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La Princesse de Clèves

Publié le 10/06/2015

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La Princesse de Clèves, l'incipit Introduction : Mme de la Fayette entre dans l'aristocratie grâce à son mariage avec le comte de la Fayette. Son nouveau statut social lui permet de tenir un salon où elle invite intellectuels et écrivains. Elle développe ainsi une grande amitié avec le duc de La Rochefoucauld, un des maîtres du classicisme. Son oeuvre majeure, La Princesse de Clèves, est publiée en 1678. Le passage que nous allons étudier se situe au début du roman, l'héroïne est présentée à la cour d'Henri II pour la première fois. Son portrait s'inspire du roman héroïque et de la préciosité mais relève du roman psychologique par l'importance accordée au portrait moral et surtout à l'analyse à laquelle se livre Mme de la Fayette pour expliquer les vertus dont est dotée son héroïne.Il s'agit d'étudier en quoi ce portrait de Mlle de Chartres laisse présager un destin exceptionnel. I - Une incarnation de la perfection 1- Le portrait physiqueIl s'agit de la première apparition de Mlle de Chartres, le lecteur s'attend à ce que l'auteur brosse son portrait physique. Mais le narrateur se contente du terme « beauté » pour la désigner : « Il parut alors une beauté », « une beauté parfaite » avec l'emploi de l'adjectif hyperbolique « parfaite » soulignant « son esprit et sa beauté  ». L'entrée en scène de la jeune femme est ainsi théâtralisée et la triple occurrence du mot « beauté » traduit l'admiration qu'elle suscite chez les courtisans.-> Idéalisation propre au roman héroïque.Ce n'est qu'à la troisième phrase de l'extrait que le lecteur comprend qu'il s'agit de Mlle de Chartres et seulement à la fin du passage que son portrait devient plus détaillé. Ce portrait se fait à partir de la vision du « vidame », c'est donc une focalisation interne. Il se concentre sur les canons de la beauté classique : « blancheur de son teint » qui est un signe de noblesse et de pureté morale, « traits réguliers » qui traduisent l'harmonie du classique et les « cheveux blonds » qui sont souvent associés à l'or et au soleil. Les expressions à valeur superlative se retrouvent dans les dernières lignes : « la grande beauté », « ses cheveux blond lui donnaient un éclat qu'on avait jamais vu qu'à elle », « pleins de grâce et de charmes ». Mlle de Chartres semble être un archétype de la beauté féminine. Son portrait physique reste très stéréotypé et vague, il ne permet pas de la singulariser précisément. Ce portrait est encore très éloigné de la précision des romans réalistes au XIXème siècle.2- Fine fleur de l'aristocratieCependant, même si son portrait physique reste très général, le narrateur insiste en revanche sur son identité sociale. En effet, elle est de noble extraction à la cour et de parenté avec de nobles personnes comme l'indique l'expression « elle était de la même maison que le vidame de Chartres ». Cette idée est reprise avec : « cette héritière était alors un des plus grands partis qu'il y eût en France ».  Le nom « héritière » souligne la richesse mais aussi sa jeunesse. Tout cela préfigure un mariage d'exception. 3- L'importance du portrait moralEn outre, le narrateur s'attache davantage à construire le portrait moral du personnage, ce qui fait entrer l'oeuvre dans la catégorie du roman psychologique. En effet, pour aider le lecteur à saisir le personnage, Mme de la Fayette effectue une analepse  : le passé de Mlle de Chartres nous permet de comprendre sa personnalité.Elle a été élevée par sa mère dans un milieu féminin étant donné que « son père était mort jeune ». Elle a passé son enfance éloignée de la vie de cour et des aventures galantes comme suggère l'expression « elle avait passé plusieurs année sans revenir à la cour ». Mme de Chartres a entièrement dédié cette absence à l'éducation de sa fille, éducation non seulement consacrée à cultiver son esprit mais aussi sa vertu pour la préparer à la vie de cour comme nous le montrent les expressions « à cultiver son esprit et sa beauté » et « elle songea aussi à lui donner de la vertu et à lui rendre aimable ». Tout cela permet d'expliquer l'admiration et la surprise des personnes de la cour devant Mlle de Chartres et permet au lecteur de saisir sa personnalité.