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LA COLÈRE TRAGIQUE CHEZ HOMÈRE

Publié le 27/02/2008

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La Colère tragique chez Homère

 

 

 

Les colères d’Achille

 

Nous puiserons dans l’épopée d’Homère un exemple de colère sans remède, la colère d’Achille.

Au milieu des prouesses des grands guerriers qui s’affrontent en cette dernière phase de la guerre des Grecs contre Troie, Achille est l’un des héros grecs les plus redoutables. Les Grecs ont absolument besoin de sa présence pour pouvoir gagner et il le sait.

Or, Achille se trouve soudain mis en difficulté par une décision totalement injuste du chef suprême, Agamemnon de là jaillit une longue colère vindicative d’Achille qui s’enferme dans sa tente. Refusant de combattre. Cette première colère se trouvera dépassée par une seconde, une colère de vengeance au lendemain de la mort de son meilleur ami Patrocle : colère combative contre les Troyens.

 

LA COLERE IRREPRESSIBLE

 

Les Grecs sont décimés par la peste car Apollon et son prêtre ont été offensés.  En effet, Agamemnon avait impérieusement pris pour butin personnelle de guerre Chryséis, la fille du prêtre.

Pour apaisé le dieu Apollon et son prêtre affligé, Achille propose de rendre à celui-ci sa fille Chryséis.

Cela plonge Agamemnon dans la rage. Furieux de se savoir ainsi frustré, Agamemnon décide d’enlever à Achille sa part légitime de butin, la jolie Briséis. Une terrible colère, s’empare d’Achille, colère de se voir injustement ravir le prix légitime de ses nombreuses victoires.

Comme c’est souvent le cas, la colère d’Achille a pour origine un échec. Achille est à la fois frustré de ses biens et atteint dans son honneur par la volonté cruelle et dominatrice d’Agamemnon.

 

Une colère qui dure

 

Si la colère d’Achille n’est assurément pas sans fondement, ses conséquences seront dramatiques.

En effet, Achille abandonne soudain ses compagnons d’armes. Cette attitude ne consiste pas seulement à refuser d’aider l’autre en difficulté, mais aussi elle rend possibles des dizaines de combats si souvent mortels pour de nobles chefs grecs et leur troupes vaillantes. Mais aussi, c’est une colère qui s’ouvre sur l’échec et la mort de bien des combattants.

 

Le désir de meurtre

 

La colère se fait d’abord implacable fureur : « le chagrin prend le fils de Pélée et, dans sa poitrine virile, son cœur balance entre deux desseins. Tirera-t-il le glaive aigu, pendu le long de sa cuisse ? Il tue alors l’Atride. Ou calmera-t-il son dépit et domptera-t-il sa colère ? »

Hésitante écoute des conseils de la déesse sage.

La déesse aux yeux pers, Athéna, désireuse de mettre fin à la querelle, descend de l’Olympe : « je suis venue du ciel pour calmer ta fureur. Allons, clos ce débat, et que ta main ne tire pas l’épée. Contente-toi de mots et, pour l’humilier, dis lui ce qui l’attend. »

 

 

Paroles venimeuses      

 

Achille, malgré Athéna, laisse de nouveau aller sa colère, y joignant maintenant le mépris, et dit à Agamemnon : « Œil de chien et cœur de cerf ! Jamais tu n’as eu le courage de t’armer pour la guerre avec tes gens … Certes, il est plus avantageux, sans s’éloigner de vaste camp des Achéens, d’arracher les présents qu’il a reçus à un guerrier… Hé bien, je te déclare : un jour viendra où tous, les fils des Achéens sentiront en eux le regret d’Achille. »

 

 

Paroles menaçantes

 

Achille poursuit encore, insultant Agamemnon qu’il juge incapable de pouvoir assurer la victoire : « tu ne pourras plus leur être utile quand, par centaines, ils tomberont mourants sous les coups d’Hector meurtrier. Alors, tu te déchireras le cœur dans ton dépit d’avoir refusé tout égard aux plus braves des Achéens. »

Ainsi, colère impossible à dominer et à faire cesser. Colère indirectement cause de mort et de malheur pour des milliers de guerriers courageux. Colère légitime, certes, mais subie. Colère qui reste là – cris, puis silence- sans pitié, de très long mois durant.

