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Inde

Publié le 11/04/2013

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1 PRÉSENTATION

Inde,  en hindi Bhārat, pays d’Asie méridionale. Sa capitale est New Delhi ; Bombay sa ville la plus peuplée.

L’Inde est bordée à l’ouest par le Pakistan et la mer d’Oman, au nord par la Chine (région autonome du Tibet, sous contrôle chinois), le Népal et le Bhoutan, à l’est par la Birmanie, le golfe du Bengale et le Bangladesh, au sud par le détroit de Palk et le golfe de Mannar, qui le séparent du Sri Lanka, dans l’océan Indien.

2 MILIEU NATUREL
2.1 Relief et hydrographie

L’Inde a une superficie de 3 165 596 km², ce qui la place au septième rang mondial. La péninsule indienne forme à elle seule un sous-continent, bien distinct de l’Asie, dont elle était d’ailleurs séparée jusqu’à l’ère tertiaire. Située dans une zone fortement sismique, au point de rencontre des plaques indienne et eurasienne, l’Inde — à l’instar des autres pays de la péninsule indienne — est exposée aux tremblements de terre — des séismes très meurtriers ont notamment eu lieu en septembre 1993 (10 000 morts, dans l’État de Maharashtra) et en janvier 2001 (entre 70 000 morts dans le Gujarat) et, en décembre 2004, un tsunami provoqué par un très violent séisme sous-marin dans l’océan Indien a dévasté les îles Andaman et Nicobar et l’État du Tamil Nadu (15 000 morts).

La majeure partie du territoire indien est constituée de moyennes montagnes, de plateaux ou de plaines. Le pays peut être divisé en quatre grands ensembles géographiques : l’Himalaya, les plaines alluviales du nord, le Dekkan et les Ghats orientaux et occidentaux.

L’Himalaya est la plus haute chaîne de montagnes du monde. Née de la collision entre la plaque tibétaine et la plaque indienne, elle est formée de roches cristallines et de sédiments. Son point culminant en territoire indien est le Kangchenjunga (8 598 m), le troisième sommet du monde après l’Everest et le K2. Large de 160 à 320 km, l’Himalaya s’étire sur plus de 2 400 km entre l’Inde et le Tibet, depuis le Jammu-et-Cachemire, à l’ouest, jusqu’à l’Assam, à l’est. À l’ouest, l’Himalaya se prolonge par la chaîne du Karakorum, dans le Cachemire, puis par celle de l’Hindu Kush, en Afghanistan.

Au pied de l’Himalaya s’étend une vaste plaine, d’ouest en est (du Pakistan au Bangladesh). Trois grands fleuves, qui prennent leur source au Tibet ou dans ses confins, traversent cette région : l’Indus (2 897 km), le Gange (2 510 km) et, à l’extrême est, le Brahmapoutre (2 897 km). Ils sont alimentés par la mousson et la fonte des neiges himalayennes. À l’est de la péninsule, deux fleuves conduisent à des deltas qui progressent sur la mer : le Gange et le Brahmapoutre, dont les bassins hydrographiques cumulés totalisent 3 millions de km², et qui arrosent le Bengale-Occidental, la plaine de l’Assam et le Bangladesh.

L’Assam présente des types de sols extrêmement contrastés : des sols médiocres, lessivés, sur les surfaces hautes, dans la partie ouest de la plaine du Gange et dans le piémont du Pendjab ; des sols inondables, plus favorables à l’agriculture dans les régions basses. Ces sols, formés par les alluvions déposées par les grands fleuves, font de la plaine de l’Assam la région la plus fertile et la plus peuplée du pays. La riziculture y est très développée, de même que la culture du blé et de la canne à sucre, plus spécifiquement dans la partie septentrionale de cette région (Uttar Pradesh et Pendjab).

Au sud des plaines se découpe le vaste plateau triangulaire du Dekkan, qui occupe l’essentiel de la péninsule indienne avec des hauts plateaux du côté de la mer d’Oman et des plateaux plus bas du côté du golfe du Bengale. La structure de la région est celle d’un bouclier précambrien, formé de roches de natures très différentes. Aux plateaux de granite ou de gneiss (plateau de Mysore, à l’extrême sud, plateaux du Bastar ou de Chota Nagpur, à l’est) s’opposent les plateaux basaltiques, qui présentent un relief en terrasses. Les sols noirs (ou regur), formés par la décomposition du basalte, ont une forte capacité de rétention en eau, qui a notamment favorisé la culture du coton.

Le Dekkan est bordé par deux chaînes de montagnes d’altitude moyenne : les Ghats occidentaux (915 m), qui longent, du nord au sud, la mer d’Oman et la côte de Malabar ; les Ghats orientaux (460 m), qui bordent la côte de Coromandel, sur le golfe du Bengale.

2.2 Climat

L’Inde est caractérisée par un climat tropical de mousson. Malgré la présence de certaines zones tempérées, l’alternance entre une saison sèche et une saison des pluies conditionne la vie et l’activité des Indiens.

Lors de la saison des pluies, de juin à octobre, la mousson apporte des masses d’air humide en provenance de la mer d’Oman et de l’océan Indien. Le sud et l’ouest du pays sont les premiers touchés, en juin. L’ensemble du territoire indien entre dans la saison des pluies avant la mi-juillet. Les précipitations peuvent être considérables (à Tcherrapunji, elles atteignent 10 920 mm par an). L’intersaison est marquée par un retour progressif de la sécheresse.

À partir de décembre, la mousson souffle de l’intérieur des terres vers la mer. Jusqu’au mois de mars, la saison sèche, relativement fraîche, est toutefois marquée par de violents orages et des chutes de neige sur l’Himalaya. Les températures diurnes sont généralement supérieures à 15 °C dans le Nord, à 20 °C ou 25 °C dans le Sud. En revanche, les nuits sont fraîches : dans la plaine du Gange, elles peuvent descendre jusqu’à 5 °C, et il gèle parfois au Pendjab.

Après la saison sèche débute la période la plus chaude de l’année, entre la mi-mars et le début du mois de juin. Les températures montent alors fréquemment au-dessus de 40 °C et, dans certaines zones du centre de l’Inde, peuvent dépasser 50 °C.

Ces tendances générales ne rendent cependant pas compte de la variété climatique caractéristique de l’Inde. À l’ouest, dans la région des Ghats et sur la côte qui les longe, le climat est humide, avec des précipitations particulièrement abondantes sur les reliefs. La saison des pluies est assez longue dans la région de Cochin ou Mangalore, moins longue à Bombay ou Surat. Le nord-ouest du pays — la plaine du Pendjab et les plaines du Rajasthan — est globalement plus sec. Le centre de l’Inde connaît une saison chaude et sèche particulièrement longue, avec un niveau de précipitations très faible dans les vallées — celles de la Godavari et de la Krishna notamment. Dans cette zone du centre du pays, la saison froide est quasi inexistante. C’est sans doute au nord-est du pays que le cycle des saisons est le plus nettement marqué. Comme à l’ouest, la saison des pluies dure relativement longtemps, de la fin du mois de mai jusqu’au début du mois d’octobre. Au sud-est, les plus fortes précipitations sont enregistrées en novembre ou décembre, tandis que le reste du pays entre dans la saison sèche.

Le volume des précipitations varie énormément selon les années ; une année de sécheresse peut en effet succéder à une période de tempête tropicale, toutes deux catastrophiques pour l’agriculture. De trop fortes pluies favorisent par ailleurs la prolifération des moustiques, et le développement du paludisme.

2.3 Végétation et faune

À l’origine, l’Inde était essentiellement recouverte de forêts tropicales. Ce type de végétation a pu se maintenir dans les régions très arrosées. La flore est ainsi particulièrement variée dans la plaine du Gange, où elle bénéficie de l’humidité. La végétation est luxuriante dans les plaines du Sud-Est, où alternent des palétuviers, des forêts de sals (grands arbres au bois précieux) et des arbres à bois dur. Les conifères dominent dans le nord-ouest de l’Himalaya, dont les versants orientaux sont recouverts d’une abondante végétation tropicale et subtropicale. Sur la côte de Malabar et sur les versants des Ghats orientaux, zones à fortes précipitations et densément boisées, les arbres à feuilles persistantes prédominent. Dans les plaines marécageuses et sur les versants peu élevés des Ghats occidentaux, de vastes étendues de jungle restent impénétrables. Dans la région du Dekkan, la végétation est moins dense, avec des forêts de bambous, et des arbres à palmes et à feuilles caduques.

La faune indienne est très variée. La famille des félidés est représentée par le tigre, la panthère, le léopard tacheté et le léopard des neiges, le chat du Bengale et, dans le Dekkan, le guépard. Outre les quelques spécimens du parc de Gir, dans le Gujarat, les lions ont disparu de l’Inde. Malgré des efforts menés au niveau national et en coopération avec d’autres pays, qui ont permis de porter le nombre de tigres sauvegardés dans des réserves à plusieurs milliers, l’espèce reste également menacée. L’éléphant d’Asie vit principalement sur les versants nord-est des chaînes himalayennes et dans les forêts reculées du Dekkan. Parmi les autres espèces figurent notamment le rhinocéros, le gaur, l’ours brun, le loup, le chacal, le dhole, le bœuf sauvage, le sanglier et diverses espèces de singes, d’antilopes et de cerfs. L’Himalaya et les régions montagneuses abritent plusieurs espèces de chèvres et de moutons sauvages ainsi que des bouquetins. Il existe différents types de serpents : cobras, daboias, serpents vivant en eau de mer, venimeux, et pythons.

3 POPULATION ET SOCIÉTÉ
3.1 Caractéristiques démographiques

Avec 1,15 milliard d’habitants en 2008, l’Inde représente environ un sixième de l’humanité. C’est le deuxième pays le plus peuplé au monde après la Chine. La population indienne continue d’augmenter régulièrement, mais à un rythme moins soutenu que dans les années 1970. La politique draconienne de régulation des naissances, menée sous le régime d’Indira Gandhi, malgré les réticences religieuses et culturelles d’une grande partie de la population, a permis de freiner la croissance annuelle, qui est passée de 2,2 % entre 1970 et 1980 à 1,6 % en 2008, tandis que l’indice de fécondité reculait dans le même temps de 4,8 à 2,8 enfants par femme. La population indienne augmente cependant de plus d’un million d’habitants par mois. L’Inde a connu depuis les années 1920 une baisse considérable de la mortalité, due à la lutte préventive contre les famines, qui n’ont pas pour autant disparu (comme en témoigne la famine du Rajasthan en 1987), et à la mise en place d’une politique de santé publique. Estimé à 45 ‰ dans la période 1881-1921, le taux de mortalité n’était en effet plus que de 6,4 ‰ en 2008.

