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LA MORTE

Publié le 07/03/2011

Extrait du document

Je l'avais aimée éperdument ! Pourquoi aime-t-on ? Est-ce bizarre de ne plus voir dans le monde qu'un être, de n'avoir plus dans l'esprit qu'une pensée, dans le coeur qu'un désir, et dans la bouche qu'un nom : un nom qui monte incessamment, qui monte, comme l'eau d'une source, des profondeurs de l'âme, qui monte aux lèvres, et qu'on dit, qu'on redit, qu'on murmure sans cesse, partout, ainsi qu'une prière. Je ne conterai point notre histoire. L'amour n'en a qu'une, toujours la même. Je l'avais rencontrée et aimée. Voilà tout. Et j'avais vécu pendant un an dans sa tendresse, dans ses bras, dans sa caresse, dans son regard, dans ses robes, dans sa parole, enveloppé, lié, emprisonné dans tout ce qui venait d'elle, d'une façon si complète que je ne savais plus s'il faisait jour ou nuit, si j'étais mort ou vivant, sur la vieille terre ou ailleurs. Et voilà qu'elle mourut. Comment ? Je ne sais pas, je ne sais plus. Elle rentra mouillée, un soir de pluie, et le lendemain, elle toussait. Elle toussa pendant une semaine environ et prit le lit. Que s'est-il passé ? Je ne sais plus. Des médecins venaient, écrivaient, s'en allaient. On apportait des remèdes; une femme les lui faisait boire. Ses mains étaient chaudes, son front brûlant et humide, son regard brillant et triste. Je lui parlais, elle me répondait. Que nous sommes-nous dit ? Je ne sais plus. J'ai tout oublié, tout, tout ! Elle mourut, je me rappelle très bien son petit soupir, son petit soupir si faible, le dernier. La garde dit :"Ah!" Je compris, je compris ! Je n'ai plus rien su. Rien. Je vis un prêtre qui prononça ce mot : " Votre maîtresse." Il me sembla qu'il l'insultait. Puisqu'elle était morte on n'avait plus le droit de savoir cela. Je le chassai. Un autre vint qui fut très bon, très doux. Je pleurai quand il me parla d'elle. On me consulta sur mille choses pour l'enterrement. Je ne sais plus. Je me rappelle cependant très bien le cercueil, le bruit des coups de marteau quand on la cloua dedans. Ah ! mon Dieu ! Elle fut enterrée ! enterrée ! Elle ! dans ce trou ! Quelques personnes étaient venues, des amies. Je me sauvai. Je courus. Je marchai longtemps à travers des rues. Puis je rentrai chez moi. Le lendemain je partis pour un voyage.

