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Incipit D'illusions Perdues De Balzac

Publié le 20/01/2011

Extrait du document

balzac

Le document que je propose d'envoyer consiste en une explication de texte. Il s'agit de l'incipit du roman de Balzac Illusions Perdues. Pour l'instant ,je n'ai pas de bibliographie à joindre à mon travail ( je le ferai dès que possible).

 

Cours sur Illusions perdues

Azhari

 

Explication de texte

L’Incipit (pp.61-62)

 

Cette première page d’Illusions perdues installe d’entrée de jeu le lecteur au cœur du roman, à savoir l’imprimerie. Evoquer cette dernière au seuil de l’histoire est, pour Balzac, une façon de dire l’importance que prendra la fabrication du livre dans le roman à venir.

La première partie de l’incipit résume très brièvement la situation de l’imprimerie de Province en opérant déjà un va et vient spatiotemporel, entre Paris et la Province, entre le passé et le présent de l’écriture, celui de la rédaction (1837) et le temps de l’histoire. Le deuxième mouvement met en scène le personnage de Séchard, après l’avoir introduit à la fin du premier. Ici, le narrateur recourt au passé, par le procédé de l’analepse, pour expliquer la situation présente du personnage. La mention de la date de 1793 met l’accent sur le rôle important que jouera l’Histoire dans Illusions perdues.

L’évocation de l’Histoire, l’introduction de la vieille imprimerie du vieil imprimeur ainsi que la double opposition Paris /Province et passé/présent donnent à l’incipit du roman sa fonction programmatique. Mais cette première page, entant que premier contact entre le narrateur et le lecteur, a pour fonction également d’ancrer l’histoire dans la réalité, c’est-à-dire d’installer l’illusion réaliste, d’où cette insistance sur les détails qui sont là à la fois pour créer l’effet de réel’ propre au roman réaliste, et pour mettre en place la correspondance, propre au roman balzacien, entre les objets et les personnages. L’étude de cette page doit donc s’attacher à montrer les caractéristiques de l’incipit réaliste ( fonction programmatique, illusion réaliste, contrat de lecture,etc.).

 

La première phrase du passage met l’accent sur deux époques. 1837, temps de la rédaction du récit, point temporel et position privilégiée qui permettent l’omniscience du narrateur ; 1821, date du commencement de la fiction, c’est-à-dire celle du temps de l’histoire ( « A l’époque où commence cette histoire «). En outre, les adverbes encore et toujours , opposés à maintenant, permettent la comparaison contrastée entre «  les petites imprimeries de province « et les grandes imprimeries de Paris.

Mais ce qui frappe le plus dans cette première phrase, c’est qu’elle nous introduit d’emblée dans ce qui sera le sujet principal du roman, à savoir l’imprimerie et le rôle qu’elle jouera quant à la création littéraire. C’est une ouverture à fonction programmatique. Or le programme annoncé ici se fait sur le mode de la négation ; cela signifie que le lecteur, initié d’entrée de jeu, presque in médias res, dans les coulisses  du livre, se trouve déjà averti de l’environnement malsain de la production de la littérature, et que le roman à venir se chargera de décrire. S’inscrit également dans ces premières lignes un autre élément de l’écriture réaliste : le groupe « cette histoire « ne désigne pas seulement l’histoire événementielle racontée par Illusions perdues ( la fiction), mais, du fait de sa fonction métalinguistique – un déictique désignant le livre- ( commence déjà ici le métadiscours qui jalonnera tout le récit de IP.), suggère que le roman se chargera de raconter sa propre histoire. Conformément donc au modèle de l’incipit réaliste, le groupe « cette histoire « constitue un élément du contrat de lecture puisqu’il oriente le lecteur et lui suggère le mode de lecture qu’il sera appelé à adopter au cours de son parcours du roman : Illusions perdues sera un discours sur le roman, le roman de la littérature.

La deuxième phrase du texte permet au narrateur de passer du général( les presses de Stanhope / la province) au particulier ( la presse parisienne/celle d’Angoulême), et ce passage inaugure bien l’une des grandes oppositions du roman ( Paris/Province). Dans cette comparaison, Paris est posé comme le modèle de référence par rapport à la Province. Les adverbes comme toujours, encore sont là également pour marquer le décalage qui existe entre l’imprimerie d’Angoulême et celle de Paris. La capitale est présentée comme l’espace favorable aux avancées scientifiques, aux innovations technologiques, contrairement à Angoulême qui sombre dans un passé archaïque. Toutefois , l’avantage que prend Paris sur la Province, et qui ne relève que du domaine le plus technique, va subir tout un travail de sape. Les dévorantes presses mécaniques,  par le biais de la métaphore animale, annoncent bien la mécanique dévorante de la Capitale dans la deuxième partie du roman. L’adjectif verbal dévorantes réactive et fait évoluer la comparaison Paris /Province : contre les presses gémissantes ( voir le bois gémissant) d’Angoulême se dressent les dévorantes presses de Paris, puisque des premières, il ne reste que l’expression « Faire gémir la presse «, elle-même « sans application maintenant .«

