L'administration provinciale sous Louis XIV
Publié le 05/12/2010
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Pour que les décisions prises au conseil du roi puissent être appliquées, le pouvoir central doit
nécessairement s’appuyer sur des représentants en province. L’administration royale s’appuie
sur des officiers et s’efforce de les contrôler par le biais de commissaires. Mais l’armature
administrative reste complexe avec un enchevêtrements de ressorts, de compétences.
L’Ancien Régime a conservé les cadres hérités du Moyen Age, les a étendu autant que
possible dans les territoires conquis mais a surajouté de nouvelles structures aux anciennes,
sans efforts de rationalisation. Vauban dans une formule célèbre à bien montré cette
complexité.
« L'élection de Vézelay est de la province de Nivernais, de l'évêché d'Autun, de la généralité
et ressort de Paris, et la ville de Vézelay du gouvernement de Champagne. Elle est bornée au
nord par l'élection de Tonnerre, à l'est par le duché de Bourgogne, à l'ouest par les élections de
Nevers et de Clamecy, et au sud par celle de Châtel-Chinon. Elle a quelque neuf, dix à onze
lieues de longueur, sur quatre à cinq de largeur, et en tout quarante lieues carrées, de vingt cinq au degré, en ce compris les parties séparées de son continent. Son composé est d'autant
plus bizarre que, toute petite qu'elle est, elle contient plusieurs enclavements des élections
voisines, dans lesquelles elle en a aussi de fort écartés, sans qu'on en puisse rendre raison, si
ce n'est que, quand on l'a formée, il se peut que les seigneurs de ces lieux hors oeuvre ont eu
des raisons pour désirer que leurs terres fussent de cette élection, à cause du ressort de Paris ;
mais on est à même temps tombé dans l'inconvénient de rendre les exploitations qui se font
pour cause de la levée des tailles beaucoup plus à charge, à cause des paroisses éloignées du
siège de l'élection (défaut qui a besoin d'être corrigé, aussi bien que tous ceux qui lui
ressembleront ailleurs).Partie de ses paroisses sont situées en Morvan, partie sont mélangées
de Morvan et de bon pays, et les autres entièrement dans le bon pays, qui ne l'est que par
rapport au Morvan, qui est très mauvais. «
Les cadres géographiques de l’intervention royale
Le découpage du royaume est fait de circonscriptions superposées, sans égalité, sans aucune
concordance.
a.Les grands découpages politiques : les provinces ou gouvernements
Les gouvernements à la tête desquels se trouve un gouverneur ont été créés à la fin du XV6e
siècle et leur nombre a augmenté, par les conquêtes et par démembrement des trop grosses
circonscriptions. Leur fonction militaire eut tendance à s’estomper et après la Fronde durant
laquelle les Grands repliés dans leur gouvernement brandirent l’étendard de la révolte , le roi
fit résider auprès de lui les gouverneurs, représentés sur place par des lieutenants généraux et
des commandants en chef.
b.Les circonscriptions financières
Dans le domaine financier, il faut distinguer pays d’Etat et pays d’élection.
Les pays d’Etat sont des provinces à fort particularisme ou rattachées tardivement (Bretagne,
Languedoc, Provence, Bourgogne, etc). l’administration, notamment fiscale, est confiées à
des Etats, assemblées où siègent des représentants du clergé, de la noblesse et du tiers état. Ils
négocient avec le représentant du roi le montant de l’impôt que versera leur province au
Trésor.
Les pays d’élection sont sous le contrôle royale. Les pays d’élections portent ce nom car leur
circonscription de base (au dessus naturellement de la paroisse) est l’élection, circonscription
de répartition et de collecte de la taille. Plusieurs élections forment une généralité à la tête de
laquelle se trouve un bureau des finances.
C) Les circonscriptions judiciaires
La pyramide judiciaire est complexe. Ils existe des juridictions non royales comme les
juridictions consulaires qui règlent les différends entre marchands, les juridictions
ecclésiastiques comme les officialités ou les bureaux diocésains, des justices seigneuriales et
des justices municipales (la cour des jurats à Bordeaux). La justice royale comprend plusieurs
niveaux :
* des juridictions subalternes, des vigueries en Languedoc et en Provence, des châtellenies en
Champagne, des vicomtés en Normandie, etc, des prévôtés en Guyenne (grande prévôté
royale d’Entre-deux-Mers)
* des bailliages (au nord mais aussi le Labour)et sénéchaussées (au sud mais aussi en
Bretagne). Ces tribunaux connaissent les appels venant des juridictions inférieures, mais
aussi, au civil, les tutelles et les successions, au criminel, le port d’armes, les assemblées
illicites, les émeutes, les vols, les rapts et les viols.