Hier, je suis rentré à Paris. Quand je revis ma chambre, notre chambre, notre lit, nos meubles, toute cette maison où était resté tout ce qui reste de la vie d'un être après sa mort, je fus saisi par un retour de chagrin si violent que le faillis ouvrir la fenêtre et me jeter dans la rue. Ne pouvant plus demeurer au milieu de ces choses, de ces murs qui l'avaient enfermée, abritée, et qui devaient garder dans leurs imperceptibles fissures mille atomes d'elle, de sa chair et de son souffle, je pris mon chapeau, afin de me sauver. Tout à coup, au moment d'atteindre la porte, je passai devant la grande glace du vestibule qu'elle avait fait poser là pour se voir, des pieds à la tête, chaque jour, en sortant, pour voir si toute sa toilette allait bien, était correcte et jolie, des bottines à la coiffure. Et je m'arrêtai net en face de ce miroir qui l'avait souvent reflétée. Si souvent, si souvent, qu'il avait dû garder aussi son image. J'étais là debout, frémissant, les yeux fixés sur le verre, sur le verre plat, profond, vide, mais qui l'avait contenue tout entière, possédée autant que moi, autant que mon regard passionné. Il me sembla que j'aimais cette glace - je la touchai, - elle était froide ! Oh ! le souvenir ! le souvenir ! miroir douloureux, miroir brûlant, miroir vivant, miroir horrible, qui fait souffrir toutes les tortures ! Heureux les hommes dont le coeur, comme une glace où glissent et s'effacent les reflets, oublie tout ce qu'il a contenu, tout ce qui a passé devant lui, tout ce qui s'est contemplé, miré dans son affection, dans son amour ! Comme je souffre ! Je sortis et, malgré moi, sans savoir, sans le vouloir, j'allai vers le cimetière. Je trouvai sa tombe toute simple, une croix de marbre, avec ces quelques mots: "Elle aima, fut aimée, et mourut." Elle était là, là-dessous, pourrie ! Quelle horreur ! Je sanglotais, le front sur le sol. J'y restai longtemps, longtemps. Puis je m'aperçus que le soir venait. Alors un désir bizarre, fou, un désir d'amant désespéré s'empara de moi. Je voulus passer la nuit près d'elle, dernière nuit, à pleurer sur sa tombe. Mais on me verrait, on me chasserait. Comment faire ? Je fus rusé. Je me levai et me mis à errer dans cette ville des disparus. J'allais, J'allais. Comme elle est petite cette ville à côté de l'autre, celle où l'on vit l Et pourtant comme ils sont plus nombreux que les vivants, ces morts. Il nous faut de hautes maisons, des rues, tant de place, pour les quatre générations qui regardent le jour en même temps, boivent l'eau des sources, le vin des vignes et mangent le pain des plaines. Et pour toutes les générations des morts, pour toute l'échelle de l'humanité descendue jusqu'à nous, presque rien, un champ, presque rien ! La terre les reprend, l'oubli les efface. Adieu ! Au bout du cimetière habité, j'aperçus tout à coup le cimetière abandonné, celui où les vieux défunts achèvent de se mêler au sol, où les croix elles-mêmes pourrissent, où l'on mettra demain les derniers venus. Il est plein de roses libres, de cyprès vigoureux et noirs, un jardin triste et superbe, nourri de chair humaine. J'étais seul, bien seul. Je me blottis dans un arbre vert. Je m'y cachai tout entier, entre ces branches grasses et sombres. Et j'attendis, cramponné au tronc comme un naufragé sur une épave.

