est-à-dire, de singe ; et le palais du monarque un Louvre. Mais pour ramener son lecteur à son sujet ; quel Louvre un vrai charnier.

Le mot charnier (dépôt de chairs livrées à la mort) Caro data neci), présente une idée tout autrement funèbre que celui de cimetière. Ce dernier offre dans son étymologie l'image du sommeil, l'autre celle de lambeaux dégoûtants et putrides que la mort vient d'arracher à la vie.

(2) L'envoya chez Pluton faire Le dégoûté. Le poète s'est parfaitement identifie avec ses personnages. On remarque dans ce vers une teinte de cette ironie froidement cruelle, dont nos Tibère modernes ont fait plus d'une fois le style familier de leurs décrets de mort.

(3) Et flatteur excessif, etc. Toutes les anciennes éditions écrivent ainsi ces vers : L'envoya chez Pluton faire le dégoûté. Le Singe approuva fort cette sévérité. Et, flatteur excessif, il loua la colère etc. Il manque un vers qui puisse rimer avec ce dernier. M. Coste s'est mis à la torture pour expliquer cette omission, comme s'il pouvait y avoir de bonnes, raisons contre un oubli. Serait-il injuste de croire que La Fontaine portât dans la composition de ses ouvrages la même préoccupation d'esprit que dans la société ? Dire que' le poète a omis ce vers tout exprès, et l'en justifier, c'est briser la seule barrière qui sépare la prose de la versification française, et ramener notre poésie à son antique barbarie. D'après Montesaut (édit. de 1757), nous avons coupé le vers l'envoya chez Pluton, etc. De cette manière, la rime est rétablie ; mais nous convenons que la variante n'est pas plus heureuse que cette addition :

Par une extrême ardeur de plaire proposée par M. Coste. "

(4) Ce Monseigneur du Lion-là, Fut parent de Caligula, Les Romains enchaînés sous le joug de ce monstre couronné, disaient sans doute, quand ils n'étaient pas entendus : Ce n'est pas à un homme que nous obéissons , mais à une bête féroce ; et pour eux Caligula étoit un lion. Transportez la scène dans les forêts, et faites des Romains un troupeau de moutons : le Lion sera un Caligula, ou quelqu'un de sa famille. _ M. l'abbé Aubert a dit d'après La Fontaine: Ce Monseigneur Léopard-là. (L. VII. fab, 5.)

(5) Et tâchez quelquefois de répondre en Normand. A double sens. Est-il des cas où la dissimulation soit permise? Ce n'est pas un petit mérite de savoir plaire aux princes, Principibus pla-cuisse vins non ultima laus est, a dit Horace : mais jamais aux dépens de la vérité. Ce vice dans la, morale est la seule tache qui dépare cette excellente fable.

V. 3.....Non ceux que le printemps Mène à sa cour..... Tournure poétique qui a l'avantage de mettre en contraste, dans l'espace de dix vers, les idées charmantes qui réveillent le printemps, les oiseaux de Vénus, etc. Et les couleurs opposées dans la. Description du peuple vautour.

V. 27. Au col changeant..... Description charmante , qui a aussi l'avantage de contraster avec le ton grave que La Fontaine a pris dans les douze ou quinze ver« précédents.

V. 41. Tenez toujours divisés les médians. Ceci n'est pas à la vérité une règle de morale : ce n'est qu'un conseil de prudence ; mais il ne répugne pas à la morale.

 

***

(1) Mars autrefois. Mars, fils de Jupiter et de Junon, est le Dieu des combats. Il est reconnaissable à son attitude guerrière, à la fureur qui étincelle dans ses yeux, au casque dont sa tête est toujours chargée, à la cotte d'armes qui couvre sa poitrine, an long javelot avec lequel sa main s'apprête à frapper son ennemi. Mars ou la guerre sont mots synonymes.

(2) Mit tout l'air en émûtes. Emoy, esmay, esmayance, emute, tous vieux mots remplaces aujourd'hui par celui d'émeute (qui ne se dit encore que des mouvemens populaires), pour signifier effroi, tristesse, appréhension. (Voyez le Glossaire à la suite des Poésies de Thibault, comte de Champagne, T. II. p.230)

(3) Non ceux que le printemps, etc. En général ces pacifiques oiseaux que les froids de l'hiver tenaient ensevelis dans la retraite et le silence, et que le printemps ramène pour embellir avec lui la nature, et rallumer les feux de l'Amour. Ni ceux encor que la mère d'Amour met à son char. Les colombes ou les moineaux que Vénus attelait à son char, parce que de tous les oiseaux, ils passent pour être les plus amoureux. On sent de quel attrait la suspension est pour la curiosité r et quel intérêt va résulter du contraste de ces premières images, si douces et si riantes, avec la description qui va suivre.