-> Ainsi, Mme de la Fayette fait de son héroïne une incarnation de la perfection en lui dotant d'une beauté exceptionnelle propre aux héroïnes de roman héroïque, en soulignant son appartenance à la haute noblesse et en insistant sur sa vertu. Comme dans la logique du roman d'analyse, elle s'efforce de remonter aux origines de la perfection morale de son héroïne en insistant sur l'éducation que lui a transmise sa mère afin de la préparer à la vie mondaine et de lui enseigner les valeurs de l'« honnête femme ».II- Une éducation irréprochable 1- Eloge de Mme de ChartesElle est présentée comme une femme méritante car elle était seule à élever sa fille après la mort de son époux. Elle abandonne toute vie mondaine pour se consacrer entièrement à l'éducation de sa fille comme l'indique l'expression « elle avait passé plusieurs années sans revenir à la cour », faisant ainsi un sacrifice de soi. Elle consacre toute son énergie à l'éducation complète de sa fille comme le montre l'opposition entre les expressions « elle ne travailla pas seulement à » et « elle songea aussi à ». « cultiver » suggère un travail régulier, patient, long et minutieux. Le narrateur insiste par ailleurs sur ses qualités morales. Elle est présentée comme une femme « dont le bien, la vertu et le mérite étaient extraordinaires ». Le narrateur utilise ici un groupe ternaire souvent associé à l'éloge dans la littérature classique. Elle respecte le long deuil après la mort de son mari en s'éloignant longtemps de la cour. Elle est très fière des qualités exceptionnelles de sa fille dont elle est en partie responsable comme l'indique « extrêmement glorieuse ». L'éloge est d'autant plus appuyé que le narrateur utilise des superlatifs tels que l'adjectif qualificatif « extraordinaire » et l'adverbe « extrêmement ». Ce portrait semble suggérer la perfection morale de Mme de Chartres qui est présentée comme irréprochable. 2- Préparation à la vie de cour et aux risques qu'elle comporteDe surcroît, l'éducation de Mme de Chartres est surtout originale par l'enseignement moral qu'elle donne à sa fille. Le narrateur insiste sur la différence entre Mme de Chartres et les autres mères. La phrase « La plupart des mères s'imaginent qu'il suffit de ne parler jamais de galanterie devant les jeunes personnes pour les en éloigner » mentionne l'attitude habituelle des mères qui dissimulent les dangers de la séduction. La phrase longue qui vient après, composée de courts segments séparés de point-virgules déclare au discours narrativisé que Mme de Chartres, au contraire, ne cache rien à sa fille. L'anaphore de « elle lui » insisite sur l'implication de Mme de Chartres dans l'éducation de sa fille. Mme de Chartres oppose deux attitudes : d'une part, l'attitude des « hommes » que le pluriel englobe dans une catégorie générale, ils sont considérés comme des séducteurs dont « leurs tromperies et leur infidélité » traduisent leur « peu de sincérité » ; et d'autre part, l'attitude des femmes  qui se laissent abuser par ces séducteurs. Par opposition à ce schéma, Mme de Chartres oppose l'« honnête femme ».3-Une visionn exigeante de l'amour et de l'honnête femmeMme de Chartres explique à sa fille ce qu'est l'« honnête femme ». Pour Mme de Chartres, la condition du bonheur est « aimer son mari et d'en être aimée ». Le mariage semble être le seul aboutissement de la vie d'une « honnête femme » et la réciprocité de l'amour dans le mariage permet le bonheur. L'« honnête femme » est très respectueuse de la vertu, mais Mme de Chartres précise bien qu'il est « difficile de conserver cette vertu », indiquant qu'il s'agit d'un combat permanent. Elle met ainsi en relief la faiblesse des femmes soumises à la tentation du péché et invite sa fille à une « extrême défiance de soi-même ».