Quand la nuit fut noire, très noire, je quittai mon refuge et me mis à marcher doucement, à pas lents, à pas sourds, sur cette terre pleine de morts. J'errai longtemps, longtemps, longtemps. Je ne la retrouvais pas. Les bras étendus, les yeux ouverts, heurtant des tombes avec mes mains, avec mes pieds, avec mes genoux, avec ma poitrine, avec ma tête elle-même, j'allais sans la trouver. Je touchais, je palpais comme un aveugle qui cherche sa route, je palpais des pierres, des croix, des grilles de fer, des couronnes de verre, des couronnes de fleurs fanées ! Je lisais les noms avec mes doigts, en les promenant sur les lettres. Quelle nuit ! quelle nuit ! Je ne la retrouvais pas ! Pas de lune! Quelle nuit! J'avais peur, une peur affreuse dans ces étroits sentiers, entre deux lignes de tombes ! Des tombes ! des tombes ! des tombes. Toujours des tombes ! A droite, à gauche, devant moi, autour de moi, partout, des tombes ! Je m'assis sur une d'elles, car je ne pouvais plus marcher tant mes genoux fléchissaient. J'entendais battre mon coeur ! Et j'entendais autre chose aussi ! Quoi ? un bruit confus innommable ! Etait-ce dans ma tête affolée, dans la nuit impénétrable, ou sous la terre mystérieuse, sous la terre ensemencée de cadavres humains, ce bruit ? Je regardais autour de moi! Combien de temps suis-je resté là ? Je ne sais pas. J'étais paralysé par la terreur, j'étais ivre d'épouvante, prêt à hurler, prêt à mourir. Et soudain il me sembla que la dalle de marbre sur laquelle j'étais assis remuait. Certes, elle remuait, comme si on l'eût soulevée. D'un bond je me jetai sur le tombeau voisin, et je vis, oui, je vis la pierre que je venais de quitter se dresser toute droite; et le mort apparut, un squelette nu qui, de son dos courbé la rejetait. Je voyais, je voyais très bien, quoique la nuit fut profonde. Sur la croix je pus lire : "Ici repose Jacques Olivant, décédé à l'âge de cinquante et un ans. Il aimait les siens, fut honnête et bon, et mourut dans la paix du Seigneur." Maintenant le mort aussi lisait les choses écrites sur son tombeau. Puis il ramassa une pierre dans le chemin, une petite pierre aiguë, et se mit à les gratter avec soin, ces choses. Il les effaça tout à fait, lentement, regardant de ses yeux vides la place où tout à l'heure elles étaient gravées; et du bout de l'os qui avait été son index, il écrivit en lettres lumineuses comme ces lignes qu'on trace aux murs avec le bout d'une allumette : "Ici repose Jacques Olivant, décédé à l'âge de cinquante et un ans. Il hâta par ses duretés la mort de son père dont il désirait hériter, il tortura sa femme, tourmenta ses enfants, trompa ses voisins, vola quand il le put et mourut misérable." Quand il eut achevé d'écrire, le mort immobile contempla son oeuvre. Et je m'aperçus, en me retournant, que toutes les tombes étaient ouvertes, que tous les cadavres en étaient sortis, que tous avaient effacé les mensonges inscrits par les parents sur la pierre funéraire, pour y rétablir la vérité. Et je voyais que tous avaient été les bourreaux de leurs proches, haineux, déshonnêtes, hypocrites, menteurs, fourbes, calomniateurs, envieux, qu'ils avaient volé, trompé, accompli tous les actes honteux, tous les actes abominables, ces bons pères, ces épouses fidèles, ces fils dévoués, ces jeunes filles chastes, ces commerçants probes, ces hommes et ces femmes dits irréprochables. Ils écrivaient tous en même temps, sur le seuil de leur demeure éternelle, la cruelle, terrible et sainte vérité que tout le monde ignore ou feint d'ignorer sur la terre. Je pensai qu'elle aussi avait dû la tracer sur sa tombe. Et sans peur maintenant, courant au milieu des cercueils entrouverts, au milieu des cadavres, au milieu des squelettes, j'allai vers elle, sûr que je la trouverais aussitôt. Je la reconnus de loin, sans voir le visage enveloppé du suaire. Et sur la croix de marbre où tout à l'heure j'avais lu : " Elle aima, fut aimée, et mourut. " J'aperçus : "Etant sortie un jour pour tromper son amant, elle eut froid sous la pluie, et mourut. "

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Il paraît qu'on me ramassa, inanimé, au jour levant, auprès d'une tombe.

 