(4) Le peuple Vautour, Au bec retors, à la tranchante serre. Le peuple Vautour. Tout ce qu'il y a de plus féroce, mis en fermentation par la réunion de ses éléments et par les fureurs de la Discorde. Au bec retors, etc. Cette poésie est pleine de nerf; et puis, quelle idée une semblable armure ne donne-t-elle pas du moral de ces féroces animaux ! C'est ainsi que Virgile à peint le Vautour de Prométhée: rostro que immanis vultur obunco. (AEneid. L. VI. v. 597.)

(5) Il plut au sang, M. Marmontel a cité ce trait dans sa Poétique, pour exemple de l'élévation à laquelle La Fontaine savait aussi porter son génie. (T. II. p. 466. ) On se moque dès pluies de sang que les anciens auteurs font tomber du ciel : pourquoi ? C’est qu'il ne peut y avoir d'effet, là où il n'y a point de cause : mais ici, deux armées de vautours, acharnées l'une contre l'autre ! Le sang doit couler du haut des airs. L'image n'est donc que juste; mais elle est terrible. Elle, lui parait encore trop faible, ajoute M. Marmontel, pour exprimer la dépopulation. (Ibid.) Il la fortifie par une perspective à la fois terrible et douce :

(6) Et sur son roc Prométhée espéra De voir bientôt une fin à sa peine. On sait que ce créateur de l'espèce humaine était enchaîné sur le Caucase, où un Vautour lui dévorait les entrailles sans cesse renaissantes. Jupiter voulait par-là punir le père, de tous les crimes de ses enfants.

(7) Au col changeant, au coeur tendre et fidèle. J'ai vu le Prométhée de Goltzius, et j'ai dit : voilà le sublime de la force : mais peut-être qu'avec un burin aussi énergique, on ne saurait avoir de la grâce. J'ai vu la Galatée et la Vénus du même maître, et j'ai dit : avec tant de grâce on ne peut avoir de la force. Goltzius et La Fontaine m'ont appris qu'ici les extrêmes n'étaient point impossibles.

(8) Tenez toujours divisés les méchants. Mot des, Tibère et des Borgias de tous les temps. Je laisse aux philosophes le soin d'examiner si cette maxime est aussi vraie en morale qu'en politique. Ceci, soit dit en passant ; je me tais.

V. 1. Dans un chemin montant. . . .  Ces cinq premiers vers, n'ont rien de saillant; mais ils mettent la chose sous les yeux avec une précision bien remarquable. La Fontaine emploie près de vingt vers à peindre les travaux de la mouche, et son sérieux est très plaisant ; mais peut-être fallait-il être La Fontaine pour songer au moine qui dit son bréviaire.

Ce petit Apologue est un des plus parfaits: aussi a-t-il donné lieu au proverbe, la mouche du coche.

 

***

(1) Dans un chemin montant, etc. On ne peut lire cette tirade, sans admirer l'inépuisable talent de l'auteur à peindre par les sons; Chaque syllabe est lourde, et chaque mot se traîne, Comme l'a dit l'abbé Du Resnel dans ce vers, à la fois précepte et exemple.

(2) Six forts Chevaux tiraient un coche. L'expression est serrée, nerveuse, même pénible, comme l'action qu'elle désigne.

(3) Femmes, moine, vieillards, etc. Ce bizarre rapprochement fait sous une apparence de simplicité, une épigramme dont la finesse n'échappera point aux esprits délicats.

(4) L'attelage suait, soufflait, était rendu. Gradation admirable ; on voit les Chevaux, et leurs efforts, et leurs fatigues.

(5) Qu'elle fait aller la machine. Machine, suppose un ouvrage de combinaison, qui exige dans son régulateur plus de force ou d'industrie.

