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Goncourt, Journal (extrait).

Publié le 07/05/2013

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Goncourt, Journal (extrait). Fascinés par le réel dans ce qu'il a de plus sordide, les Goncourt livrent dans leur Journal, véritable somme documentaire pour la vie du XIXe siècle, leur point de vue pessimiste sur la société. Friands de détails précis, qu'ils réutilisent dans leurs romans, ils se laissent également aller à des pointes de psychologie cavalière. Edmond de Goncourt rédigea seul la partie du Journal située après la mort de son frère Jules en 1870. En ce 4 janvier 1891, le diariste rapporte un récit que lui a fait son ami le romancier catholique Huysmans sur la misère de certains hôtels parisiens. Journal des Frères Goncourt Huysmans parle aujourd'hui, avec une satisfaction un peu enfantine, de sa connaissance intime avec les voleurs, les recéleurs du Château-Rouge et de ses rappors avec la maîtresse de Gamahut. C'est curieux, tout de même, cette maison de Gabrielle d'Estrées, devenue cet immonde garni et où la chambre même de la maîtresse de Henri IV serait devenue la Chambre des Morts : la chambre où l'on superpose plusieurs couches des ivrognes ivres morts, les uns sur les autres, jusqu'à l'heure où on les balaye au ruisseau de la rue. Garni qui a pour patron un hercule, dans un tricot couleur sang de boeuf, ayant toujours à la portée de sa main deux nerfs de boeuf et une semaine de revolvers. Et dans ce garni, des déclassés de tous les sexes, étranges : une vieille femme de la société, une absintheuse, se mettant sous la peau dans un jour vingt-deux absinthes, et de cette terrible absinthe colorée avec du sulfate de zinc, une sexagénaire que son fils, avocat à la cour d'appel, n'a jamais pu faire sortir de là, et qui, d'après la légende du quartier, se serait tué de désespoir et de honte. Huysmans parle, dans ce quartier Saint-Séverin, d'un garni encore plus effroyable, du garni de Madame Alexandre... Lorrain, qui vient après Huysmans et qui, je crois, est encore entré plus au fond de la société canaille de Paris, rabaisse les scélérats du Château-Rouge, dit que ce sont des cabotins, des criminels de parade, que font voir les agents de police aux étrangers menés par eux au Château-Rouge. Et de là, la conversation va, par je ne sais quel chemin, à l'intelligence de ces femmes qui entretiennent un duelliste -- ainsi, Séverine entretenant Labruyère, ainsi, Mme de Lancey entretenant Espeleta, -- et qui, grâce à la peur de l'épée de l'un et de l'autre, échappent à toute attaque. Après dîner, je lis chez Daudet l'année 1877 de mon JOURNAL et je rencontre toutes sortes d'hésitations de la part de la mère et de la fille à laisser passer le morceau de la jeune fille tout heureuse, sans attendrissement de sa pitié pour les malheureux. Vraiment de petites cervelles, les femmes ! Source : Goncourt (Edmond et Jules), Journal, vol. III, Paris, Robert Laffont, 1956. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.

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