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La Campagne Dans La Princesse De Clèves

Publié le 22/09/2010

Extrait du document

 

 

 

 La campagne comme nous l’avons vu, apparaît non pas comme le lieu imaginé, par le lecteur, c’est-à-dire un lieu calme, paisible ,loin de toute préoccupations de la Cour, mais comme une succursales de la Cour: un moyen de se ressourcer physiquement , « au vert « (dans un langage familier) certes, mais pas au calme. Nous l’avons constaté précédemment, toutes les nouvelles de la Cour parviennent à la princesse lors de ses séjours à Coulommiers, mais le cheminement des nouvelles n’est pas à sens 

unique, les nouvelles de Mme de Clèves qui est à la campagne, parviennent également 

 

à la Cour. Lorsque Mme part à la campagne après la mort de Mme de Chartes: « Le besoin qu’elle sentait (…), pour se défendre contre Mr de Nemours (…) «, Mr de Clèves explique son retard d’une journée, de la page 69 à 91, en décrivant les confessions de son ami Sancerre, déçu et malheureux de l’infidélité de sa dame: Mme de Tournon avec son ami Estouville, plus que par sa mort. Mr de Clèves n’épargne à la princesse de Clèves aucun détails, cette-dernière ne montre pas la moindre lassitude, à la page 81: 

                        « Un soir qu’il devait y avoir une comédie au Louvre et que l’on n’attendait plus que le roi et Madame de Valentinois pour commencer, l’on vint dire qu’elle s’était trouvée mal, et que le roi ne viendrait pas . On jugea aisément que le mal de cette duchesse était quelque démêlées  avec le roi: nous savons que les jalousies qu’il avait eues du Maréchal de Brissac pendant qu’il avait été à la Cour, mais il était retourné en Piémont depuis quelque jours, et nous pouvions imaginer le sujet de cette brouillerie «. 

 

Voici un des détails qui constitue le récit de Mr de Clèves. Ce détail pourrait être apparenté à des commérages, des rumeurs, d’ailleurs le verbe du premier groupe « juger « suivie de l’adverbe « aisément « défini parfaitement l’acte de Mr de Clèves: admonester; mais cela n’était autre que le passe-temps à la Cour, cela s’explique aisément par le règne de l’apparence à cette époque.

Mais où se trouve Mme de Clèves, lors de cette conversation avec son époux?

A la campagne.

Au tome IV, Mme de Clèves part de nouveau à Coulommiers, Mme de Martigues la rejoint, certes elle l’estime, mais sa motivation première n’est autre que l’amour, qu’elle porte à son oncle: le Vidame de Chartre. Les deux dames discutent, Mme de Lafayette met en évidence ne ellipse, nous ne savons donc pas leur conversation exacte, mais la description brève, réalisée par cette-dernière laisse entrevoir une scène de commérage, à nouveau, et à la campagne; p 189: « La liberté de se trouver seules la nuit dans le plus beau lieu du monde, ne laissait pas finir sa conversation entre deux jeunes personnes, qui avaient des passions violentes dans le cœur, et quoiqu’elles ne s’en fissent point de confidences, elles trouvaient un grand plaisir à se parler. « 

Madame de Martigues part ensuite pour aller à Chambord , où se trouvait la Cour. Cette-dernière se livre donc, à une description minutieuse des lieux mais aussi des habitudes de la princesse, devant le Duc de Nemours, p 190:

 

                            «  Mr de Nemours et Mr de Clèves étaient alors chez cette reine. Madame de Martigues, qui avait trouvé Coulommiers admirable en conta les beautés, elle s’étendit extrêmement sur 

 

la description de ce pavillon de la forêt et sur le plaisir qu’avait Mme de Clèves de s’y promener la nuit. Monsieur de Nemours qui connaissait assez le lieu pour entendre ce qu’on disait Madame de Martigues, pensa qu’il n’était pas impossible qu’il y pût voir Madame de Clèves sans être vu que d’elle. «

 

                  Ainsi, ces rumeurs, ces nouvelles, ces commérages naviguent entre Coulommiers et la Cour, et inversement, la retraite à la campagne protège en rien la princesse de la Cour. Même à la campagne, elle  reçoit, et les nouvelles mondaines vont bon train. Si la similitude entre la Cour et la Campagne se limitaient aux échanges de nouvelles de rumeurs, Coulommiers pourrait être réellement un lieu qui protège la princesse de sa passion pour Mr de Nemours. Malheureusement ce n’est pas le cas. Ce prince est omniprésent, même à la campagne.

 

                                                          **

 

                    Comme nous l’avons vu le Duc est présent durant les trois séjours de la princesse, à Coulommiers. Durant le premier départ au tome I du roman, le prince souhaite revoir la princesse, page 69: 

                          « Ce prince vint voir Mr de Clèves à la campagne. Il fit ce qu’il put pour rendre aussi une visite à Madame de Clèves, mais elle ne le voulut point recevoir et, sentant bien qu’elle ne pouvait s’empêcher de le trouver aimable, elle avait fait une forte résolution de s’empêcher de le voir et d’en éviter toutes le s occasions sui dépendraient d’elle «.

 

Malheureusement, comme nous l’avons vu dans l’extrait étudié, le Duc de Nemours fut très habile et vigoureux pour escalader les « hautes palissades « du jardin de Coulommiers, rien ne l’arrête. Lors de son second séjour, Mr de Nemours s’y rendra une seconde fois au tome III pages 140-141: 

                           «  Madame de Mercoeur les reçut avec beaucoup de joie et ne pensa qu’à les divertir et à leur donner tous les plaisirs de la campagne. Comme ils étaient à la chasse à courir le cerf, Monsieur de Nemours s’égara dans la forêt. En s’enquérant du chemin qu’il devait tenir pour s’en retourner, il sut qu’il était proche de Coulommiers. A ce mot de Coulommiers, sans faire aucune réflexion et sans savoir qu’elle était son dessein, il alla à toute bride du coté qu’on le lui montrait. Il  arriva dans la forêt et se laissa conduire au hasard (…).. Il entra dans ce pavillon, et il se serait arrêté à en regarder la beauté, sans qu’il vit venir par cette allée du Parc Monsieur et Madame de Clèves, accompagnés d’un grand nombre de domestiques. Comme il ne s’était pas attendu à trouver Monsieur 

de Clèves qu’il avait laissé auprès du roi, son premier mouvement le porta à se cacher (…), il ne put se refuser le plaisir de voir cette princesse, ni résister à la curiosité d’écouter sa conversation avec un mari qui lui donnait plus de jalousie qu’aucun de ses rivaux. « 

 

Il assistera donc à l’aveu que Madame de Clèves fait à son mari.