(6) Il semble que ce soit Un sergent de bataille allant, etc. Les premiers fabulistes qui ont jugé à propos de répandre dans l'apologue des comparaisons élevées qui le rehaussent, ont compris sans doute que la petitesse -des objets qu'il présente d'ordinaire avait besoin de temps en temps de cette espèce de contraste , pour nous attacher et pour nous plaire. Nous verrons plus d'une fois cet ingénieux artifice employé par notre auteur. La Mouche est ici un sergent de bataille. Ce n'est plus un nain qu'on a sous les yeux, mais un colosse. Ainsi le Chantre de Vertvert, lorsqu'il décrit le caquet de l'oiseau donnant audience a tout un courent :

Tel autrefois César, en même temps, Dictait à quatre en styles différent.

(Chant Ier, Oeuvr, T. I. p. 5. Ce qui distingue éminemment cette fable, c'est la vivacité de son action. Tout y a vie, tout y est en mouvement : relisez les invectives de l'insecte : Le moine disait son bréviaire, Il prenait bien son temps ! Une femme chantait : C'était bien de chansons qu'alors il s'agissait ! Tout cela est marqué au coin de l'enjouement le plus délicat, comme de la plus exquise naïveté.

(7) Le coche arrive au haut. Voilà une de ces irrégularités qui ne vont bien qu'à La Fontaine : les règles sont bien plus sévères. Malherbe s'était donné la même licence, à l'exemple de ses devanciers ou contemporains Théophile, Ronsard, Racan, etc. Ces poètes faisaient de peu à peu un seul mot : La Fontaine s'est cru en droit d'en faire autant pour celui-ci. MM. de la Mothe et Dardenne cite particulièrement cette fable comme un parfait modèle de naïveté. Voyons si c'est en dire trop.

(1) Perrette, nom de costume. Ce nom de laitière réveille des idées riantes, mais simples, qui veulent être rendues, moins avec, la subtilité du raisonnement et de la réflexion, que par l'inspiration de la nature et sa fidèle représentation. Sur sa tête ayant un pot au lait, Bien posé sur un coussinet.

(2) Prétendait arriver. Est-ce que sa prétention sera trompée ? Ce mot prépare avec adresse le dénouement.

(3) Sans encombre. Vieux mot qui va très bien dans an récit de scène champêtre. C'est dans les campagnes que le vieux langage se soutient le plus longtemps. Et ne ferez en ce monde qu'encombre, a dit Olivier la Marche) poème intitulé le Parement et le Triomphe des Dames).

(4) Légère et court vêtue, elle, etc. Voilà bien ce simplex mundities d'Horace; simplicité unie à la décence, qui tient le milieu entre la recherche et la bassesse.

(5) Achetait un cent d'oeufs, faisait triple couvée. « La naïveté, a-t-on dit, est l'expansion d'un cœur enfant, ou d'un esprit ingénu qui expriment de confiance tout ce qui vient les frapper, et de la manière dont cela se présente. « D'après cette règle, voyons quel doit être le langage de notre laitière. Pleine d'espérance dans le produit de son lait, elle rêve, elle imagine, quoi ? Des trésors ? Non ; mais ce qu'elle voit posséder à ses compagnes, mais ce qui fait la richesse de la basse-cour, un cent d'œufs, des poulets, etc.

(6) Il était, quand je l’eus, de grosseur, raisonnable. Elle se croit déjà si bien en possession, qu'elle a calculé jusqu'à l'âge de son Cochon, qu'elle a mesuré sa taille, quand je l'eus,

(7) De l'argent bel et bon. Expression familière, commune chez les anciens, et très bien à sa place dans un sujet simple et familier. M. l'abbé Aubert en a fait un fréquent usage dans ses fables : Un pinçon déjà fort, et volant bien et beau, etc.

(8) Vu le prix dont il est, une Vache et son Veau, Dont il est, suivi de deux mots de genre différent, devrait être an pluriel. Ainsi ce vers isolé ne serait pas à l'abri de la critique : mais rapprochez-le du vers qui vient après: la faute disparaît à côté de l’image, comme une ombre légère qu'absorbe l'éclat d'une lumière plus vive.

(9) Le lait tombe : adieu Veau, Vache, Cochon, Couvée, Deux remarques sur ce vers. 1°. Sa coupe vive et pittoresque; 2°. L’exactitude analytique, dans la série de ces biens imaginaires. — Couvée, rime mal avec transportée.

(10) La dame de ces biens, etc. La naïveté n'exclut pas la délicatesse, pas même l'ironie, pourvu qu'elle soit fine et légère : on le voit à cet hémistiche. La fortune ainsi répandue est heureux et hardi, pour dire : la fortune qui lui revenait de ses biens ainsi répandus.

