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"Le Bonheur " D'Henri De Régnier

Publié le 26/09/2010

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Bien des poètes attristés par le temps qui passe conseillent au lecteur de profiter du présent. Ce n'est pas le cas d'Henri de Régnier, qui publia en 1920 Vestigia Flammae d'où est extrait “ Le Bonheur ”. En cinq quatrains, l'écrivain développe sa conception du bonheur grâce à des images empruntées à la nature. Comment caractériser son point de vue? Après avoir examiné la force persuasive d'un discours moral qui sait tirer parti de la forme poétique, nous nous intéresserons à l'évocation symbolique de la nature, afin d'étudier l'expression des valeurs qui fondent cette philosophie du bonheur. Le poème d'Henri de Régnier est didactique : l'écrivain prend la parole pour adresser directement au lecteur des conseils précis concernant sa conduite dans la vie quotidienne. Il adopte le ton d'un moraliste. Dès le vers I “ Si tu veux être heureux… ”, le poète apostrophe son destinataire. Le tutoiement est ambigu; il peut indiquer (comme chez les latins qui ignoraient le vouvoiement) une égalité entre les interlocuteurs : un homme s'adresse à un autre. Mais on peut aussi l'interpréter comme le signe d'une supériorité morale : le poète sait comment trouver le bonheur et veut l'enseigner au lecteur. C'est pourquoi il s'adresse à lui sur le mode de l'ordre et de la défense par des impératifs , “n'arrête pas... ”, “ n'écoute pas... ”, “ Prends garde... ”. Le contre-rejet du vers 9 qui provoque la répétition de « n'écoute « en début et en fin de vers accentue l'avertissement. Ces impératifs souvent situés en tête de strophe soulignent par ailleurs les étapes du raisonnement d'Henri de Régnier. En effet, le poème est organisé comme un discours démontrant une idée. Les quatre premières strophes sont constituées chacune d'un conseil parfois suivi d'une explication. Ainsi dans le premier quatrain le conseil intervient au vers 1 : “ [...]ne cueille pas la rose... ” et l'explication dans les vers 3 et 4 : “La fleur est déjà morte à peine est-elle éclose, /Même lorsque sa chair révèle un sang divin.” Le rythme marquant un accent tonique sur “morte” “ éclose” “ chair” et “divin” souligne l'idée morale du détachement, une des conditions du bonheur selon l'auteur. La dernière strophe conclut en développant sa définition du bonheur, sa thèse. Dans ce poème didactique, Henri de Régnier emploie donc habilement la forme classique des strophes pour donner de la force à son argumentation. Mais à l'inverse des poètes de la Pléïade, il ne conseille pas de profiter de la vie. Il enseigne le renoncement, en s'appuyant sur des symboles tirés de la nature. Les images tirées de la nature sont très présentes dans les cinq strophes de cette poésie. Mais elles ne sont pas à prendre au premier degré. Le poète les emploie pour représenter symboliquement les signes du bonheur. Henri de Régnier a été marqué par le symbolisme de Baudelaire qui perçoit la nature comme « une forêt de symboles « dans le poème "Correspondances" : Pour lui comme pour le poète des Fleurs du mal, l'on doit déchiffrer dans les images concrètes de la nature des signes particuliers. Ainsi, La "rose" du vers 1, "l'oiseau" du vers 5, le "torrent" et le "ruisseau" du vers 10, le "caillou" et "le diamant " du vers 11 sont autant de symboles des tentations du plaisir. Tous ces mots sont mis en valeur par leur place avant une pause, en fin de vers ou avant l'hémistiche. Ils évoquent des tentations variées. Ainsi, "la rose" évoque les plaisirs de la "chair" et de l'amour. "L'oiseau" représente au contraire la tentation de la pensée rationnelle et métaphysique symbolisée par "l'espace" et "le ciel". La "voix" du "ruisseau" et du "torrent" évoquent l'engagement dans des causes publiques et le diamant représente la richesse. Toutes ces images sont donc des métaphores évoquant des plaisirs éphémères auxquels Henri de Régner oppose la simplicité et le sens de la mesure. Le poète conseille en effet de préférer le simple "caillou" au "diamant" mis en valeur par une diérèse. Il affirme aussi : Le marbre du palais, moins que le lin des tentes, Rend les réveils légers et les sommeils heureux. Ces deux vers associent l'idée de la légèreté et du bonheur pour l'opposer à la lourdeur et à la contrainte évoquées par le faste du "marbre" et de la puissance du "palais" qui symbolisent les richesses et les responsabilités politiques. Le poète rejette donc les séductions de la passion, de la richesse et de la puissance pour développer une idée personnelle du bonheur assez originale. La morale d'Henri de Régnier n'est pas formulée explicitement comme à la fin d'une fable de La Fontaine. Sa philosophie apparaît tout au long du poème grâce à un jeu d'oppositions et de sonorités. La troisième strophe oppose ainsi à la rime "l'appel du ruisseau" à "l'écho". Il conseille de ne pas écouter le premier mais de consulter le second. D'autres rimes opposent ainsi au long des strophes "filet" et "volait", " couleurs éclatantes" et "lin des tentes". Parfois, l'opposition réside à l'intérieur même du vers, c'est le cas dans le second vers de la dernière strophe qui résume les conseils précédemment donnés dans les deux phrases suivantes : "Ne dis jamais : Encore, et dis plutôt : Assez..." Les deux adverbes expriment de manière très concise un idéal de modération et de tempérance. Le poète refuse donc toutes les formes d'excès, et explique ce choix dans la chute assez elliptique du poème : Le Bonheur est un Dieu qui marche les mains vides Et regarde la Vie avec des yeux baissés. Ces vers font écho à ceux de la première et de la seconde strophe: "ne cueille pas la rose […] qui s'offre à ta main ; […] N'arrête pas l'oiseau […] Et contente tes yeux de son ombre qui passe" Selon Henri de Régnier, l'idéal, marqué par les majuscules dans les mots "Bonheur", "Dieu" et "Vie" est donné au sage qui se contente de peu, alors que la multiplication des désirs entraîne une insatisfaction caractéristique chez "l'envieux" du vers 14. Ce poème, assez classique dans sa forme, l'est aussi dans l'idéal stoïcien de renoncement qu'il développe. "sustine et abstine" supporte et abstiens-toi, telle est bien l'idée développée ici par Henri de Régnier. L'écrivain du XXe siècle a emprunté à Baudelaire le recours aux symboles, mais se trouve bien éloigné de la philosophie du poète des Fleurs du mal qui conseillait à l'inverse "Soyez toujours ivre !"