LA MUERTA

    ¡Yo la había amado locamente! ¿Por qué amamos? Es raro no ver en el mundo sino a un ser, no tener en la mente sino una idea, en el corazón sino un deseo, y en la boca más que un nombre: un nombre que sube sin cesar, que sube, como el agua de un manantial, de las honduras del alma, que sube a los labios, y que decimos, que repetimos, que murmuramos sin cesar en todas partes, al igual que una plegaria.     No contaré nuestra historia. El amor no tiene más que una, siempre la misma. La encontré y la amé. Nada más. Y viví durante un año en su ternura, en sus brazos, en su caricia, en su mirada, en sus trajes, en sus palabras, enredado, ligado, aprisionado en todo lo que venía de ella, de una forma tan completa que ya no sabía si era de día o de noche, si estaba vivo o muerto, en la vieja tierra o en otro lugar.     Y he aquí que se murió. ¿Cómo? No sé, ya no lo sé. Volvió a casa empapada, una noche de lluvia, y al día siguiente tosía. Tosió durante una semana aproximadamente y guardó cama.     ¿Qué ocurrió? Ya no lo se.     Los médicos venían, escribían, se iban. Se traían remedios; una mujer se los hacía tomar. Sus manos estaban calientes, su frente ardiente y húmeda, su mirada brillante y triste. Yo le hablaba, ella me respondía. ¿Qué nos dijimos? Ya no lo sé. ¡Lo he olvidado todo, todo! Se murió, recuerdo muy bien su breve suspiro, su breve suspiro tan débil, el último. La enfermera dijo: «¡Ay!« ¡Comprendí, comprendí!     No supe nada más. Nada. Vi a un sacerdote que pronunció estas palabras: «Su querida.« Me pareció que la insultaba. Puesto que ella había muerto, nadie tenía derecho a saber eso. Lo despedí. Vino otro que fue muy bondadoso, muy dulce. Yo lloraba cuando él me habló de ella.     Me consultaron mil cosas sobre el entierro. Ya no lo se. Recuerdo muy bien, sin embargo, el ataúd, el ruido de los martillazos cuando la clavaron dentro. ¡Ay, Dios mío!     ¡La enterraron! ¡La enterraron! ¡A ella! ¡En aquel hoyo! Habían ido unas cuantas personas, unas amigas. Escapé. Corrí. Caminé mucho tiempo por las Éalles. Después volví a casa. Y al día siguiente me marché de viaje.     Ayer he regresado a París.     Cuando volví a ver mi habitación, nuestra habitación, nuestra cama, nuestros muebles, toda esta casa donde había quedado todo lo que queda de la vida de un ser después de su muerte, me asaltó un acceso de pena tan violento que a punto estuve de abrir la ventana y de tirarme a la calle. No pudiendo estar en medio de aquellas cosas, de aquellos muros que la habían encerrado, abrigado, y que debían de guardar en sus imperceptibles rendijas mil átomos de ella, de su carne y de su aliento, cogí el sombrero, con el fin de escapar. De repente, en el momento de llegar a la puerta, pasé ante el gran espejo del vestíbulo que ella había mandado instalar allí para verse, de pies a cabeza, todos los días, al salir, para ver si iba bien arreglada, si estaba correcta y bonita, de las botas al peinado.     Y me detuve frente a aquel espejo que tan a menudo la había reflejado. Tan a menudo, tan a menudo, que había debido conservar también su imagen.     Allí estaba yo de pie, tembloroso, los ojos clavados en el cristal, en el cristal liso, profundo, vacío, pero que la había contenido toda entera, la había poseído tanto como yo, tanto como mi mirada apasionada. Me pareció que amaba a aquel espejo —lo toqué— ¡estaba frío! ¡Oh! ¡El recuerdo, el recuerdo! Espejo doloroso, espejo ardiente, espejo vivo, espejo horrible, ¡que hace sufrir todas las torturas! ¡Dichosos los hombres cuyo corazón, como un espejo por el que se deslizan y se borran los reflejos, olvida cuanto ha contenido, cuanto ha pasado ante él, cuanto se ha contemplado, reflejado, en su cariño, en su amor! ¡Cómo sufro!     Salí y, a mi pesar, sin saber, sin quererlo, marché al cementerio. Encontré su tumba, muy sencilla, una cruz de mármol con estas pocas palabras: «Amó, fue amada, y murió. «     ¡Estaba allí, allí abajo, podrida! ¡Qué horror! Sollocé, con la frente pegada al suelo.     Me quedé allí mucho tiempo, mucho tiempo. Después me di cuenta de que caía la noche. Entonces un deseo curioso, loco, un deseo de amante desesperado se apoderó de mí. Quise pasar la noche cerca de ella, última noche, llorando sobre su tumba. Pero me verían, me echarían. ¿Qué hacer? Fui astuto. Me levanté y empecé a errar por aquella ciudad de los desaparecidos. Andaba y andaba. ¡Qué pequeña es esa ciudad al lado de la otra, donde se vive! Y sin embargo esos muertos son mucho más numerosos que los vivos. Necesitamos altas casas, calles, mucho sitio, para las cuatro generaciones que contemplan la luz al mismo tiempo, beben el agua de las fuentes, el vino de los viñedos, y comen el pan de las llanuras.     Y para todas las generaciones de muertos, para toda la escala de la humanidad que desciende hasta nosotros, ¡casi nada, un campo, casi nada! La tierra los recobra, el olvido los borra. ¡Adiós!     En el extremo del cementerio habitado, percibí de repente el cementerio abandonado, ese donde los antiguos difuntos acaban de mezclarse con la tierra, donde las propias cruces se pudren, donde pondrán mañana a los recién llegados. Está lleno de rosas libres, de cipreses vigorosos y negros, un jardín triste y soberbio, alimentado con carne humana.     Estaba solo, muy solo. Me agazapé bajo un verde arbusto. Me oculté en él por entero, entre aquellas ramas pobladas y sombrías.     Y esperé, aferrado al tronco como un náufrago a una tabla.

