La guerre menée contre les Kurdes
Publié le 22/02/2012
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9 décembre 1994 - Qui aurait imaginé, en août 1984, lorsque le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) a lancé sa lutte armée, que près d'un tiers de l'armée turque serait un jour mobilisée pour lutter contre ceux qui étaient perçus comme un groupe de bandits sans influence ? Et qui aurait cru que la question kurde deviendrait, un jour, l'obstacle principal au développement des relations entre la Turquie et l'Europe ?
Dix ans plus tard, le bilan des combats se chiffre à plus de 13 000 morts et les autorités turques ne donnent aucun signe d'un changement dans leur politique de répression à l'égard des Kurdes.
Les forces gouvernementales, qui affirment avoir abattu 3 700 combattants kurdes au cours des dix premiers mois de 1994 ont, certes, marqué quelques points sur le terrain. " Le PKK a pris une gifle, qui risque d'affecter son efficacité et sa capacité de contrôle politique ", commente un diplomate occidental. Si le PKK continue de recruter activement parmi la jeunesse kurde, le renouvellement constant de ses effectifs affecte probablement le sens de ses opérations, ce qui explique peut-être les attaques spectaculaires et brutales contre le personnel enseignant, qui ont particulièrement choqué l'opinion publique turque.
Les autorités ont rétabli un certain degré de contrôle, notamment sur les axes routiers, dans certaines régions du Sud-Est anatolien. Des villes, telles que Diyarbakir, Cizre ou Sirnak, ont retrouvé un peu de calme.
Mais à quel prix ? Sirnak a été partiellement détruite, une partie importante de la population de Cizre a quitté la région, remplacée par des tribus favorables au gouvernement. Quant à Diyarbakir, la capitale régionale, elle a vu sa population doubler au cours des dix-huit mois écoulés pour atteindre 1,2 million, avec l'arrivée des villageois forcés de quitter leurs hameaux.
Selon l'Association turque des droits de l'homme, plus de 1 400 villages et hameaux ont été évacués, totalement ou partiellement, et dans certains cas brûlés, depuis 1987. Le parti de la prospérité (RP, islamiste) affirme, de son côté, que 800 000 personnes ont été déplacées.
Le PKK a élargi son champ d'action, qui dépasse aujourd'hui les dix provinces soumises à l'état d'urgence, pour inclure également plus au nord, Erzurum, Sivas, Erzincan et Kars, et à l'ouest, Urfa, Adana et Karamanmaras. Ses attaques contre des sites touristiques, à l'ouest du pays, démontre qu'il peut frapper à volonté des secteurs cruciaux pour l'économie turque. Le coût financier du conflit a ainsi poussé les hommes d'affaires turcs à s'exprimer. Un récent rapport, publié par la Fondation pour le développement économique, basée à Istanbul, mentionnait la nécessité de donner des " droits culturels et éducatifs accrus pour la population kurde en Turquie ".
" Terrorisme d'Etat " D'autant que le chiffre de 7 milliards de dollars annuels (37 milliards de francs) dépensés pour la lutte contre le PKK, cité par les autorités, ne tient pas compte des ravages économiques et sociaux de ce conflit. Les pâturages étant désormais hors d'atteinte, de nombreux paysans kurdes ont dû renoncer à l'élevage et les investissements industriels sont inexistants dans le Sud-Est. En l'absence d'enseignants - selon les chiffres de l'association turque des droits de l'homme, 128 instituteurs ont été tués au cours des dix dernières années dont 14 depuis la rentrée de septembre - des milliers d'enfants sont privés d'éducation. Pour justifier leur refus de chercher une solution politique au problème kurde, les autorités d'Ankara arguent volontiers du conservatisme de l'opinion publique turque. Ce renouveau du nationalisme turc et des partis d'extrême droite s'explique à la fois par les pertes en hommes subies par l'armée et par la façon dont la question kurde est présentée à l'homme de la rue : c'est un mouvement venant de l'étranger, soutenu par les Arméniens, les Grecs ou les Syriens !
Les racines du problème sont pourtant en Turquie et la répression n'a fait que pousser de nombreux Kurdes, qui ne souhaitaient pas forcément un Etat indépendant, dans les bras du PKK. L'appel au cessez-le-feu, lancé récemment par Abdullah Ocalan, le dirigeant du PKK, qui a aussi officiellement renoncé au séparatisme, a été immédiatement rejeté par les autorités turques.
Le gouvernement reste campé sur ses positions mais la question kurde est plus que jamais au centre des débats.
Les méthodes utilisées par les forces armées, notamment dans la province de Tunceli où des dizaines de villages ont été détruits depuis septembre dans le cadre d'une vaste opération militaire, ont été publiquement critiquées. Le ministre d'Etat responsable des droits de l'homme, Ahmet Kylüoglu, a parlé de " terrorisme d'Etat " Au sein de l'Assemblée, les vues réactionnaires continuent de dominer si l'on en juge par les discussions intenses qui entourent le projet d'amendement à la loi antiterroriste, qui accorderait plus de liberté d'expression aux Kurdes et aux Turcs. Acculée, la Turquie s'entête dans une politique qui s'est révélée néfaste pour le pays tout entier puisqu'elle entrave le processus de démocratisation à l'échelon national. Bien que les Etats occidentaux dénoncent les méthodes utilisées par le PKK, les revendications culturelles de la minorité kurde de Turquie figurent désormais à l'agenda européen, qu'Ankara le veuille ou non.
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