 

Alors que M. de Nemours, dissimulé dans un pavillon du jardin de Coulommiers, écoute leur conversation, Mme de Clèves avoue à M. de Clèves sa passion, sans révéler l'identité de celui qu'elle aime. Au secret et à la dissimulation, elle préfère la lumière de la vérité.  La conversation qu'il surprend se révèle donc à lui comme dans un songe ; ce personnage est donc encore dominé par le principe de plaisir. La princesse, au contraire, a fait le choix douloureux de révéler la vérité à son mari :

                             «L’aveu que je vous ai fait n’a pas été par faiblesse, et il faut plus de courage pour avouer cette vérité que pour entreprendre de la cacher.« (p. 146). 

 

Ce choix radical, la conscience d'accomplir un acte extraordinaire :

                            «je vais vous faire un aveu que l'on n'a jamais fait à son mari«,( p. 142). 

L'étonnement de M. de Nemours devant le «peu de vraisemblance« de cet aveu : tout cela justifie d'avance la scène de l'aveu, contre les nombreux reproches d'invraisemblance qui seront formulés par les lecteurs de La Princesse de Clèves : le choix de cette vérité est amené par la logique du roman, par celle du personnage, et 

par les signes annonciateurs.

À l'issue de cet aveu, M. de Nemours pense avoir vécu un «songe« ; quand à Mme de Clèves, elle n‘arrive pas à croire ce qu‘elle vient de faire, elle n‘y croit pas:

 

                                 «à peine put-elle s'imaginer que ce fût une vérité« (p. 147)...

Cet acte est si extraordinaire qu'aucun des trois protagonistes ne sait s'il doit le déplorer ou s'en féliciter et M. de Nemours, qui y a gagné la certitude d'être aimé passionnément, page 148 :

                     «se trouva cent fois heureux et malheureux tout ensemble.«. 

La scène de l'aveu est donc littéralement extraordinaire et elle est étrangère à toute logique psychologique. Mme de Clèves scelle donc définitivement sa différence. 

 

                      Puis au dernier tome, le Duc de Nemours pénètre dans la demeure de Coulommiers et surprend la princesse se laissant aller à des rêveries intimes. Outre, sa présence physique, Mr  de Nemours y est également représenté dans ces tableaux que Mr de Clèves avait fait copier, page 188: 

                           « Elle s’en alla à Coulommiers , et, en y allant, elle eut soin d’y faire porter de grands tableaux que Monsieur de Clèves avait fait copier sur des originaux qu’avait fait faire Madame de Valentinois pour sa belle maison d’Anet. Toutes les actions remarquables, qui s’étaient passées du règne du roi, étaient dans ces tableaux. Il y avait entre autre le siège de Metz, et tous ceux qui s’y étaient distingués étaient peints fort ressemblants Mr de Nemours était de ce nombre et c’était peut-être 

ce qui avait donné envie à Madame de Clèves d’avoir ces tableaux «.

 

 

                                                                  **

 

Finalement, les nouvelles de la Cour parviennent toujours à la campagne et inversement; Mr de Nemours est toujours présent, mais nous remarquons également que la princesse n’a pas vaincu cette passion pour le Duc, au contraire, l’isolement et la solitude l’autorise à y penser, à, y songer. Malgré son profond désir de s’éloigner de l’amant, son inconscient et ses sentiments, eux, ne s’en éloigne point, au contraire. Dans le tome I, elle arrive à Coulommiers après la mort de sa mère, Madame de Chartres, à la page 68, elle se retrouve seule car Mr de Clèves dû retourner à Paris y faire  « sa Cour « , cette isolement n’amoindrit en rien ses sentiments et cette passion:

                           « Elle se trouvait malheureuse d’être abandonnée à elle-même, dans un temps où elle était si peu maîtresse de ses sentiments et où elle eût tant souhaité d’avoir quelqu’un qui pût la plaindre et lui donner de la force «.

 

Dans son deuxième séjour à Coulommiers au tome  III, la princesse s’est certes éloignée de Mr de Nemours (elle ne sait pas qu’il l’observe depuis le cabinet), mais sa passion dévastatrice est toujours omniprésente dans cette scène, page 142, elle y atteint même son paroxysme puisqu’elle avoue à son mari son terrible secret. Scène qui  plongera, ce-dernier, dans une grande jalousie, et une angoisse permanente.

Néanmoins, cette scène est très importante, elle montre à quel point Mme de Clèves est une femme vertueuse, mais dans le cas de notre étude, elle nous montre que la campagne (et tout ce qu’elle entraîne: L’isolement, l’éloignement, de l’être aimé)n’amoindrit en rien sa passion. Elle est omniprésente. Elle en parle même à son 

Mari:

 

 

 

 

                                      « Je vous demande milles pardons, si j’ai des sentiments ne vous déplaisent, du moins je ne vous déplairai jamais par mes actions «. 

 

Au-dernier tome du roman, l’omniprésence de cette passion est d’autant plus frappante par l’acte (conscient ou inconscient) que la princesse réalise dans sa maison de campagne, tout d’abord en enroulant et en attachant les rubans des mêmes couleurs que Mr de Nemours portaient au tournoi autour d’une canne des Indes, qu’il avait aussi porté quelque instants et qu’il avait donné à sa sœur. Michel Butor par exemple, verra dans cette scène une réelle exaltation inconsciente du désir le plus érotique de la princesse, en analysant la canne en fonction de sa forme phallique: 

                                   « Il n'est certes pas besoin d'un diplôme de psychanalyste pour percer et goûter le symbolisme de toute cette scène «. 