    Cuando la noche fue oscura, muy oscura, abandoné mi refugio y eché a andar despacito, con pasos lentos, con pasos sordos, sobre aquella tierra llena de muertos.     Vagué mucho tiempo, mucho tiempo, mucho tiempo. No la encontraba. Con los brazos extendidos, los ojos abiertos, tropezando en las tumbas con manos, pies, rodillas, pecho, con mi propia cabeza, marchaba sin encontrarla. Tocaba, palpaba como un ciego que busca el camino, palpaba piedras, cruces, verjas de hierro, coronas de cristal, ¡coronas de flores ajadas! Leía los nombres con mis dedos, paseándolos sobre las letras. ¡Qué noche! ¡Qué noche! ¡No la encontraba!     ¡No había luna! ¡Qué noche! Tenía miedo, un miedo espantoso por aquellos estrechos senderos, entre dos hileras de tumbas. ¡Tumbas, tumbas, tumbas! ¡Siempre tumbas! A la derecha, a la izquierda, ante mí, a mi alrededor, en todas partes, ¡tumbas! Me senté en una de ellas, pues ya no podía caminar con las rodillas que se me doblaban. ¡Oí latir mi corazón! ¡Y oía también otra cosa! ¿Qué? ¡Un incomprensible rumor confuso! ¿Aquel ruido estaba en mi cabeza enloquecida, en la noche impenetrable, o bajo la tierra misteriosa, bajo la tierra sembrada de cadáveres humanos? ¡Miré a mi alrededor!     ¿Cuánto tiempo me quedé allí? No lo sé. Estaba paralizado de terror, estaba ebrio de espanto, a punto de gritar, a punto de morir.     Y de repente me pareció que la losa de mármol en la que estaba sentado se movía. Sí, se movía, como si alguien la alzara. De un salto me lancé sobre la tumba contigua, y vi, sí, vi que la piedra que acababa de abandonar se levantaba; y apareció el muerto, un esqueleto pelado que, con su espalda encorvada, la empujaba. Yo veía, veía muy bien, aunque la noche fuera profunda. En la cruz pude leer:     «Aquí reposa Jacques Olivant, fallecido a la edad de cincuenta y un años. Amaba a los suyos, fue honrado y bondadoso, y murió en la paz del Señor.«     Ahora también el muerto leía las cosas escritas sobre su tumba. Después cogió una piedra del camino, una piedrecita afilada, y empezó a rascarlas con cuidado, aquellas cosas. Las borró del todo, lentamente, mirando con sus ojos vacíos el sitio donde hacía un momento estaban grabadas; y con la punta del hueso que había sido su índice, escribió con letras luminosas, como esas líneas que se trazan en las paredes con la cabeza de una cerilla:     «Aquí reposa Jacques Olivant, fallecido a la edad de cincuenta y un años. Apresuró con sus duras palabras la muerte de su padre a quien deseaba heredar, torturó a su mujer, atormentó a sus hijos, engañó a sus vecinos, robó cuanto pudo y murió miserablemente.«     Cuando hubo acabado de escribir, el muerto inmóvil contempló su obra. Y me di cuenta, al darme la vuelta, de que todas las tumbas estaban abiertas, todos los cadáveres habían salido de ellas, todos habían borrado las mentiras inscritas por los parientes en las lápidas funerarias, para restablecer la verdad.     Y yo veía que todos habían sido verdugos de sus allegados, odiosos, deshonestos, hipócritas, mentirosos, bribones, calumniadores, envidiosos, que habían robado, engañado, realizado todos los actos vergonzosos, todos los actos abominables, aquellos buenos padres, esposas fieles, hijos abnegados, aquellas jóvenes castas, aquellos comerciantes probos, aquellos hombres y mujeres presuntamente irreprochables.     Escribían todos al mismo tiempo, en el umbral de su morada eterna, la cruel, terrible y santa verdad que todo el mundo ignora o finge ignorar sobre la tierra.     Pensé que ella también había debido trazarla sobre su tumba. Y ya sin miedo, corriendo entre los ataúdes entreabiertos, entre cadáveres, entre esqueletos, fui hacia ella, seguro de que la encontraría al punto.     La reconocí desde lejos, sin ver el rostro envuelto en el sudario.     Y sobre la cruz de mármol donde hacía un rato había leído:     «Amó, fue amada, y murió.«     Distinguí:     «Habiendo salido un día para engañar a su amante, cogió frío bajo la lluvia, y murió.«