(11) Qui ne fait des châteaux en Espagne ? On n'est pas d'accord sur l'origine de cette expression proverbiale. (Voyez le Dictionnaire de Trévoux, et Pasquier, Recherches, Liv. VII. chap. 15.) L'opinion la plus vraisemblable est celle-ci : Vers l'an 700, les Maures ayant passé en Espagne, bâtirent à chaque pas des châteaux dont on voit encore un grand nombre. Malgré cette précaution, ils ne purent s'y maintenir. Quand on dit bâtir des châteaux en Espagne, où il y en a déjà trop, on veut dire une chose ridicule et inutile. On connaît cette épigramme : Lorsque je vais à la campagne,  Je fais toujours de grands projets ; Poètes sont assez sujets  A bâtir châteaux en Espagne, Et bâtissent à peu de frais.

(12) Pichrocole, prince colère, ambitieux; visionnaire, dans Rabelais (Gargantua, L. I. ch. 33). Pyrrhus. Voyez sur ce roi d'Epire la première épître de Boileau.

(13) Je suis Gros Jean, comme devant. Expression burlesque mise en usage par Rabelais ; pour désigner un homme de néant, (Pantagr. second prolog. du Liv. IV. tom. IV. p. 47) On a dit que la fable est le vase dont la moralité est la liqueur. (Dardenne ) Si cela est, la moralité de cette fable est l'ambroisie dans la coupe d'Hébé.

Nous ne ferons aucune remarque sur cette méchante petite historiette à qui La Fontaine a fait, on ne sait pourquoi, l'honneur de la mettre en vers. Elle a d'ailleurs l'inconvénient de retomber dans la moralité de la précédente, qui vaut cent fois mieux ; aussi personne ne parle de Messire Jean Chouan, mais tout le monde sait le nom de la pauvre Perrette

 

***

D'où vient que cette fable si bien racontée, n'intéresse que faiblement; tandis que la fable de la Laitière nous charme et nous entraîne ? Cette différence tient, je crois, à plusieurs causes. 1°. Ce n'est en quelque sorte qu'une contrefaçon de la précédente. 2°. On n'aime pas à voir, sur la scène naïve de l'apologue, un ministre de la religion, quel qu'il soit. De même, pour l'autre personnage, un mort n'est pas un objet assez plaisant pour exciter à rire. 3°. Les images champêtres au milieu desquelles nous transporte la laitière, donnent à cette fable l'air enjoué, mais toujours modeste de l'Idylle. Ici vous croyez voir une caricature échappée à Rabelais ou à Villon dans l'accès d'une orgie bachique. 4°. Enfin, à la place de ces songes riants qui se terminent par la chute d'un pot au lait, le dénouement de la seconde fable entre ouvre sous nos yeux un tombeau de plus. Voilà certes un contraste bien hideux, et une perspective bien sombre. Au reste, il y a dans cette fable des deuils charmants, qu'il serait injuste de ne pas relever.

(1) Un Mort s'en allait, etc. On remarquera dans les quatre premiers vers une cadence différente, selon l'action qu'ils désignent. Celui qui vient après est d'une mesure plus pompeuse. On en sent la raison ; ce sont les obsèques d'un mort de qualité.

(2) Robe d'hiver, robe d'été, Périphrase heureuse pour exprimer ce dénuement auquel la mort nous abandonne. Voilà donc à quoi se réduit toute la garde-robe de ces riches si fastueux dans leurs équipages !

(3) Monsieur le Mort, laissez-nous faire, est plaisant. Mais sont-ce des plaisanteries qui conviennent sur un fonds aussi sérieux ?

(4) On vous en donnera de toutes les façons, a quelque chose de dérisoire et de très peu décent de la part d'un ministre des autels; d'ailleurs, comment accorder ces avances si généreuses avec la précipitation qu'on lui suppose dans ce vers ? Il s'en allait

Enterrer ce Mort au plus vite.

(5) Il ne s'agit que du salaire, ne manque ni de naïveté, ni de finesse ; de naïveté, étant l'aveu de ces honteux tributs imposés sur ceux qui ne sont plus : de finesse, le poète, pour rendre le reproche plus piquant, mettant cette accusation indirecte dans la bouche de celui-là même qu'il suppose en être coupable.

