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La vie d'Alexandre le Grand

Publié le 27/02/2008

Extrait du document

En 323 avant J-C, Alexandre meurt après avoir conquis l'ensemble du monde connu, depuis les rivages de la Thrace jusqu'aux bords de l'Indus et de l'Oxus. Ses compagnons[1] relatèrent sa vie, ses expéditions ou ses rencontres. Ainsi, Clitarque[2], Ptolémée[3], Néarque[4], Callisthène[5] ont rédigé des écrits qui sont malheureusement perdus pour nous aujourd'hui. Par la suite, des historiens qui voulurent retracer les expéditions d'Alexandre s'inspirèrent d'eux pour rédiger une Vie d'Alexandre. On a ainsi conservé  Diodore de Sicile[6] (entre 54 et 36 avant J-C), Quinte-Curce[7] (du Ier siècle ou du IIe après J-C), Plutarque[8] (environ 40 et 120 après J-C), Arrien[9] (IIe siècle après J-C)...     Au fil des siècles, certains inventèrent des faits qu'ils prêtèrent à Alexandre afin de le magnifier[10]. C'est de cette légende que naquit le Roman d'Alexandre au IIIe siècle de notre ère[11]. D'abord attribuée à Callisthène, on a préféré garder quelques réserves en nommant communément son auteur le « Pseudo-Callisthène»[12]. De cette première version, en effet, dérivent les Légendes, Vies, Romans, Histoires ou Exploits d'Alexandre le Grand qui se multiplieront, à partir du Ve siècle, en Syrie, en Perse, en Palestine, en Arménie, et, plus tard en Géorgie, en Turquie et jusqu'en Asie centrale.     Par la suite, il y eut d'autres Romans d'Alexandre. On parle alors de recensions. Il en existe cinq : la recension α, β, λ, ε et γ. Ces textes grecs auraient été écrits entre le IIIe et le VIIIe s après JC[13]. Mon travail repose sur l'étude de la recension e.     Cette recension  nous a été transmise par plusieurs manuscrits: le codex Oxonius Bodleianus Baroccianus 17 daté du XIIIe siècle, le codex Oxonius Bodleianus Holkham gr.99 du XVe siècle et le Mosquensis mus. Hist.gr 436 du XIVe ou du XVe siècle[14]. Elle est datée de la fin du VIIe siècle ou du début du VIIIe siècle. En effet, l'auteur reprend les révélations du Pseudo-Méthode[15] qui traite des années 640 après J-C, après l'invasion arabe en Syrie, ce qui fournit un terminus ante quem assez précis. Ces éléments sont d'ailleurs renforcés avec la mention du peuple des Bersiles (39,1) qui occupait le Caucase et qui a été décrit par deux écrivains byzantins: Théophane (environ 760-818) et Nicéphore le Patriarche (758-828). INTRODUCTION     « Mais que d'admirables choses [Alexandre ] n'a-t-il pas faites de son vivant ! Que de nations, que de villes par lui soumises, quelles guerres n'a-t-il pas faites, quelles victoires, quels trophées !» écrit Saint Jean Chrysostome dans l'une de ses Homélie[16] .     Alexandre, personnage historique, né en 356 et mort en 323, parvint en ses trente-trois ans de vie à dominer le monde entier, ce que jusqu'alors, personne n'avait réussi à faire. Il n'est donc pas surprenant que ses conquêtes et son ambition impressionnèrent les générations futures. De nombreux écrits en découlèrent. Et le Roman d'Alexandre n'est qu'une infime représentation des histoires imaginaires que le héros inspira.     Dans la recension e, la vie d'Alexandre est racontée avec des éléments égyptiens, chrétiens,  byzantins mêlant des faits historiques avec des histoires légendaires. Rédigée vers la fin du 7e et le début du 8e siècle, peut-être sous les Isauriens, l'auteur donne à Alexandre une version christianisée et byzantinisée. De nombreux traits l'apparentent à une illustration de l'idéologie impériale: la course de char à Rome où les quatre couleurs des factions de Constantinople s'affrontent, la réception des ambassadeurs de Darius et l'incarnation des vertus impériales. Quelle est alors la place d'Alexandre, le basileÚj? Quel rôle tient-il dans ce roman? Pourquoi appelle-t-on cette oeuvre, le « roman » d'Alexandre? Pourquoi ce parallèle entre Rome et Constantinople? Après une présentation détaillée de l'oeuvre résumée et en partie traduite, il s'agira d'étudier les différentes sources de cette recension, quelles soient religieuses, étrangères voire des versions antérieures du roman d'Alexandre pour ensuite s'interroger sur la narration. Puis, il faudra s'interroger sur le personnage romanesque d'Alexandre, s'il s'agit bien ici d'un « roman », pour enfin aboutir à la représentation du souverain idéal qu'Alexandre incarne. PREMIERE PARTIE: PRESENTATION DU ROMAN « Il est bien doux de vivre avec courage, et de laisser en mourant une gloire immortelle » Arrien, Histoire d'Alexandre, v. 26 Chapitre I: La recension e et les versions antérieures.     On regroupe sous l'appellation « Roman d'Alexandre » toutes les versions issues du texte grec d'origine, de l'Antiquité jusqu'au Moyen-Age. On distingue parmi elles deux traditions: une branche orientale dans laquelle on distingue une version arménienne du Ve siècle, une version syriaque du VIIe siècle, une version éthiopienne du IXe siècle,  une version byzantine du XIIIe siècle, une version turque et une version persane; et une branche occidentale qui fut largement développée sous plusieurs versions latines, puis en langue vulgaire en France, en Allemagne, en Espagne, en Italie... Notre texte provient de cette tradition littéraire. Il fut donc marqué par de nombreuses influences qu'elles soient littéraires ou religieuses. Ses sources, elles aussi, sont mises en évidence. Il s'agit donc de résumer la recension e en la mettant en parallèle avec ses recensions antérieures pour ensuite présenter leurs particularités. I/ Vie d'Alexandre roi de Macédoine Chapitre 1: (b, I, 1-3; l, I, 1-2)     Les sages de la Grèce présentent la vie