 

Je laisserai donc le soin aux professionnels de la psychanalyse et de la psychologie d’interpréter cette scène plus profondément que ce que nous le permet les mœurs du XVIIème siècle, mais je souhaite surtout garder la subtilité de l’auteur. Je vois donc dans cette scène une manifestation de sa passion qui encore une fois, n’aurait pu avoir lieu à la Cour. Son second acte, a une forte connotation, l’auteur en décrit même la symbolique, page 193: 

                                   « Après qu’elle eût achevé son ouvrage avec une grâce et une douceur que répandaient sur son visage les sentiments qu’elle avait dans le cœur, elle prit un flambeau et s’en alla, proche d’une grande table, vis-à-vis du tableau du siège de Metz, où était le portrait de Monsieur de Nemours; elle s’assit et se mit à regarder ce portrait avec une attention et une rêverie que la passion seule peut donner «.

Finalement, le lecteur serait tenté de dire que la campagne est comparable à la Cour, non pas par les apparences, les richesses, les bienséances mais par l’échange de nouvelles et de rumeurs , par l’omniprésence d’un amant, surtout par la présence de cette passion coriace.  

Pourquoi coriace?

Car la princesse souhaite l’éradiquer, néanmoins, cela lui est impossible, elle est incurable, mais la campagne ne l’aide en rien; puisqu’au contraire dans cet isolement elle se laisse aller vers une réelle extériorisation de cette passion, qui à la Cour lui aurait été impossible. Mais plutôt que de penser à la campagne comme étant un lieu comparable à la Cour et non son antithèse, observons les différences entre ces deux 

 

lieux. Il est vrai que l’amant est omniprésent, les nouvelles de la Cour lui parviennent 

à Coulommiers, mais pourquoi? Le Duc de Nemours est amoureux, il apparaît comme un chasseur redoutable qui ne lâche pas sa proie. En plus de sa détermination, il est amoureux de la Princesse ainsi, la Campagne, n’est en rien une barrière pour voir l’être aimé, bien au contraire, loin des regards de la Cour, cela lui est d’autant plus facile. Les nouvelles de la Cour arrivent à Coulommiers par l’intermédiaire des êtres proches: Mr de Clèves ou bien Mme de Martigues qui est la sœur du Duc de Nemours. Finalement, la Campagne, à un rôle moins négatif au sein de ce roman. Plus qu’un lieu de fuite de sa passion, elle est un lieu dans lequel elle se sent protégée et non pas observée, épiée et analysée. La campagne est pour elle un exil de ce monde superficiel qu’est la Cour, mais c’est surtout la solution pour garder sa vertu. Elle y parvient.

Mais plus qu’un lieu de protection, elle est seulement est simplement le lieu dans lequel elle est pleinement libre. Elle peut ainsi donner libre cour à sa passion, elle est amoureuse, elle se laisse aller à ses rêveries, à l’abri des regards. A Coulommiers, elle est totalement libre. A la Cour, Mme de Clèves est donc observé, à Coulommiers, elle n’est entourée que de ses servantes ou de Mr de Clèves, qui rentre souvent à Paris pour faire sa Cour. Le passage étudié, avec les rubans et la canne des Indes, parle de lui-même. Elle est enfin, elle-même.

           Une fois le roman achevé, le lecteur se rend compte que la campagne apparaît comme un lieu fatal.

 

                                                        ***

 

                      Dans le tome I, madame de Chartres tombe malade. M. de Nemours, par tous les moyens cherche à revoir la princesse, laquelle ne peut s’empêcher d’être charmée de sa vue. Mourante Mme de Chartres adresse à sa fille des recommandations solennelles, elle a deviné sa passion, et l’adjure de ne pas y succomber. Mieux vaut à ses yeux un départ héroique  de la Cour qu’une réputation perdue. A la mort d’une mère qui lui aurait été d’une grande aide, Mme de Clèves mesure son irrémédiable solitude. Elle part pour campagne avec son époux. Son premier départ à Coulommiers 

 

est donc causé par le décès de sa mère. C’est Mme de Chartres qui parle. Elle montre 

à sa fille les agréments et les dangers de l’amour. Elle lui conte « le peu de sincérité des hommes, leurs tromperies et leur infidélité «. Elle tâche de lui persuader que le bonheur d’une femme consiste uniquement à « aimer son mari et à en être aimée «. La princesse écoute en silence. Mme de Chartres n’a pas besoin que sa fille lui parle pour connaître ses sentiments envers le Duc. A son lit de mort, elle reprend son rôle d’éducatrice pour une ultime mise en garde, elle parle longuement , sans laisser Mme de Clèves lui  répondre. A sa mort, la princesse de Clèves se retrouve toute seule face à cette passion qui la dévore; la campagne lui parît être donc la solution pour vaincre ses sentiments si douloureux.Mme de Chartres achève l'instruction morale de sa fille, avant de mourir ; après sa mort, ce discours, intériorisé par la princesse de Clèves, continuera de peser sur celle-ci. En particulier, la «honte« imposera à Mme de Clèves une censure systématique de son désir.

Mme de Clèves se retire à Coulommiers, c'est la première fois depuis le début du roman. Mais si elle s’y retire après la mort de sa mère, Mme de Chartres, c’est tout simplement car elle perd cette figure maternelle (qui devine très rapidement cette passion destructrice naissante)  au moment où elle avait le plus besoin d’une épaule sur laquelle pleurer et d’une oreille pour l’écouter. D’autant plus, que Mme de Chartres a probablement vécu la même chose, ce qui expliquerait cette intuition féminine exacerbée. Seule devant cette situation complexe, elle se réfugie à la Campagne qui apparaît alors, comme un seconde mère.

 

                                                            **

 

                     La passion de la princesse de Clèves est mortifère. Sa mère autant que son mari meurent de chagrin pour ne plus pouvoir « admirer « celle qu’ils croyaient dignes de cette « admiration «. La fin de la première partie du roman nous fait assister à la mort de Mme de Chartres. Dès que sa fille rencontre le Duc de Nemours, celle-ci a de tristes pressentiments. Cette mort est bientôt suivie d’une autre provoquée par de biens semblables causes. Pour beaucoup aimer sa femme, M. de Clèves se refuse, après l’aveu, de la juger ou de la condamner. S’il meurt de chagrin, « abandonné à son désespoir «, ce n’est que plus tard, et pour être convaincu de la pleine et entière 

 

trahison de celle par qui il se croît trompé. La scène étudiée, précédemment, lorsque 

Mr de Nemours, après avoir appris par Mme de Martigues, que la princesse de Clèves se promenait seule dans sa campagne, se rendit à Coulommiers en pleine nuit, suivie par le gentilhomme, l’espion, envoyé par Mr de Clèves. Le rapport de ce-dernier fut donc fatal à ce pauvre homme. Il se laissa mourir. Le démenti de Mme de Clèves arrive trop tard et si M. de Clèves est « presque convaincu  de son innocence « , il meurt cependant. Finalement, la campagne, et les actions qui s’y déroulent cause la mort de Mr  de Clèves. 