(6) Messire Jean Chouart Rabelais, " Jean Chouart , à Montpellier , avait accepté des moines de saints Olary unes belles décrétales, etc. ( Pantagr, L. IV. ch. 52. t. IV. p. 215. Voy. Aussi t. II. p. 108. note. ) J. B. Rousseau emprunte la même dénomination dans une de ses épigrammes Vois-tu bien la messire Jean Chouart. (L. IV.épigr. 10.)

(7) Couvait des yeux son mort. Métaphore qui peint avec autant de justesse que d'énergie l'avide empressement d’un curé à garder une dépouille de laquelle doit éclore une riche rétribution.

(8) Monsieur le Mort, j'aurai de vous, etc. La Fontaine ne se permet pas ordinairement ces répétitions, qui prolongent inutilement le récit, sans ajouter à l'intérêt. Nous passons sur les vers suivants, dont il serait très superflu de faire sentir le sel épigrammatique.

(9) Coûts, dépenses, ce que coûte une chose. Villon (2e. partie) p. 63 : Mais regardons à peu de coulis.

(10) Un heurt survient. Pour choc. Ce terme banni du langage moderne n'est pas commun dans l'ancien. Il se retrouve (f. 2.Liv. V. et Liv. X. f. 1. V. à cette dernière fable, note 25.)

Il serait possible que La Fontaine eût puisé l'idée de cette caricature dans ces vers d'un ancien poète français. Trois choses sont surtout d'accord, L'église, la court et la mort.

(Voyez Recueil de P. Grosnet, p. 135. Henri Etienne, Apolog. Pour Hérodote, ch. 39. T. III. p. 399. Ou bien dans la Danse des Morts du fameux Holben.)

V, 9. Pauvres gens ! je les plains ; car on a pour les fous , etc. C'était le caractère de La Fontaine ; et c'est ce qui a rendu sa satire moins amère que celle de tant d'autres satiriques, qui ont pour les fous plus de colère que de pitié.

V. 17. Le repos ? Le repos, trésor si précieux, Qu'on en faisait jadis le partage des dieux?

Tout le monde a retenu ces deux vers qui expriment si bien le vœu d'une âme douce et insouciante ; mais ce sentiment est encore mieux exprimé dans le charmant morceau de la fin de cet Apologue : Heureux qui vit chez soi, etc.

V. 28. Cherchez, dit l'autre ami, etc. Cette amitié là n'est pas bien vive, ce n'est pas comme celle des deux amis du Monomotapa, livre 8, fable 11. Mais dans cette fable-ci, il y a un des deux amis qui est un avare ou un ambitieux ; et ces gens là sont aimés froidement et aiment encore moins.

V. 31. Vous reviendrez bientôt. ... Celui-ci connaît le monde et a bien pris son parti.

V. 33. L’ambitieux, ou, si l'on veut, l'avare..... Vers admirable. En effet, l'ambition dans nos états modernes n'est guère que de l'avarice. Cela est si vrai qu'on demande sur les places, les plus honorables : combien cela vaut-il ? Quel en est le revenu ? Bref, se trouvant à tout, et n'arrivant à rien. . . Ce vers-là devrait être la devise de certains vieux courtisans que l'on connaît. . . . . Des temples à Surate. Voilà qu'il se fait marchand.

V. 78. Il ne sait que par ouï-dire.  La Fontaine est toujours animé, toujours plein de mouvement et d’abondance, lorsqu'il s'agit d'inspirer l'amour du retraité, de la douce incurie, de la médiocrité dans les désirs. Voyez cette apostrophe : Et ton empire, Fortune ! Et puis cette longue période qui semble se prolonger comme les fausses espérances que la fortune nous donne, et l'adresse avec laquelle il garde pour la fin : sans que l'effet aux promesses réponde.  Ce sont là de ces traits qui n'appartiennent qu'à un grand poète.

 

***

« Si la fable ne doit point être longue, la moralité, toute proportion gardée, doit être courte à plus forte raison. Ce n'est pas que La Fontaine n'ait des moralités assez étendues ; mais ce sont-là de ces usages qu'il faut lui abandonner , avec d'autres qui ne pourroient réussir qu'à un aussi grand maître.« (Dardenne.)

(1) Et le voilà devenu pape. Témoins entre autres Adrien IV, Sixte-Quint, et de nos jours, Ganganelli, pape sous le nom de Clément XIV.