L’espérance de vie moyenne a beaucoup augmenté, mais reste encore inférieure à celle des pays occidentaux. Elle est passée de 47,3 ans en 1970 à un peu plus de 69,2 ans en 2008. L’Inde est un pays jeune : les moins de 15 ans représentent 31,5 % de la population totale, les plus de 65 ans seulement 5,2 %. Le taux de mortalité infantile y est encore élevé et atteint 32,3 ‰. Par ailleurs, l’accès aux installations sanitaires reste réservés à une minorité (33 % de la population en 2004). Environ 20 % de la population est sous-alimentée (selon des estimations de 2002–2004).

La part des Indiens vivant en dessous du seuil de pauvreté était estimée en 2000 à 28,6 % de la population. Il existe en outre de grandes inégalités de richesse entre les différentes régions du pays. Ces inégalités géographiques opposent principalement les régions côtières et la capitale New Delhi aux régions intérieures — États du Bihar, du Madhya Pradesh, du Rajasthan et de l’Uttar Pradesh, qui forment un ensemble connu sous le nom de « Bimaru «.

3.2 Découpage administratif et villes principales

La fédération indienne est formée de 28 États (Andhra Pradesh, Arunachal Pradesh, Assam, Bengale-Occidental, Bihar, Chhattisgarh, Goa, Gujarat, Haryana, Himachal Pradesh, Jammu-et-Cachemire, Jharkhand, Karnataka, Kerala, Madhya Pradesh, Maharashtra, Manipur, Meghalaya, Mizoram, Nagaland, Orissa, Pendjab, Rajasthan, Sikkim, Tamil Nadu, Tripura, Uttar Pradesh, Uttaranchal) et de 7 territoires de l’Union (les îles Andaman-et-Nicobar, Chandigarh, Dadra-et-Nagra-Haveli, Daman-et-Diu, Delhi, Laquedives) administrés directement par le gouvernement central. Certains de ces États représentent à eux seuls des entités démographiques et politiques considérables : 166 millions d’habitants pour l’Uttar Pradesh, 82,9 millions pour le Bihar, 96,8 millions pour le Maharashtra.

La densité de population atteint 386,1 habitants au km², sans que ce chiffre reflète pour autant les disparités régionales. Ainsi, elle peut varier entre 25 habitants au km2 dans le plateau du Dekkan à 1000 habitants au km2 dans les plaines côtières ou la vallée du Gange, et dépasser les 9 000 habitants au km² à Delhi. Si le taux d’urbanisation est l’un des plus faibles au monde — 29 % en 2005 — l’Inde compte plusieurs des plus grandes villes du monde, et c’est le deuxième pays du monde qui abrite le plus de citadins (après la Chine). L’Inde connaît un important exode rural, lié à sa croissance démographique et aux conditions de vie difficiles dans les zones rurales. Cet exode rural conduit à la surpopulation des villes, autour desquelles se sont développés de gigantesques bidonvilles. Face à leur prolifération, les autorités ont choisi de doter les bidonvilles d’infrastructures de base — égouts, eau potable. Les villes souffrent pour la plupart d’une importante pollution, atmosphérique et sonore.

La ville la plus peuplée de l’Inde est Bombay (16 368 084 habitants avec son agglomération en 2001). Viennent ensuite Calcutta 13 216 546 habitants) et Delhi, qui intègre dans son agglomération la capitale, New Delhi (12 791 458 habitants), Madras (6 424 624 habitants), Hyderabad (5 533 640 habitants), Bangalore (5 686 844 habitants), Ahmedabad (4 519 278 habitants), Pune (3 755 525 habitants), Kanpur (2 690 486 habitants), Nagpur (2 122 965 habitants), Lucknow (2 266 933 habitants), Jaipur (2 324 319 habitants).

3.3 Peuples, langues et religions

Plus de 1 600 communautés cohabitent sur le territoire de l’Union indienne. Cette profonde diversité ethnique, source de multiples conflits, se double d’une diversité linguistique et religieuse.

Les langues et dialectes parlés en Inde appartiennent à quatre familles linguistiques : les langues dravidiennes comme le télougou et le tamoul, parlées dans le Dekkan et le sud de l’Inde ; les langues indo-européennes comme le hindi et le bengali ; les langues austro-asiatiques comme le munda ; enfin, les langues sino-tibétaines comme le naga, le lushai, le mizo. Cette mosaïque de plus de 3 000 langues et dialectes a amené le gouvernement indien à instaurer dix-huit langues officielles dans le pays ; l’anglais est ainsi langue officielle, en association avec l’assamais, le bengali, le hindi (parlé par environ 40 % de la population), le kannara, le kashmiri, le malayalam, le marathe, l’oriya, le pandjabi, le sanskrit, le sindhi, le tamoul, le télougou et l’ourdou, et depuis l’amendement du 20 août 1992, le nepali, le konkani et le manipuri (voir langues de l’Inde).

La question ethno-linguistique a obligé Jawaharlal Nehru à accepter le redécoupage des États indiens selon le critère de la langue. C’est ainsi qu’entre 1956 et 1960, dans toute l’Inde, des provinces ou des États — Hyderabad, Andhra, Travancore-Cochin, Madras, le Maharashtra, Bombay, l’Assam et d’autres — ont été démembrés pour former de nouveaux États. Certaines provinces ont totalement disparu, comme Bombay, qui a donné naissance aux trois États du Karnataka, du Maharashtra et du Gujarat.

L’hindouisme est la religion pratiquée par une très large majorité de la population (80,5 %). Majoritaires dans le Cachemire, les musulmans représentent 13,4 % de la population. Viennent ensuite les minorités chrétienne (2,3 %), sikh (2 %, majoritaires au Pendjab), bouddhiste, jaïniste et parsi.

Les affrontements interethniques sont particulièrement violents dans les États du Nord-Est : Kukis contre Nagas, peuple semi-nomade implanté entre l’Assam et la Birmanie (500 000 personnes environ), dans l’État du Manipur ; militants Bodos contre musulmans dans l’État d’Assam ; menaces sur les minorités chakmas et hajongs dans l’État d’Arunachal Pradesh.

Deux groupes religieux sont également en conflit avec le pouvoir central. Au Cachemire, les extrémistes musulmans revendiquent le rattachement de leur État au Pakistan. Les attentats et le climat de terreur ont chassé la quasi-totalité des hindous de la région ; en 1993, ils n’étaient plus que 3 000 dans la vallée de Srinagar, contre 125 000 quelques années auparavant. L’armée indienne y déploie en permanence 150 000 hommes et s’y livre à une violente répression. À l’inverse, la destruction de la mosquée d’Ayodhya en 1992 témoigne de l’animosité des extrémistes hindous à l’égard des musulmans.

Les sikhs (littéralement, « ceux qui apprennent «) forment l’une des principales minorités religieuses en Inde. La plupart d’entre eux vivent au Pendjab, où ils représentent plus de la moitié de la population. Ils réclament, à ce titre, la création d’un État sikh. L’agitation autonomiste a débuté dès l’indépendance, avec la partition du territoire indien entre l’Inde à majorité hindoue et le Pakistan à majorité musulmane ; elle culmine avec l’assassinat du Premier ministre Indira Gandhi, en 1984, par des séparatistes sikhs, et les troubles meurtriers qui s’ensuivent.

3.4 Le système des castes

La société indienne contemporaine reste profondément marquée par le système de castes, introduit en Inde vers 1500 av. J.-C. et reposant sur la division par la jati, qui représente à la fois la naissance — qui définit le degré d’impureté — et l’appartenance à un groupe. Ce système distingue quatre castes sociales : (par ordre décroissant) les brahmanes (prêtres), les kshatriya (guerriers), les vaishya (paysans et commerçants) et les shudra (serviteurs). Selon ce système, une partie de la population hindoue (20 %) n’appartient à aucune caste ; ce sont les harijans, ou dalits, également appelés parias (les « intouchables «). La Constitution indienne supprime toute discrimination fondée sur la race, la religion, la caste, le sexe et le lieu de naissance, et l’État pratique de plus en plus une discrimination positive à l’égard des basses castes (dans l’administration publique, la représentation politique et l’accès à l’enseignement supérieur). Mais la mobilité d’une caste à l’autre ne varie guère, les mariages respectant les divisions par castes (voir endogamie).

3.5 Éducation

Le système éducatif a fait des progrès considérables depuis l’indépendance du pays, mais l’application des réformes est freinée par la persistance des discriminations liées au système des castes et des discriminations envers les femmes. L’école est gratuite et obligatoire pour tous les enfants de 6 à 14 ans, mais la moitié environ abandonnent leur scolarité en cours de route. Sur la période 2002–2003, le taux de scolarisation était de 108 % dans l’enseignement primaire (104 % chez les filles), et de 53 % dans l’enseignement secondaire (47 chez les filles). L’Inde compte un très grand nombre d’établissements d’enseignement supérieur — l’Indian Institute of Science, à Bangalore, et le Tata Institute of Fundamental Research, à Bombay, figurent parmi les plus grands centres d’études et de recherche du pays. Si le nombre d’étudiants est passé de 5 millions au début des années 1990 à 11 millions en 2001–2002, le taux de scolarisation demeure relativement bas (12 % de la classe d’âge concernée).

Le programme national d’alphabétisation pour adultes mis en place par les autorités a permis de relever la part de la population adulte sachant lire et écrire à 57 % de la population totale en 2005 (contre 43 % en 1981). Ce chiffre cache toutefois de grandes disparités entre les hommes et les femmes, chez lesquelles le taux d’alphabétisation n’est que de 43 %. En outre, le taux d’analphabétisme varie beaucoup d’un État à l’autre ; le Kerala possède le plus faible du pays, notamment en raison de l’importance accordée à l’éducation des femmes et à leur statut relativement élevé.

En 2003, l’État a consacré 4 % du PIB aux dépenses d’éducation.

4 INSTITUTIONS ET VIE POLITIQUE

L’Union indienne est régie par la Constitution de 1950, qui instaure une république démocratique souveraine au sein du Commonwealth. C’est une république fédérale composée de 28 États et de 7 territoires administrés par le gouvernement central. Le régime politique (démocratie parlementaire) est resté depuis l’indépendance relativement stable, compte tenu de l’importance des rivalités ethniques et des problèmes économiques et sociaux encore considérables (croissance démographique, misère, etc.).

4.1 Organisation des pouvoirs

La Constitution indienne de 1950 est l’une des plus longues et détaillées au monde. Elle instaure un régime parlementaire.

4.1.1 Pouvoirs exécutif et législatif

Le chef de l’État est le président de la République, élu pour un mandat de cinq ans par un collège électoral composé des membres des deux Chambres du Parlement et des Assemblées législatives des États et des territoires de l’Union. Il n’a qu’une autorité morale, et son rôle est essentiellement symbolique.

Le pouvoir exécutif est assuré par le Premier ministre, qui est généralement le chef de file du parti majoritaire à la Chambre haute. Le Premier ministre et son gouvernement sont responsables devant le Parlement.

