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Ibsen, la Maison de poupée (extrait).

Publié le 07/05/2013

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ibsen
Ibsen, la Maison de poupée (extrait). En peignant dans Maison de poupée un intérieur conjugal apparemment idyllique, mais dont l'harmonie repose en fait sur l'incompréhension et l'indifférence, Ibsen dépeint une société dont les convenances dissimulent une capacité d'enfermement et d'aliénation. Cette situation tyrannique constitue, pour le dramaturge naturaliste, l'ultime ressort tragique dont il se servira dans toutes les pièces du dernier cycle, de Maison de poupée à Quand nous nous réveillerons d'entre les morts. L'affranchissement du personnage de drame bourgeois qu'est Nora Helmer fait ici accéder celle-ci au rang d'héroïne tragique. Maison de poupée de Henrik Ibsen (acte III) HELMER (se maîtrisant). Et c'est encore lucide et sûre de toi que tu es parvenue à cette conviction ? NORA. Parfaitement lucide et sûre de moi. C'est pour cela que je ne veux plus rester ici. HELMER. Peux-tu me dire comment j'aurais perdu ton amour ? NORA. Oui, je peux. C'était ce soir, quand le miracle ne s'est pas produit ; j'ai vu alors que tu n'étais pas l'homme que je croyais. HELMER. Explique-toi ; je ne comprends pas. NORA. Pendant huit ans j'ai attendu, sans impatience ; mon Dieu, je savais bien qu'un miracle, ça n'arrive pas tous les jours. Puis il y a eu cette angoisse. Du coup, j'en étais sûre : le miracle était là. Pendant tout ce temps où la lettre de Krogstad était dans la boîte -- jamais un seul instant il ne me serait venu à l'idée que tu puisses te plier aux conditions de cet individu. J'étais persuadée que tu allais lui dire : Portez l'affaire à la connaissance du monde entier. Et puis -- HELMER. Oui, après ? Après avoir livré ma propre femme à l'opprobre et à la honte -- ! NORA. Après, j'étais persuadée que tu allais t'avancer, tout prendre sur toi et dire : Le coupable, c'est moi. HELMER. Nora -- ! NORA. Tu veux dire que je n'aurais jamais accepté un tel sacrifice ? Cela va de soi. Mais qu'aurait valu ma parole contre la tienne ? -- C'était ça, le miracle que j'espérais et que j'attendais avec angoisse. Et pour l'empêcher, j'étais prête à mettre fin à mes jours. HELMER. J'aurais volontiers travaillé nuit et jour pour toi, Nora, -- pour toi, j'aurais tout supporté, les soucis, la misère. Mais on ne sacrifie pas son honneur pour l'être qu'on aime. NORA. Des centaines de milliers de femmes l'ont fait. HELMER. Tu parles et tu raisonnes comme une enfant sans cervelle. NORA. Soit. Mais toi, tu ne parles ni ne raisonnes comme l'homme dont je pourrais partager la vie. Quand tu as cessé d'avoir peur, -- peur de ce qui pouvait t'arriver à toi, et non pas des menaces qui pesaient sur moi, -- quand le danger s'est écarté, c'était pour toi comme s'il ne s'était rien passé. J'étais de nouveau ton alouette, ta poupée que tu allais porter dans tes bras en redoublant seulement de précautions, puisqu'elle était si fragile. (Se levant.) Torvald -- c'est alors que j'ai compris que je vivais depuis huit ans avec un étranger, et que j'avais eu trois enfants --. C'est insupportable ! Rien que d'y penser, je voudrais me déchirer en mille morceaux. HELMER (tristement). Je le vois. Il y a un abîme entre nous. -- Oh, Nora, n'y aurait-il pas moyen de le combler ? NORA. Telle que je suis, je ne peux pas être une épouse pour toi. HELMER. J'ai la force de changer. NORA. Peut-être, -- si on t'enlève ta poupée. HELMER. Se