(2) Le repos, le repos, trésor si précieux, Qu'on en faisait jadis le partage des Dieux. Un critique délicat de l'ancienne Rome recommandait ces répétitions, comme étant pleines de charmes, disait-il. (Macrob. Saturn. L. V. c. 14.) Et l'on sait de combien d'exemples on pourrait en appuyer le précepte. Celle-ci est un élan de sensibilité qui ne pouvait échapper qu'à une âme déjà en possession du bonheur qu'elle vante.

(3) Soupirait... pour la fortune. Il serait plus exact de dire: après la fortune.

(4) Nul n'est prophète en son pays. La source d'où vient cette expression proverbiale, ou plutôt le code où elle se trouve, est trop vénérable pour être cités dans un ouvrage profane.

(5) Cherchons notre aventure. Ce mot n'admet avec lui ni pronom, ni article, à moins d'être accompagné d'une épithète qui en détermine le sens.

(6) Par voie et par chemin, serait pléonasme, s'il n'était consacré par l'usage.

(7) En un lieu que devait la déesse bizarre Fréquenter, etc. Appelons cette tournure une construction marotique, pour ne point l'appeler embarrassée, soit pour l'ordre des mots, soit pour l'enjambement du vers. Nous en trouverons plus d'un exemple dans le cours de cet apologue ; mais celui-ci n'est pas le plus heureux.

(8) Bref, se trouvant à tout, et n'arrivant à rien. Multa agendo, nihil agens, a dit Phèdre. (L. II. f. 5.)

(9) Je ne puis héberger. Du vieux latin heribergare, recevoir quelqu'un chez soi, le loger.

Dame douce qui honore (honneur) et franchise , Héberjastes en vostre doulx manoir ( domicile ) ! Gaultier d'Epinay. . «Tristan fit moult honorablement héberger Brangion en une chambre du roi, etc,

(10) Surate, ville la plus marchande de l'Asie. Elle est située vers l'entrée du golfe de Cambaye.

(11) Ce fut un de dire et s'embarquer. Il faudroit et, de s'embarquer.

(12) Ames de bronze, humains, etc. « La Fontaine, dit M. Coste, imite assez heureusement ce passage. d’Horace, Illi robur et es triplex, Circà pectus erat. (Ode III. du Liv.I.) Qn ne peut pas dire la même chose de ce qui suit : Qui fragilem truci Commisit pelago ratem Primus; Car l'expression du poète latin est sans doute beaucoup plus juste et plus naturelle que celle-ci : Et le premier osa l'abîme défier.

(13).Avec beaucoup de peines, etc. «. Comme, le lecteur, ne trouve d'ordinaire qu'à la fin de la fable, la vérité qui le doit nourrir , il n'est pas juste de le laisser , pour ainsi dire , sans aliment, tant que la fable dure, surtout si elle est un peu longue. Ces réflexions abrégées, mais pleines de sens, qui laissent plus, à penser qu'elles ne disent, sont autant d'ornements précieux qui enrichissent la fable. « (Dardenne.)

(14) Mogol Empire d'Asie dont l'opulence a passé en proverbe. Japon, Autre royaume d'Asie, célèbre par ses îles, et par la richesse de ses productions. Les Hollandais entretiennent avec ces peuples un commerce considérable.

(15) Que le Mogol l'avait été; il faudrait ; ne l'avait été, Le vers précédent ne vaut pas mieux. La Fontaine a dit quelque part : les longs ouvrages me font peur. Est-ce qu'il y réussissait moins que dans les petits ? On le croirait à celui-ci, si l'on n'avait du même auteur les Filles de Minée, Adonis, le Florentin, et d'autres grandes compositions, où l'on voit que son génie sait, quand il le faut, s'étendre avec son sujet.

(16) Voit de loin ses Pénales, pleure de joie, et dit, etc. La Fontaine est admirable pour saisir ces traits de sentiment, qui prouvent dans le poète une connaissance profonde de la nature. Pénates a quelque chose de plus affectueux que le mot de toit ou de maison. C'étaient les Dieux domestiques sous la protection desquels on mettait la maison et ses habitants.

(17) Heureux qui vit chez soi, De régler ses désirs faisant tout son emploi, etc. « La Fontaine est toujours animé, toujours plein de mouvement et d'abondance, lorsqu'il s'agit d'inspirer l'amour de la retraite, de la douce incurie , de la médiocrité dans les désirs. Voyez cette apostrophe: et ton empire, fortune ! et puis cette longue période qui semble se prolonger comme les fausses espérances que la Fortune nous donne, et l'adresse avec laquelle il garde pour la fin ; sans que. L’effet aux promesses réponde. Ce sont-là de ces traits qui n'appartiennent qu'à un grand poète. « (Champfort.)

