Au Moyen Age, le livre devient un instrument de travail intellectuel pour les lettrés, les clercs ou
les notables laïques, et les bibliothèques deviennent un lieu de travail. La deuxième rupture
intervient au XIIIe siècle. Avant même l'industrialisation de l'imprimerie, livres, journaux et
feuillets destinés au colportage se multiplient. Certains lecteurs se mettent à les consommer avec
avidité et esprit critique. Cette « fureur de lire « en inquiète d'ailleurs plus d'un car elle éloigne
le lecteur du thème générale et le transporte dans une confusion qui tend à le diriger vers un sujet
spécifique.
Pierre BAYARD dans Comment parler des livres que l'on n'a pas lus? publié en 2007 nous
fait l'éloge du personnage du bibliothécaire qui se contente de lire des titres, des plans de
livres et les catalogues des bibliographies et nous recommande une vue d'ensemble. S'appuyant
sur une remarque de Paul Valéry, Pierre BAYARD déclare :
« Valéry incite à penser en termes de bibliothèque collective et non de livre seul. Pour un vrai
lecteur, soucieux de réfléchir à la littérature, ce n'est pas tel livre qui compte, mais l'ensemble de
tous les autres, et prêter une attention exclusive à un seul risque de faire perdre de vue cet
ensemble et ce qui, en tout livre, participe à une organisation plus vaste qui permet de le
comprendre en profondeur.
Mais Valéry nous permet aussi d'aller plus loin en nous invitant à adopter cette même attitude
devant chaque livre et à en prendre une vue générale, laquelle a partie liée avec la vue sur
l'ensemble des livres. «En effet, ce mode de lecture nous permet une relative maîtrise de la
totalité des œuvres. Grâce aux indices extérieurs (titre, auteur, date...), le lecteur peut se faire une
représentation par sa culture générale et ainsi s'approprier le livre sans l'avoir lu nécessairement.
Cet ensemble « sur lesquels reposent une certaine culture à un moment donné « (p.28) est
« une bibliothèque collective « sur laquelle s'appuie le lecteur afin d'aborder une généralité
et non une spécificité. Ce mode de lecture est préconisé aux lecteurs d'aujourd'hui. Aussi Valéry
définit le « vrai lecteur «, celui qui réfléchit à la littérature, et par conséquence, doit s'interroger
sur un mode de lecture efficace. Quelle est la pertinence, l'efficacité du modèle de lecture proposé
par Valéry? Quelles sont les dérives et les limites de ce mode de lecture, lorsqu'on l'applique à
« l'ensemble des livres «? Comment lire autrement? Faut-il revenir en arrière? Ou faut-il
proposer de nouveaux repères ou compétences?
Nous verrons d’abord la lecture d'après les deux auteurs, Pierre BAYARD et Paul VALERY.
Puis nous aborderons les limites et les dérives de la non-lecture. Pour finir, nous nous
pencherons sur le statut d'un « vrai lecteur « selon notre point de vue.