séparer -- me séparer de toi ! Non, non, Nora, je n'arrive pas à l'imaginer. NORA (allant dans la chambre de droite). Raison de plus. Elle revient, avec son manteau, son chapeau et un petit sac de voyage qu'elle pose sur le fauteuil. HELMER. Nora, Nora, pas tout de suite ! Attends jusqu'à demain. NORA (mettant son chapeau). Je ne peux pas passer la nuit chez un étranger. HELMER. Ne pourrions-nous pas continuer à vivre ensemble comme frère et soeur -- ? NORA (attachant son chapeau). Tu sais bien que ça ne durerait pas longtemps --. (S'enveloppant dans son châle.) Adieu, Torvald. Je ne veux pas voir les enfants. Je sais qu'ils sont en de meilleures mains que les miennes. Telle que je suis, je ne peux rien pour eux. HELMER. Mais un jour, Nora, -- un jour -- ? NORA. Comment le saurais-je ? Je ne sais même pas ce que je vais devenir. HELMER. Mais tu es ma femme, telle que tu es et telle que tu seras. NORA. Écoute, Torvald ; -- quand une femme quitte le domicile conjugal, il paraît que son mari est dégagé de toute obligation envers elle. Quoi qu'il en soit, je t'en dégage. Tu ne dois pas te sentir lié, pas plus que moi. Nous allons être entièrement libres, tous les deux. Voici ton alliance. Rends-moi la mienne. HELMER. Cela aussi ? NORA. Cela aussi. HELMER. La voici. NORA. Bien. Ainsi, tout est fini. Voici les clés. Pour tout ce qui concerne la maison, les bonnes sont au courant -- bien mieux que moi. Demain, quand je serai partie, Kristine viendra prendre les affaires que j'avais quand je suis arrivée. Je veux qu'on me les envoie. HELMER. Fini ; fini ! Nora, tu ne penseras plus jamais à moi ? NORA. Je penserai sans doute souvent à toi et aux enfants et à la maison. HELMER. Pourrai-je t'écrire, Nora ? NORA. Jamais. Je te l'interdis. HELMER. T'envoyer quelque chose -- NORA. Rien ; rien. HELMER. -- t'aider si tu en as besoin. NORA. Non, te dis-je. Je n'accepte rien d'un étranger. HELMER. Nora, -- ne pourrais-je pas un jour devenir autre chose qu'un étranger pour toi ? NORA (prenant son sac de voyage). Oh, Torvald, pour cela il faudrait le plus grand des miracles. HELMER. Quel miracle ? NORA. Il faudrait changer, tous les deux, de telle sorte que --. Oh, Torvald, je ne crois plus aux miracles. HELMER. Mais moi, je veux y croire. Parle ! Changer, tous les deux, de telle sorte que -- ? NORA. Que notre vie commune devienne un vrai mariage. Adieu. Elle sort par le vestibule. Source : Ibsen (Henrik), Maison de poupée, in les Douze dernières pièces, volume 1, trad. par T. Sinding, Paris, Le Spectateur français. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.
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« HELMER .

— t’aider si tu en as besoin. NORA .

Non, te dis-je.

Je n’accepte rien d’un étranger. HELMER .

Nora, — ne pourrais-je pas un jour devenir autre chose qu’un étranger pour toi ? NORA (prenant son sac de voyage). Oh, Torvald, pour cela il faudrait le plus grand des miracles. HELMER .

Quel miracle ? NORA .

Il faudrait changer, tous les deux, de telle sorte que —.

Oh, Torvald, je ne crois plus aux miracles. HELMER .

Mais moi, je veux y croire.

Parle ! Changer, tous les deux, de telle sorte que — ? NORA .

Que notre vie commune devienne un vrai mariage.

Adieu. Elle sort par le vestibule. Source : Ibsen (Henrik), Maison de poupée, in les Douze dernières pièces, volume 1, trad.

par T.

Sinding, Paris, Le Spectateur français. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation.

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