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Imre Lakatos (1922-1974) Valeur des réfutations

Publié le 19/10/2016

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Imre Lakatos (1922-1974)

Valeur des réfutations

L'une des choses les plus importantes que nous apprenne l'étude des programmes de recherche est qu'il est relativement peu d'expérimentations qui comptent vraiment. Les mises à l'épreuve et les « réfutations » fournissent d'ordinaire au physicien théoricien un guidage heuristique si trivial que cela pourrait bien être une perte de temps que de pratiquer une mise à l'épreuve à grande échelle - ou même de trop se tracasser au sujet des données disponibles. Dans la plupart des cas, nous n'avons pas besoin de réfutations pour savoir que la théorie a grand besoin d'être remplacée : l'heuristique positive du programme, de toute façon, nous entraîne de l'avant. De plus, en donnant une « interprétation réfutable » sérieuse à une version encore dans l'enfance d'un programme, on fait preuve d'une dangereuse dureté méthodologique. Il se peut même que les premières versions ne « s'appliquent » qu'à des cas « idéals » inexistants ; il faudra peut-être des dizaines d'années de travail théorique pour atteindre les premiers faits inédits et plus de temps encore pour parvenir à des versions des programmes de recherche susceptibles d'une intéressante mise à l'épreuve, arrivé au stade où il n'y a plus de réfutation prévisible à la lumière du programme lui-même. La dialectique des programmes de recherche n'équivaut donc pas nécessairement à une série alternée de conjectures spéculatives et de réfutations empiriques. L'interaction entre le développement du programme et les contrôles empiriques peut prendre des formes très diverses ; le schéma qui se réalise effectivement ne dépend que d'un accident de l'histoire.

Histoire et méthodologie des sciences, tr. C. Malamoud, J.-F. Spitz, Luce Giard, Paris, PUF, 1978, p. 90.

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