 

                                                                   **

 

                           Mais, elle cause également la mort de la princesse elle-même. Veuve, la princesse affronte le retour en force d’une passion devenue légitime, mais se convainc que son honneur et son repos lui interdisent d’épouser Mr de Nemours. Bouleversée par sa présence, elle manifeste à son égard une franchise et une maîtrise de soi exceptionnelles, elle domine ainsi, un homme qui pourtant exerce sur elle un charme plus fort que jamais. L’attitude finale de Mme de Clèves, purement héroique, représente donc un sursaut de volonté et de liberté face à un mariage indigne d’elle, et promis selon elle à l’échec. Cependant, elle se retire dans sa maison de campagne et malgré un exemple de vertu inimitable, elle meurt jeune, isolée, page 234:

 

                          « Enfin, des années entières s’étant passée, le temps et l’absence ralentirent sa douleur et éteignirent sa passion. Madame de Clèves vécut d’une sorte qui ne laissa pas d ‘apparence qu’elle pût jamais revenir. Elle passait une partie de l’année dans cette maison religieuse et l’autre chez elle, mais dans une retraie et dans des occupations plus saintes que celles des couvents le plus austères, et sa vie, qui fut assez courte, laissa des exemples de vertu inimitable. « 

 

Finalement, ni la campagne, ni la Cour sont fatales, la passion seule est destructrice. L’exil à la campagne, lui a permis de garder son honneur, de ne pas trahir ses principes, ceux de sa mère. Une femme de ce rang, de cette grandeur d’âme, ne peut rester à la Cour.

Il est vrai que Monsieur de Clèves meurt après avoir eut le rapport détaillé d’une scène passée à la campagne. Il meurt de chagrin et de tristesse, mais finalement cela aurait dû arriver, que cela soit à la Cour ou bien à Coulommiers. La princesse meurt, à 

 

la fin du roman, une maladie de langueur s’empare d’elle. Elle finit ses jours à 

Coulommiers et dans une maison religieuse, qui soit-dit en passant apparaît comme une seconde campagne, loin des « paillettes « et du règne de l’apparence de la Cour. Certes, elle meurt, mais ce n’est finalement pas la campagne qui la plonge dans cette maladie, en réalité, que lui reste- t’il mis à par la mort? Veuve, orpheline, décidée à ne pas céder à la tentation (elle ne veut pas vivre cette passion qu’elle juge indigne), que lui reste- t’il? La mort apparaît comme une délivrance, une mort isolée de la Cour et de toutes ses frasques est surtout une fin en parfaite adéquation avec la figure féminine , un modèle de vertu, droite et décidée qu’elle incarne tout au long du roman.

 

                                                           ***

 

                                 Pour conclure, la campagne est un élément central du  roman de Mme de La Fayette. Elle est nécessaire, car l’intrigue ne serait plus la même sans elle, mais pourquoi? Car sans elle, Mr de Clèves, ne se serait douté de rien. Car sans elle, Mr de Nemours n’aurait jamais pu avoir la confirmation des sentiments que la princesse éprouvait à son égard (lors de la scène des rubans et la canne des Indes. Car sans elle, Mr de Clèves n’aurait jamais eût le rapport fait par son gentilhomme, qui n’est que supposition et qui provoque sa lente mort. Car sans elle, Mme de Clèves n’aurait pu se retrancher pour y finir ses jours. Finalement la campagne n’est pas seulement nécessaire à l’intrigue pour éloigner les amants, mais au contraire pour apporter  toute la fatalité nécessaire à cette histoire: al mort des deux êtres aimés: Mme de Chartres et Mr de Clèves, la passion reniée. Cette femme incarne la Vertu; la campagne permet à cette héroine d’être elle-même. Dans ce roman, Mme de La Fayette aura mis à l’évidence le monde de la Cour: la grandeur, la bienséance, les disgrâces, les faveurs; elle nous décrit ce monde en ébullition, mais en parallèle avec la nature, l’isolement, le retour aux sources.

                                  La princesse de Clèves incarne la Femme, la grandeur, la subtilité, le raffinement, la droiture, la fermeté, la détermination, la sensibilité, l’honnêteté, la beauté et la grâce. Finalement, elle apparaît comme une anti- Mme de 

 

Merteuil (héroine des Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos), une femme sans 

mœurs, machiavélique, intelligente, méchante, triste, qui s’isolera mais par honte et pour des raisons moins noble.

 

 

 

 

La campagne dans La princesse de Clèves 

de

 Mme de Lafayette

 

Écrit par Achard Aurélie sous la direction  de Jean Louis Meunier professeur à l’université de Vauban à Nîmes.

 

                            SOMMAIRE

 

Introduction (page 1 Þ page 5)

 

I- La campagne: La solution pour vaincre cette passion dévastatrice? (page 5Þpage 14)

a)Elle apparaît comme la solution, la clé du roman. (page 5Þ page 8)

b)Un lieu calme, propice à la réflexion. (page 8Þ page 13)

c)La campagne: l’antithèse de la Cour? (page 13 Þ page 14)

 

II- La campagne: une deuxième Cour? (page 14Þ page 21)

a)Les évènements de la Cour rapportés à Coulommiers, et inversement (page 14Þ page 16)

b) Un Duc de Nemours toujours présent (page 16Þ page 18)

c) Une passion toujours présente (page 18Þ 21)

 

III-La campagne: un lieu fatal. (page 21Þ page 24)

a)Mme de Clèves s’y retire après la mort de sa mère. (page 21 Þpage 22)

b) La mort de Mr de Clèves (page 22 Þ page 23)

c) Mme de Clèves y meurt (page 23Þ page 24).