d'Alexandre. Necténabo[17], qui était le dernier pharaon d'Egypte[18], et qui exerçait des pratiques de divination et de magie, fuit son pays lorsqu'il découvre que l'Egypte est menacée par des invasions extérieures. Il arrive alors en Macédoine, déguisé en mendiant. Il occupe ses journées à dresser l'horoscope des personnes qui le lui demandaient. La reine Olympias le fait demander. En effet, soucieuse de ne pas avoir d'enfant, elle risque de se faire répudier par  son époux Philippe, roi de Macédoine. Chapitre 2: (b, I, 4-15; l, I, 3-13)     Necténabo fait croire à Olympias que les dieux vont s'unir à elle afin de pouvoir s'approcher d'elle la nuit, sous leur forme. Alors que la reine est enceinte, Philippe apprend cette union en songe[19] mais ne la désapprouve pas puisque ses conseilleurs lui affirment que « cet enfant, tu le tiens des dieux ». Chapitre 3: (b, I, 16; l, I, 14)     Alexandre grandit. Élève d'Aristote, il apprend par ses camarades qu'il pourrait également être savant en astronomie en se faisant le disciple de Necténabo. Olympias y consent mais lors d'une leçon nocturne, Alexandre pousse son maître dans un ravin. Sur le point de mourir, Necténabo lui révèle la vérité sur sa naissance. Chapitre 4: (b, I, 17; l, I, 17)     Alexandre dompte un cheval appelé Bucéphale qui était réputé pour être anthropophage. Passant la main par l'ouverture de sa cage, il saisit le cheval par l'oreille et le tire vers lui. Alexandre parvient à monter le cheval, ce qui terrifie tout le monde et les fait fuir. Philippe, lui, admire les talents de son fils. Chapitre 5: (b, I, 18-19; l, I, 18-19)     Alexandre apprend qu'une course de char est prévue à Rome et demande à Philippe d'y participer puisque seuls les fils de rois peuvent concourir. Philippe refuse, Alexandre n'étant âgé que de huit ans, avant de céder. Alexandre affronte Laomédon, Callisthène et Nicolas et en sort vainqueur. Chapitre 6: (b, I, 20-22; l, I, 20-22)     Alexandre, rentré de la course de char, apprend que Philippe a répudié Olympias. Un conflit éclate entre Alexandre et Philippe. Philippe sort son épée pour le tuer. Alexandre cogne les invités contre les murs et les précipite du haut du palais. Il contraint ensuite Cléopâtre, la futur femme de Philippe, à prendre la fuite. Olympias peut alors rentrer au palais. Philippe se trouve, lui, dans un état critique: ivre mort, il tomba à terre en voulant s'opposer à son fils. Alexandre revient le voir un peu plus tard pour les réconcilier. Chapitre 7: (b, I, 23; l, I, 23)     Les Scythes prennent les armes pour faire la guerre à la Macédoine. A cette nouvelle, Philippe passe en revue son armée. Philippe est désemparé car il n'a pas de forces suffisantes pour résister à l'ennemi. Aristote lui propose de confier cette guerre à  Alexandre. Alexandre part alors avec trente mille jeunes gens. « A tous ceux qui encerclaient les Scythes, il commanda d'allumer une trentaine de feux, ou plus encore. Cela fait, lorsque les Scythes virent le nombre inimaginable des foyers, ils décidèrent de prendre la fuite à la faveur de la nuit et de sauver leur vie en quittant les lieux. Aussitôt, abandonnant tout leur équipement, ils se mirent à fuir.[20] » Chapitre 8: (b, I, 24; l, I, 24)     Anaxarque[21] tombe amoureux d'Olympias. Il est hébergé chez Philippe afin d'offrir son alliance contre les Scythes et d'enlever Olympias. Philippe et Olympias vont au devant d'Alexandre pour le féliciter. C'est à ce moment qu'Anaxarque enlève Olympias. Philippe le poursuit mais il n'a avec lui qu'une petite armée. Quand Alexandre l'apprend, il se met à les pourchasser et rattrape Anaxarque. Il tue alors tous ses ennemis sauf Anaxarque qu'il place enchaîné face à Philippe, qui d'ailleurs a été blessé à la poitrine et est tombé d'un cheval. Philippe peut alors utiliser ses dernières forces pour l'égorger avec son épée puis rend l'âme. Chapitre 9: (b, I, 25, l, I, 25-26)     Alexandre est proclamé roi de Macédoine. Suit alors un discours aux anciens qui se sentent trop vieux et trop faibles pour suivre Alexandre. Celui-ci parvient à les persuader. Chapitre 10-11: (b, I, 23 et 26)     Darius envoie des messagers chargés de recevoir le tribut versé annuellement de l'orient en Macédoine. Alexandre refuse et envoie Antiochos qui lui ressemblait et le fait accompagner. Antiochos demande aux Perses de se prosterner devant Alexandre[22]. Ceux-ci acceptent. Alexandre refuse devant eux de payer le tribut et les prévient qu'ils peuvent se préparer à la guerre. Ensuite, il exécute une marche contre Thessalonique et affronte Polycrate. Celui-ci lui envoie de nombreux présents ainsi que son seul fils, Charmide, en signe de soumission totale et de paix. Chapitre 12-13: (b, I, 27; l, I, 27)     Alexandre marche contre les Lacédémoniens. Il y a alors une réunion des chefs de cité à Athènes et des douze orateurs. Alexandre rase Thèbes. Puis, il fait route vers Rome. Il y retrouve Laomédon qui lui offre beaucoup de présents. Qui plus est, il s'allie à lui pour combattre Darius. Ensuite, il traverse toute la terre habitée et inhabitée et arrive jusqu'à l'océan. Il rencontre des hommes bicéphales, des femmes hideuses, extrêmement grandes, plus difficiles à combattre que tous les adversaires dont ils étaient déjà venus à bout. Ces femmes, quand elles couraient, mettaient leurs seins sur leurs épaules, l'épaisseur de leurs poils leur servait de vêtement et elles étaient capables de voler. Mais Alexandre ordonne à ses hommes d'allumer des torches et de les tenir à bout de bras. Ils brûlent leurs ailes et les tuent à coup d'épée. De là, ne pouvant aller plus loin, parce que l'océan leur