Le pouvoir législatif appartient au Parlement, composé de deux Chambres. La Chambre haute est le Conseil des États (Rajya Sabha), composé de 233 membres élus pour six ans par les Assemblées législatives des États et des territoires de l’Union, et de 12 membres nommés par le président de la République. La Chambre basse est la Chambre du peuple (Lok Sabha), composée de 545 membres élus pour cinq ans au suffrage universel direct.

4.1.2 Gouvernement des États et administration locale

L’Union indienne est une république fédérale composée de 28 États et 7 territoires administrés directement par le gouvernement central.

La structure des gouvernements des États est calquée sur celle du gouvernement central. Chaque État est ainsi dirigé par un gouverneur nommé pour cinq ans par le président de l’Union. Les États de Bihar, du Cachemire, de Karnataka, du Maharashtra et de l’Uttar Pradesh ont un Conseil législatif et une Assemblée législative, les autres États disposant d’un Parlement unicaméral. La défense, les affaires étrangères, les communications, la monnaie, la banque et la douane relèvent notamment de la compétence exclusive du gouvernement central ; la police et l’ordre public, l’éducation, la santé publique et l’agriculture relèvent de la compétence des États. L’autorité centrale demeure prééminente. Des manœuvres administratives permettent parfois d’éviter l’explosion, dans un pays où les revendications identitaires sont très fortes. Ainsi, New Delhi préfère céder à tel ou tel groupe un conseil régional plutôt que d’accepter le démantèlement d’un État, comme en 1991 avec les militants pour un Gorkhaland indépendant du Bengale, ou avec les insurgés du Bodoland, dans l’État d’Assam, en 1993.

Les zones urbaines sont placées sous la responsabilité d’organismes municipaux, élus au suffrage direct, gérant la voirie, l’approvisionnement en eau, les égouts, le système sanitaire, les programmes de vaccination et l’éducation. Les zones rurales sont régies par le panchayati raj, système de conseils d’origine ancienne opérant à trois niveaux : village, quartier et district. Élus directement par et parmi les villageois, les panchayats sont responsables de diverses questions locales — production agricole, système de santé, voirie, etc.

4.1.3 Système judiciaire

Le droit a conservé une grande partie des lois élaborées par les Britanniques ; le Code pénal indien est ainsi toujours celui mis en place au milieu du xixe siècle. L’autorité judiciaire est exercée par un ensemble de cours nationales faisant respecter les lois de la République et des États. Tous les juges sont choisis parmi les membres de l’exécutif, toutefois, une multitude de garanties préservent leur indépendance. La plus haute instance judiciaire du pays est la Cour suprême : composée de 17 membres nommés par le président de la République, elle traite les litiges entre les États, et ceux opposant les États à l’administration centrale. Une Commission électorale désignée par le président est chargée de fixer les procédures électorales et de veiller au bon déroulement des scrutins.

4.2 Partis politiques

Le Congrès national indien (Indian National Congress), créé en 1885, a conduit l’Inde vers l’indépendance, proclamée en 1947. En 1969, certains membres du Parti du Congrès font sécession pour former l’Indian National Congress-Organization (ou Congress-O). L’Indian National Congress-Indira (ou Congress-I) est fondé en 1978 par Indira Gandhi. Après avoir dominé la vie politique indienne pendant près d’un demi-siècle, le parti du Congrès cède durablement la place en 1996 au Parti du peuple indien (Bharatiya Janata Party, BJP), dirigé par Atal Bihari Vajpayee ; cette formation, fondée en 1980, axe son programme sur le nationalisme hindou et, après avoir recruté parmi les castes supérieures, parvient à étendre son audience aux classes moyennes urbanisées. Le parti du Congrès, présidé par Sonia Gandhi — la veuve de l’ancien Premier ministre Rajiv Gandhi —, revient cependant au pouvoir à l’issue des élections législatives de 2004, fort de sa popularité auprès des masses rurales.

Le Communist Party of India (CPI), créé en 1925 — il se scinde en 1964, donnant naissance au Communist Party of India-Marxist (CPI-M) —, est un autre parti influent du pays, notamment au Bengale-Occidental et au Kerala. Les extrémistes hindous sont regroupés dans le Jana Sangh, dominé par les nationalistes ultras de la RSS, la Rashtriya Sevak Sangh (Association des volontaires nationaux). L’organisation politique régionale est marquée par une multitude de partis, souvent au pouvoir, à l’instar de la Conférence du Jammu-et-Cachemire, ancienne Ligue musulmane (IUML) toujours très présente au Kerala, ou encore l’Asom gana parishad, le Parti régionaliste assamais. L’Akali dal est un parti sikh.

Le paysage politique indien est en outre marqué depuis les années 1990 par l’émergence de nombreuses formations ; outre les partis défendant les intérêts des basses castes ou des sans caste (tels que le Bahujan Samaj Party, le parti des sans caste), de plus en plus de partis représentent les intérêts musulmans.

4.3 Défense nationale

En 2003, l’État a consacré 2,6 % du PIB aux dépenses de la défense nationale. La même année, l’armée de terre comptait 1 100 000 hommes, la marine 55 000 hommes et l’armée de l’air 170 000 hommes. L’armée ne s’implique pas en politique ; en revanche, elle est engagée dans les opérations de répression des divers mouvements de guérilla qui ont lieu dans certaines régions de l’Inde. La police interne est quant à elle du ressort des États, et non du gouvernement central.

5 ÉCONOMIE
5.1 Historique

L’Inde a longtemps souffert d’une gestion centralisée (au niveau de la fédération comme au niveau des différents États) et d’une tradition protectionniste qui remonte aux premières années de l’indépendance. Jawaharlal Nehru, qui a lancé le premier plan quinquennal en 1951, a en effet été l’instigateur d’une économie très protégée, étatisée et centralisée. Sous son impulsion, l’État s’est peu à peu arrogé le contrôle des secteurs clés de l’économie, tout en exerçant un droit de regard sur le secteur privé. Des mesures protectionnistes — tarifs douaniers, diverses barrières à l’importation — ont été prises pour protéger les industries nationales. Ce système a permis à l’Inde de développer ses industries, de préserver son marché intérieur en atteignant l’autosuffisance alimentaire, et de devenir un des grands exportateurs mondiaux de céréales.

À partir de 1991, sous la direction de Narasimha Rao, l’Inde prend le tournant de la libéralisation économique, avec la diminution des barrières douanières et l’ouverture aux investissements étrangers. Les dépenses publiques, l’inflation, le remboursement des dettes et le déficit de la balance des paiements diminuent. À partir de 1991, la majorité des États de l’Union ouvrent leurs portes aux investisseurs étrangers, tout en limitant les contrôles exercés sur le secteur privé et en autorisant la privatisation de certaines entreprises publiques. L’investissement ne bénéficie cependant pas à tous les États de l’Union dans la même mesure ; cinq États principaux (Andhra Pradesh, Gujarat, Karnataka, Maharashtra et Tamil Nadu) apparaissent largement privilégiés (en recevant les deux tiers de l’investissement privé), au détriment de sept États défavorisés (Assam, Bihar, Madhya Pradesh, Orissa, Rajasthan, Uttar Pradesh et Bengale-Occidental.

5.2 Généralités

Dans les années 2000, l’Inde figure parmi les dix grands marchés internationaux émergents, et comme une véritable puissance mondiale : en 2006, son produit intérieur brut (PIB) de l’Inde atteignait 912 milliards de dollars, soit l’un des premiers au monde. Le taux de croissance, qui dépassait à peine 3 % par an entre 1970 et 1980, a plus que triplé en quinze ans avant d’atteindre 9,2 % en 2006. Le pays parvient en outre à maintenir à un faible niveau son endettement et à maîtriser son taux d’inflation. Le décollage de l’économie indienne est principalement imputable aux activités de services et au développement des hautes technologies ; sa croissance est cependant de plus en plus portée par l’essor remarquable des secteurs manufacturiers et de la construction. En créant des emplois, cette tendance peut permettre à l’Inde, l’un des pays les plus pauvres au monde en dépit d’une croissance économique parmi les plus élevées du monde, de sortir de cette situation paradoxale.

5.3 Agriculture, forêts, pêche

L’agriculture est une activité primordiale pour l’économie de l’Inde, car si celle-ci est devenue une grande puissance industrielle, elle est encore un pays rural. En 2006, le secteur primaire employait 66,7 % des actifs et représentait 18 % du PIB — ce chiffre connaît une baisse rapide puisqu’il était de 28 % en 1995 et de 23 % en 2000. Dans les années 1970, sous le régime d’Indira Gandhi, le pays s’est lancé dans une « révolution verte « destinée à améliorer les rendements agricoles et à réduire les risques de famines. Les nets progrès réalisés dans ce domaine (la balance agricole est désormais excédentaire) ne se sont pas pour autant accompagnés d’une remise en cause du système de la propriété terrienne (deux tiers de métayers et 20 % de petits propriétaires). La plupart des exploitations sont de très petite taille, et plus d’un tiers sont trop réduites pour répondre aux besoins des familles qui les exploitent, issues généralement des castes inférieures. Le développement de l’agriculture et de la productivité agricole passe par des efforts de modernisation et d’irrigation.

5.3.1 Cultures et élevage

Le riz, aliment de base d’une grande partie de la population indienne, occupe à lui seul un quart des surfaces cultivées — pratiquée dans les régions les plus pluvieuses, la riziculture concerne principalement la basse plaine du Gange ainsi que les côtés orientales et occidentales. L’Inde est le 2e producteur mondial de riz, avec 137 millions de tonnes en 2006. Le blé constitue la culture de base dans le nord du pays (69,3 millions de tonnes). Les autres cultures importantes sont le millet et les arachides (dans les régions plus sèches du centre et du nord-ouest), ainsi que le thé (de Darjeeling notamment), le café et le caoutchouc naturel (dans les zones proches de l’Himalaya et les Ghats occidentaux). L’Inde produit également de la canne à sucre, du coton, des pommes de terre, du maïs, de l’orge, du soja, des graines de lin, du sorgho et diverses épices.

Le pays dispose du premier cheptel bovin au monde (vaches et buffles), mais il est souvent de qualité médiocre, les animaux manquant de nourriture et les vaches donnant relativement peu de lait. L’hindouisme les considère comme des animaux sacrés, et leur mise à mort est interdite.

5.3.2 Forêts et pêche

Les forêts couvrent environ 21 % de la superficie totale du pays. L’exploitation forestière, importante dans les régions montagneuses du Nord — Assam, régions bordant l’Himalaya —, permet de fournir du bois d’œuvre et du charbon de bois, source énergétique essentielle pour les habitants, ainsi que des fruits, des noix, des fibres, des huiles, du caoutchouc et diverses résines. L’Inde est un important producteur de bois, avec 329 millions de m3 débités en 2006.