 

 

"Le Bonheur " D'Henri De Régnier

Si tu veux être heureux, ne cueille pas la rose Qui te frôle au passage et qui s'offre à ta main ; La fleur est déjà morte à peine est-elle éclose, Même lorsque sa chair révèle un sang divin. N'arrête pas l'oiseau qui traverse l'espace ; Ne dirige vers lui ni flèche ni filet Et contente tes yeux de son ombre qui passe Sans les lever au ciel où son aile volait. N'écoute pas la voix qui te dit : “ Viens ”. N'écoute Ni le cri du torrent, ni l'appel du ruisseau, Préfère au diamant le caillou de la route ; Hésite au carrefour et consulte l'écho. Prends garde... Ne vêts pas ces couleurs éclatantes Dont l'aspect fait grincer les dents de l'envieux ; Le marbre du palais, moins que le lin des tentes, Rend les réveils légers et les sommeils heureux. Aussi bien que les pleurs le rire fait des rides, Ne dis jamais : Encore, et dis plutôt : Assez... Le Bonheur est un Dieu qui marche les mains vides Et regarde la Vie avec des yeux baissés. Henri de RÉGNIER (1864-1936) Vestigia Flammae

 

« Ainsi, La "rose" du vers 1, "l'oiseau" du vers 5, le "torrent" et le "ruisseau" du vers 10, le "caillou" et "le diamant " du vers 11 sontautant de symboles des tentations du plaisir.

Tous ces mots sont mis en valeur par leur place avant une pause, en fin de vers ouavant l'hémistiche.

Ils évoquent des tentations variées.

Ainsi, "la rose" évoque les plaisirs de la "chair" et de l'amour.

"L'oiseau"représente au contraire la tentation de la pensée rationnelle et métaphysique symbolisée par "l'espace" et "le ciel".

La "voix" du"ruisseau" et du "torrent" évoquent l'engagement dans des causes publiques et le diamant représente la richesse.

Toutes cesimages sont donc des métaphores évoquant des plaisirs éphémères auxquels Henri de Régner oppose la simplicité et le sens de lamesure.Le poète conseille en effet de préférer le simple "caillou" au "diamant" mis en valeur par une diérèse.

Il affirme aussi : Le marbredu palais, moins que le lin des tentes,Rend les réveils légers et les sommeils heureux.Ces deux vers associent l'idée de la légèreté et du bonheur pour l'opposer à la lourdeur et à la contrainte évoquées par le faste du"marbre" et de la puissance du "palais" qui symbolisent les richesses et les responsabilités politiques.Le poète rejette donc les séductions de la passion, de la richesse et de la puissance pour développer une idée personnelle dubonheur assez originale. La morale d'Henri de Régnier n'est pas formulée explicitement comme à la fin d'une fable de La Fontaine.

Sa philosophie apparaîttout au long du poème grâce à un jeu d'oppositions et de sonorités.La troisième strophe oppose ainsi à la rime "l'appel du ruisseau" à "l'écho".

Il conseille de ne pas écouter le premier mais deconsulter le second.

D'autres rimes opposent ainsi au long des strophes "filet" et "volait", " couleurs éclatantes" et "lin des tentes".Parfois, l'opposition réside à l'intérieur même du vers, c'est le cas dans le second vers de la dernière strophe qui résume lesconseils précédemment donnés dans les deux phrases suivantes :"Ne dis jamais : Encore, et dis plutôt : Assez..."Les deux adverbes expriment de manière très concise un idéal de modération et de tempérance.

Le poète refuse donc toutes lesformes d'excès, et explique ce choix dans la chute assez elliptique du poème :Le Bonheur est un Dieu qui marche les mains videsEt regarde la Vie avec des yeux baissés.Ces vers font écho à ceux de la première et de la seconde strophe:"ne cueille pas la rose […] qui s'offre à ta main ; […]N'arrête pas l'oiseau […] Et contente tes yeux de son ombre qui passe"Selon Henri de Régnier, l'idéal, marqué par les majuscules dans les mots "Bonheur", "Dieu" et "Vie" est donné au sage qui secontente de peu, alors que la multiplication des désirs entraîne une insatisfaction caractéristique chez "l'envieux" du vers 14. Ce poème, assez classique dans sa forme, l'est aussi dans l'idéal stoïcien de renoncement qu'il développe.

"sustine et abstine"supporte et abstiens-toi, telle est bien l'idée développée ici par Henri de Régnier.

L'écrivain du XXe siècle a emprunté àBaudelaire le recours aux symboles, mais se trouve bien éloigné de la philosophie du poète des Fleurs du mal qui conseillait àl'inverse "Soyez toujours ivre !". »

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