barrait le passage, ils prennent la rive gauche de l'océan et, après avoir parcouru les terres du nord, ils regagnent le monde habité. Alexandre livre alors de très nombreux combats contre les barbares et soumet tout l'occident. Chapitre 14: (b, I, 28 et 35; l, I, 28)     Alexandre rentre en Macédoine pour préparer son expédition pour l'Asie. Il franchit l'Hellespont et se rend au Granique. Des satrapes de Darius en avaient la garde. Une violente bataille est alors remportée par Alexandre. Puis, il se rend maître de l'Ionie, de la Carie, de la Lydie, de la Phrygie, de la Lycie et de la Pamphylie. Chapitre 15: (b, I, 36-38 et 41; l, I, 36-41)     Darius lui envoie une lettre accompagnée d'un fouet, d'une corde et d'une toupie pour amuser Alexandre ainsi que deux cassettes pour lui envoyer le tribut. Alexandre refuse en disant qu'il a prit le fouet pour mettre les Barbares à mal de ses lances et de ses armes afin de les réduire en esclavages de ses propres mains. Avec la balle, il lui a indiqué qu'il dominerait le monde et avec la cassette, que c'est lui-même qui lui versera un tribut. Il lui explique que ce sont de très bons présages pour lui. C'est alors la bataille d'Issos: Alexandre part au devant de Darius. Le roi est vaincu. Il abandonne son char et fuit. Alexandre capture sa femme, sa fille et sa mère. Chapitre 16: (B, II, 13-15; l, II, 14-15)     Alexandre arrive en Perse. Il rêve d'Ammon qui lui dit que s'il envoie un messager à Darius, il le trahira. Alexandre décida alors de se rendre auprès du roi achéménide déguisé. Et, alors qu'il est invité au dîner de Darius, Candaule le reconnaît, car il l'avait déjà rencontré lorsqu'il avait été envoyé pour percevoir le tribut. Alexandre parvient à s 'échapper. Chapitre 17: (b, II, 11-12 et 16-17)     Alexandre écrit à Poros, le roi des Indiens pour le solliciter et il l'informe par la même occasion du traitement qu'il a infligé aux Perses. Chapitre 18: (b, II, 20: l, II, 19-20)     Les satrapes de Darius tuent leur roi. Alexandre retrouve son cadavre et part à la poursuite de ses meurtriers. Il parvient à le venger en châtiant les responsables de sa mort. Chapitre 19: (b, II, 22; l, II, 22)     Alexandre écrit à la famille de Darius. Chapitre 20:     Alexandre exécute une marche vers l'Egypte et arrive à Jérusalem. Les Juifs envoient des espions qui prétendent être des ambassadeurs. Alexandre comprit leur ruse et demanda à des membres de son armée de se jeter dans un ravin, ordre que chacun s'empressa d'exécuter puisque les troupes macédoniennes faisaient tout ce que le roi ordonnait. Alors Alexandre s'adressant aux espions leur dit: « Vous voyez, ambassadeurs du peuple juif, comment la mort ne compte pour rien aux yeux de l'armée macédonienne. Retirez-vous donc et ménagez votre intérêt. Pour ma part, je vous attaquerai demain, et j'agirai comme il plaira à la Providence[23]. » Les Juifs décidèrent de céder à Alexandre. Les prêtres se présentèrent à lui, escortés par le peuple, vêtus d'une tenue sacerdotale, ce qui surprit Alexandre mais le convainquit surtout de la vénération qu'ils portaient à leur dieu unique. Alexandre refusa alors leurs présents et leur fit la promesse de ne pas marcher contre eux. Chapitre 21:     Alexandre arrive en Egypte après avoir traversé la Judée. Il tombe malade après s'être baigné dans un lac alors que l'eau était fraîche. Soupçonneux et refusant sa domination, les Egyptiens manigancent un complot mortel: ils demandent à un médecin, Philippe, de lui administrer un poison mortel au lieu d'un remède. Son refus ne les arrête pas. Ils font parvenir à Alexandre une lettre dans laquelle ils dénoncent le médecin. Alexandre, craintif, accorde tout de même sa confiance au médecin honnête et loyal. Chapitre 22:     Alexandre, rétabli, se prépare au combat. L'armée d'Alexandre attaque violemment les Egyptiens qui se rendent au sanctuaire d'Apollon pour savoir comment échapper au danger.  L'oracle leur recommande de se soumettre à Alexandre. Les Egyptiens comprennent qu'il était le fils de Necténabo et l'acclament. Chapitre 23: (l, I, 34)     Les Egyptiens se jettent aux pieds d'Alexandre et se rendent avec lui au palais de Necténabo, heureux d'avoir trouvé le digne successeur de leur pharaon. Alexandre refuse d'être considéré comme le fils de Necténabo. Il revendique sa filiation avec Philippe et avec les dieux. Chapitre 24: (l, I, 32)     Alexandre entreprend des travaux de construction dans la ville: colonnes, remparts fortifiés par de hautes tours, statues de Séleucos, d'Antiochos et du médecin Philippe. Alexandre monte alors en haut d'une tour et déclare qu'il n'existe qu'un seul dieu véritable. Puis, il institue Séleucos chef des Perses, et donne à Philippe le commandement de l'Egypte. Chapitre 25:     Après avoir occupé toute la terre éclairée par le soleil, il ne lui restait plus de terre à occuper. Alexandre décida alors de partir découvrir le monde inhabité. Au bout de dix jours, ils rencontrent des femmes sauvages anthropophages. Alexandre  fait lâcher des chiens pour les faire fuir et les dévorer. Ensuite, ils sont surpris par des fourmis qui sortaient d'un sol sablonneux pour ravir les hommes et les chevaux. Alexandre pense à allumer un feu pour s'en protéger. Puis, ils atteignent un fleuve immense « dont la largeur représentait trois jours de marche [24]». L'eau du fleuve s'assèche. Alexandre lance des coffres remplis de pierre pour être sûr de ne pas s'enliser. Il fait alors construire un pont et le traverse avec son armée au bout de soixante-six jours. Chapitre 26: (l, II, 36)     Alexandre rencontre des hommes-nains. Ensuite au bord d'un immense lac, il