    Parece que me recogieron, inanimado, al nacer el día, junto a una tumba.

« sombres.Et j'attendis, cramponné au tronc comme un naufragé sur une épave.Quand la nuit fut noire, très noire, je quittai mon refuge et me mis à marcher doucement, à pas lents, à pas sourds,sur cette terre pleine de morts.J'errai longtemps, longtemps, longtemps.

Je ne la retrouvais pas.

Les bras étendus, les yeux ouverts, heurtant destombes avec mes mains, avec mes pieds, avec mes genoux, avec ma poitrine, avec ma tête elle-même, j'allais sansla trouver.

Je touchais, je palpais comme un aveugle qui cherche sa route, je palpais des pierres, des croix, desgrilles de fer, des couronnes de verre, des couronnes de fleurs fanées ! Je lisais les noms avec mes doigts, en lespromenant sur les lettres.

Quelle nuit ! quelle nuit ! Je ne la retrouvais pas !Pas de lune! Quelle nuit! J'avais peur, une peur affreuse dans ces étroits sentiers, entre deux lignes de tombes ! Destombes ! des tombes ! des tombes.

Toujours des tombes ! A droite, à gauche, devant moi, autour de moi, partout,des tombes ! Je m'assis sur une d'elles, car je ne pouvais plus marcher tant mes genoux fléchissaient.J'entendais battre mon coeur ! Et j'entendais autre chose aussi ! Quoi ? un bruit confus innommable ! Etait-ce dansma tête affolée, dans la nuit impénétrable, ou sous la terre mystérieuse, sous la terre ensemencée de cadavreshumains, ce bruit ? Je regardais autour de moi!Combien de temps suis-je resté là ? Je ne sais pas.

J'étais paralysé par la terreur, j'étais ivre d'épouvante, prêt àhurler, prêt à mourir.Et soudain il me sembla que la dalle de marbre sur laquelle j'étais assis remuait.

Certes, elle remuait, comme si onl'eût soulevée.

D'un bond je me jetai sur le tombeau voisin, et je vis, oui, je vis la pierre que je venais de quitter sedresser toute droite; et le mort apparut, un squelette nu qui, de son dos courbé la rejetait.

Je voyais, je voyais trèsbien, quoique la nuit fut profonde.

Sur la croix je pus lire : "Ici repose Jacques Olivant, décédé à l'âge de cinquanteet un ans.

Il aimait les siens, fut honnête et bon, et mourut dans la paix du Seigneur."Maintenant le mort aussi lisait les choses écrites sur son tombeau.

Puis il ramassa une pierre dans le chemin, unepetite pierre aiguë, et se mit à les gratter avec soin, ces choses.

Il les effaça tout à fait, lentement, regardant deses yeux vides la place où tout à l'heure elles étaient gravées; et du bout de l'os qui avait été son index, il écriviten lettres lumineuses comme ces lignes qu'on trace aux murs avec le bout d'une allumette :"Ici repose Jacques Olivant, décédé à l'âge de cinquante et un ans.

