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Jean de La Fontaine: Le Pouvoir des Fables (Livre VIII, 4)

Publié le 31/07/2010

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fontaine

Introduction    Du latin « fabula «, la fable est un récit qui vise à transmettre une leçon, une morale, un précepte. Cette forme littéraire mêle donc divertissement et enseignement.    Le poète, romancier et fabuliste Jean de La Fontaine (1621-1695) est surtout connu pour ses fables à l’aspect didactique et philosophique. Dans celle que nous allons étudier, « Le Pouvoir des Fables «, il parvient à intégrer deux fables dans une, afin de mieux dénoncer la légèreté parfois inconsciente des êtres humains.    Texte    Dans Athène(s) autrefois, peuple vain et léger,  Un orateur, voyant sa patrie en danger,  Courut à la tribune; et d'un art tyrannique,  Voulant forcer les cœurs dans une république,  Il parla fortement sur le commun salut.  On ne l'écoutait pas. L'orateur recourut  A ces figures violentes  Qui savent exciter les âmes les plus lentes:  Il fit parler les morts, tonna, dit ce qu'il put.  Le vent emporta tout, personne ne s'émut;  L'animal aux têtes frivoles,  Étant fait à ces traits, ne daignait l'écouter;  Tous regardaient ailleurs; il en vit s'arrêter  A des combats d'enfants et point à ses paroles.  Que fit le harangueur? Il prit un autre tour.  « Céres , commença-t-il, faisait voyage un jour  Avec l'anguille et l'hirondelle;  Un fleuve les arrête, et l'anguille en nageant,  Comme l'hirondelle en volant,  Le traversa bientôt.« L'assemblée à l'instant  Cria tout d'une voix: « Et Céres, que fit-elle?    - Ce qu'elle fit? Un prompt courroux  L'anima d'abord contre vous.  Quoi? de contes d'enfants son peuple s'embarrasse!  Et du péril qui la menace  Lui seul entre les Grecs il néglige l'effet!  Que ne demandez-vous ce que Philippe fait?«  A ce reproche l'assemblée,  Par l'apologue réveillée,  Se donne entière à l'orateur:  Un trait de fable en eut l'honneur.  Nous sommes tous d'Athènes en ce point, et moi-même,  Au moment que je fais cette moralité,  Si Peau d'Âne m'était conté,  J'y prendrais un plaisir extrême.  Le monde est vieux, dit-on: je le crois; cependant  Il le faut amuser encor comme un enfant.    I- Une forme littéraire efficace    A- Rapidité de la construction    Une grande partie de l’efficacité de la fable vient de son rythme rapide de développement.  Ainsi, en quelques vers (3 ici), nous sommes fixés sur le lieu et les circonstances, exposition renforcée par l’enjambement :    « Dans Athène(s) autrefois, peuple vain et léger,  Un orateur, voyant sa patrie en danger,  Courut à la tribune; et d'un art tyrannique «    Des effets de transition et l’insertion d’une histoire dans l’histoire (mise en abîme) renforce cette rapidité dans l’efficacité.    Ensuite, l’apostrophe à la foule conduit à la faire enfin réagir :  « A ce reproche l'assemblée,  Par l'apologue réveillée,  Se donne entière à l'orateur: «    Après ces quelques procédés rapides et efficaces, la moralité peut être exprimée :    « Si Peau d'Âne m'était conté,  J'y prendrais un plaisir extrême.  Le monde est vieux, dit-on: je le crois; cependant  Il le faut amuser encor comme un enfant. «    B. Le divertissement    L’efficacité n’est cependant pas due qu’à la construction argumentative.    Elle vient aussi du fait que la fable opère comme un jeu qui fait appel à l’imagination et au plaisir. On y trouve ainsi le champ lexical qui correspond à cette idée : « amuser «, « plaisir extrême «, « enfant «. Elle permet de faire réfléchir en s’amusant, même s’il s’agit d’un public adulte. Le fabuliste montre ainsi que les hommes peuvent être éveillés, voire réveillés en opérant une rupture avec leur réalité. C’est d’ailleurs une technique que l’on retrouve dans l’utopie ou le conte philosophique.    Le divertissement et le plaisir rendent l’apprentissage plus fluide.    II-Humour et satire, fondamentaux de la fable    A. Caricature de l’orateur classique    L’image classique de l’orateur est disqualifiée ici, et tournée en dérision. Il est présenté comme « harangueur «, ce qui permet de le caricaturer. Il est aussi vu comme ennuyeux et fade, et surtout incapable d’originalité, ce qui explique que son public reste de marbre :    « Il parla fortement sur le commun salut.  On ne l'écoutait pas. L'orateur recourut  A ces figures violentes  Qui savent exciter les âmes les plus lentes:  Il fit parler les morts, tonna, dit ce qu'il put.  Le vent emporta tout, personne ne s'émut; «    Il a beau, tel un démagogue classique, recourir à la peur et à la « menace «, la violence ne parvient plus à captiver son auditoire. C’est l’utilisation d’une histoire qui permet de renverser la situation.    B. Une fable dans la fable    C’est donc la mise en abîme qui vient sauver son intervention.  On peut cependant souligner qu’il n’est pas très doué dans ce domaine : la situation n’est pas très enthousiasmante, et son style est plutôt plat, voire lourd : « anguille en nageant «    Heureusement, les vers sont plus cours et avec moins d’ambages, ce qui rend le récit plus vivant.    III-Un message à plusieurs niveaux    A. La transmission d’une critique    Cette critique est en fait une leçon morale, comme dans toutes les fables.    Plusieurs procédés sont utilisés par l’auteur :  - le style indirect est très efficace. On peut citer les interrogations « Quoi «, « Que.. « qui donnent de la force aux apostrophes.  - l’utilisation de l’ironie permet de renforcer les traits d’humour et la critique en dénonçant l’attitude populaire.  - la brièveté des vers donne une nervosité au texte, permettant une critique incisive et qui frappe au bon endroit.    Par cette fable donc, Jean de La Fontaine révèle les techniques de la fable tout en transmettant une critique forte condamnant l’absurdité puérile des hommes.    Ici, le côté enfantin n’est pas mis en avant, mais la puérilité est dénoncée à travers le champ lexical qui décrit les hommes : « vain et léger «, « tête frivoles «. Cela n’est pas anodin puisque la violence n’est pas loin dans le texte… « danger «, « violentes «… On peut s’interroger sur le lien établi entre légèreté des mœurs et de la pensée et irruption de la violence.    B. Vers les confidences personnelles    Au-delà de la leçon de morale, l’orateur nous livre aussi quelques confidences personnelles, souvent liées à l’enfance et à ses goûts. Il revendique le plaisir et le divertissement de cette forme littéraire, de même que du conte.    A cet égard, il cite trois fois le mot « enfant «, comme pour revendiquer une jeunesse d’esprit entretenue par la fable et les histoires en général. Il fait d’ailleurs souvent appel à une pédagogie qui pourrait laisser penser qu’il s’adresse à un enfant ; il demande ainsi : « Et Cérès, que fit-elle? « comme on le demanderait avec une fausse naïveté à un jeune élève.    En fait, le peuple, le public et les lecteurs apparaissent dans la fable comme un enfant qui ne serait pas touché si le discours de l’orateur n’était que sérieux. Le fabuliste semble s’amuser de cet esprit puéril.    Conclusion    Cette fable trouve son originalité dans la mise en abîme opérée ; l’enseignement est ainsi double. D’une part, La Fontaine nous révèle les « ficelles « de la fable et, d’autre part, il transmet une leçon de morale sur la légèreté humaine.