permet à ses troupes de se reposer. Chapitre 27:     La statue de Sésonchosis avait été érigée au bord de ce lac. Sur sa stèle, une inscription indiquait qu'il n'avait pu aller plus loin et que la prochaine personne à aller aussi loin que lui ne pourrait avancer davantage. Alexandre mit son vêtement sur la statue de Sésonchosis pour l'honorer autant que pour cacher son inscription qui aurait apeuré ses troupes. Chapitre 28:     Les macédoniens rencontrent des hommes sauvages, nus et anthropophages. L'armée craint de ne pouvoir avancer plus loin mais Alexandre ordonne de poursuivre la route. Chapitre 29:     Alexandre parvient au palais de Sémiramis, inhabité. Puis, reprenant sa marche, il rencontre des hommes à six bras et à six jambes, nus qui s'enfuirent à la vue du feu que les troupes avaient allumé. Ensuite, il croise des cynocéphales, des hommes à tête de chien qui, eux aussi,  prirent la fuite à la vue du feu. Arrivés près de la mer, il jette un cheval mort à la mer mais un crabe géant en ressorti pour le dévorer. Puis, afin de pouvoir traverser, Alexandre ordonne d'allumer un feu qui fait fuir tous les animaux marins. Chapitre 30: (b, III, 6)     Alexandre aperçoit une île. Son ami Philon lui propose d'y aller en premier, considérant que sa vie était moins importante que celle du roi. Des hommes semblables à eux mais nus et qui parlaient le grec vivaient sur cette île. Chapitre 31:     Alexandre arrive sur l'île des Gymnosophistes et traite avec eux, sous la forme d'un interrogatoire, de la vie et  de l'immortalité. Chapitre 32: (b, II, 37 et 39-40; l, II, 38)     Alexandre continue son expédition en terres inconnues et au bout de dix jours de voyage, la lumière du jour disparût complètement. Il arrive alors au bord d'un ravin sur lequel Alexandre fait édifier un arc. Alexandre entre alors dans le pays des ténèbres. Le cuisinier prit un poisson afin de préparer un repas au roi mais en le plongeant dans l'eau, le poisson reprit vie. Le cuisinier ne parla de cette aventure à personne. Alexandre rencontre ensuite des oiseaux anthropomorphes. Chapitre 33:     Alexandre arrive à un lac. Un poisson bondit hors de l'eau. Alexandre demanda à ce qu'on le pêche afin d'ouvrir ses entrailles dans lesquelles ils trouvent une pierre précieuse. Pendant la nuit, des Sirènes sortent du lac en chantant. Le lendemain, les troupes macédoniennes croisent sur leur chemin des animaux à figure humaine et des hommes-centaures. Chapitre 34: (l, II, 23-41)     Alexandre atteint le monde habité après soixante jours de marche. Alexandre rédige une lettre à sa mère en résumant les péripéties qui lui sont arrivées. Ensuite, il écrit à son maître Aristote. Chapitre 35: (l, III, 1)     Les troupes macédoniennes marchent ensuite contre les Indiens. Alexandre va consulter un oracle d'Apollon qui lui annonce sa mort. Alexandre est très affligé, quitte les lieux et rencontre des petits hommes unijambistes. Chapitre 36: (b, III, 1-3)     Le roi des Indiens, Pôros, envoie une lettre à Alexandre lui ordonnant de s'en retourner en Macédoine. Alexandre lui répond en lui assurant qu'il tombera à son pouvoir. Alexandre affronte les Perses qui sont accompagnés de bêtes sauvages et d'éléphants. Les macédoniens perdirent tout courage et décidèrent de livrer leur roi à Pôros. Philon avertit Alexandre qui entame un discours d'exhortation, en larmes, à son armée pour les motiver. Chapitre 37: (b, III, 4; l, III, 4)     Alexandre affronte les Indiens qui sont accompagnés de bêtes sauvages et d'éléphants. Les Macédoniens perdent tout courage et décident de livrer leur roi à Poros mais Philon avertit Alexandre qui entame un discours d'exhortation, en larmes, à son armée, pour les motiver. Le Conquérant et ses troupes décidèrent de lancer des petits porcelets devant les éléphants pour les surprendre. Alexandre parvint à approcher Pôros lors de la bataille et le tue d'un coup d'épée. Il lui réserve alors des funérailles royales. Chapitre 38: (b, III, 17 et 26; l, III, 25-26)     Alexandre entreprend de repartir pour les régions du nord où Pôros exerçait sa royauté. Il consulte un oracle qui lui prédit qu'il mourra à Babylone « Tu périras de la main des tiens, et tu ne pourras pas revenir auprès de ta mère Olympias[25] ». Alexandre quitte l'Inde, affligé. Les Amazones viennent au devant de lui munies de présents marquant leur soumission. Chapitre 39: (b, III, 27)     Alexandre entame une guerre contre Eurymithrès, le roi des Belsyres parce qu'il ne s'était pas soumis à la puissance macédonienne. Alexandre les prend à revers et pourchasse le reste de l'armée. Il parvient au bout de cent jours jusqu'à deux grandes montagnes, à l'entrée du monde inconnu, appelées les Mamelles du Nord. Alexandre décide de s'arrêter et voit les montagnes se rapprocher entre elles. Il y fait alors édifier des portes de bronze induites d'asikêton. «  Voici quelle est la nature de l'asikêton: il ne peut être ni consumé par le feu ni entamé par le fer ». Il fait planter ensuite des ronces pour recouvrir ces montagnes et y enferme vingt-deux rois avec les peuples qui leur étaient soumis. Chapitre 40: (b, III, 19; l, III, 18-20)     Alexandre adresse une lettre à la reine Candace afin qu'elle lui envoie des présents, puisqu'elle a exercé son pouvoir sur l'Egypte. Candace lui répond poliment et lui demande de lui envoyer quelqu'un. Alexandre envoie l'Egyptien Cléomène réceptionner les présents de Candace. Celle-ci demande à un peintre grec d'aller faire le portrait d'Alexandre et le garde en un lieu secret. Quelques jours plus tard, l'armée d'Alexandre saisit Candaule, le fils de Candace, qui fuyait la domination