La pêche occupe une place importante, avec 6,32 millions de tonnes de prises en 2005. Dans certaines régions comme le delta du Gange, le Bengale et la côte sud-ouest, ce secteur joue un rôle économique prépondérant. Afin d’encourager la pêche hauturière, les autorités ont fait construire des pêcheries et financé la construction de bateaux. Cependant, l’exploitation excessive des eaux devient problématique pour l’environnement de certaines régions.

5.4 Mines et industries

En 2006, le secteur secondaire employait 12,9 % des actifs et constituait 28 % du PIB.

5.4.1 Mines et énergie

L’Inde dispose d’importantes ressources minérales, et exploite principalement ses réserves de charbon, dont il est l’un des premiers producteurs au monde (366 millions de tonnes) ; le pays produit également du minerai de fer, de la bauxite, du plomb, du manganèse, du mica, de l’ilménite, du cuivre, de l’apatite, du titane, du zinc, de l’or et de l’argent. Si l’exploitation des réserves pétrolières a fourni 241 millions de barils en 2004 — en constante augmentation, celle-ci se concentre dans les États du Gujarat, d’Assam et dans le golfe de Cambay (gisements offshore) —, l’Inde doit importer environ 70 % de son pétrole et 20 % de sa consommation de gaz naturel (pour une production de 27,1 milliards de m3).

La production d’électricité (556,8 milliards de kilowattheures en 2003) ne permet de couvrir la totalité des besoins. Son origine est pour 84 % d’origine thermique, pour 12 % d’origine hydroélectrique, et pour 3 % d’origine nucléaire — un accord de coopération nucléaire signé en 2007 avec les États-Unis doit permettre de développer la part de l’énergie nucléaire.

5.4.2 Industries

L’industrie est diversifiée et puissante. Elle est traditionnellement concentrée autour de cinq pôles principaux : New Delhi, Bangalore, Calcutta, Bombay et Madras (les trois derniers étant favorisés par leur ouverture sur la mer, qui facilite les exportations). La plupart des Indiens employés dans ce secteur travaillent pour des micro-entreprises de sous-traitance, qui dépendent de quelques grands groupes industriels (sidérurgie et métallurgie notamment). L’industrie textile (coton, soie) est l’une des plus anciennes et reste très importante. La technologie de pointe, et en particulier le développement de logiciels, constitue un secteur de croissance récent et performant ; elle doit à Bangalore, centre de cette industrie, le surnom de « Silicon Valley indienne «. Le tissu industriel repose également sur l’agroalimentaire (thé, céréales, graines oléagineuses, sucre, tabac), la métallurgie, le matériel de transport (construction automobile), la pétrochimie et les appareils électriques.

5.5 Secteur tertiaire : services, finances et commerce

En 2006, le secteur tertiaire employait 20,3 % des actifs et constituait 55 % du PIB. En pleine expansion depuis les années 1980, il repose notamment sur les services, en particulier dans le domaine des technologies de l’information et de l’informatique : favorisée par une main d’œuvre à bas coûts, qualifiée et anglophone, l’Inde a notamment accueilli une première vague de délocalisations de centres de services (tels que les centres d’appel), avant de développer aussi des centres de gestion et de logistique.

La banque centrale indienne, la Reserve Bank of India, a été créée en 1934. L’unité monétaire est la roupie indienne, divisée en 100 paise (1 roupie indienne = 0,018 euro en février 2005).

En 1947, le pays disposait de l’un des réseaux coloniaux de transport les plus développés. Les réseaux ferroviaire et routier, implantés sous l’autorité britannique, sont en effet à la base des infrastructures actuelles. Le chemin de fer, qui compte 63 465 km de voies, est utilisé majoritairement pour les longues distances et le transport des marchandises. Seulement 47 % des 3 millions de kilomètres de routes sont goudronnées, et l’état du réseau routier est très insuffisant. Le réseau aérien et le trafic se développent rapidement ; depuis 1991, certaines lignes intérieures sont ouvertes aux compagnies aériennes privées.

Les relations commerciales avec l’étranger sont longtemps restées bridées par la politique protectionniste des autorités indiennes. À la faveur de la libéralisation de l’économie, intervenue dans les années 1980, l’Inde a commencé à importer de plus en plus de biens de consommation, tout en important toujours du pétrole et des matières premières. Traditionnellement, l’Inde exporte des produits agricoles mais, depuis les années 1970, les exportations se sont diversifiées au profit des biens manufacturés (machines, textiles, produits chimiques, bijoux et pierres gemmes, articles en cuir). Les principaux partenaires commerciaux du pays sont les États-Unis, la Chine l’Union européenne et les Émirats arabes unis (à l’importation).

6 HISTOIRE

Jusqu’en 1947, date de la partition de la péninsule indienne en deux États distincts (Inde et Pakistan), l’histoire de l’Inde correspond à celle de la péninsule toute entière ; elle inclut donc l’histoire des États récents que sont le Pakistan et le Bangladesh. L’histoire de cette Inde ancienne est traditionnellement divisée entre l’Inde du Nord (autour des bassins de l’Indus et du Gange) et l’Inde du Sud (formée du plateau du Dekkan et de l’Inde tamoule, ou dravidienne).

6.1 L’Inde ancienne
6.1.1 Les origines
6.1.1.1 Les premiers peuplements

Les premières traces d’une présence humaine dans la péninsule indienne remontent à 400 000 ans avant notre ère ; en témoignent des sites mis au jour par les archéologues en bordure de la Narmada (nord de la côte occidentale), dans la région de Madras (sud de la côte orientale) et dans le bassin de l’Indus (nord-ouest de la péninsule). Le peuplement aurait ensuite gagné, au paléolithique, le bassin du Krishna (centre de la péninsule) et la région du Dekkan. L’apparition d’une industrie de microlithes est attestée dans de nombreux sites du centre et du sud de l’Inde. De même, les peintures rupestres du Madhya Pradesh témoignent de l’émergence d’une civilisation de chasseurs. Les premières cultures sédentarisées, à Mehrgarh au Baloutchistan (aujourd’hui au Pakistan) et dans le sud du Dekkan, datent du néolithique.

6.1.1.2 La civilisation de l’Indus

La civilisation de l’Indus — dite aussi civilisation harappéenne — est la première civilisation majeure que connaît la péninsule indienne. Dès le IVe millénaire av. J.-C., une population semi-sédentaire s’installe autour de l’Indus et d’un fleuve aujourd’hui asséché, la Sarasvati. Éleveurs et agriculteurs, ces hommes connaissent les techniques élémentaires de l’irrigation ; ils fabriquent aussi une remarquable céramique polychrome. C’est également à cette époque qu’apparaissent les premiers bourgs : les archéologues en ont recensé plus de 2 000, entre les contreforts de l’Himalaya et la mer d’Oman. La civilisation de l’Indus, dont les principales cités sont Harappa, Mohenjo-Daro et Rakhigarhi, connaît son apogée entre 2500 et 1800 av. J.-C. Les Indusiens cultivent les céréales et le coton, et commercent avec les populations du golfe Persique. Cette civilisation disparaît vers le milieu du IIe millénaire av. J.-C.

6.1.1.3 Les invasions aryennes et l’Inde védique

Venus d’Asie centrale, les premiers Aryens pénètrent en Inde vers l’an 1500 av. J.-C. Le Rigveda (un recueil de textes sacrés datant de 1200 av. J.-C.) les présente comme des tribus de bergers, combattant un à un les peuples hostiles à leur implantation. L’expansion aryenne se poursuit au cours du Ier millénaire av. J.-C., du nord de l’Himalaya jusqu’aux monts Vindhya. Ces Aryens sont à l’origine du système des castes, de la religion védique et de l’utilisation du sanskrit. La moitié sud de la péninsule indienne est touchée plus tardivement par l’implantation aryenne. Progressivement, les tribus traditionnelles disparaissent au profit de petites républiques, voire de royaumes, où le système des castes est rapidement instauré. Concomitamment à l’extension de leur aire d’implantation, la croyance des Aryens évolue vers le brahmanisme, puis l’hindouisme — ce sont également des Aryens, membres de la caste noble (les kshatriya), qui fondent le bouddhisme et le jaïnisme au vie siècle av. J.-C.

6.1.2 L’empire Maurya (321-185 av. J.-C.)
6.1.2.1 Le Magadha, berceau de l’empire Maurya

Vers le milieu du vie siècle av. J.-C., le royaume aryen du Magadha (situé dans l’actuel Bihar, nord-est de l’Inde) devient l’un des plus importants de la péninsule indienne. Montant sur le trône vers 553 av. J.-C., Bimbisara — un contemporain du Bouddha et de Mahavira (fondateur du jaïnisme) — est le premier des souverains du Magadha à se lancer dans la conquête des territoires indiens voisins. La suprématie du Magadha est à l’origine d’une première unification en Inde, sous l’autorité d’un empereur. Avec la dynastie des Nanda, le royaume prend, au ive siècle av. J.-C., le contrôle d’une vaste région comprise entre le Pendjab, au nord-ouest, et le Bengale, à l’est.

Le nord-ouest de la péninsule est pour sa part en proie aux campagnes d’Alexandre le Grand, lequel, vainqueur des Perses, s’empare du Pendjab en 326 av. J.-C. Ses successeurs, les dynastes grecs de Bactriane, occupent l’Inde du Nord-Ouest jusqu’à Delhi ; de leur conversion au bouddhisme naît la civilisation gréco-bouddhique du Gandhara (région comprenant aujourd’hui le nord-est de l’Inde, une partie du Pakistan et l’Afghanistan). La conquête grecque du nord-ouest de la péninsule a pour conséquence de laisser le champ libre à l’est pour les souverains du Magadha.

6.1.2.2 L’apogée de l’empire Maurya

En 321 av. J.-C., Chandragupta tue le dernier représentant des Nanda, et s’empare du royaume de Magadha, avant d’étendre son autorité vers le sud, jusqu’à la Narmada. Ses descendants poursuivent la conquête jusqu’aux plateaux du Mysore, l’extrême sud de la péninsule ne se soumettant que sous le règne d’Ashoka (v. 273-232 av. J.-C.). Le bouddhisme devient alors la religion dominante de l’empire. Ses préceptes sont enseignés dans des universités telles que celles de Nalanda et Taxila.

Le rayonnement de l’empire Maurya est considérable ; l’armée, forte de plusieurs centaines de milliers d’hommes, assure sa stabilité politique. L’organisation de la société, hiérarchisée en castes, y contribue aussi fortement. Dans la capitale impériale, Pataliputra (actuelle Patna), baignée par le Gange, se dresse alors un superbe palais, dont les vestiges témoignent de l’influence de la Perse.

