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La Pologne doit se battre seule

Publié le 22/02/2012

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1er septembre 1939 - La Pologne devait sa résurrection à la victoire de la France en 1918 elle comptait sur l'armée française pour préserver son indépendance et conserver son intégrité territoriale le peuple polonais était profondément francophile. Pour une France obsédée par le péril allemand, le concours d'une alliée " de revers " à l'Est était indispensable puisque la Russie devenue soviétique ne pouvait plus jouer ce rôle, la Pologne s'imposait pour la remplacer l'amitié de la France pour la Pologne était d'ailleurs ancienne, et bien acceptée par l'opinion. Dans ces conditions, une alliance entre les deux pays était naturelle effectivement, elle avait été conclue en 1921 et elle imposait à la France des obligations particulièrement lourdes : n'était-il pas prévu que, s'il le fallait, la flotte française pénétrerait dans la Baltique et que la France se porterait au secours de la Pologne si celle-ci était agressée, non seulement par l'Allemagne, mais aussi par l'URSS ? Cependant, progressivement, sans avoir été dénoncé, le traité de 1921, que la France avait en vain, à plusieurs reprises, essayé d'alléger, était tombé en désuétude les renseignements avaient cessé seuls des prêts financiers continuaient à être consentis par la France. C'est que, animée par un nationalisme nourri des souvenirs de ses gloires et de ses malheurs passés, la Pologne avait fait un complexe de grande puissance. Ainsi la France avait appris que la Pologne avait signé en 1934 un traité d'amitié avec l'Allemagne et que, désirant elle-même obtenir des colonies, elle avait approuvé les revendications italiennes sur l'empire colonial français surtout, l'opinion française avait été indignée par la participation de la Pologne au démembrement de la Tchécoslovaquie pour se faire attribuer la ville de Teschen. Les relations entre les deux pays s'étaient détériorées. L'ambiguïté et la méfiance L'invasion de la Bohême par la Wehrmacht en mars 1939 remit les pendules à l'heure il était probable que la Pologne serait la prochaine victime de Hitler, mais il n'était pas impossible que ce fût la France de nouveaux accords militaires franco-polonais furent signés à Paris en mai 1939 mais ils n'étaient pas marqués au coin de la clarté ni d'une totale sincérité : les Polonais se gardèrent de révéler à leurs partenaires qu'ils étaient décidés à prendre l'initiative de l'attaque à Dantzig, si la situation dans la " ville libre " leur paraissait l'exiger. Les Polonais écoutèrent poliment les conseils que leur donnèrent les chefs militaires français, mais refusèrent de donner connaissance de leurs plans d'opérations. Les Français promirent de bombarder l'Allemagne, alors qu'ils ne possédaient pas réellement d'aviation de bombardement ils s'engagèrent à fournir du matériel de guerre en sachant très bien qu'ils en manquaient eux-mêmes. Dans ces conditions, les ignorances génératrices d'erreurs étaient inévitables. Une première, fondamentale, tenait aux illusions que chaque allié entretenait sur la puissance réelle de l'autre. Bien que les Polonais aient été inquiétés par la faiblesse manifestée par la France lors des graves crises qu'avaient été la remilitarisation de la Rhénanie, l'annexion de l'Autriche et le dépècement de la Tchécoslovaquie, ils en attribuaient la cause à une mauvaise gestion des affaires françaises par la faute des politiciens, mais leur confiance dans l'armée française, l'armée qui avait gagné la grande Guerre, demeurait intacte. De leur côté, les Français mesuraient bien l'infériorité de l'armée polonaise par rapport à l'armée allemande mais ils n'imaginaient pas qu'elle ne puisse pas lui résister pendant plusieurs mois, du moins dans la Pologne orientale, marécageuse et boisée, en leur laissant ainsi le temps d'accroître leurs forces pour attaquer, avec des chances de succès, un ennemi affaibli par les durs combats qu'il aurait dû livrer. Les illusions des dirigeants français Mais d'autres différends étaient d'ordre stratégique et politique. Les Français, conscients à la fois du retard pris dans leur réarmement et de la supériorité potentielle que possédait le bloc franco-britannique, s'étaient préparés à une guerre longue dans une première phase, il leur faudrait gagner du temps et rester sur la défensive c'est dire que les combats qui se livreraient à l'est de l'Europe ne leur paraissaient pas essentiels une fois de plus, c'était à l'Ouest, dans les plaines de Belgique et de France, que se déciderait l'issue du nouvel affrontement franco-allemand c'était là que, en cas de malheur, se jouerait le sort de la Pologne. A vrais dire, les dirigeants français, politiques et militaires, comptaient sur le temps pour arranger les choses nécessité faisant loi pour souder les coalitions quand un même péril menaçait tous leurs membres les Polonais, aux prises avec l'agression allemande, les Soviétiques, devant l'obligation d'assurer leur propre sécurité, finiraient bien par s'entendre. C'est sur cette illusion qu'éclata la bombe de l'accord Ribbentrop-Molotov, le 23 août 1939. Une conclusion se dégageait avec évidence : la Pologne devrait se battre seule, et peut-être sur deux fronts. Tous les calculs des stratèges franco-britanniques se révélaient erronés, à commencer par le temps que durerait la résistance polonaise. HENRI MICHEL Le Monde du 30 août 1979

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