d'Alexandre. Auparavant, le tyran Evagride s'était emparé de la femme de Candaule et avait tué la plupart de ses soldats. Alexandre échange son titre de roi avec Antiochos pour interroger Candaule. Ils décident d'entrer en guerre contre Evagride afin de rendre à Candaule sa femme. Chapitre 41: (b, III, 20; l, III, 20)     Alexandre demande à Evagride de se soumettre. Celui-ci refuse après qu'un espion lui eût confirmé que les troupes d'Alexandre étaient peu nombreuses. Au moment de la bataille, Evagride aperçoit une foule innombrable qui se tenait cachée en embuscade et préfère alors se donner la mort d'un coup d'épée, redoutant la domination d'Alexandre. Candaule, ravi d'avoir retrouvé sa femme, demande à Alexandre de l'accompagner chez sa mère afin d'être remercié à sa juste valeur. Chapitre 42: (b, III, 21 et 24; l, III, 21 et 24)     Avant d' arriver au royaume de Candace, à Amastris. Alexandre entre dans la grotte des dieux. Candaule lui avait expliqué qu'en y pénétrant, il y connaîtrait le sort que les dieux lui ont réservé. Chapitre 43: (b, III, 22-23; l, III, 22-23)     Candace reconnaît Alexandre grâce au portrait que son peintre avait fait de lui mais n'est fâchée en aucune manière puisqu'il a sauvé la femme de son fils. Elle lui promet de  nombreux présents. Alexandre part alors retrouver son armée. Chapitre 44: (b, III, 32; l, III, 31)     Alexandre rentre en Macédoine en festoyant. Un esclave perfide « Ð d''lioj doàloj » cherche comment attenter à sa vie. Finalement, il verse un poison dans la coupe d'Alexandre qui la boit lors d'un banquet. Les premiers signes du poison se font sentir immédiatement. L'univers entier même réagit à ce sacrilège « Et à cet instant-même, l’air se noircit, et les étoiles, comme si elles ne supportaient pas de voir ce qui s’était passé, affaiblirent leur éclat. [26]» Chapitre 45: (b, III, 33; l, III, 30)     Alexandre, comprenant que sa vie allait s'achever, écrit une lettre à sa mère lui résumant ses dernières expéditions avant de lui faire ses adieux. Chapitre 46: (b, III, 33-35; l, 34-35)     Charmide se présente au chevet d'Alexandre ainsi que l'ensemble des Macédoniens. Bucéphale entre alors et punit le coupable, présent, en l'écrasant au sol. A la vue de ce châtiment, Alexandre rend son dernier souffle. Il est ensuite enseveli en Alexandrie d'Egypte.     II/ Particularités des recensions antérieures à e.     Avant d'étudier les innovations de notre recension, il s'avère intéressant de rechercher les similitudes avec les autres recensions et leurs particularités. Comme  nous avons pu le voir dans notre résumé du Roman d'Alexandre, notre texte est postérieur aux recensions a, b, et l. Or, chacune de ses versions possède ses propres caractéristiques qui ont été conservées, le plus souvent, dans e. En effet, chaque siècle a laissé son empreinte sur le pseudo-Callisthène. Chaque peuple qui s'en est emparé n'a pas manqué de l'approprier à sa culture et à sa religion.         1.1 La recension a :     La recension a est la plus ancienne. On la date du IIIe siècle de notre ère. Elle s’accorde avec Diodore, Quinte-Curce et Justin, les 3 représentants de la Vulgate, ainsi qu’avec Plutarque et Arrien et se rapproche des Res gestae Alexandri Magni de Julius Valerius, qui aurait vécu vers 330 après J-C. Elle est écrite en prosimètre.     Cette oeuvre reprend les traditions égyptiennes. En effet, le mythe de la conception d’Alexandre par Necténabo/Ammon est présent ainsi que la fondation d’Alexandrie. En fait, les Egyptiens ont imaginé une liaison adultère entre Olympias et Necténabo qui fit d'Alexandre un des souverains légitimes de l'Egypte. C'est à l'Egypte qu'est rapportée la gloire d'Alexandre: les vaincus revendiquent le vainqueur, et lui donnent pour père un de leurs rois, Necténabo.     La fondation d'Alexandrie, elle, est entourée de circonstances merveilleuses. Prédite par un oracle d'Ammôn, Sésonchis apparaît à Alexandre et lui annonce la future grandeur de cette ville.       Ensuite, on note la mention d'éléments magiques et astrologiques : toutes choses qui donnent au roman une coloration très « égypto-centrique [27]». Ces références évoquent surtout l'essor de la science grecque à l'époque Alexandrine, dont le principal foyer fut Alexandrie. Selon Armand Abel[28], cette version serait finalement une revendication des Alexandrins à travers le chant de gloire universelle que représente le Roman.     Le texte insiste également sur la jeunesse d'Alexandre [29]. En effet, l'auteur insiste qu' Alexandre n'est qu'un enfant lorsqu'il reçoit la royauté de son père. Et le jeune âge d'Alexandre apparaît lors de ses expéditions.     Le merveilleux est également présent avec des histoires imaginaires qui prennent place: celle de la baleine dont on prend le dos pour une île; la description de la terre de la nuit; la description des bambous, de la forêt tropicale et de sa faune. On relève également la mention de chiens volants (cynoperdices), de vampires (nyctérides) et du Jardin de la Lune et du Soleil dans la ville de Prasicia dans lequel se trouvent des arbres vêtus de peaux comme des hommes qui prononcent des oracles et annoncent la mort d'Alexandre.         1.2 La recension b:      La recension β, serait plutôt une réécriture grecque de ce modèle égyptionnisant avec les dates du calendrier romain et non égyptien. Elle atténue le caractère égyptien de l'oeuvre au profit de l'hellénisme tout en la simplifiant. Le texte est plus clair, plus populaire avec des accumulations de petites phrases.     