Après la disparition d’Ashoka, l’unité de l’empire Maurya se révèle finalement assez fragile. Plusieurs dynasties se succèdent à la tête d’un empire de plus en plus réduit. Cette période est également marquée par la cabale qui aboutit à la contestation du bouddhisme et à l’avènement du brahmanisme, entre 184 et 72 av. J.-C.

6.1.2.3 Les invasions chinoises

Vers la fin du ier siècle av. J.-C., les Scythes (appelés Saka ou Shaka en Inde), chassés de la mer d’Aral par les Yuezhi, occupent une grande partie de l’Inde occidentale. À leur tour, les Yuehzi envahissent la région. L’un des leurs fonde vers 40 av. J.-C. la dynastie des Kouchans (dite aussi Kushan ou Kushana), qui domine par la suite une grande partie du nord de la péninsule. Des relations commerciales et diplomatiques s’établissent avec l’Empire romain, par le biais de la route de la Soie. Le bouddhisme s’épanouit à nouveau sous le règne de l’empereur et mécène Kanishka, qui contribue fortement à l’épanouissement de l’art gréco-bouddhique du Gandhara.

6.2 L’Inde classique
6.2.1 L’empire Gupta (v. 320-v. 540)

Après plusieurs siècles d’instabilité politique, l’émergence de l’empire Gupta, vers 320 apr. J.-C., inaugure une ère de croissance économique et de développement culturel d’un siècle et demi environ. Fondée par un nouveau Chandragupta, dit Chandragupta Ier (qui règne de 320 à 335), la dynastie s’impose progressivement en Inde du Nord. Ses successeurs unifient bientôt la péninsule. L’empire Gupta est ainsi considéré comme l’âge d’or de l’art de l’Inde classique ; sculptures et peintures murales de l’époque Gupta témoignent en effet d’une grande maîtrise artistique (voir art indien). L’invasion des Hephtalites (ou « Huns blancs «) et l’indépendance croissante des feudataires par rapport au pouvoir central conduisent, vers 540, à la chute de l’empire, qui a connu son apogée sous le règne de Chandragupta II.

En Inde du Nord, la chute des Gupta laisse le champ libre à Harsa (dernier grand monarque bouddhiste de l’histoire indienne), qui fonde en 606 un puissant royaume qui ne lui survit pas. À sa mort se crée une multitude de petits États et principautés, dont les rivalités entraînent une période de troubles qui ne prend fin qu’au début du xie siècle. À la même période, plusieurs royaumes se constituent en Inde du Sud (dynasties des Pallava, des Chola, etc.).

6.2.2 L’implantation de l’islam
6.2.2.1 Les invasions musulmanes

L’Inde du Nord, morcelée, recouvre paradoxalement son unité avec les invasions musulmanes. Dans l’ouest de la péninsule, favorisée par l’éclatement politique, émerge une nouvelle puissance solidement unifiée par l’islam, dirigée par le chef de guerre Mahmud de Ghazni (membre de la dynastie afghane des Ghaznavides). Au nom de la guerre sainte, celui-ci lance, entre 1000 et 1027, une série d’expéditions victorieuses contre les hauts lieux de religion et de pouvoir qu’étaient, entre autres, Mathura et Kanauj. Vers 1025, Mahmud a déjà pillé de nombreuses villes indiennes, dont le très riche port de Somnath, et annexé le Pendjab. Les querelles de pouvoir qui opposent ses successeurs laissent à l’Inde plus d’un siècle de répit mais, au xiie siècle, le pays suscite à nouveau la convoitise des envahisseurs.

Mohammad de Ghur est vraisemblablement le véritable instigateur de la présence musulmane en Inde. Après avoir conquis la plaine indo-gangétique à l’ouest de Bénarès (prise de Delhi en 1193), il progresse rapidement vers l’est, et s’empare du Bengale quelques années plus tard, en 1202.

6.2.2.2 Le sultanat de Delhi (1206-1526)

À la mort de Mohammad de Ghur, en 1206, Qutb al-Din Aibak (l’un de ses esclaves d’origine turque) prend le titre de sultan, acte fondateur du sultanat de Delhi. Le musulman Aibak est également à l’origine d’une dynastie, dite « des Esclaves «, qui se maintient jusqu’en 1290. À cette dynastie succède celle des Khalji, dont le second souverain, Ala al-Din Khalji (1296-1316), s’illustre par sa volonté de renforcer le royaume. Ses conquêtes sont nombreuses — Dekkan et Gujarat notamment —, toutefois, les Mongols ont déjà commencé à s’infiltrer par le nord du territoire qu’il contrôle. Durant la troisième dynastie musulmane, celle des Tughluq (1320-1413), le sultanat de Delhi connaît un fort recul ; l’empire est déchiré par des conflits, et certaines régions font sécession (en témoigne le royaume hindou de Vijayanagar, dans le centre du Dekkan).

Ainsi, lorsque le conquérant mongol Tamerlan mène ses troupes en Inde, il ne rencontre qu’une assez faible résistance. Son invasion victorieuse est parachevée par la destruction de Delhi et le massacre de ses habitants, en 1398. Il quitte l’Inde un an plus tard, laissant Delhi ravagée et en proie à la famine. À partir de 1414, le premier roi Sayyid y établit sa dynastie, jusqu’en 1451, date à laquelle Buhlul Lodi, fondateur de la lignée des Lodi, s’empare du trône de Delhi. Il règne pendant près de quarante ans, et réussit à conquérir une grande partie de l’Inde du Nord. La dynastie des Lodi s’effondre en mai 1526 (première bataille de Panipat), victime notamment des raids lancés par Babur (le « Tigre «), roi de Kaboul et arrière-petit-fils de Tamerlan. Après avoir vaincu Ibrahim, dernier des Lodi, Babur occupe toute la vallée du Gange et fonde l’Empire moghol.

6.2.3 L’Empire moghol (1526-1857)
6.2.3.1 Splendeur des Grands Moghols

Akbar, petit-fils de Babur, est le plus grand des empereurs moghols. Durant son règne (1556-1605), il place sous son autorité les princes rebelles de nombreuses régions — Pendjab, Rajputana, Gujarat — et conquiert le Bengale, le Cachemire, le Sind et l’Orissa. Doté de remarquables compétences d’administrateur, il favorise le commerce, instaure un système d’imposition équitable et encourage la tolérance religieuse. Son fils Jahangir lui succède sur le trône d’Agra (devenue capitale sous Babur) en 1605 et, sous le règne de son successeur, Shah Jahan (1628-1658), l’Empire moghol atteint son apogée culturelle et l’âge d’or de son architecture monumentale — avec notamment la construction du Taj Mahal.

Shah Jahan est destitué en 1658 par son fils, Aurangzeb, qui déclare la guerre aux royaumes autonomes de l’Inde. La stabilité de son régime est minée par les victoires des Marathes, ainsi que par les oppositions populaires soulevées par son fanatisme religieux et sa politique hostile aux hindous. Son règne s’achève en 1707, date de sa mort.

6.2.3.2 Du déclin à un État fantoche

La première moitié du xviiie siècle est marquée par le déclin de l’Empire moghol. Gouverné par des souverains fantoches (entre 1707 et 1857), il finit par disparaître en tant qu’État. Hyderabad, fondé en 1712, est l’un des premiers grands États à acquérir son indépendance. Des invasions perses et afghanes accélèrent la chute de l’empire. L’armée du souverain perse Nader Chah pille Delhi en 1739, emportant dans son butin un énorme diamant, le Koh-i-Noor, ainsi qu’un fabuleux trône en forme de paon en or massif incrusté de pierres précieuses.

En 1756, Delhi est assaillie par Ahmad Chah Dorrani, souverain afghan. L’armée de ce dernier est de nouveau victorieuse, en janvier 1761 à Panipat, des forces combinées des Marathes et des sikhs. Cependant, malgré la présence séculaire dans la péninsule de royaumes ou d’emprises musulmans, l’islam est demeuré minoritaire, religion d’États plus que de peuples (lesquels demeurent fidèles aux préceptes de l’hindouisme). La péninsule indienne, sujette à d’âpres rivalités coloniales entre les puissances maritimes européennes, est déjà en partie acquise à l’autorité britannique au milieu du xviiie siècle.

6.2.3.3 L’installation des premiers comptoirs européens

Le 27 mai 1498, Vasco de Gama jette l’ancre dans le port de Calicut, sur la côte de Malabar. Les Portugais sont les premiers Européens à établir des comptoirs commerciaux en Inde, dont celui de Goa, fondé en 1510 par le navigateur Afonso de Albuquerque. Ils obtiennent d’ailleurs le monopole du commerce maritime avec l’Inde, et le conservent pendant un siècle. Au début du xviie siècle cependant, les Anglais (en 1600) et les Hollandais (en 1602) créent à leur tour des Compagnies des Indes orientales, afin de concurrencer les produits portugais. La Compagnie anglaise des Indes orientales négocie avec l’empereur moghol Jahangir et parvient à fonder, en décembre 1612, le premier comptoir commercial anglais à Surat, dans le golfe de Khambhat.

En dépit de la concurrence portugaise et hollandaise, les Anglais parviennent à s’imposer durablement en Inde au cours du xviie siècle. La Compagnie anglaise des Indes orientales élargit progressivement sa sphère d’influence, notamment en Orissa (1633) ainsi qu’à Madras (1639) et à Bombay (rachetée au Portugal en 1661). En 1690, elle fonde Calcutta, qui devient la première capitale des Indes britanniques. Les Français, par l’intermédiaire de Jean-Baptiste Colbert, créent quant à eux la Compagnie française des Indes orientales en 1664.

En 1746, le gouverneur général des établissements français en Inde, Joseph François Dupleix, s’empare de Madras avec le soutien de la flotte de Mahé de La Bourdonnais. La ville est restituée aux Britanniques en 1748, en vertu du traité d’Aix-la-Chapelle. En 1751, un nouveau conflit éclate et s’achève par la victoire britannique, remportée par Robert Clive sur Siraj-ud-Dawlah (le nabab du Bengale), à Plassey, en juin 1757. Aux termes de l’accord signé à la fin du conflit européen, le traité de Paris (1763), la France ne conserve en Inde que quelques comptoirs commerciaux. Les Britanniques, ayant remporté la bataille militaire et commerciale, se lancent alors sans retenue dans la colonisation.

6.3 L’Inde britannique
6.3.1 La Compagnie britannique des Indes orientales
6.3.1.1 L’essor de l’emprise britannique

L’influence britannique grandit à mesure que l’Empire moghol périclite. L’issue de la bataille de Panipat de 1761 laisse ainsi le champ libre aux ambitions de la Couronne. Sous l’impulsion du gouverneur Warren Hastings, les Britanniques remportent à la fin du xviiie siècle plusieurs victoires décisives contre les Marathes, alors principale force politique de la péninsule indienne.