 

 

La colère vengeresse

 

Au lendemain de la mort tragique de son tendre ami Patrocle, tuer par Hector, la colère d’Achille se transforme en colère vengeresse.  Il reprend alors le combat. Après la colère repli sur soi et abandon des autres, c’est la colère à l’horizon du courage et su soutien au courage des autres. Colère qui est ici non plus indirectement, mais directement meurtrière. Les dieux le pressentent. Zeus dit : « Si Achille, même seul, entre en lutte avec les Troyens, pas un instant ils ne tiendront. Déjà auparavant, ils se dérobaient, épouvantés à sa vue. Aujourd’hui que son cœur, à la pensée de son ami, nourrit un terrible courroux, j’ai bien peur qu’il n’arrive à devancer le destin et à enlever le rempart. »

La longue colère était destructrice de toute amitié, la brusque colère construit en commun la victoire : dans tous ses versants, la colère est meurtre. Mais à l’abandon meurtrier des amis fait suite maintenant le meurtre courageux, broyant mille ennemis.

 

 

Colère cruelle et haine abominable

 

Sous les remparts de Troie, un combat singulier s’instaure entre le grand le héro troyen et le redoutable héro grec. Hector et Achille s’affrontent. Soudain, Hector, blessé à mort, s’effondre. Il supplie alors son vainqueur de ne pas laisser son corps sur le champ de bataille à la merci des chiens sauvages. Sans le moindre sursaut de pitié, du fond de sa colère haineuse, Achille refuse.

Hector, d’une voix défaillante, dit : « je t’en supplie, par ta vie, par tes parents, ne laisse pas les chiens me dévorer près des nefs achéennes ; accepte bronze et or à ta suffisance ; accepte les présents que t’offriront mon père et ma mère, rends-leur mon corps ramener chez moi, à fin que les troyens et les femmes des troyens au mort que je serai donnent sa part de feu. » 

Achille lève alors vers lui un œil sombre et dit cruellement : « non, chien, ne me supplie ni par mes genoux ni par mes parents. Aussi vrai que je voudrais voir ma colère et mon cœur m’induire à couper ton corps pour le dévorer tout crû, après ce que tu m’as fait, nul n’écartera les chiens de ta tête, quand même on m’amènerait ou me pèserait ici dix ou vingt fois ta rançon, en me promettant d’avantage encore ; […] les oiseaux te dévoreront tout entier. »

 

 

L’achèvement d’une immense colère ou la générosité retrouvée

 

Éperdue de chagrin, le père d’Hector, le vieux Priam, sur le conseil des dieux, décide d’aller trouver Achille sous sa tente où repose le cadavre d’Hector et de lui demander de pouvoir ramener à Troie la dépouille de son fils. Un dialogue plein de grandeur et de noblesse s’ensuit.

Priam dit : « Achille, souviens toi de ton père. Il a mon âge, il est tout comme moi au seuil maudit de la vieillesse. Mon malheur à moi est complet. J’ai donné le jour à des fils qui étaient des braves. La plupart ont eu les genoux rompus par l’ardent Arès. Le seul qui me restait tu la tué hier. C’est pour lui que je viens aux nefs des Achéens, pour te le racheter. »

Alors ensemble, les deux héros pleurent, évoquant leurs souvenirs. Après les pleurs, Achille, devenu désormais rassurant et serein, dit : « ne t’irrites plus maintenant, vieillard, je songe moi-même à te rendre Hector. » Et les deux héros discutent du nombre de jours de trêve qu’il convient de compter pour mener à bien de descente funérailles.  

Après la redoutable et passive colère du héro, qui, atteint dans son honneur, se retire du combat, il y a la colère combative et pleine d’ardeur sur le champ de bataille. Quand l’honneur à été retrouvé, quand la gloire à pu trouver satisfaction, après bien des moments douloureux, avec le temps, soudain, la paix intérieure renaît par elle-même, sans l’aide de personne.

Mais ce n’est qu’une trêve. Une fois les funérailles d’Hector accomplies, Achille retrouve son ardeur pour le combat. Son désir de venger son ami alimente encore et encore les prouesses par lesquelles il extermine des masses de Troyens. La colère colossale du héros tragique ne finit qu’avec sa mort.  

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