De surcroît, l'une de ses particularités est l'omniprésence du merveilleux, du fabuleux. C'est ainsi qu'après le récit du mariage d'Alexandre et de Roxane, une lettre d'Olympias est intercalée afin de décrire toutes les merveilles que le roi avait vues dans les régions extrêmes de l'orient. On note le besoin d'accumuler des récits étonnants. Enfin, cette recension est emplie d'influences religieuses: des éléments chrétiens apparaissent : on peut ainsi noter une formule de phraséologie en usage chez les chrétiens : « il s’endort d’un sommeil éternel » au lieu de « fermer les yeux ».     Cependant, les Juifs hellénistes firent de nombreux efforts pour combattre les préventions dont le peuple hébreu faisait l'objet dans le monde grec. En effet, cette recension insère l'entrée d'Alexandre à Jérusalem. Lors de sa visite au temple, on le voit s'agenouiller devant la statue de Jéhova avant de dire : « Allez en paix, vous êtes les prêtres du vrai Dieu, et votre Dieu sera le mien ». Cette proclamation d'un seul vrai Dieu, invisible, incorporel, apparaît ici comme une innovation. Toutefois, cela n'empêchera pas l'auteur de conserver quelques traits égyptiens dans son oeuvre et de conserver la parité entre Alexandre et Ammon.     Enfin, elle comporte également l'exposé relatif aux peuples impurs, situés au delà du Caucase, que le conquérant sépara de la terre des hommes par une muraille de fer[30].         1.3 La recension l:      La recension λ qui serait dérivée de β apporte des innovations narratives : le merveilleux est toujours omniprésent. Les Byzantins montrent ici la puissance du conquérant qui ne connaît pas de limite, notamment en le faisant monter au ciel, porté par deux aigles.     D'autre part, l’auteur fait de nombreux parallèles avec l’Apocalypse de Jean et les Révélations du Pseudo-Méthode[31] avec des sentences sapientielles. Pseudo-Callisthène s'éloigne ici de la tradition historique : certains épisodes sont modifiés ou ont été ajoutés. L’auteur, en effet, en profite pour fouiller les origines et les diverses versions de l’épisode de Gog et Magog, enfermés par Alexandre derrière les portes de la Caspienne, que ces nations ne franchiront qu’à la veille de la fin des temps: « Après que nous l'eussions vaincu, je les ai poursuivi par derrière et je les ai chassé de leur propre terre et je les ai enfermé dans la plaine du nord qui n'a pas de fin. J'ai invoqué dieu, souverain du ciel et de la terre pour qu'il vienne à mon secours, et il a fermé leur sortie. Mais aussitôt, il réunit les deux Mamelles du nord et a intercepté leur fuite. En cet endroit, moi-même j'ai fixé des portes enduites d' asikhtoj et je plantai un buisson de ronces, qu’ils ne pourront pas franchir jusqu'au moment où le pêché se sera répandu sur la terre. Alors, Dieu les conduira pour qu'ils anéantissent tous les vivants.[32] » CONCLUSION     Ainsi, certains éléments de ces recensions se retrouvent dans e. Plusieurs épisodes, par exemple, sont racontés à la fois dans le texte a et e: l'épisode de l'assemblée d'Athènes (e, 12, 1-3), l'histoire de l'île inconnue que Pheidon, compagnon d'Alexandre va explorer en premier pour protéger le roi (e 30, 2-3; a, III, 17, 3-7) ou la tentative de suicide d'Alexandre (e, 44, 5; a, III, 32, 4-7). La forme du récit est également semblable: plusieurs morceaux poétiques sont insérés dans la narration du texte. En effet, ces deux recensions sont des prosimètres.     Le texte b, selon C. Jouanno, conserve un parallèle avec e dans la description des pays mythiques. On y relève, entre autres, les femmes nues anthropophages, les hommes sauvages,  les crabes géants ou les oiseaux anthropomorphes.     Dans l, enfin, c'est l'épisode de Gog et Magog qui marque la plus forte ressemblance. Mais on y observe également le même récit pour l'arc bâti par Alexandre au pays des ténèbres, le portrait d'Alexandre que Candace réclame à un peintre et la rapidité avec laquelle elle reconnaît le roi, bien qu'il soit déguisé en messager. De cette manière, notre recension peut être considérée comme une compilation de toutes ces versions précédentes. Mais ce sont surtout les influences religieuses qui apportent à cette oeuvre toute son originalité.     III/ Les influences religieuses     Le Roman d'Alexandre[33] possède la particularité de conserver des traces des caractères religieux des autres recensions. Bien qu'elle serait une réécriture chrétienne d'une version juive pour certains, le rédacteur d' e s'est efforcé de conserver les allusions aux autres religions.     Ainsi, l'épisode qui décrit Alexandre lors de sa marche dans les ténèbres, à la recherche de l'eau d'immortalité, se retrouve dans le Talmud de Babylone tout comme dans le Coran.         2.1 Le Talmud[34]     Lors de la rédaction de cette recension, les Juifs se sont emparés de la figure du héros macédonien pour l'enrichir de nouvelles fables et en faire un héros sémitique, défenseur et propagateur de la religion du dieu unique.     En effet, les voyages du Conquérant sont exposés dans ce roman. Juste avant son entrée en Egypte, Alexandre passa par Jérusalem. Face au scepticisme du peuple juif qui envoya des espions afin de mieux connaître le roi, Alexandre choisit de les surprendre en leur démontrant le dévouement extrême que son armée lui portait en leur ordonnant de se jeter dans un ravin. Finalement, les Juifs se plièrent à la domination d'Alexandre. Lorsque le roi rencontra alors le peuple et les prêtres juifs, il fut frappé par leur vénération à leur dieu et par leur religion monothéiste. C'est dans ce contexte que le Pseudo-Callisthène choisit de convertir Alexandre à cette religion.     