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La danseuse

Publié le 27/02/2008

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La danseuse

Inaptitude au vol, gigots court emplumés : tout ce qui rend une autruche gênée la danseuse toujours en pleine visibilité s’en fait gloire, - et marche sur des œufs sur des airs empruntés.

D’âme égoïste en un corps éperdu, les choses à son avis tournent bien quand sa robe tourne en tulipe et tout le reste au désordre. Des ruisseaux chauds d’alcool ou de mercure rose d’un sobre et bas relief lui gravissent les tempes, et gonflent sans issue. Elle s’arrête alors : au squelette immobile la jeune chair se rajuste aussitôt. Elle a pleine la bouche de cheveux qui s’en tireront doucement par la commissure des lèvres. Mais les yeux ne retinteront qu’après s’être vingt fois jetés aux bords adverses comme les grelots du capuchon des folies. 

Idole jadis, prêtresse naguère, hélas ! aujourd’hui un peu trop maniée la danseuse… Que devient une étoile applaudie ? Une ilote.

ARGUMENT 

Ce poème brosse la description d’une danseuse de façon très particulière : on rapproche les qualités de l’autruche à celle de la danseuse. Ensuite, la description se centre sur le mouvement rotatif décrit par celle-ci. Plus l’on avance dans la seconde strophe, plus la description devient négative voire même un peu méprisante. (Son corps est fractionné, son mouvement est désordonné, tumultueux). Ensuite, on l’envisage dans une vision diachronique : connoté d’une grandeur religieuse avant, elle est aujourd’hui réduite à l’état de misère, d’esclavage, de marionnette (désacralisation + devenue un pantin).

 

TON

Railleur, ironique, critique, déçu à la fin.

ANALYSE

Inaptitude au vol, gigots court emplumés : tout ce qui rend une autruche gênée la danseuse toujours en pleine visibilité s’en fait gloire

Texte commence par une double comparaison, d’une part de la danseuse aux gigots, et d’autre part à l’autruche. L’objet des comparaisons est qu’elle a une inaptitude au vol.

La première comparaison réfère aux cuisses de la danseuse (morceau de viande) et peut-être aux plumes de son costume. Le texte est donc très réducteur dès le début. La seconde comparaison a surtout pour effet de mettre en avant la maladresse de la danseuse : par le terme autruche (oiseau qui ne sait pas voler), mais par le fait qu’elle soit gênée également.

Il y a une différence entre la danseuse est l’autruche : la danseuse s’en fait gloire.

L’auteur met donc en avant un défaut de la danseuse (sa maladresse), tout en montrant sa vanité puisqu’elle, elle est fière. Il y a un aspect grotesque dans la situation.

Les termes tout, pleine, toujours sont des termes intenses sémantiquement ; exagération de la phrase qui mime l’exubérance de la danseuse.

, - et marche sur des œufs sur des airs empruntés.

Le tiret marque une rupture ; le mouvement entravé est grotesque, l’aspiration à voler est cassée. Le verbe « marcher » fait partie du processus de désacralisation de la danseuse. Il n’emploie pas « danser » qui aurait été plus convenable pour une danseuse, ça lui enlève toute grâce. L’expression « marcher sur des œufs » renvoie à une certaine préciosité.

Rem : cette attention particulière peut renvoyer à l’image de la danseuse qui fait ses pointes.

 Le mot air à un double sens : soit cela s’applique à la danseuse elle-même (son attitude), soit à la musique inauthentique sur laquelle elle danse.

Le terme empruntés a aussi un double sens : manque d’aisance mais aussi répétition simple et absurde des pas qu’on lui a appris (de nouveau idée d’inauthenticité ; un peu comme un pantin, gestes mécaniques.

ð     la danseuse n’a rien pour elle : aucun naturel, vision négative renforcée encore par la comparaison avec l’autruche. De plus, elle est prétentieuse.

D’âme égoïste en un corps éperdu, les choses à son avis tournent bien quand sa robe tourne en tulipe et tout le reste au désordre.

Une nouvelle dimension s’introduit : le mouvement rotatif de la danseuse. Il ne parle que d’un pas qui est très réducteur : le tour.

On peut voir un jeu de mot sur d’âme et dame (calembour).

Effet : Le poète tend à ne plus appeler cette personne une danseuse (car différent de gracieux, élégant). En plus de réduire l’activité « tourne » on ne donne même plus le nom de la danseuse mais de dame.

Il place l’âme face au corps. L’association égoïste montre qu’il s’agit d’un jugement moral.

Le terme éperdu exprime une connotation qui colore tout le texte : elle est incontrôlée, écervelée et elle danse comme une machine.