 

Conclusion (page 24Þ page 25)

 

                         BIBLIOGRAPHIE

 

La princesse de Clèves de Madame de Lafayette, collection: BIBLIOLYCEE, édition HACHETTE.

 

La princesse de Clèves de Denise Werlen, collection: connaissance d’une œuvre, édition BREAL.

 

Site de René POMMIER (analyse de l’extrait du tome III pages 191 à 194)

 

L’esthétique de Madame de Lafayette de Françoise Gevrey, collection ESTHETIQUE, édition SEDES

 

Madame de Lafayette: La princesse de Clèves, La princesse de Montpensier, écrit par Christian Biet et Pierre Ronzeaud, collection TEXTE ET CONTEXTES, édition MAGNARD.

 

La princesse de Clèves de Madame de Lafayette, écrit par Henriette Levillain, collection FOLIOTHEQUE, édition GALLIMARD 

 

Fonction de la narration et du dialogue dans "La Princesse de Clèves" de Madame de Lafayette écrit par Boixareu Mercedes, collection: Archives des lettres modernes, édition: Paris lettres modernes.

 

 

Ce roman, paru il y a plus de 300ans et écrit dans une langue épurée reflétant,  l’esprit du siècle de Louis XIV, pourrait n’être qu’un objet de curiosité littéraire. Et pourtant, depuis sa parution,  il n’a cessé d’être commenté, preuve de sa vitalité et de sa capacité à nous émouvoir et nous faire réfléchir devant ses personnages pris entre leurs sentiments et ce qu’ils estiment être leur devoir. Cette œuvre représente le coup d’éclat inaugural de la grande tradition française du roman d’analyse psychologique. Son auteur, Mme de Lafayette sait avec délicatesse, nous faire partager les émois d’un cœur adolescent qui apprend à mettre un nom sur ce qu’il ressent et qui tente désespérément de rester lucide et maître de lui, tout en se débattant dans les souffrances de la jalousie et du remords. Le célèbre roman de Mme de Lafayette est, pour l’essentiel, l’histoire d’une âme, celle de la Princesse de Clèves. Mais ce roman, ne se résume pas à cela, il apparaît également comme étant un roman historique, il garanti l ‘exactitude des évènements et des mœurs, qui reconstituent la pensée et le style d’une époque. A cet égard, le récit des deux dernières années du règne d’Henri II, du tournoi fatal et de la constitution de la nouvelle cour autour de François II décevra les amateurs du genre: les principaux évènements ne sont cités que comme des points de repères ; les batailles ou les traités ont une place secondaire par rapport aux fêtes; la politique n’est envisagée qu’en termes d’enjeux nobiliaires ou de stratégie amoureuse, les deux venant le plus souvent à se confondre; enfin, la peinture de la cour, au lieu d’être le document que l’on aurait pu attendre de celle-ci, est faîte de qualificatifs hyperboliques et interchangeables: le roi y est considéré avec la plus grande révérence; les princes et princesses du sang (une centaine peuvent être dénombrées) ne se distinguent que par leurs noms et leurs alliances, et tout ce grand monde, également beau et bien fait,  pratique les armes, les lettres et la galanterie avec la même civilité.  C’est donc dans cette univers idéalisé, où la beauté ne vieillit pas et où la galanterie ne brise pas les cœurs, que survient la passion sous les traits d’une princesse blonde et belle comme celles des contes, mariée à un prince et amoureuse d’un autre. Voici le résumé du roman: Le livre I décrit l’action qui se déroule, en 1558, à la cour du roi Henri II durant les dernières  années de son règne. Autour du roi, princes et princesses rivalisent d'élégance et de galanterie. Mlle de Chartres, jeune orpheline de seize ans, élevée par sa mère selon de rigoureuses règles de morale, parait pour la première fois au Louvre. 

 

 

Le prince de Clèves, honnête homme d'une grande droiture morale, tombe amoureux d'elle dès qu'il l'aperçoit. Ébloui par sa beauté, il la demande en mariage. Mlle de Chartres n'a aucune expérience de l'amour et l'épouse sans être amoureuse de lui.

Après s'être mariée, Mme de Clèves rencontre, à la cour, le duc de Nemours. Naît entre eux un amour immédiat et partagé. Mme de Chartres découvre cette passion naissante et met en garde sa fille du danger de ce désir illégitime. Avant de mourir, Mme de Chartres conjure sa fille de lutter contre l'amour coupable que lui inspire le duc de Nemours : « ne craignez point de prendre des partis trop rudes et trop difficiles, quelque affreux qu'ils vous paraissent d'abord : ils seront plus doux dans les suites que les malheurs d'une galanterie «. Ayant perdu le soutien de sa mère, et afin d'éviter M. de Nemours, qu'elle ne peut s'empêcher d'aimer, Mme de Clèves décide de se retirer à la campagne. M. de Clèves reste à Paris, car il doit consoler l'un de ses amis, M. de Sancerre. Dans le livre II, Mme de Clèves vit en sa maison de Coulommiers. Elle apprend la mort de Mme de Tournon et est attristée de la disparition de cette jeune femme qu'elle trouvait belle et vertueuse. De retour de Paris, M. de Clèves lui apprend que son ami Sancerre était amoureux depuis près de deux ans de Mme de Tournon et que cette dernière lui avait secrètement promis ainsi qu'à M. d'Estouville de les épouser. C'est seulement le jour de sa mort que M. de Sancerre apprend la perfidie. Le même jour, il connaît une douleur immense en apprenant la mort de sa bien-aimée et en découvrant les lettres passionnées que cette dernière a adressées à M. d'Estouville. La princesse de Clèves est troublée par les propos que son mari a tenu a son ami Sancerre et qu'il lui répète : « La sincérité me touche d'une telle sorte que je crois que si ma maîtresse et même ma femme, m'avouait que quelqu'un lui plût, j'en serais affligé sans en être aigri. «

À la demande de M. de Clèves, Mme de Clèves rentre à Paris. Elle ne tarde pas à se rendre compte qu'elle n'est pas guérie de l'amour qu'elle éprouve pour le duc de Nemours. Elle est en effet émue et pleine de tendresse pour cet homme, qui par amour pour elle, renonce aux espérances d'une couronne. Si elle ne parvient pas à maîtriser ses sentiments, elle est bien décidée à tout faire pour maîtriser ses actes. Elle souhaite à nouveau fuir celui qu'elle aime, mais son mari lui intime l'ordre de ne changer en rien sa conduite.