Aucun des historiens du Conquérant ne raconta ce voyage, qui serait donc purement fictif. Pourtant, cette rencontre entre Alexandre et les Juifs s'est insérée dans la tradition littéraire et est également présente dans b. Même dans la légende syriaque, on relève cet épisode: « And Alexander went up and worshipped in Jerusalem. When he died, he gave his royal throne of silver to be in Jerusalem[35] ».     D'autre part, Flavius Josèphe évoque dans ses Antiquités Judaïques la rencontre d'Alexandre avec le prêtre juif qui lui montre le Livre de Daniel [36]: « On lui montra le livre de Daniel, où il était annoncé qu'un Grec viendrait détruire l'empire des Perses, et le roi, pensant que lui-même était par là désigné, se réjouit fort et renvoya le peuple. »     Dans le Talmud de Babylone[37], alors, on apprend que les Koutim, une secte qui pratiquait l’idolâtrie mais prétendait appartenir au peuple juif, demandèrent à Alexandre l’autorisation de détruire le Temple de Jérusalem et que ce dernier la leur accorda. « Lorsque Simon le Juste[38] eut vent de cette terrible catastrophe qui allait s’abattre sur Israël, il se vêtit de ses habits de Grand Prêtre, se fit accompagner des notables d’Israël qui tenaient en main des flambeaux, et sans aucune arme ils avancèrent, dans la pénombre, au devant de l’armée d’Alexandre. »     Alexandre fut alors subjugué par Simon qu'il avait vu en rêve précédemment : «Apercevant Simon le Juste, Alexandre le Grand descendit de son char et se prosterna devant lui. Les proches de l’empereur s’étonnèrent: «  Un roi aussi puissant que toi se prosterne devant ce Juif? - Lors de mes combats, j’aperçois toujours l’image de cet homme qui avance au devant de mes troupes, répondit-il. (...)  Le lendemain, ayant assemblé les Juifs, il les invita à demander des faveurs. Le Grand Prêtre demanda pour eux la liberté de vivre suivant les lois de leurs pères. Le roi accorda tout... »     Ici, Alexandre manifeste rapidement le souhait de se convertir à la religion juive « Votre dieu sera mon dieu », ( e, 20,4, « Ð g¦r qeÕj Ømîn ' stai mou qe''j »). Ce changement radical pourrait paraître déroutant mais finalement, ce dévouement pour cette religion ne s'inscrit que dans ce chapitre (20). On peut alors se demander si le rédacteur d'e n'a pas voulu apporter à ce texte sa culture de juif hellène.     A. Abel[39], considère que  le Talmud n'a pas pris son information dans le Roman et qu'il ne l'a pas non plus inspiré. Selon lui, les deux ouvrages ont pris « la matière dont ils se sont enrichis » dans « ce qui circulait comme récits indépendants ».     Enfin, un certain vocabulaire appartenant à la Septante se dégage du paragraphe 4,  chapitre 20. En effet, le prêtre annonce à Alexandre: « qeÕn ºme‹j ' na dedouleÚkamen, ' j ™po…hse tÕn oÙranon kaˆ t¾n gÁn kaˆ p£nta t¦ Ðrèmena te kaˆ ¢''rata (...) » que l'on peut traduire par: « Nous, nous servons un dieu unique, qui a créé le ciel et la terre ainsi que toutes les choses visibles et invisibles. » La Genèse[40], elle, indique : «  ' j ' ktisen tÕn oÙranon kaˆ t¾n gÁn ».     M. Simon[41] considère la recension e comme la réécriture chrétienne d'une version judaïsante. Il insiste sur les nombreuses formules du Nouveau Testament présentes dans e. Il met en parallèle, par exemple, la formule de bénédiction qu' Alexandre adresse aux juifs  « ¥pite, ™n e„r»nῃ » avec celle de l'Evangile de Luc[42] : « poreÚou, e„j e„r»nhn. » Puis, il compare la suite du discours d'Alexandre « Kaˆ e„r»nh mou meq' Ømîn » avec les mots prononcés par le Christ au moment de prendre congé de ses disciples[43] : «  e„r»nhn t¾n ™m¾n d…dwmi Øm‹n.»     On ne peut alors nier l'influence de la religion judaïque sur le Roman d'Alexandre. Cependant, les autres religions n'en sont pas pour le moins évoquées et d'autres influences sont mises en évidence dans différents chapitres. Il s'agit donc maintenant de s'intéresser au Pseudo-Méthode, dont la présence surprenante mérite de soulever quelques interrogations.         2.2 La légende syriaque     Après avoir fait une guerre contre Eurymithrès, le roi des Belsyres, Alexandre pourchasse les peuples du Nord et arrive, au bout de cent jours, dans le Caucase, au pied de deux montagnes. Il se produisit alors un miracle: les montagnes se rejoignirent, fermant le passage avec des portes de bronze.     La poursuite des impies jusqu'au Mamelles du Nord ( dÚo MazoÝj toà Borr©), explicitement citées dans e[44], est une référence directe aux Révélations du Pseudo-Méthode.      Nous  n'en possédons qu'une réadaptation tardive, où l'on peut déceler la trace d'une structure plus ancienne. Fidèle à la tradition daniélique, elle s'ouvre par une esquisse historique, qui va d'Adam à Alexandre, et qui apparaît par l'édification des portes de Gog et de Magog, comme une sorte de précurseurs des Temps Derniers.     En fait, l'Apocalypse du Pseudo-Méthode, autrement appelé Révélations, de la fin du VIIe siècle  a  formé l'imagination eschatologique de la Chrétienté pendant le Moyen Âge. Il a été écrit  en langue syriaque en réaction à la conquête islamique du Proche-Orient. Ainsi, on parle de cette Apocalypse comme d'un violent pamphlet anti-musulman.     Elle est faussement attribué au Père de l'église du IVème siècle, Methodius d'Olympus. Il dépeint beaucoup de thèmes eschatologiques chrétiens familiers : l'Antéchrist, les invasions de Gog et Magog,  et les tourments qui précèdent la fin du monde.     Faisant leur propre lecture du pseudo-Callisthène, les chrétiens d'orient y trouvent à leur tour matière à exégèse. Le syriaque Jacques de Sarûdj, dans une homélie métrique datée de 514, insiste tout particulièrement sur le voyage au pays des ombres et la construction de la muraille destinée à contenir les assauts de Gog et Magog. Ces deux missions divines sont à ses yeux la marque de la prédestination d'Alexandre.     