Le fait que le terme tourne est reprit deux fois pour marquer que la vision de la danseuse se réduit à la rotation « tourne » même lorsqu’il s’agit de choses extérieures. Elle ne vit que pour elle et sa danse, idée reprise dans et tout le reste au désordre. à ellipse de « tourne », zeugme.

Il utilise des mots triviaux pour désigner tout ce qui n’est pas la danse : les choses, tout le reste. à Réducteur, marque même que la danseuse semble un peu limitée voir même un peu écervelée. C’est une vision égoïste de la danseuse, c’est elle qui est au centre.

La tulipe exprime un côté giratoire donc le mouvement est dépréciatif, l’auteur l’associe au mouvement de la danseuse. L’éllipse du verbe marque une tendance naturelle à aller au désordre.

Après avoir montré le désordre moral, le poète décrit le désordre physique qui s’en suit (disgracieux, pas de délicatesse ni d’élégance).

L’auteur veut la décrire un maximum et son propos est tout à fait railleur, ironique : il se moque de la danseuse.

Ce qui marque aussi l’ironie est la différence entre ce que la danseuse se croit et la vision que le poète donne d’elle. 

Des ruisseaux chauds d’alcool ou de mercure rose d’un sobre et bas relief lui gravissent les tempes, et gonflent sans issue.

La danseuse est vue comme un bouillonnement, en ébullition suite à son effort (ses mouvements maladroits l’essoufflent).

La métaphore ruisseaux chauds d’alcool et de mercure traduit aussi un enivrement, une folie du mouvement de la danseuse. Son visage est marqué par cet effort, c’est la seule expressivité de son visage (veines gonflées par l’effort = ruisseaux + sueur de la danseuse = chauds).

Les termes d’alcool ou de mercure rose expriment l’image des veines gonflées, du sang. Cette image marque l’enivrement, folie, sang fébrile. Le mercure est un métal lourd qui participe à la disgrâce de la danseuse.

Avec gravissent, il y a un jeu de mot entre les temps de la musique et les tempes sur lesquelles on voit les veines gonflées. // graver (sculpture : ironie car pas sculpture très flatteuse)

Sans issue renforce encore cette ébullition.

Elle s’arrête alors : au squelette immobile la jeune chair se rajuste aussitôt.

Le Elle s’arrête est la conséquence du sans issue du vers précédent… il faut qu’elle s’arrête sinon elle va exploser.

Squelette immobile montre le peu de savoir faire de la danseuse puisque la danse est l’art de faire bouger tout son corps.

Le fait que la danseuse soit jeune est encore plus dévalorisant pour elle, elle devrait être gracieuse.

Comme le verbe se rajuste s’applique à la chair, ça signifie que ça bouge quand elle danse ; elle a de la graisse… ce n’est pas vraiment l’image que l’on se fait de la danseuse. On est toujours dans le domaine de la désacralisation.

Elle a pleine la bouche de cheveux qui s’en tireront doucement par la commissure des lèvres.

Il y a dans cette phrase un désordre syntaxique qui mime le désordre physique et moral de la danseuse. Il y a une préciosité dans la langue, raffine et imbrication constante dans la désacralisation, maladresse voulue.

Il y a encore un décalage par rapport à l’image type de la danseuse dans la façon de traiter les cheveux, on les imagine davantage tirés en chignon tout bien plaqué. Ce désordre est le résultat de son mouvement de rotation.

Mais les yeux ne retinteront qu’après s’être vingt fois jetés aux bords adverses comme les grelots du capuchon des folies.

On a affaire à une phrase différente : tout s’est remis en place après cet arrêt mais il y a un « mais » : les yeux qui suivent le mouvement. L’expression jetés aux bords adverses signifie un mouvement fou des yeux, une comparaison est faite avec les grelots du capuchon des folies. C'est-à-dire comme les yeux en bille d’une poupée qui bouge tel un balancier même lorsque le corps n’est plus en mouvement. Il y a donc une synecdoque : grelot (image bouffon) et folies (rapprochement avec le bonnet du fou du roi). à Imagerie de la folie autour de la danseuse + déshumanisation.

Idole jadis, prêtresse naguère, hélas ! aujourd’hui un peu trop maniée la danseuse…

On retourne dans le passé, jadis renvoie à un temps plus lointain que naguère. Idole et prêtresse sont 2 termes qui renvoient à un objet d’une adoration ou d’un culte. Ce sont des connotations religieuses païennes qui participent au côté désacralisant.

Le hélas marque comme un regret de la part de l’auteur, peut-être du temps où elle était une idole.

Le trop maniée insiste une dernière fois sur l’attitude peu naturelle de la jeune femme. 

Que devient une étoile applaudie ? Une ilote.

Ilote présente une proximité des lettres avec étoile et idole : jeu de mot qui balise ce paragraphe. Cela boucle la boucle (mouvement circulaire de la danseuse accompli).

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