La dernière phrase du paragraphe, malgré la touche nostalgique qui s’y dessine ( même sentiment qu’on retrouvera chez Balzac lorsque, sous forme de notation analeptique, il apprendra au lecteur la destruction des Galeries de bois), malgré l’opposition entre les dévorantes presses mécaniques et le vieux mécanisme encore en usage en province, présente cette dernière comme un lieu d’où rien ne sort, comme un espace défavorable à la création littéraire puisque l’époque où sont nés les « beaux livres « est située bien avant le temps de l’histoire ( voir la note de l’éditeur) ; et en effet, de l’imprimerie d’Angoulême ne sortiront que des documents officiels, des faire-part de mariage, des histoires illustrées pour la population analphabète et, comble de l’ironie, les textes des arrêts de mort dont les victimes sont parfois les ouvriers de l’imprimerie eux-mêmes ( voir p. 62). Mais ce qu’il faut noter dans cette fin de paragraphe, c’est l’introduction du premier personnage du roman, Jérôme Nicolas Séchard, et le rapport affectif, presque passionnel, que le narrateur établit entre lui et la presse et ses objets.

L’oxymore « Cette grande petite histoire « fait écho à «  cette histoire « de l’entame du texte ( du roman), et désigne à la fois l’histoire d’Illusions perdues et le roman qui raconte cette histoire ( « petite histoire «= celle de l’imprimerie ; « grande histoire= celle du roman sur l’imprimerie, le journalisme et la littérature).

 

Le deuxième paragraphe s’ouvre sur la reprise du nom du personnage de Séchard (« Ce Séchard «), reprise qui fonctionne doublement : le démonstratif ce établit d’abord une distanciation qui définit négativement le personnage et incite le lecteur à le considérer comme tel dans la suite du roman (autre élément du contrat de lecture, autre mode de lecture indiqué). Ensuite, l’emploi du démonstratif met en place tout un procédé qui sera massivement utilisé dans le roman ; en effet, le ce qui détermine un nom propre et non un nom commun, fait jouer la dynamique de l’antonomase qui définit le personnage comme type.

Ce paragraphe introduit également les toutes premières actions et les premiers mouvements des ‘humains ( après avoir décrit ceux des machines- les presses, les rouleaux, les plateaux mobiles,etc.). Or ces mouvements humains ne sont pas moins mécaniques que ceux de la machine : ils semblent être réglés mécaniquement ( voir le va et vient du personnage et la structure chiasmique de la phrase : «  Les pressiers se portent de l’encrier à la presse de la presse à l’encrier «). Mais ce n’est pas là le seul effet de cette mise en scène. Au procédé de visualisation ( on voit les personnages bouger, aller et venir), s’ajoute un effet sonore rendu par l’allitération  en S ( très forte fréquence du s en effet). Balzac nous introduit ainsi immédiatement dans les coulisses de l’imprimerie, avec ses mouvements, ses bruits ( les gémissements de la presse) et, plus loin dans les pages qui suivent, dans ses senteurs. 

Il faut noter également cette correspondance entre le lieu, les objets et les occupants de ce lieu. Les personnages sont signifiés par l’espace et les objets qui les entourent. L’imprimerie, de par son archaïsme, est le lieu où sont mis en scène des personnages non moins archaïques. On a l’impression que Balzac entreprend ici le travail d’un archéologue pour qui les objets et les humains s’informent mutuellement (plus loin, page 66, ; l’imprimerie est nommée « caverne « et Séchard semble bien être un ‘ homme des cavernes’ !). En outre, ce qui frappe également ici, c’est l’importance de l’onomastique : Séchard est un Ours et les compositeurs des Singes. L’animalisation des humains fait écho à l’animalisation de la presse qui gémit et de la mécanique qui dévore.

La fin du passage introduit un autre élément important du roman : l’Histoire (voir, pour ce point, la leçon sur l’Histoire). Outre cette inscription de l’Histoire dans l’histoire (la date de 1793), on peut remarquer que le recours au passé (historique) du personnage-type a pour fonction d’ancrer ce dernier dans un milieu, un décor, un environnement propre à une époque. En effet, pour l’auteur, les personnages n’acquièrent de l’épaisseur qu’en portant les traces de leur passé, qu’en se trouvant placés dans un milieu ( c’est là un élément de l’illusion réaliste : le personnage s’explique aussi par son histoire ; il a une biographie,etc.). Or cette histoire, marquée ici par la date de 1793- date de la Terreur- est dévalorisée (voir l’emploi de l’indice énonciatif désastreuse), autre orientation du lecteur quant à la lecture qu’il doit faire de l’Histoire dans Illusions perdues.

 

Eléments de conclusion :

Différentes oppositions ( qui sont celles du roman lui-même)

Effet de réel- illusion réaliste- contrat de lecture

Typisation du personnage ( procédé : l’antonomase)

Introduction du lecteur dans le monde de l’imprimerie, ce dernier étant au cœur du roman

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