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Jean-Didier VINCENT (1935-) Un gène du crime ?

Publié le 19/10/2016

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Jean-Didier VINCENT (1935-)

Un gène du crime ?

Avoir une tête d'assassin n'a jamais été une preuve de culpabilité, mais n'aide pas le prévenu à convaincre un jury de son innocence. Lombroso, à la fin du XIXe siècle, a cherché à rassembler les preuves et les indices d'une nature délinquante chez les individus porteurs de stigmates de dégénérescence. II est curieux d'observer qu'à l'époque une telle conception pouvait passer pour progressiste et « de gauche », tendant à dégager la responsabilité de pauvres hères produits d'un passé misérable. En plus du criminel-né, on reconnaissait d'autres catégories nosologiques encore utilisées, comme le fou moral et épileptique, le criminel par passion, le criminel fou, le criminel d'occasion. On a ensuite essayé de fonder scientifiquement l'innéité de la prostitution, puisque classiquement la prostitution serait à la femme ce que le crime est à l'homme. Là aussi, en plus des stigmates anthropométriques (faible capacité crânienne et orbitaire, forte mandibule, etc., le tout rapprochant la prostituée de la femme primitive), les chercheurs avaient cru trouver des critères physio-biologiques comme la précocité pubertaire, l'obtusité, la lascivité, etc. Selon les conceptions de l'époque, cette dégénérescence physique et psychique conduisait irrésistiblement à la folie morale et à la perversion constitutionnelle décrite par Dupré dans son célèbre rapport au Congrès des aliénistes et neurologistes de France en 1912. La théorie des perversions instinctives a fait place à la notion de personnalité psychopathique, puis à celle de sociopathie et enfin à l'hypothèse de l'existence d'une « personnalité criminelle ».

M. Bénézech, clinicien et criminologue, fait justement remarquer que la notion de crime est fonction de l'époque où il se situe. Il donne comme exemple le crime félinicide puni de mort chez les Égyptiens, qui considéraient le chat comme un animal sacré. « Si l'on suppose un facteur génétique, il faut admettre que le \"gène du crime du chat\" n'a disparu ou ne code plus depuis que les bases religieuses égyptiennes se sont modifiées ! Or les Égyptiens tuent encore, à l'occasion, des chats, ce qui prouve l'absurdité de l'hypothèse. » Plus sérieusement, on s'est efforcé grâce aux progrès de la cytogénétique de rechercher des anomalies chromosomiques associées à un comportement criminel. Dans la mesure où la violence est souvent masculine, on a cherché à faire de l'assassin un surmâle porteur d'un chromosome Y plus long ou double. Avec les progrès de la biologie moléculaire, ces pistes trop globalisantes ont été abandonnées et l'on a vu resurgir, au niveau génétique, le rôle de la sérotonine.

Une famille hollandaise, connue pour la violence impulsive de ses hommes transmise sur plusieurs générations de violeurs, pyromanes, voleurs et exhibitionnistes, a permis à une équipe de généticiens de montrer que l'anomalie se situait sur le chromosome X, dans la région p11-p21 ; elle entraînait la production d'une enzyme MAO anormale et n'intervenant plus dans le métabolisme de la sérotonine. Cette mutation n'affecte que le comportement des hommes et reste silencieuse chez les femmes qui en sont porteuses. Chez la souris, on a pu obtenir des animaux mutants qui ne possédaient pas le gène codant pour un récepteur de la sérotonine [...]. Sans recepteur, le neurotransmetteur n'agit plus. La souris mutée est devenue méchante et agresse violemment les intrus...

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