Il hâta par ses duretés la mort de son père dontil désirait hériter, il tortura sa femme, tourmenta ses enfants, trompa ses voisins, vola quand il le put et mourutmisérable."Quand il eut achevé d'écrire, le mort immobile contempla son oeuvre.

Et je m'aperçus, en me retournant, que toutesles tombes étaient ouvertes, que tous les cadavres en étaient sortis, que tous avaient effacé les mensongesinscrits par les parents sur la pierre funéraire, pour y rétablir la vérité.Et je voyais que tous avaient été les bourreaux de leurs proches, haineux, déshonnêtes, hypocrites, menteurs,fourbes, calomniateurs, envieux, qu'ils avaient volé, trompé, accompli tous les actes honteux, tous les actesabominables, ces bons pères, ces épouses fidèles, ces fils dévoués, ces jeunes filles chastes, ces commerçantsprobes, ces hommes et ces femmes dits irréprochables.Ils écrivaient tous en même temps, sur le seuil de leur demeure éternelle, la cruelle, terrible et sainte vérité que toutle monde ignore ou feint d'ignorer sur la terre.Je pensai qu'elle aussi avait dû la tracer sur sa tombe.Et sans peur maintenant, courant au milieu des cercueils entrouverts, au milieu des cadavres, au milieu dessquelettes, j'allai vers elle, sûr que je la trouverais aussitôt.Je la reconnus de loin, sans voir le visage enveloppé du suaire.Et sur la croix de marbre où tout à l'heure j'avais lu : " Elle aima, fut aimée, et mourut.

"J'aperçus :"Etant sortie un jour pour tromper son amant, elle eut froid sous la pluie, et mourut.

"...........................................................................................................................Il paraît qu'on me ramassa, inanimé, au jour levant, auprès d'une tombe. LA MUERTA ¡Yo la había amado locamente! ¿Por qué amamos? Es raro no ver en el mundo sino a un ser, no tener en la mentesino una idea, en el corazón sino un deseo, y en la boca más que un nombre: un nombre que sube sin cesar, quesube, como el agua de un manantial, de las honduras del alma, que sube a los labios, y que decimos, que repetimos,que murmuramos sin cesar en todas partes, al igual que una plegaria.No contaré nuestra historia.

El amor no tiene más que una, siempre la misma.

La encontré y la amé.

Nada más.

Yviví durante un año en su ternura, en sus brazos, en su caricia, en su mirada, en sus trajes, en sus palabras,enredado, ligado, aprisionado en todo lo que venía de ella, de una forma tan completa que ya no sabía si era de díao de noche, si estaba vivo o muerto, en la vieja tierra o en otro lugar.Y he aquí que se murió.

¿Cómo? No sé, ya no lo sé.

Volvió a casa empapada, una noche de lluvia, y al día siguientetosía.

Tosió durante una semana aproximadamente y guardó cama.¿Qué ocurrió? Ya no lo se.Los médicos venían, escribían, se iban.

Se traían remedios; una mujer se los hacía tomar.

Sus manos estabancalientes, su frente ardiente y húmeda, su mirada brillante y triste.

Yo le hablaba, ella me respondía.

¿Qué nosdijimos? Ya no lo sé.

¡Lo he olvidado todo, todo! Se murió, recuerdo muy bien su breve suspiro, su breve suspiro tandébil, el último.

La enfermera dijo: «¡Ay!» ¡Comprendí, comprendí!No supe nada más.

Nada.

Vi a un sacerdote que pronunció estas palabras: «Su querida.» Me pareció que lainsultaba.

Puesto que ella había muerto, nadie tenía derecho a saber eso.

Lo despedí.

Vino otro que fue muybondadoso, muy dulce.

Yo lloraba cuando él me habló de ella.Me consultaron mil cosas sobre el entierro.

Ya no lo se.

Recuerdo muy bien, sin embargo, el ataúd, el ruido de los. »

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