Pour atteindre leurs objectifs, les Britanniques ont recours à leur puissance militaire, mais également à la corruption et à la manipulation politique des princes locaux, dont la dépendance à l’égard de la Couronne est savamment maintenue. La résistance de certains États indiens — Confédération marathe, Mysore, Sind, Pendjab — demeure vaine face à la puissance de la Compagnie britannique des Indes orientales. Une ultime série de conquêtes assure au Royaume-Uni le contrôle du Sind (en 1843), du Cachemire (en 1846), du Pendjab (en 1849) et de la basse Birmanie (en 1852). L’Inde devient ainsi progressivement une pièce maîtresse du royaume victorien, à la fois source intarissable de revenus par le truchement des impôts et débouché commercial considérable pour une industrie britannique naissante.

La Compagnie britannique des Indes orientales, qui dispose de positions stratégiques dans le Bengale et dans la région du Dekkan, joue à cet égard un rôle central. Progressivement, elle devient l’instrument du gouvernement britannique, relayé par les princes locaux. De son statut initial de société commerciale, elle se transforme en 1773, par le Regulating Act, en un organisme semi-officiel du gouvernement britannique. En 1813, le Charter Act ouvre la Compagnie aux entreprises privées. Vingt ans plus tard, enfin, la Compagnie perd son monopole commercial, pour être réduite à une représentation du gouvernement britannique. Sa disparition, en 1858, accroît encore la dépendance de l’Inde vis-à-vis du Royaume-Uni.

La colonisation britannique contribue indubitablement à l’essor économique de l’Inde. Le développement des communications, notamment du chemin de fer dans les années 1850, donne à la production locale des débouchés inespérés. Les services de la poste et du télégraphe sont eux aussi créés à cette époque.

6.3.1.2 La société coloniale

L’immense empire sur lequel règnent les Britanniques est constitué, d’une part, de territoires directement administrés par la Couronne et, d’autre part, d’une multitude de territoires « autonomes « dirigés par l’aristocratie locale (sous le contrôle étroit du colonisateur, qui met en place une administration puissante et centralisée). La société reste en outre régie par le système traditionnel des castes : au bas de l’échelle, la main-d’œuvre, souvent issue de la caste des « intouchables «, obéit à une classe de petits propriétaires très largement dépendante de la caste dirigeante, celle des grands propriétaires terriens. À ce schéma traditionnel, les Britanniques tentent cependant d’apporter quelques améliorations avec, en 1793 notamment, une réforme instaurant le droit à la propriété. De grandes exploitations agricoles tournées vers l’exportation apparaissent également, mais au détriment de l’agriculture villageoise.

6.3.1.3 La révolte des cipayes, première contestation à la colonisation

Gouverneur général de la Compagnie des Indes orientales entre 1848 et 1856, James Ramsay amorce le tournant dans la politique britannique en Inde. En 1849, il annexe le Pendjab au prix d’une sanglante répression, prend le contrôle de plusieurs États, ce qui soulève une profonde hostilité au sein de la noblesse et du peuple. Parallèlement, les inégalités sociales s’accentuent, en particulier dans les campagnes, et les privilèges douaniers accordés aux importations britanniques entravent la production locale ; le développement industriel est pour sa part quasi nul jusqu’à la fin du xixe siècle.

La révolte des cipayes, soldats indigènes servant dans l’armée britannique des Indes, constitue la première crise grave à laquelle les Britanniques sont confrontés, en 1857. Bien plus qu’une simple mutinerie, cet épisode marque le début d’une véritable contestation de l’autorité de la Couronne. Le pouvoir met plusieurs mois à faire rentrer les soldats dans leurs casernes. Le mouvement est toutefois anéanti l’année suivante, les rebelles manquant d’organisation et ne parvenant pas à rallier à leur cause les Sikhs et les Gurkhas, ni les maharajas. La fin de la mutinerie est suivie de sévères représailles (notamment à Delhi, reprise après six jours de combats sanglants où des milliers de personnes sont fusillées, souvent sans jugement).

6.3.2 L’Empire britannique des Indes face à la marche vers l’émancipation (1858-1947)

À la suite de la révolte indigène de 1857, l’administration de l’Inde est réorganisée, avec l’Act for the Better Government of India. Voté par le Parlement britannique en 1858, ce texte place l’administration indienne sous l’autorité directe de la Couronne. Un secrétaire d’État pour l’Inde est nommé à Londres. Le gouverneur général de l’Inde, en l’occurrence lord Canning, devient vice-roi jusqu’en 1862.

Le 1er janvier 1877, le Premier ministre britannique Benjamin Disraeli fait proclamer la reine Victoria impératrice des Indes.

6.3.2.1 L’émergence du sentiment nationaliste et la montée des mouvements religieux

La détermination des Britanniques à rester maîtres de l’Inde ne peut cependant étouffer le ressentiment des Indiens les plus pauvres à l’égard de l’occupant. Les terribles famines qui frappent le pays (1,5 million de morts en Orissa en 1866) contribuent ainsi à attiser au sein de la population les aspirations nationalistes. Dès la fin du xixe siècle, les castes qui bénéficient de l’éducation britannique — une infime partie de la population — commencent à aspirer à une forme d’autonomie.

La création du Congrès national indien, en 1885, aiguise la conscience politique du peuple et relance le mouvement pour l’unification du pays. Jusqu’à 1900 environ, le Congrès est un parti de notables ; trois présidents britanniques se succèdent à sa tête. L’arrivée en politique d’hommes tels que Gopal Krishna Gokhale et Bal Gangadhar Tilak, deux brahmanes de caste supérieure, transforme néanmoins le Congrès en un parti indépendantiste. Soutenu par des personnalités intellectuelles, comme le poète Rabindranath Tagore, le Parti du Congrès multiplie les manifestations d’hostilité envers l’autorité britannique. Londres accentue alors la répression, et un Code pénal spécifique est adopté : les personnes accusées de trahison peuvent être jugées lors d’un procès sans jurés, et les fauteurs de troubles peuvent être déportés ou emprisonnés. À la fin du xixe siècle, le partage du Bengale par le vice-roi lord Curzon provoque la colère des milieux nationalistes et les premiers mouvements d’attentats terroristes en Inde. En 1909, l’India Councils Act accorde à l’Inde un certain degré d’autonomie, mais le mouvement nationaliste ne se contente pas de cette concession du pouvoir britannique. Le Parti du Congrès gagne de nouveaux adeptes.

Dès le début du xxe siècle, la minorité musulmane s’inquiète de ce que pourrait être son avenir dans une Inde libérée de la colonisation britannique. La Ligue musulmane indienne voit le jour en 1906, mais ses revendications dans le domaine politique ne sont pas encore très affirmées. Lorsque la Première Guerre mondiale éclate en 1914, hindous et musulmans se rallient dans un même élan à la cause britannique. Plus d’1,2 million d’Indiens participent ainsi à l’effort de guerre. Le mouvement nationaliste, silencieux dans un premier temps, reprend sa campagne à l’automne 1916 avec une déclaration commune émanant du Congrès national indien et de la Ligue musulmane (pacte de Lucknow, novembre 1916). Le gouvernement britannique fait en retour une déclaration de principe, en août 1917, qui promet d’accroître le nombre des Indiens dans chacune des branches de l’administration et de mettre progressivement sur pied des organes autonomes dans le pays. À la fin de la guerre, en 1918, le gouvernement britannique ne tient toutefois pas ses promesses, incitant les nationalistes indiens à cesser de réclamer des concessions pour exiger leur droit au svaraj, autrement dit à l’indépendance totale.

6.3.2.2 La résistance passive du Mahatma Gandhi

Le mouvement nationaliste ne donne sa véritable mesure que grâce au Mahatma (« grande âme « en sanskrit) Gandhi, dont les premières actions en faveur de l’indépendance datent de 1918-1919. Avec lui, la lutte pour l’indépendance devient la préoccupation de l’ensemble du peuple indien, et non celle des seuls intellectuels ou des hindous de caste supérieure.

À la fin de la Première Guerre mondiale, face au regain de nationalisme, les Britanniques reviennent sur leurs engagements et le Parlement de Londres vote les lois Rowlatt (mars 1919) ; elles prorogent la législation d’exception instaurée pendant la guerre qui suspendait les droits civiques en Inde. Gandhi appelle alors le peuple indien à répondre à la répression britannique par la résistance passive. En avril 1919, les troupes britanniques placées sous le commandement du général Dyer se livrent au massacre systématique d’une foule de manifestants pacifiques, à Amritsar.

Le massacre d’Amritsar a pour immédiate conséquence d’intensifier considérablement le mouvement anti-britannique, qui s’exprime notamment par la politique de non-coopération instituée par Gandhi en 1920. Conjuguée à la lutte parlementaire, cette attitude s’avère remarquablement efficace au cours du combat pour l’indépendance. Les opérations menées par Gandhi constituent pour l’administration britannique des actes de sédition ; le Mahatma est, avec d’autres activistes comme Sarojini Naidu, plusieurs fois emprisonné au cours des années 1920 et 1930.

En mars 1931, le gouvernement britannique conclut une trêve avec Gandhi, libéré en janvier avec d’autres prisonniers politiques, dont Jawaharlal Nehru, son associé le plus proche et secrétaire du Congrès. Pour les Britanniques, l’indépendance est devenue inévitable, la montée des revendications nationales et religieuses leur ayant rendu plus évidente encore la nécessité de se dégager du « bourbier « indien.

6.3.2.3 Le Government of India Act

Le 2 août 1935, le Parlement britannique adopte le Government of India Act, qui donne à l’Inde un statut beaucoup plus autonome : le pays constitue désormais une fédération de onze provinces, dotées chacune d’un gouvernement autonome et d’Assemblées élues au suffrage censitaire. Ces avancées encouragent encore le Parti du Congrès dans sa revendication de l’indépendance complète. Les Assemblées provinciales sont instituées, et les élections de 1937 donnent une large majorité au parti, toutefois, le projet fédéral est compromis par les antagonismes opposant les musulmans aux hindous. La Ligue musulmane propose alors la création d’un État musulman indépendant (le Pakistan), à laquelle les hindous s’opposent violemment.

6.3.2.4 La Seconde Guerre mondiale et la fin de la domination britannique

La Seconde Guerre mondiale (1939-1945) permet aux nationalistes indiens de renforcer leur assise dans la population, tandis que le Royaume-Uni se consacre aux combats en Europe. La participation de l’Inde à la lutte contre les puissances de l’Axe, tant sur le plan financier que militaire, n’en est pas moins considérable.