(18) De son ami plongé, etc. Ce dénouement est simple, naturel, et d'autant plus agréable, que sa précision contraste avec l'étendue de détails, nécessaires sans doute, mais trop prolixes, des aventures du voyageur.

V. 2 Et voilà la guerre allumée. Amour, tu perdis Troie; ... Quelle rapidité ! Quel mouvement ! Quel rapprochement heureux des petites choses et des grands objets ! C’est un des charmes du style de La Fontaine.

V. 5. Où du sang des dieux même on vit le Xante teint. Ce beau vers est un peu gâté par la dureté des deux dernières syllabes Xanthe teint. Rien de plus naturel que cette expression, après avoir parlé de la guerre de Troie.

V. 13. Ses amours, qu'un rival, etc. . . . Quel doux regret, quel sentiment dans cette répétition ! Le reste du tableau est de la plus grande force et figurerait dans une ode.

V. 23. Tout cet orgueil péril, etc. ... Ce vers est très beau, mais il fallait s'arrêter là. La plaisanterie sur le caquet des femmes est usée et peu digne de La Fontaine ; d'ailleurs ce caquet des poules n'avait rien de nouveau pour le coq.

 

***

(1) Deux Coqs vivaient en paix, etc. Ce début a été ainsi copié plutôt qu'imité par St. Evremont, dans sa fable des Poules de Lesbos : Deux Poules vivaient en paix, L'une amante, l'autre aimée: Ce qu'on n'eût deviné jamais, Autre Poule survient, la guerre est allumée, (oeuv. div. T. V. p. 283. )

(2) Amour, tu perdis Troie! Etc. Un des secrets de la poésie, pour agrandir les sujets qu'elle traite, est de les comparer a d'autres plus relevés. L'intérêt que nous donnons à ces sortes de rapprochements sera en proportion de la surprise qui l'excite, ou de la sensibilité qui le provoque : il est au comble, lorsque le poète a su mettre en œuvre ce double ressort. Ces divers caractères se retrouvent ici. Que l'Amour mette aux prises deux Oiseaux ; cette idée n'a rien que de vulgaire : qu'y a -t - il à cela d'étonnant? ne sait-on pas que l'Amour a plus d'une fois porté les feux de la guerre au sein des plus vastes empires ? Et pour en citer un exemple à jamais mémorable, la ruine de Troie, et cette querelle envenimée où le sang des Dieux mêlé à celui des mortels, alla grossir les fleuves de l'Asie, n'ont-elles pas eu leur source dans les coupables amours de Paris et d'Hélène ? Voyez quelle immense carrière le génie du poète a parcourue ! Il ne s'agit plus d'une simple lutte entre deux Oiseaux : ce sont Achille et Hector ; ce sont deux puissantes armées en présence; ce sont les Grecs et les Troyens, et l'Olympe qui s'en partagé avec eux. Querelle envenimée est la traduction njdelle du mot plein d'énergie qui ouvre l'Iliade. Où du sang des Dieux même. Venus blessée par Diomède. Il est vrai qu'Homère ne mêle point le sang de cette Déesse aux eaux du Xanthe. Ce sang, à proprement parler, n'en était pas: " ce n'est qu'une substance fluide, plus pure, en quelque sorte immatérielle," La Fontaine use ici du privilège de la poésie naturellement hyperbolique.

(3) Plus d'une Hélène au beau plumage. Le rapprochement se suit d'une manière aussi juste que gracieuse. On a toujours sous les yeux un grand spectacle dont le reflet absorbe le tableau qui est à l'opposite; mais sans le faire disparaître. M. l'abbé Âubcrt a profité de celte image dans sa fable intitulée les Coqs. L. III. f. 4.)

(4) Pleura sa gloire et ses amours, etc. On se rappelle le combat des Taureaux dans les Georgiques ; Multa gemens ignominiam plagasque superbi  Victoria, tùm quos amisit inultus amores, etc. (Georg. Liv. III. Vers 226.) Citons le morceau tout entier dans la traduction de M, l'abbé Delisle : Souvent même troublant l'empire des troupeaux, Une Hélène au combat entraîne deux rivaux: Tranquille, elle s'égar

Liens utiles