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Gerhard RICHTER (1932-) La reproduction ou l'immédiateté sont des notions vides de sens

Publié le 19/10/2016

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Gerhard RICHTER (1932-)

La reproduction ou l'immédiateté sont des notions vides de sens

Si je dessine - un homme ou un objet - je dois tenir compte des proportions, de l'exactitude, de l'abstraction ou de la déformation, ainsi de suite. Si je peins d'après une photo, la pensée consciente est annihilée. Je ne sais plus ce que je fais. Mon travail se rapproche davantage de l'informel que de n'importe quelle autre forme de réalisme. La photo possède une abstraction qui lui est propre et qu'il est difficile de pénétrer.

Elle est ce en quoi tout le monde croit aujourd'hui. La normalité. Si le résultat final est différent, son impact est plus fort que s'il y avait déformation comme dans les silhouettes de Dali ou de Bacon. On peut même avoir peur devant un tel tableau.

La photo a remplacé certaines peintures, dessins et illustrations qui, en représentant la réalité, nous informaient sur elle. La photo exerce cette fonction avec plus de fiabilité et de crédibilité que toute autre forme d'image. Elle est l'image qui rapporte une vérité absolue parce qu'elle est objective : on la croit d'emblée, même si elle présente des défauts techniques ou si la chose figurée est a peine identifiable. De plus, la photo joue un rôle culturel : chacun de nous a déjà fabriqué ses propres « images pieuses » qui montrent des parents ou des étrangers et qu'il conserve avec soi pieusement.

La photo modifie la manière de voir et de penser : les photos sont considérées comme véridiques et la peinture comme artifice. On ne croit plus en l'image peinte, ce qu'elle représente n'évolue pas parce que ce n'est pas authentique, mais imaginé.

La vie nous apparaît comme un ensemble de conventions, de lois sociales, comme un jeu de société. Les photos en sont la reproduction éphémère, tout comme les images que je peins d'après photo. Une fois peintes, elles cessent de rapporter une situation définie, la représentation devient absurde. En tant que tableau, elles ont une autre signification, elles contiennent d'autres informations.

La photo est l'image la plus parfaite qui existe ; elle ne change pas, elle est absolue, donc indépendante, inconditionnelle, sans style. C'est la raison pour laquelle elle a pour moi valeur de modèle par la manière dont elle relate et par ce qu'elle relate.

Toute photo est faite pour relater un événement. Pour le photographe comme pour le spectateur, l'important est le résultat, la lisibilité du document qui fixe l'événement. De plus, la photo peut être considérée comme un tableau, alors, le document prend une autre signification. Mais comme il est très difficile de déclarer simplement qu'une photo est un tableau, je la reproduis en la peignant.

Quand j'ai copié ma première photo, j'ai agi par témérité, par peur ou parce qu'à l'époque les manifestations Fluxus me faisaient forte impression, mais sans doute aussi parce qu'en ce temps-là, je photographiais beaucoup et travaillais chez un photographe. Le défilé des photos qui passaient chaque jour dans le bain de révélateur a peut-être laissé une empreinte. À moins qu'il n'y ait d'autres raisons à cela. Toutefois, je ne saurais donner d'explication précise.

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