* les présidiaux créés en 1552. Chargés de déchargés les cours supérieures, ils jugent en appel
certaines affaires jugés au bailliage ou à la sénéchaussée. Ils sont plus d’une centaine et leurs
officiers sont souvent les mêmes que ceux du bailliage.
*les parlements : ce sont d’abord des cours de justice, des cours d’appel qui jugent les appels
des bailliages et des sénéchaussées. Mais pour appliquer le droit, ils doivent d’abord inscrire
celles-ci dans leurs registres, c’est l’enregistrement, à l’origine de leur pouvoir «politique « de
faire des remontrances au souverain. Celui de Paris est le plus ancien et couvre un tiers du
royaume. On comptait neuf parlements au début du XVIIe siècle. Louis XIII ajoute celui de
Pau en 1620, de Metz en 1633, Louis XIV ceux de Douai et de Besançon. Dans les provinces
conquises tardivement, Louis XIV créa non des parlements mais des cours assez proches,
appelées conseils souverains, à Arras et Perpignan.
Il existe bien d’autres circonscriptions administratives.
L’administration royale de base : les officiers
La nature de l’office
Les définitions des contemporains permettent de comprendre la nature de l’office : selon Jean
Bodin, l’officier est « une personne publique qui a charge ordinaire limitée par un édit « et
selon Charles Loyseau, l’office est une « dignité ordinaire avec fonctions publiques «. Le roi
fait donc exercer par des officiers une partie de l’autorité qui lui appartient en matière de
justice ou de finances. L’office a une existence propre, il demeure par delà les officiers qui se
succèdent. L’office confère honneur et préséance, un rang dans la société, une minorité
d’offices prestigieux conférant la noblesse. L’officier est rémunéré par le roi au moyen de
gages ou de traitement mais aussi par des paiements des usagers, « épices « s’il est officier de
judicature, « droits et taxations « s’il est officier de finances. Au début du règne de Louis
XIV, Colbert estimait le nombre des officiers à 46000. Lorsque le roi a créé un office, celui-ci
est acheté par un particulier qui est reçu dans la compagnie de ses collègues et qui prête
serment au roi. Il est irrévocable et inamovible sauf cas de forfaiture. Il peut vendre sa charge
à un tiers et la léguer à un héritier. L’hérédité des offices a été reconnue officiellement par
l’Etat depuis Henri IV. Pour léguer leur office, les officiers versent chaque année un
soixantième de sa valeur, c’est l’annuel ou paulette. Le prix des offices est très variable :
10000 livres pour une charge de président au présidial de Béziers, 120000 pour être président
à mortier en province, 500000 à Paris, 200000 pour être maîtres de requêtes au conseil du roi.
Les principaux officiers
Nous avons évoqué les grands officiers de la Couronne dans le cours sur le Roi et son
entourage. Il faut y ajouter les officiers seigneuriaux, les officiers de guerre, de marine et
surtout les officiers de finance et de justice.
a)les officiers de finances :
On distingue dans ce domaines, deux types d’officiers. Il y a ceux que l’on appellent les ordonnateurs de dépenses, qui répartissent, jugent mais ne collectent pas d’argent. En province, ce sont les trésoriers généraux de France qui répartissent la taille, s’occupent de la voirie, les officiers des élections. Le contentieux portant sur les tailles, les aides sont du ressort des magistrats des Cour des Aides. Les comptables en revanche manient
les deniers de l’Etat. Au niveau local, les receveurs des tailles ou receveurs particuliers
perçoivent les impôts et les remettent aux receveurs généraux chargés de reverser au Trésor
le produit des impôts directs de leur généralité.
b) les officiers de justice :
Ce sont des magistrats qui rendent la justice, des sentences pour les juridictions inférieures,
des arrêts pour les cours. Les justiciables peuvent se faire aider soit par des procureurs qui
sont des officiers, soit par des avocats, qui ne sont pas des officiers mais des auxiliaires de
justice.
Un agent de surveillance et d’intervention, le commissaire
Devant la multiplication des officiers, les abus causés par certains du fait de la vénalité et de
l’hérédité, le gouvernement royal a tenté de contrôler plus efficacement ses administrateurs
provinciaux tout en réaffirmant son autorité. Il le fait par le biais de commission.