 

Puis Nemours dérobe sous ses yeux son portrait. Elle se tait, craignant à la fois de 

dévoiler publiquement la passion que ce prince éprouve pour elle et d'avoir à affronter une déclaration enflammée de cet amoureux passionné. Nemours qui s'est aperçu que 

la princesse de Clèves avait assisté à ce vol et n'avait pas réagi, rentre chez lui, savourant le bonheur de se savoir aimé.

Lors d'un tournoi, Nemours est blessé. Le regard que lui adresse alors Mme de Clèves est la preuve d'une ardente passion. Puis une lettre de femme égarée et dont elle entre en possession laisse supposer que Nemours a une liaison. Elle découvre alors la jalousie. Dans le livre suivant, Le Vidame de Chartres, oncle de la princesse de Clèves et ami intime de M. de Nemours est lui aussi très contrarié par cette lettre. Car la lettre qu'a lue la princesse de Clèves et qu'elle croyait adressée à Nemours, d'où sa jalousie, lui appartenait. Et le fait qu'elle circule entre toutes les mains de la Cour le contrarie énormément. En effet, cette lettre risque de déshonorer une femme extrêmement respectable et de lui valoir, à lui, Vidame de Chartres, la colère de la Reine qui en a fait son confident et qui n'accepterait pas cette aventure sentimentale.

Le Vidame de Chartres souhaite que le duc de Nemours indique être le destinataire de cette lettre et aille la réclamer à la reine dauphine qui l'a maintenant entre les mains. Il lui donne pour cela un billet sur lequel figure son nom, qu'une amie de sa maîtresse lui a donné, et qui permettra à Nemours de se justifier auprès de celle qu'il aime.

M. de Nemours rend visite à Mme de Clèves et lui apprend la demande au Vidame de Chartres. Il parvient également grâce au billet que lui a donné son ami à lui prouver qu'il n'est pas compromis dans cette aventure sentimentale. Il parvient ainsi à dissiper la jalousie de la Princesse. En présence de M. de Clèves, les deux amants, pour satisfaire une demande royale, réécrivent de mémoire une copie de la lettre qui a semé le trouble. Mme de Clèves goûte le plaisir de ce moment d'intimité, mais reprend conscience de la passion qu'elle ressent, malgré elle, pour cet homme. Elle décide de repartir à la campagne, malgré les reproches de son mari, qui ne comprend guère son goût pour la solitude.

Elle avoue alors, les yeux remplis de larme, qu'elle est éprise d'un autre homme, et que pour rester digne de lui, elle doit quitter la cour. M. de Nemours assiste, caché et invisible, à cet aveu. M. de Clèves est dans un premier temps tranquillisé par la franchise courageuse de son épouse. Puis aussitôt, il commence à ressentir une vive jalousie et presse son épouse de mille questions auxquelles elle ne répond pas. Elle ne 

 

lui dévoilera pas le nom de son rival. M. de Nemours, assistant dans l'ombre à cette scène, reste lui aussi dans l'expectative. Le roi demande alors à M. de Clèves de rentrer à Paris.

Restée seule, Mme de Clèves est effrayée de sa confession, mais se rassure, en estimant qu'elle a ainsi témoigné sa fidélité à son mari.

M. de Nemours s'est enfui dans la forêt et se rend compte que cet aveu lui enlève tout espoir de conquérir celle qu'il aime. Il éprouve pourtant une certaine fierté d'aimer et d'être aimé d'une femme si noble. Il commet surtout l'imprudence de raconter au Vidame de Chartres, l'histoire qu'il vient de vivre. Il a beau raconter cette histoire en termes très vagues, son compagnon devine que cette histoire est la sienne. Clèves apprend de son côté que celui que sa femme n'a pas voulu nommer, n'est autre que M. de Nemours. Puis en raison de l'imprudence de Nemours, l'information devient publique. Ne sachant que ce dernier a été témoin de cet aveu, M. et Mme de Clèves se déchirent en se soupçonnant l'un l'autre d'avoir trahi le secret de leur discussion. Nemours et M. et Mme de Clèves que la fatalité a jeté les uns contre les autres sont alors soumis aux soupçons, remords, reproches et aux plus cruels des troubles de la passion. Le roi, lui, meurt lors d'un tournoi. Enfin, dans le livre IV, alors que la Cour se rend à Reims pour le sacre du nouveau roi, Mme de Clèves se retire à nouveau à la campagne, cherchant dans la solitude l'impossible tranquillité. Nemours la suit, épié par un espion que Clèves a dépêché sur place. De nuit, Nemours observe la princesse de Clèves alors qu'elle contemple d'un air rêveur un tableau le représentant. Il est fou de bonheur. Encouragé par cette marque d'amour, Nemours se décide à rejoindre celle qu'il aime. Il avance de quelques pas et fait du bruit. Pensant le reconnaître, la princesse se réfugie immédiatement dans un autre endroit du château. Nemours attend en vain dans le jardin, et au petit matin, il se rend dans le village voisin pour y attendre la nuit suivante.

La présence du duc de Nemours auprès de la princesse a été rapportée à Clèves par son espion. Sans même laisser le temps à son interlocuteur de lui donner plus de précisions, Clèves est persuadé qu'il a été trahi. Il meurt de chagrin, non sans avoir fait à la vertueuse infidèle d'inoubliables adieux et l'avoir accablée de reproches.

La douleur prive la princesse de toute raison. Elle éprouve pour elle-même et M. de Nemours un véritable effroi. Elle refuse de voir M. de Nemours, repensant 

 

continuellement à la crainte de son défunt mari de la voir épouser M. de Nemours.

Le Vidame de Chartres réussit tout de même à organiser une entrevue secrète entre les deux amants. Elle le regarde avec douceur, mais lui conseille de rechercher ailleurs une destinée plus heureuse. Puis elle sort sans que Nemours puisse la retenir.