Dès 1939, le vice-roi des Indes, Victor Alexander John Hope, déclare la guerre à l’Allemagne, au nom de l’Inde. Cette décision, prise sans l’accord des dirigeants indiens, suscite la colère de Gandhi et du Congrès, qui mène alors campagne pour que la participation du pays à la guerre s’accompagne d’un engagement ferme d’indépendance complète. Le refus britannique incite le Congrès à reprendre sa campagne de désobéissance civile en 1940-1941, tandis que certains nationalistes ultras, comme Subhas Chandra Bose, rejoignent le camp de l’Axe. En parallèle, la Ligue musulmane et nombre des États princiers ainsi que plusieurs membres du Congrès soutiennent l’effort de guerre britannique.

En mars 1942, le gouvernement britannique dépêche le ministre sir Stafford Cripps en Inde ; outre la promesse d’accorder à l’Inde l’indépendance totale au terme de la guerre, celui-ci propose la mise en place d’un gouvernement indien de transition, qui prendrait en charge toutes les affaires du pays à l’exception de la défense nationale et des affaires étrangères. Londres se heurte à la détermination du Congrès et de la Ligue musulmane. En août 1942, Gandhi lance alors son fameux Quit India (« Renoncez à l’Inde «), et appelle à l’insurrection. Le mouvement de désobéissance civile est sévèrement réprimé ; Gandhi, Nehru et des milliers de leurs partisans sont arrêtés et emprisonnés, et le Congrès est déclaré hors-la-loi.

Après ce sinistre épisode, le gouvernement britannique émet d’ultimes propositions, accueillies par une nouvelle vague d’émeutes. Le vice-roi des Indes, sir Archibald Wavell, annonce alors la formation d’un gouvernement extraordinaire « prenant en charge « le pays. Un comité exécutif provisoire, dirigé par Jawaharlal Nehru, est constitué avec des représentants des grandes formations politiques, dont la Ligue musulmane.

En février 1947, le Premier ministre britannique Clement Attlee annonce que son gouvernement abandonnera son pouvoir à l’Inde avant le 30 juin 1948. Lord Mountbatten, nommé vice-roi en mars 1947, est chargé de gérer la période de transition. Les risques de guerre civile entre hindous et musulmans augmentent. Après avoir consulté les leaders indiens, lord Mountbatten accélère le processus, et l’indépendance est proclamée le 15 août 1947.

6.4 L’Inde indépendante (depuis 1947)

L’autorité gouvernementale de l’Union indienne revient à l’Assemblée constituante, chargée de rédiger la Constitution ; celle-ci confie l’exécutif au cabinet dont Jawaharlal Nehru devient le Premier ministre.

6.4.1 Le lourd héritage de la partition

Fondée sur des critères religieux, la division de l’Inde britannique en deux États distincts, l’Union indienne, qui regroupe les provinces à majorité hindoue, et le Pakistan, qui regroupe les provinces à majorité musulmane et le Bengale oriental, entraîne de dramatiques déplacements de population, notamment dans la région du Pendjab que le tracé de la frontière coupe en deux. Près de 8 millions de musulmans émigrent depuis l’Inde vers le Pakistan, et quelque 6 millions d’hindous et de sikhs vivant au Pakistan gagnent l’Inde. Ces bouleversements s’accompagnent de violences et de massacres. L’assassinat du Mahatma Gandhi par un extrémiste hindou, le 30 janvier 1948, s’inscrit dans ce contexte d’extrême tension entre les communautés.

La plupart des 552 États princiers de l’ancienne Inde britannique rejoignent volontairement l’Union indienne, à l’exception de ceux à majorité hindoue mais à souverain musulman : l’État princier de Junagadh (sur la presqu’île de Kathiawar) est intégré par la force en octobre 1947, de même que celui d’Hyderabad en septembre 1948.

Au Cachemire, État princier gouverné par un maharaja hindou mais peuplé majoritairement de musulmans, la partition entraîne dès octobre 1947 un conflit entre l’Inde et le Pakistan. Les combats, qui jettent des millions de réfugiés sur les routes et causent la mort de près de 500 000 personnes, prennent fin en janvier 1949 sous l’égide de l’ONU. Cette première guerre indo-pakistanaise permet au Pakistan d’occuper le tiers du Cachemire ; l’Inde, qui contrôle le reste du territoire au sein de l’État du Jammu-et-Cachemire, se refuse dans les décennies suivantes à organiser un référendum d’autodétermination.

6.4.2 L’Inde de Nehru (1947-1964) 
6.4.2.1 Stabilité gouvernementale et institutionnelle

L’Inde se dote rapidement d’institutions politiques solides en optant pour un régime parlementaire : l’Assemblée constituante approuve, le 26 novembre 1949, un volumineux projet de Constitution, et l’Inde devient officiellement une république fédérale le 26 janvier 1950. Rajendra Prasad, disciple de Gandhi et président de l’Assemblée constituante, est élu à la présidence de la République ; Jawaharlal Nehru est confirmé au poste de Premier ministre. Sous sa direction, l’Union indienne connaît une longue stabilité gouvernementale, caractérisée par la suprématie du parti qui a conduit le pays à l’indépendance, le Congrès national indien, aussi bien au niveau du gouvernement central que des gouvernements provinciaux.

Toutefois, le découpage des provinces au sein de la fédération entraîne des tensions liées aux diversités ethniques et linguistiques de la population, contraignant le gouvernement central à accepter le redécoupage des États indiens selon le critère de la langue. Ainsi, en 1956, l’Hyderabad est démembré entre les États d’Andra Pradesh, du Mysore (devenu Karnataka) et de Bombay ; en 1960, l’État de Bombay est lui-même divisé en deux États : le Maharashtra et le Gujarat. De même, le territoire naga, dans l’État d’Assam, obtient son statut d’État autonome (le Nagaland) en 1964. Enfin, les sikhs obtiennent la création d’un État sikh indépendant au Pendjab, l’Haryana, en 1966.

En outre, les principes démocratiques de la Constitution indienne, qui interdit toute discrimination fondée sur la race, la religion, la caste, le sexe et le lieu de naissance, bouleverse les structures traditionnelles de la société indienne en remettant en cause le système des castes et notamment l’intouchabilité, pratique ancestrale qui condamne 40 millions d’hindous à la misère économique et sociale.

6.4.2.2 Dirigisme d’État et non-alignement

Au plan économique, Nehru fonde le développement de l’Union indienne sur une politique de type interventionniste qui prend la forme d’une planification (quatre plans quinquennaux sont adoptés entre 1947 et 1974), d’un programme de nationalisations et d’un encadrement de l’entreprise privée. Le gouvernement privilégie l’essor des industries lourdes et parvient à augmenter considérablement la production industrielle — l’Inde devient exportatrice de produits manufacturiers. Les progrès de la production agricole ne permettent cependant pas de couvrir les besoins de la population, dont la croissance pose un défi majeur.

Cette politique économique, qui se double d’un fort protectionnisme — même si l’Inde est contrainte de recourir à l’aide étrangère, en particulier américaine —, s’accompagne d’une politique étrangère fondée sur la volonté de ne pas souscrire à la logique des blocs (américain et soviétique) dans le contexte de la guerre froide. L’Inde contribue activement à la conférence de Bandung (Indonésie, 1955), qui marque la naissance politique du tiers-monde et fonde le non-alignement, dont Nehru se fait le champion. Dans ce sens, le leader indien multiplie aussi les prises de position anticolonialistes.

6.4.2.3 Les conflits avec la Chine et le Pakistan

Le neutralisme indien connaît cependant des limites qui se manifestent dans une série d’offensives et de conflits. En 1961, l’armée indienne envahit et annexe les quelques enclaves encore portugaises en Inde : Goa, Daman-et-Diu. Les relations avec la Chine se détériorent en 1959 après qu’un soulèvement au Tibet (frontalier de l’Inde) provoque l’afflux massif de plusieurs milliers de réfugiés tibétains à Dharamsala (dans l’État d’Himachal Pradesh), où le dalaï-lama trouve refuge. Les escarmouches opposant les troupes chinoises et indiennes le long de l’Himalaya, de part et d’autre d’une frontière disputée, débouchent en 1962 sur une véritable guerre. La guerre sino-indienne tourne au désavantage des Indiens, mal préparés. Le Pakistan saisit cette occasion pour repasser à l’attaque au Cachemire : cette deuxième guerre-indopakistanaise (1965), marquée par la supériorité de l’armée indienne, aboutit, grâce à la médiation de l’Union soviétique, à l’accord de Tachkent (10 janvier 1966).

6.4.3 D’Indira à Rajiv Gandhi (1966-1984 ; 1984-1989)

À la mort de Nehru, en 1964, Lal Bahadur Shastri lui succède au poste de Premier ministre. Il meurt subitement en 1966, et c’est Indira Gandhi, fille de Nehru et leader du parti du Congrès, qui prend sa succession.

6.4.3.1 La troisième guerre indo-pakistanaise (1971)

Au plan international, l’Inde est d’autant plus isolée que sa défaite lors de la guerre sino-indienne est suivie d’une alliance entre le Pakistan et la Chine. Aussi se rapproche-t-elle de l’Union soviétique, avec laquelle elle signe un traité de paix, d’amitié et de coopération (août 1971). Ce rapprochement s’inscrit dans un contexte de tension extrême avec le Pakistan : depuis le mois de mars, la répression menée par l’armée pakistanaise contre la sécession du Pakistan-Oriental (territoire enclavé en Inde et constitué du Bengale oriental) provoque le déplacement de plusieurs millions de personnes dans l’État indien voisin du Bengale-Occidental. L’Inde entre finalement en guerre aux côtés du Pakistan-Oriental (décembre 1971), obligeant l’armée pakistanaise à se rendre. Cette troisième guerre indo-pakistanaise aboutit à la création de l’État indépendant du Bangladesh, que l’Inde est le premier pays à reconnaître. Les accords de Simla en 1972 consacrent la défaite complète du Pakistan, sans pour autant régler la question du Cachemire, au cœur du différend indo-pakistanais.

L’Inde, qui a effectué ses premiers essais nucléaires en 1974, arguant de la menace chinoise et pakistanaise, annexe en 1975 le Sikkim (territoire situé à la frontière avec le Népal, la Chine et le Bouthan), qui devient le 22e État de la République.

6.4.3.2 L’instauration de l’état d’urgence (1975-1977)

Au plan intérieur, Indira Gandhi infléchit la politique de son père en mettant en œuvre des réformes socialistes (notamment la nationalisation des banques). Si elle parvient à faire élire, en 1969, « son « candidat, Varahagiri Venkata Giri, à la présidence de la République contre le candidat officiel du parti du Congrès, sa politique et son intransigeance provoquent une scission au sein de la formation, menée notamment par les caciques et notables du Congrès. Cette scission fragilise durablement le parti du Congrès, qui dominait jusque-là le paysage politique indien et annonce la fin de son hégémonie.