A)Origine et nature des commissions
Par une commission, le gouvernement confie une mission précise, ponctuelle à un de ses
officiers de confiance. Il est rémunéré par le roi et révocable. Au début, il s’agissait de
missions d’informations, d’inspection, notamment sous les règnes des derniers Valois et des
premiers Bourbons. Puis, à l’époque de Mazarin, ces commissaires envoyés en province,
connus sous le nom d’intendants, souvent des conseillers d’Etat ou des maîtres des requêtes,
tendent à devenir des administrateurs, au dépens des officiers de leur province. Supprimés en
1648, lors de la fronde parlementaires, ils réapparaissent après 1653. la reprise de leurs
activités ne se fait pas sans mal jusqu’en 1661.
B)Les intendants sous le règne personnel de Louis XIV
Le conseil du roi évite souvent le nom d’intendant et leur octroi le titre de « commissaires
départis pour l’exécution des ordres de Sa Majesté «. Ils sont pris parmi les conseillers d’Etat
mais de plus en plus chez les maîtres de requêtes, en bénéficiant de la protection des ministres
et surtout du contrôleur général des finances. Le pouvoir royal ne traite pas toutes les
provinces de la même façon : entre 1661 et 1688, les commissaires restent en moyenne quatre
ans et demi dans les 22 généralités des pays d’élection et neuf ans et demi dans les pays
d’Etat. Puis vers la fin du siècle, ils tendent à rester de plus en plus longtemps en poste, un
peu plus de cinq ans dans les pays d’élection, treize ans dans les pays d’Etat. Comme leur
cadre géographique est celui des généralités, intendance et généralités deviennent peu à peu
synonymes, à l’exception de l’intendance du Languedoc, divisées en deux généralités. Même
si la fonction n’est pas héréditaire, l’on voit peu à peu se constituer des dynasties : Nicolas
Lamoignon de Basville est intendant de Languedoc de 1685 à 1718, son fils Urbain –
Guillaume, intendant de Rouen de 1704 à 1709 puis intendant de Bordeaux. Auguste-Robert
de Pomereu est intendant du Berry de 1664 à 1666, d’Auvergne puis de Bretagne de 1689 à sa
mort en 1691son fils Jean-Baptiste de Pomereu de la Bretesche intendant d’Alençon de 1689
à 1699 puis en Champagne. Leurs tâches devenant de plus en plus lourdes, ils s’adjoignent
peu à peu des subdélégués pour les aider dans des circonscriptions plus petites. Ce sont des
délégués, des commissaires de l’intendant sauf de 1704 à 1715 lorsque l’Etat créa des offices
héréditaires.
C)Les attributions des intendants
Ils sont intendants de justice, veillent à la bonne marche de la justice, au respect des lois,
peuvent présider les présidiaux, les bailliages ou sénéchaussées, enquêter sur les crimes
impunis, surveiller les gens du roi, procureurs du roi, avocats du roi.
Ils sont intendants de police, au sens large, la police désignant l’administration. Il veille au
maintien de l’ordres avec le concours des troupes royales et celles, bien faibles, de la
maréchaussée. Il exerce sa tutelle ses les communautés, préside les assemblées de ville, donne
son avis au souverain qui désigne en dernier ressort les magistrats municipaux comme à
Bordeaux ou Toulouse. Il surveille les hôpitaux généraux et les dépôts de mendicité, surveille
les gens de mauvaises vies, mendiants, vagabonds, prostituées et autres gens sans aveu.
Ils sont intendants de finances, visitent les élections de leur intendance, surveille les officiers,
vérifie les lettres d’anoblissement. Lors de la création de la capitation en 1695, ce sont eux qui
dressèrent le rôle des impositions, de même en 1710 avec la création du Dixième.
Ils ont un rôle important dans le domaine militaire, surveillent les procédures de recrutement,
contrôlent les effectifs et leur entretien, organisent le passage des troupes et « l’étape « c’està-
dire l’accueil des soldats (vivres pour les hommes, fourrage pour les chevaux, lits et place
au feu du soldat). Ils sont responsables de l’organisation du tirage au sort des milices et
exercent la police militaire.
=> L’administration générale de l’Etat reste dominée par le monde des officiers sortes
« d’entrepreneurs privés d’un service public «. le pouvoir royal, et notamment Louis XIV,
renforça le rôle des commissaires. Mais d’une manière générale, le nombre d’administrateurs
reste faible rapporté à la surface du pays et à sa population.
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