La princesse tentera d'apaiser sa douleur en s'exilant dans les Pyrénées. Elle mourra quelques années plus tard en succombant à une maladie de langueur. Ainsi, en quoi la campagne est-elle un élément fondamental de ce roman, indissociable de la Cour ?

Tout d’abord, nous observerons la campagne comme étant la solution pour vaincre cette passion dévastatrice, puis nous nous demanderons si celle-ci n’est pas une deuxième Cour ; et enfin en dernier lieu nous analyserons la campagne en tant que lieu fatal.

 

                                      ****

 

                 Dans ce roman, Mme Lafayette a voulu nous donner d’abord une image vraie de cette vie de Cour à laquelle pendant dix ans elle avait était si intimement mêlée. Elle distingue la vieille et la jeune Cour, et nous nous rappelons qu’en 1660 et 1668 il était d’usage de distinguer par ces deux noms l’entourage d’Anne d’Autriche et celui d’Henriette d’Angleterre. Les personnages du livre font penser sans cesse aux courtisans de Louis XIV. Ce sont les mêmes tons respectueux et hardi des hommes, les mêmes soins, les mêmes devoirs, la même galanterie dissimulant les mêmes passions. Un jour Mme Lafayette, dira de son roman: « Surtout ce qu’on y retrouve, 

 

c’est une parfaite imitation du monde de la Cour et de la manière dont on y vit «. Cet aspect du livre était si essentiel à ses yeux qu’elle avait d’abord songé à lui donner le titre de Mémoires.

                    A la Cour règne le monde de l’apparence et surtout la galanterie. Comme le dit La Rochefoucault: « L’amour prête son nom à un nombre infini de commerces qu ‘on lui attribue «, la galanterie en est un. Le terme apparaît plus de trois fois dans le roman. La galanterie est une des caractéristiques de la Cour en général et de M. de Nemours en particulier qui a, dit-on, « tout de dispositions à la galanteries « qu’il ne sait point repousser les dames. Il a ainsi « plusieurs maîtresses «. Au XVI et XVII ème siècle, cette galanterie est définit ainsi en 1535: « mauvais tour «, du sens de galer « s’amuser «, en 1611 il signifie « distinction, élégance dans des manières « Ainsi en 1667, il désigne la courtoisie témoignée aux femmes et spécialement l’empressement inspiré par le désir de conquérir une femme. Au milieu du XVIIIème siècle, il a le sens d’ « intrigue  amoureuse « aujourd’hui sorti d’usage. Le Duc de Nemours n’a donc pas cette seule politesse, « ce chef d’œuvre de la nature « est un intrigant. Peu de femmes lui résistent, mais sa disposition naturelle est telle qu’il ne peut refuser 

 

quelques soins à celles qui tâchent de lui plaire.  Dans cette Cour où affaires et amour s’entremêlent, M. de Nemours avant sa rencontre avec la Princesse, ne se fait « qu’un plaisir, et non un attachement sérieux du commerce des femmes «. C’est donc un être d’apparences qui aime le jeu, les tournois et les bals, en somme les spectacles, qui ne se souci aucunement de la morale et s réjouit de ses conquêtes. Plus tard Mme de Clèves doutera d’un homme dont la réputation précède et dont tout le monde connaît l’ambition et le narcissisme. Une passion n’est entre eux, le contexte de cette Cour si peu intimiste et propice aux jeux y est certainement l’élément déclencheur. Mme Lafayette, en bonne moraliste, laique condamne tous ce qui détourne du sens profond de l’humaine condition, la galanterie en fait parti. Comment retourner au sens véritable de l’existence? Comment rester dans le droit chemin? La retraite à la Campagne semble être la solution, la clé de ce roman d’analyse.

               Chez Mme de Clèves, on retrouve une aspiration fréquente à la solitude, d’abord dans son hôtel parisien puis à Coulommiers, loin d’une vie devenue, pour elle, trop dangereuse. Lieu de magnificence, la Cour reste en effet un huis clos, où nul n’est libre de ses activités ou de ses déplacements. La princesses de Clèves rencontre perpétuellement M. de Nemours, le regard en est la Biblio Lycée, édition HACHETTE, page 51):

                     « Les jours suivants, elle le vit chez la reine dauphine, elle le vit jouer à la pomme avec le roi, elle le vit courre la bague, elle l’entendit parler; mais elle le vit toujours surpasser de si loin les autres (…). «

Par conséquent , impossible, pour Mme de Clèves d ‘échapper au regard de Mr de Nemours toujours posé sur elle, d ‘éviter les conversations qui avivent sa jalousie, réveillent son amour et suscitent des malentendus avec son époux. La nécessité de s’éloigner de la Cour devient une évidence car même la communication  entre mari et femme se trouve viciée par les obligations mondaines. A maintes reprises, la princesse souhaite disposer d’une plus grande intimité avec son mari. Ses demandes réitérées de séjour à la campagne, se heurtent à l’incompréhension de cette homme, vivre à Coulommiers serait incompatible avec ses multiples obligations de grand seigneur, page 140, Tome III:   

                   « Quand Monsieur de Clèves fut revenu, elle lui dit qu’elle voulait aller à la campagne, qu’elle se trouvait mal t qu’elle avait besoin de prendre l’air. Monsieur de Clèves, à qui paraissait d’une beauté qui ne lui persuadait pas que ses maux fussent  considérables, se moqua d’abord de la proposition de ce voyage et lui répondit qu’elle oubliait que les noces des princesses et le tournoi s’allaient faire et qu’elle n’avait pas trop de temps pour se préparer à y paraître avec la même magnificence que les autres femmes. «                                                       

 

 Finalement, Mr de Clèves est l’artisan de son propre malheur, il exige même que sa femme ne diminue en rien son nombre de visite qu’elle reçoit. Au contraire, pour la princesse, s’éloigner de la Cour, et trouver refuge à la campagne, c’est faire le choix héroique de la sincérité et de la liberté morale. A ses yeux, cela vaut bien de perdre la place de favorite de la reine dauphine.