-> Mme de Chartres se consacre ainsi à un enseignement complet et très habile car elle ne cache pas à sa fille les malheurs à être infidèle mais elle ne lui masque pas non plus ce qu'il peut y avoir « d'agréable ». Tout cela pour la « persuader » de choisir la vertu en pesant le bonheur face au malheur.III- Un portrait anonciateur d'un destin tragique 1- Une arrivée remarquée à la cour présageant un destin hors du communDifférentes expressions laissent présager un destin hors du commun : dès son entrée à la cour, Mlle de Chartres « attira les yeux de tout le monde », « donna de l'admiration dans un lieu où l'on était si accoutumé à voir de belles personnes » et constitue « un des plus grands partis qu'il y eût en France ». Mme de Chartres, sa mère, consciente des qualités exceptionnelles de sa fille, ambitionne un mariage tout aussi exceptionnel comme le suggère l'expression «  elle ne trouvait presque rien digne de sa fille ». Tout cela suggère que Mlle de Chartres est appelée à une union prestigieuse. Le mariage est en effet évoqué directement ou indirectement à plusieurs reprises dans ce portrait. De fait, le titre du roman annonce qu'elle deviendra « princesse de Clèves », titre de très haut rang dans l'aristocratie. 2- Des indices de fragilitéCependant ce portrait de Mlle de Chartres fait apparaître son tout jeune âge : elle est d'une « extrême jeunesse ». Sa présentation à la cour se décide dans sa « seizième année ».Malgré l'excellente éducation que lui a donnée Mme de Chartres, elle n'a pas d'expérience de la vie mondaine, pas plus qu'elle n'a d'expérience des tentations de l'amour. Elle dégage ainsi une forme d'innocence et de fragilité liée à sa méconnaissance concrète de la cour et des passions qui s'y jouent car elle n'en a eu qu'une approche théorique par le biais de sa mère. Mlle de Chartres sort ainsi d'un cadre protecteur pour être plongée dans les méandres des intrigues de cour.3- L'opposition de l'amour conjugal et de l'amour passionnelEnfin, Mme de Chartres conseille à sa fille de rester éloignée des « engagements », c'est-à-dire des liens qu'elle pourrait établir avec les hommes qui pourraient tenter de la séduire après son mariage, car ils ne lui apporteront que des « malheurs domestiques ». Ce premier conseil est annonciateur de l'amour-passion qu'elle va connaître pour le duc de Nemours après avoir été mariée au prince de Clèves pour qui elle n'a qu'estime et admiration.De même, Mme de Chartres conseille à sa fille d'avoir « une extrême défiance de soi-même », c'est-à-dire de se méfier des sentiments inconvenants qu'elle pourrait avoir pour un autre que son mari. Cela suggère qu'elle luttera, telle une héroïne tragique, tout au long du roman contre ses propres sentiments. Le principe « d'aimer son mari et d'en être aimée » restera pour l'héroïne une source de souffrance puisque le prince de Clèves lui vouera un amour sincère et constant alors qu'elle n'éprouvera jamais un tel sentiment à son égard.-> Mlle de Chartres est donc promise à une union prestigieuse mais malgré ses qualités exceptionnelles, elle reste jeune et inexpérimentée de la vie mondaine. Les exigences de l'amour conjugal que sa mère oppose à l'amour-passion suggèrent qu'elle sera tenaillée, déchirée entre son sens indéfectible de l'honneur et l'amour impossible qu'elle éprouvera pour le duc de Nemours tel un dilemme dans la tragédie. Conclusion : Ce portrait de Mlle de Chartres laisse présager un destin exceptionnel car il la présente comme l'incarnation de la perfection par sa « beauté parfaite », son appartenance à la haute noblesse reflétant sa noblesse de coeur, sa pureté et sa vertu qui lui viennent de l'éducation irréprochable qu'elle a reçue de sa mère. Sa mère, Mme de Chartres, a donné toute son énergie et sa sagesse pour la préparer à la vie de cour et l'inculquer les valeurs de l'« honnête femme ». Elle est donc appelée à un mariage d'exception. Cependant, son jeune âge, sa fragilité, son manque d'expérience à la vie mondaine et les exigences de l'amour conjugal opposé à l'amour-passion par sa mère annoncent plutôt un destin tragique à l'héroïne. En effet, elle se mariera au prince de Clèves et deviendra princesse mais tombera réellement amoureuse du duc de Nemours. Toutefois, malgré son déchirement la princesse de Clèves ne cèdera jamais à la tentation et restera toujours fidèle à son mari.

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