Après la victoire confortable de son parti (Indira’s Requisition ou Congress-R) aux élections de 1971, Indira Gandhi doit faire face à une contestation croissante sur fond de crise économique et sociale. La situation de l’Inde se détériore en effet dans la première moitié des années 1970 : montée de l’inflation (liée au premier choc pétrolier), hausse du chômage, émeutes dues à la disette, grandes grèves ouvrières et manifestations étudiantes. Accusée d’avoir eu recours à la corruption lors de la campagne électorale de 1971, Indira Gandhi voit son élection annulée en 1975. Elle riposte en proclamant l’état d’urgence, et met en œuvre d’importantes mesures pour stimuler le développement économique du pays et diminuer la natalité. Ses méthodes très autoritaires, dont la centralisation politique, la censure de la presse et la stérilisation forcée dans certaines régions du pays, provoquent un mécontentement général. Lors des élections générales de 1977, le parti du Congrès perd le pouvoir au profit du parti Janata (parti du Peuple), vaste coalition créée contre le régime d’Indira Gandhi par Morarji Ranchhodji Desai, qui devient Premier ministre : l’Inde connaît sa première alternance politique.

La coalition gouvernementale menée par le parti Janata ne résiste cependant pas à ses divisions et, dès 1979, Morarji Desai doit démissionner. Les élections organisées en janvier 1980 consacrent la victoire du parti du Congrès, Indira Gandhi retrouve le poste de Premier ministre.

6.4.3.3 L’extrémisme sikh

En 1982, Indira Gandhi favorise l’accession à la présidence de la République de Zail Singh, le premier sikh chef de l’État. Le gouvernement central est confronté au début des années 1980 à une montée des antagonismes régionalistes. Au Pendjab, notamment, où les sikhs majoritaires réclament l’autonomie, il apporte dans un premier temps son soutien aux extrémistes qu’il tente d’instrumentaliser afin d’asseoir son propre pouvoir. Mais face à la radicalisation des extrémistes sikhs, Indira Gandhi proclame l’état d’urgence (1983). Le Temple d’or d’Amritsar, bastion de la résistance sikh et lieu saint de cette religion, est encerclé et occupé par les troupes indiennes le 2 juin 1984 ; des centaines de sikhs, parmi les militants et les pèlerins, sont tués. Le 31 octobre 1984, Indira Gandhi est assassinée par deux sikhs de sa garde personnelle ; en représailles, plusieurs milliers de sikhs sont massacrés.

6.4.3.4 Le déclin du Congrès et la montée des extrémismes religieux

Rajiv Gandhi est nommé Premier ministre quelques heures après le décès de sa mère. Si le pays est en proie à une communautarisation croissante et à l’émergence de résistances armées qui menacent son unité (au Pendjab, dans l’Assam et au Jammu-et-Cachemire), le fils d’Indira Gandhi hérite d’une situation économique relativement assainie et d’une accalmie sur le front des relations avec la Chine et le Pakistan. Ses tentatives pour négocier avec les militants modérés du Pendjab et de l’Assam ne permettent pas d’arrêter le terrorisme. Il s’efforce aussi de gagner la confiance des musulmans et des hindous en alternance, ce qui contribue à alimenter les intégrismes. En politique étrangère, il mène une offensive armée contre les séparatistes tamouls au Sri Lanka (1987). Défait aux élections de 1989, il est assassiné le 21 mai 1991, en pleine campagne électorale, par un fanatique tamoul.

Sous le choc, les électeurs donnent au parti du Congrès la majorité au Parlement, et Narasimha Rao devient Premier ministre.

6.4.4 L’instabilité gouvernementale après l’ère Nehru-Gandhi
6.4.4.1 Le gouvernement Rao et l’ouverture de l’économie indienne

Dans un contexte économique marqué par une dette grandissante, Narasimha Rao rompt avec le dirigisme de Nehru et prend le virage de la libéralisation économique. Cette politique, qui favorise l’initiative privée et les investissements étrangers et ouvre l’Inde sur le marché mondial, stimule la croissance mais contribue aussi à creuser les inégalités sociales et régionales. Au plan international, l’Inde s’efforce de donner à sa nouvelle stature de puissance économique un pendant diplomatique. Elle développe un rapprochement avec les États-Unis et normalise ses relations avec la Chine – en novembre 1996, elle reçoit la visite historique du président chinois Jiang Zemin.

Cette ouverture au monde s’accompagne cependant d’une montée des intégrismes religieux. La destruction, en décembre 1992, de la mosquée Babri Masjid (xvie siècle) d’Ayodhya (dans l’Uttar Pradesh) par des extrémistes hindous, provoque des émeutes meurtrières dans tout le pays (3 000 victimes environ, principalement musulmans) et marque le début d’affrontements intercommunautaires récurrents. La contestation du gouvernement Rao, alimentée par les effets de ses réformes libérales et les tensions religieuses, favorise la percée du Parti du peuple indien (Bharatiya Janata Party, BJP), mouvement nationaliste hindou. Lors des élections régionales de 1995, le parti du Congrès essuie des défaites importantes dans plusieurs de ses bastions, notamment en Inde du Sud (dans les États de Karnataka et de l’Andhra Pradesh) ainsi qu’au Maharashtra. Après sa défaite au niveau fédéral, en mars 1996, il perd le pouvoir et le pays connaît dès lors une forte instabilité gouvernementale.

6.4.4.2 L’accession au pouvoir des nationalistes hindous

Six gouvernements se succèdent jusqu’en 1999, aucun parti ne parvenant à obtenir la majorité parlementaire ou à conduire de coalitions stables. Le Parti du peuple indien (Bharatiya Janata Party, BJP) s’impose cependant en exploitant les antagonismes intercommunautaires et en se posant en défenseur de la communauté hindoue contre la minorité musulmane. Il parvient au pouvoir en mars 1998, à l’issue d’un scrutin entaché de violences. Le président Narayanan (1997-2002) — premier intouchable à être élu chef de l’État — nomme au poste de Premier ministre une personnalité modérée du BJP, Atal Bihari Vajpayee, qui forme un gouvernement de coalition. Après l’échec de la coalition gouvernementale, de nouvelles élections en avril 1999 portent de nouveau au pouvoir le BJP, qui parvient à gouverner pendant toute la durée de la législature. Celle-ci est notamment marquée en février 2002 par un embrasement des violences à la suite de l’incendie d’un train à Godhra (État de Gujarat) transportant des militants hindous d’extrême droite ; 58 personnes meurent dans l’incendie (principalement des femmes et des enfants), attribué à des extrémistes musulmans ; environ 2 000 personne sont tuées dans les représailles qui s’ensuivent.

Avec la volonté de compenser certaines de ces stratégies politiques pro-hindoues, le BJP favorise au mois de juillet 2002 l’élection à la présidence de la République — une fonction largement honorifique — du musulman Abdul Kalam (un scientifique, célèbre pour ses recherches militaires et spatiales).

6.4.4.3 La question du Cachemire : des missiles à la voie diplomatique

Depuis les années 1990, les heurts entre hindous et musulmans contribuent à détériorer les relations entre l’Inde et le Pakistan sur la question du Cachemire, théâtre d’affrontements sporadiques entre l’armée indienne et les séparatistes musulmans, soutenus par le Premier ministre pakistanais Benazir Bhutto. Le conflit latent avec le Pakistan franchit une nouvelle étape en 1998, lorsque l’Inde procède à des essais nucléaires, auxquels le Pakistan réplique par des essais nucléaires et des tirs de missiles. Condamnés par le Conseil de sécurité de l’ONU, ces essais entraînent des sanctions économiques de la part des États-Unis et du Japon et une dégradation des relations avec la Chine. Malgré la signature de la déclaration de Lahore portant sur l’information réciproque quant aux expérimentations nucléaires et sur la question du Cachemire (février 1999), la situation devient explosive au mois de mai suivant à la suite de l’infiltration de rebelles musulmans depuis le Pakistan au-delà de la ligne de contrôle. Le risque d’escalade entre les deux puissances nucléaires est cependant de nouveau écarté et, en 2001, New Dehli accueille la visite historique du président pakistanais Pervez Moucharraf.

Les attentats du 11 septembre 2001 menés contre les États-Unis par des fondamentalistes musulmans entraînent d’importants bouleversements sur la scène régionale. Le Pakistan devient ainsi l’allié des États-Unis dans leur guerre contre le terrorisme en Afghanistan, tandis que l’Inde l’accuse d’abriter des rebelles séparatistes cachemiris responsables d’attentats sanglants — en octobre 2001, un attentat perpétré contre le Parlement du Cachemire indien à Srinagar fait 40 morts puis, au mois de décembre suivant, un autre attentat vise le Parlement de New Delhi. Les armées des deux pays ennemis sont en état d’alerte maximum et les incidents frontaliers se multiplient.

Les élections qui se déroulent au Cachemire indien à l’automne 2002 marquent cependant un tournant dans la gestion de la question séparatiste. Bien qu’il se déroule dans un climat de très vive tension, marqué par les violences et les intimidations (plus de 800 morts), le scrutin se solde par la défaite cuisante du parti au pouvoir, allié au BJP, et la mise en place d’une coalition gouvernementale composée du parti du Congrès et d’un nouveau parti, le Parti démocratique du peuple (PDP), soucieux de mettre en œuvre une politique d’ouverture à l’égard des rebelles. Parallèlement, le dégel des relations entre l’Inde et son voisin pakistanais, amorcé à l’automne 2002, aboutit au printemps 2003 au rétablissement des relations diplomatiques complètes entre les deux puissances nucléaires et à un accord de cessez-le-feu sur leur frontière commune au Cachemire en novembre 2003.

6.4.4.4 Le retour aux affaires du Congrès

Fort des succès du BJP lors des élections régionales de décembre 2003 (dans les États de Madhya Pradesh, du Rajasthan et de Chhattisgarh) et d’une conjoncture économique favorable, le Premier ministre Atal Bihari Vajpayee convoque des élections législatives anticipées au printemps 2004. Il doit cependant faire face à la victoire inattendue du parti du Congrès menée par Sonia Gandhi (veuve de Rajiv Gandhi). Victime d’une violente campagne menée par les nationalistes hindous, l’« étrangère « Sonia Gandhi — elle est d’origine italienne — est contrainte de renoncer au poste de Premier ministre, confié à Manmohan Singh. Cet ancien ministre des Finances (de 1991 à 1996), architecte de l’ouverture de l’économie indienne, est le premier sikh à accéder à la tête du gouvernement fédéral indien. Conduisant une coalition de gauche rassemblant une vingtaine de formations (baptisée Alliance progressiste unie), il poursuit les réformes économiques, tout en promouvant la justice sociale ; sur le plan de la politique extérieure, ses priorités sont la paix avec le Pakistan, l’ancrage de l’Inde dans l’économie régionale (Japon, Chine) et le renforcement de son assise au sein des instances politiques, économiques et commerciales internationales.

En juillet 2007, avec l’élection de Pratibha Patil, une femme accède pour la première fois à la présidence de la République indienne.

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