C'est par cette curiosité, et mû par le désir de trouver la source de vie, qu' Alexandre entreprend le voyage au pays des ombres. Mais par la faute de son cuisinier, il passe à côté de son but. Pieux conquérant, animé par l'annonce de la venue du sauveur, c'est sous une impulsion divine qu'il construit, à grand effort, avec l'aide du roi d'Egypte, et l'appui d'innombrables alliés, la fameuse muraille, dont la ruine, avec ses conséquences, lui est ensuite annoncée par un ange.     Avec Jacques de Sarûdj, le conquérant macédonien, devenu personnage apocalyptique et mythique, fait figure déjà d'un personnage prédestiné, investi par Dieu d'une mission de caractère universel. Et dans la tradition syriaque, la même charge est dévolue à ce héros, désormais soldat du christ, espèce de moine guerrier, priant constamment le christ et assisté de lui.     Cette version syriaque du pseudo-Callisthène fut suivie d'autres encore: araméenne, copte, géorgienne, éthiopienne, indienne et même malaise. Toutes amplifient les exploits d'un Alexandre surhomme et à la limite du divin.         2.3 La tradition islamique     Au VIIe  siècle, ce fut au tour de l'islam d'aborder l'épopée d'Alexandre. En effet, la Surate de la Caverne évoque Gog et Magog ainsi que Dul-Qarnaïn[45]. Ce dernier, avait un surnom, le « biscornu », qui proviendrait de la représentation d'Alexandre avec les cornes d'Ammon sur les monnaies hellénistiques.     Cette oeuvre connut le destin mystique le plus caractéristique. On y trouve deux passages se rapportant à la légende, telle qu'elle s'était ramassée dans l'imagination populaire du début du VIIe siècle. Le premier passage concerne l'eau d'immortalité dans laquelle un poisson reprit vie. Chez le Pseudo-Callisthène, le cuisinier ne fait pas part de cette aventure à Alexandre. Or, dans la Surate de la Caverne, c'est Moïse le protagoniste[46], face à un disciple, qui n'est finalement là que pour jouer un rôle évoquant le souvenir du cuisinier d'Alexandre: «  Verset 60: Et quand ils furent parvenus, tous deux, au lieu qui en fait la jonction, ils oublièrent leur poisson, et celui-ci se fraya, par un canal, son chemin dans la mer. Verset 61: Lorsqu'ils eurent dépassé ces lieux, (Moïse) dit à son disciple: « voici qu'est venue l'heure de notre premier repas. Nous avons atteint ici la limite de notre voyage. » Verset 62: Il dit: « As-tu vu que lorsque nous nous sommes abrités sous le rocher, j'ai oublié le poisson; ce n'est peut-être que le Shaitân[47] qui m'a fait oublier d'y penser. Il s'est frayé un chemin dans la mer, chose étonnante. »[48]     Le deuxième passage, dont les points communs avec notre recension peuvent sembler frappants, apparaît, du verset 93 au verset 98, au moment où les judéos-chrétiens viennent voir le Prophète pour lui poser des questions insidieuses: «  Verset 93: Et ils lui dirent: « O,  Dhû'l Qarnayn, voilà que Gog et Magog mettent la corruption sur la terre.  Te donnerons-nous un moyen d'élever, entre eux et nous, un obstacle? » Verset 94: Il répondit: « Mieux vaut le moyen que m'a donné mon Seigneur. Aidez-moi à force de bras, et je dresserai un obstacle entre vous et eux. Verset 95: Apportez -moi des lingots de fer. » Et quand ils furent parvenus au niveau des montagnes, il dit: « Soufflez ». Et quand ils en eurent fait du feu, il dit : « Apportez-mois du cuivre pour le verser ». Verset 96: « Et les peuples impurs n'y toucheront jamais, pour l'escalader, et ils n'y feront jamais de trou. » Verset 97: Il dit: « Ceci est une marque de la bienveillance de mon Seigneur, et quand sera venue la promesse de mon Seigneur, il fera de cet obstacle un passage et la promesse de mon Seigneur se vérifiera. » Verset 98: Et nous les laisserons, ce jour-là, se mêler aux autres comme des flots. Et ton souffle passera sur la muraille, et nous les mêlerons tous... »[49] CONCLUSION     Au VIe siècle, nous pouvons     ainsi nous représenter la légende d'Alexandre portée dans le proche orient (Egypte, Syrie, Mésopotamie, Asie-Mineure) par une triple tradition: la tradition grecque avec les recensions du pseudo-Callisthène, la tradition syriaque, représentée par saint Ephrem, Jacques de Sarûdj et une tradition orale, ne retenant que les faits merveilleux et édifiants, dont les récits, extrêmement libres en face des autres traditions, que nous trouvons dans les Talmuds, nous conservent un des aspects.     Le Roman d'Alexandre est donc indéniablement riche en références culturelles, historiques et littéraires[50]. Une étude sur la narration s'impose. A quel type de récit avons-nous affaire alors? Bien que ce soit un roman, selon son appellation, quel rôle Alexandre joue-t-il ici? Le chapitre que nous venons de traiter nous a démontré comment Alexandre a pu devenir l'emblème de certaines religions. Quelle image le Conquérant incarne-t-il donc dans notre recension? Chapitre II: Etude sur la narration     I/ Un récit prosimètre     Notre roman est un prosimètre, c'est-à-dire qu'il alterne prose et poésie dans sa composition. En effet, certains passages versifiés sont insérés dans le récit. Il s'avère alors intéressant de s'interroger sur leur présence à des endroits précis. D'ailleurs, quel est leur but et leur impact sur le roman? Il s'agit donc d'abord de s'intéresser à leurs occurrences pour ensuite analyser en détail leur contenu.         1.1 Répartition des vers     Cette recension contient 49 vers répartis dans le récit selon le tableau récapitulatif suivant: CHAPITRE                     &

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