 

                                                                    **

 

                   Le premier départ de la princesse pour Coulommiers, apparaît dès le tome I à la page 68 de la collection Biblio Lycée de l’HACHETTE, elle a déjà rencontré le Duc de Nemours, la passion est née lors du bal:

 

                          « Madame de Clèves était dans une affliction extrême; son mari ne la quittait point, et sitôt que Madame de Chartres fut expirée, il l’emmena à la campagne, pour l’éloigner d’un lieu qui ne faisait qu’aigrir sa douleur. «

 

Ce lieu semble être, en premier lieu, propice à la réflexion, calme, éloigner de toutes 

 

les agitations de la Cour. Néanmoins, Mme de Lafayette , nous livre un description plus ou moins complète du lieu; mais seulement au tome III, lors de la venue de Mr de Nemours (élément qui sera le sujet de notre seconde partie). A la page 191 de la même édition:   

                   « Il passa le village et alla dans la forêt (…). Sitôt que la nuit fût venue, il  entendit marcher, et quoiqu’il fit obscur, il reconnût aisément Monsieur de Nemours. Il vit faire le tour du jardin, comme pour écouter s’il n’y entendrait personne et pour choisir le lieu par où il pourrait passer le plus aisément. Les palissades étaient fort hautes, et il y en avait encore derrière, pour empêcher qu’on ne pu entrer, en sorte qu’il était assez difficile de se faire passage. Monsieur de Nemours en vint à bout néanmoins; sitôt qu’il fût dans le jardin il n’eût pas de peine à démêler où était Madame de Clèves. Il vit beaucoup de lumières dans le cabinet, toutes les fenêtres étaient ouvertes et, en se glissant le long des palissades, il s’en approcha avec un trouble et une émotion qu’il est aisé de se représenter. Il se rangea derrière une des fenêtres, qui servaient de porte, pour voir ce que faisait Madame de Clèves «.

 

Dans cette description, nous nous apercevons tout de même une demeure secondaire difficile d’accès, bien protégée, recluse dans une forêt. Ce lieu paraît être l’incarnation même de la tranquillité, de la solitude. Ainsi, la thèse tendrait vers l’affirmation suivante: la campagne  est la clé de ce roman d’analyse, permettant ainsi la fuite, l’isolement et enfin la disparition de la passion. Toutefois, nous remarquons, en analysant ce passage (de la page 191:   « Il suivit Mr de Nemours jusqu’à un village (…) « à la page 194: « (…) le lieu où étaient toutes ses femmes «, nécessite une explication, une analyse. Ce passage où Monsieur de Nemours surprend Mme de Clèves, qui s’abandonne à une rêverie solitaire dont il est le centre (preuve que même lors de sa retraite dans un lieu paisible, sa passion est toujours au centre de ses préoccupations, inconsciemment ou consciemment) a un caractère un peu insolite. Mme de Lafayette qui d’ordinaire, décrit si peu les êtres et les choses, nous offre ici une page qui sans être vraiment descriptive, n’en est pas moins un caractère fortement visuel. Pour une fois, elle évoque avec une certaine précision les lieux et les objets. Dans aucune autre page de La princesse de Clèves, on ne peut trouver à la fois un lit de repos, deux tables, des corbeilles pleines de rubans, une canne des Indes, un flambeau et un tableau. Les indications matérielles  Mme de Lafayette nous donne ici, ne sont en effet aucunement gratuite. Elles n’ont d’autre raison d’être que de servir l’analyse psychologique qui en dépit des apparences, reste dans cette page, le centre d’intérêt essentiel. Mais pour une fois, Mme de Lafayette ne se sert ni du dialogue (la scène est entièrement muette) ni du monologue intérieur (si fréquent dans La princesse de Clèves) qui sont dans les autres pages du roman, les deux instruments 

 

privilégiés de l’analyse psychologique. Pour une fois, elle se contente presque de nous donner à voir les faits et gestes de ses personnages, en ne nous fournissant sur leur sentiment que des indications très générales. L’unité et le mouvement de cette page sont tout à fait remarquables. Les trois personnages de cette scène muette nous sont montrées en train de regarder un autre attentivement et intensément et de regarder à son insu; le gentilhomme s’est mis en embuscade dans la forêt pour espionner M. de Nemours vas e poster derrière une porte-fenêtre  pour observer , à la dérobée, Mme de Clèves. Cette-dernière s’est retranchée dans la solitude du cabinet pour contempler le portrait de M. de Nemours. Nous, les lecteurs, nous suivons d’abord M. de Nemours avec les yeux du gentilhomme espion, et nous le voyons avec ses yeux faire le tour du jardin et franchir les palissades. Puis, à partir de « sitôt  qu’il fût dans le jardin «, nous nous approchons du cabinet en même temps que Mr de Nemours et nous regardons avec ses yeux, Mme de Clèves nouer les rubans autour de la canne. Enfin Mme de Clèves se lève et nous conduit devant le portrait de M. de Nemours. La progression de la scène se déroule donc dans une addition de regards: au regard du gentilhomme s’ajoute ensuite celui de M. de Nemours et enfin celui de Mme de Clèves. Et en même temps que les plans se multiplient, l’angle de vue se resserre. Le gentilhomme qui regarde M. de Nemours faire le tour du jardin et escalader les palissades,  a un champ plus large que celui de Mme de Clèves, qui contemple le petit carré de toile sur lequel Mr de Nemours est peint. Ces palissades rappellent d’ailleurs les obstacles que dans les romans médiévaux le chevalier doit franchir pour s’approcher de sa dame. Mais elle serrent aussi et sans doute à empêcher le gentilhomme espion de pénétrer dans le jardin. Mme Lafayette utilise la formule suivante redondante; p 191: «  les palissades étaient fort hautes et il y en avait encore derrière pour empêcher qu’on ne pu entrer, de sorte qu’il était assez difficile de se faire passage « ; cette formule s’explique par la volonté de bien insister sur le fait qu’il était très difficile d’enter (« assez « a le sens de « très «). Certes la mission que M de Clèves avait confié au gentilhomme était seulement de voir si M de  Nemours « n’entrerait point la nuit dans le jardin «p 191. Mais on peut penser qu’il aurait essayé d’entrer lui aussi si cela lui aurait parut possible. Il n’était pas rentrer dans le pavillon mais était seulement rester dans le jardin, tout seul, toute la nuit. M de Clèves  aurait donc su qu’il ne s’&ea

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