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« « A ce reproche l'assemblée,Par l'apologue réveillée,Se donne entière à l'orateur: » Après ces quelques procédés rapides et efficaces, la moralité peut être exprimée : « Si Peau d'Âne m'était conté,J'y prendrais un plaisir extrême.Le monde est vieux, dit-on: je le crois; cependantIl le faut amuser encor comme un enfant.

» B.

Le divertissement L'efficacité n'est cependant pas due qu'à la construction argumentative. Elle vient aussi du fait que la fable opère comme un jeu qui fait appel à l'imagination et au plaisir.

On y trouve ainsile champ lexical qui correspond à cette idée : « amuser », « plaisir extrême », « enfant ».

Elle permet de faireréfléchir en s'amusant, même s'il s'agit d'un public adulte.

Le fabuliste montre ainsi que les hommes peuvent êtreéveillés, voire réveillés en opérant une rupture avec leur réalité.

C'est d'ailleurs une technique que l'on retrouve dansl'utopie ou le conte philosophique. Le divertissement et le plaisir rendent l'apprentissage plus fluide. II-Humour et satire, fondamentaux de la fable A.

Caricature de l'orateur classique L'image classique de l'orateur est disqualifiée ici, et tournée en dérision.

Il est présenté comme « harangueur », cequi permet de le caricaturer.

Il est aussi vu comme ennuyeux et fade, et surtout incapable d'originalité, ce quiexplique que son public reste de marbre : « Il parla fortement sur le commun salut.On ne l'écoutait pas.

L'orateur recourutA ces figures violentesQui savent exciter les âmes les plus lentes:Il fit parler les morts, tonna, dit ce qu'il put.Le vent emporta tout, personne ne s'émut; » Il a beau, tel un démagogue classique, recourir à la peur et à la « menace », la violence ne parvient plus à captiverson auditoire.

C'est l'utilisation d'une histoire qui permet de renverser la situation. B.

Une fable dans la fable C'est donc la mise en abîme qui vient sauver son intervention.On peut cependant souligner qu'il n'est pas très doué dans ce domaine : la situation n'est pas trèsenthousiasmante, et son style est plutôt plat, voire lourd : « anguille en nageant » Heureusement, les vers sont plus cours et avec moins d'ambages, ce qui rend le récit plus vivant. III-Un message à plusieurs niveaux A.

La transmission d'une critique Cette critique est en fait une leçon morale, comme dans toutes les fables. Plusieurs procédés sont utilisés par l'auteur :- le style indirect est très efficace.

On peut citer les interrogations « Quoi », « Que..

» qui donnent de la force auxapostrophes.- l'utilisation de l'ironie permet de renforcer les traits d'humour et la critique en dénonçant l'attitude populaire.- la brièveté des vers donne une nervosité au texte, permettant une critique incisive et qui frappe au bon endroit. Par cette fable donc, Jean de La Fontaine révèle les techniques de la fable tout en transmettant une critique fortecondamnant l'absurdité puérile des hommes. Ici, le côté enfantin n'est pas mis en avant, mais la puérilité est dénoncée à travers le champ lexical qui décrit leshommes : « vain et léger », « tête frivoles ».

Cela n'est pas anodin puisque la violence n'est pas loin dans le texte…« danger », « violentes »… On peut s'interroger sur le lien établi entre légèreté des mœurs et de la pensée etirruption de la violence.. »

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